Dehors, il pleut - originale - fic #2

Apr 27, 2007 18:49



Elle ne l'appelle pas sa maîtresse, c'est beaucoup trop ridicule à ses yeux, ce n'est pas comme si elle était à ses ordres ou qu'elle lui devait quoi que ce soit. Elle ne l'appelle pas sa coloc' parce que ça insinuerait qu'elle paie un quelconque loyer pour rester là, qu'elle participe au financement de la bouffe et du chauffage, voire même qu'elle rembourse les factures de ce foutu téléphone qu'elle n'utilise même pas. Elle ne l'appelle pas son amie, parce que ça serait un peu hypocrite et qu'elle aime trop la sincérité pour s'y abaisser. Elle ne l'appelle pas son amour, elle ne l'appelle pas par son prénom - Amélie c'est bien trop moche -, en fait elle serait tentée de ne pas l'appeler du tout.

Pourtant, elle lui a donné un nom. Bon, ok, elle a un peu copié sur ce blanc-bec qui venait squatter de temps à autres et qui lui donnait du "mon coeur" à tour de bras. Elle a entendu qu'un jour qu'il avait ramené des potes avec lui, il l'a appelée "ma femme". Ca lui a plu, alors elle l'a adopté elle aussi.

Parce que c'est vrai qu'elles vivent un peu comme un couple. Alors qu'Amélie passe ses journées dehors à bosser bien plus que de raison, elle reste tranquillement à dormir dans le canapé, sous prétexte de lui réchauffer la place pour quand elle rentrera. Parfois Amélie s'attarde dehors, mais elle ne peut décemment pas lui en tenir rigueur, vu qu'elle a aussi le droit de partir se promener sans prévenir. Elles sont toutes les deux libres, notamment de découcher si ça leur chante, et d'ailleurs sa femme ne s'en prive généralement pas - pas plus qu'elle, surtout depuis que ce petit roux s'est installé dans le quartier.

La différence, c'est que parfois, Amélie ramène quelqu'un avec elle, très tard le soir, et que dans ces cas-là elle la prie gentiment de se trouver un autre lit pour la nuit. Oh, elle ne s'en formalise pas, elle comprend bien que c'est privé et que ça ne la regarde pas. Et puis, ça ne la dérange pas. Sauf quand il pleut, mais bon ça...

Seulement, ça fait quelques temps qu'elle sent une baisse de régime chez Amélie. Au début, elle se disait que c'était à cause de l'hiver, qu'elle aussi hiverne un peu en cette période, c'est normal, ça arrive toujours. Pourtant, ça fait maintenant quelques mois que ça dure et ça n'a pas l'air de s'améliorer. En fait, ça empire même, puisque ça fait, à vue de nez, au moins dix semaines qu'elle n'a ramené personne et qu'elle soupire au fond du canapé, quand elles passent la soirée à regarder tranquillement la télé. Et ça, ça ne lui plait pas. Amélie qui déprime n'est pas Amélie. Amélie a toujours un rire franc, des yeux pétillants, des gestes énergiques ou tendres, Amélie ne peut qu'avoir la pêche.

Et même si ça la démoralise de voir sa femme comme ça, elle ne peut rien faire, sinon la regarder dépérir en se frottant à elle pour qu'elle la caresse avec ce petit sourire qui lui réchauffe le coeur. Alors elle se couche de tout son long sur ses genoux, pose son menton sur sa cuisse, et se laisse gratouiller derrière les oreilles en fermant les yeux de plaisir. Même quand elle n'est pas heureuse, Amélie dispense plus de bonheur autour d'elle qu'une crêpe à la chantilly en plein hiver.

Il est vraiment tard quand elle entend les clés dans la serrure cette fois-ci. D'un air endormi elle lève la tête, observe le pas affairé de sa femme suivie par une brune un peu rondelette qui semble ne pas vouloir la lâcher. Le parfum qui envahit la pièce lui donnerait presque envie de vomir. C'est bien la première fois qu'elle ramène une fille à la maison, Amélie, mais ce n'est vraiment pas elle qui va s'en formaliser. Elle comprend bien vite qu'elle va devoir aller faire un tour dehors. Et vu la mine réjouie de sa femme, elle va même devoir y passer la nuit.

D'un bond grâcieux elle descend du canapé, se frotte une seconde aux jambes d'Amélie pour qu'elle n'oublie surtout pas de lui laisser une soucoupe de lait sur le perron, et d'un miaulement joyeux s'échappe par la fenêtre encore ouverte.

Ce qu'elle n'a pas prévu