Black Cat - Kranz et Bardol - 2. sagesse

Jun 07, 2006 18:53

Titre: Confiance
Auteur: drakys
Fandom: black cat
Disclaimer: kentarô yabuki
Personnages: kranz et bardol
Rating: PG-13
Thème: 2. sagesse
Notes: c'est euh-- comme le miroir du précédent. alors soit je suis lâche et je manque d'inspiration, soit on peut dire que ça fait concept. (ah oui et merci sakoni, ta fic m'a motivée!)


Kranz ne sait pas ce qu'il fait sur le toit. Ou plutôt, il le sait très bien. Le vent sur son visage lui fait du bien, il y a si peu d'agitation sur le toit qu'il peut enfin penser tranquille sans une infirmière qui vient pour essayer de le bourrer de calmants aux dix minutes.

Et il ne sait même pas exactement où il se trouve, c'est terrifiant et excitant à la fois. Peut-être que de faire un pas en avant pourrait le tuer. Est-il même près du bord? Il fait un pas en avant, tâtant le terrain et réalise qu'il doit être encore loin.

Il s'immobilise et penche la tête sur le côté, juste un peu. Il écoute le vent et essaie d'entendre autre chose. Il y a des voix, peut-être, lointaines. Viennent-elles des bâtiments voisins? De la rue plus bas?

Il a envie de crier de rage, il n'est plus qu'un bon à rien, croit-il. Comment a-t-il pu affirmer avec autant de fermeté qu'il resterait un Chrono Number? Il est enfermé à jamais dans le noir, sans lumière pour le guider.

Il entend à peine la porte craquer quand elle s'ouvre et les pas sont étouffés par le recouvrement du toit et- Il serre la mâchoire, peu importe qui c'est, il ne fait même pas l'effort de dissimuler sa présence! Et le pire, c'est qu'il n'arrive pas à reconnaître ce pas!

Le numéro quatre reste immobile, fulminant intérieurement et essayant de n'en rien laisser paraître. Quel imbécile il fait, il est handicapé, il n'est plus rien, sa vie n'est plus qu'une blague ridicule. Il sent bien qu'on lui tourne autour et il veut arrêter l'importun.

Mais où frapper? Et s'il lève un poing et manque?

La blessure est déjà assez humiliante comme ça, il ne va pas en ajouter en ayant l'air stupide en bonus. L'autre s'éloigne sans mot dire et il le damne intérieurement. Il se damne intérieurement de ne jamais avoir fait plus attention au bruit des pas, aux odeurs des gens.

Mais comment pouvait-il savoir qu'il allait perdre la vue?

"Hey Kranz, t'as vu l'coucher de soleil comme il est beau?", lance une voix qu'il connaît trop bien, voix suivie du désagréable bruit de claquement de la bulle de gomme crevée.

Il ne répond pas à Bardol, poings serrés. Comment peut-il lui demander ça? Il a beau savoir que l'autre homme n'a jamais été connu pour son tact, mais comment peut-il oser lui demander ça? Il bout, furieux, incapable de répondre.

"J'te parle, j'ai dit-

- Je suis aveugle, pas sourd. J'ai très bien compris ce que tu as dit, sale dégénéré", réplique-t-il sèchement.

Il le déteste, même s'ils s'entendent bien, se sont toujours bien entendus parce qu'ils ont le même amour du combat dans le sang. Il le déteste encore plus en ce moment, parce qu'il croit savoir où il veut en venir et ça le dégoûte qu'il puisse avoir raison. Ou ce n'est pas ça qui le dégoûte pas, il se dégoûte lui-même. Infirme, rabaissé, invalide, diminué, complètement inutile, il n'est qu'une pâle moquerie du combattant qu'il était avant.

"Il y a toute une ligne d'orangé encore", commence Bardol sur ce petit ton qu'il prend quand il veut faire chier les gens.

Et Kranz s'en veut cruellement que ça marche si bien.

"Ça donne l'impression que les maisons sont en train de cramer. Ça fait plutôt joli. Et au-dessus, c'est plus comme rose, ou non tiens, rougeasse avec une touche de jaune là-dedans et il reste un paquet de strates bleues. Et mauves foncés qui virent lentement au noir. Et-

- Ta gueule", supplie Kranz en vain, enragé contre son partenaire, encore plus contre lui-même de se laisser atteindre pas ses mots.

"Sérieusement, il est bien ce coucher de soleil", insiste le numéro huit et peut-il vraiment sentir son regard, intense, sur lui comme il dit ces mots?

Non, il doit s'imaginer ça.

"C'est un des rares que j'ai vu aussi beau, mais faut dire que j'ai jamais vraiment pris le temps d'en regarder beaucoup.

- Ferme-là!", siffle le blessé, physiquement, psychologiquement.

Il y a un de ces courts silences, comme un avant une tempête et Kranz attend la vague qui doit l'engloutir, le noyer.

"Y'a tout un tas de trucs que j'aime voir en fait…", dit maintenant l'autre homme et la voix se rapproche. "Mais c'est vrai, ça doit t'irriter, hein? Que je puisse voir?"

Une main, un poing et une petite pression sur le côté de sa tête.

"T'as perdu tes yeux, que c'est triste", continue le numéro huit avec ce que Kranz imagine être une petite moue faussement attristée. "Mais tu serais vachement plus inutile si t'avais perdu tes deux jambes. Ou tes deux bras. Tu ferais comment avec Mars? Avec tes dents? T'aurais développé une super technique secrète pour mordre les gens?"

Cette fois, il la sent. Juste une petite, toute petite différence dans l'air et il lui agrippe le poignet. Il veut sourire, victorieux, mais se contient parce qu'il ne doit rien montrer. Il serre et serre et voudrait l'entendre pousser une seule plainte, mais il sait que c'est impossible et il le relâche.

"Qu'est-ce que tu essaies de dire?", demande-t-il alors lentement.

"Qu'est-ce que tu penses que j'essaie de dire?", réplique aussitôt Bardol et il voit presque son air suffisant, le sourire comme une insulte.

"Essaie pas d'être philosophe, tu as à peine assez de matière grise pour éviter de baver", siffle-t-il sèchement pour couper court à sa victoire.

Il entend une bulle de gomme éclater et ça l'irrite un peu plus. Il ne sait pas si l'insulte porte, mais elle lui fait du bien quand même. Pas beaucoup de bien, mais juste assez pour calmer un peu sa colère sourde et sa rage impuissante.

"Si t'es si faible, pourquoi tu veux rester un Chrono Number?", demanda finalement Bardol, avec toute la cruauté dont il est capable.

Le numéro quatre baisse la tête, serre les poings. Pourquoi? Pourquoi est-ce toi qui doit me demander ça? Il répond, machinalement, automatiquement, mettant de côté ses propres doutes et son incertitude et tout ce qui le blesse encore plus que d'avoir perdu la vue:

"Je ne suis pas-

- Oh, je sais", l'interrompt immédiatement Bardol. "T'es encore capable de te battre, c'est pas ça que j'veux dire", continue-t-il et est-ce qu'il entend vraiment un peu de confiance dans sa voix? "Tu vas rester un p'tit faiblard naze si t'es pas capable d'arrêter de chialer parce que tu vois plus rien!"

Il ose siffler un petit air victorieux, qui va en s'éloignant et Kranz sait que le numéro huit s'éloigne avec lui. L'aveugle doit faire une effort sur lui-même pour ne pas essayer de le poursuivre et l'étrangler ou l'assommer. Possiblement le second, histoire pouvoir le tirer ou le pousser au bord du toit et le laisser tomber dans le vide. Le bruit de son corps s'écrasant contre le sol plus bas aurait certainement eu quelque chose d'un peu réconfortant.

"Hey Kranz!

- Quelle autre leçon de morale tu as à me faire!?", réplique-t-il, acide.

Il entend une autre bulle de gomme qui éclate.

"Hm, moi? D'la morale?", fait remarquer Bardol, surpris de la supposition. "Pfft!", rigole-t-il une seconde. "...Mais quand t'auras fini de te jouer ton petit drame, tu sais où me trouver pour t'entraîner."

Il entend la porte craquer et claquer et reste enfin seul. Et il penche la tête, l'ombre d'un sourire aux lèvres. Ça ne va pas tellement mieux, mais ça ne va pas plus mal qu'avant. Il y a quelque chose d'encourageant à ce que Bardol ne le laisse pas tomber.

"Je peux pas croire qu'un débile pareil est capable d'un peu de sagesse."

(07 juin 2006)

b#2 sagesse, black cat

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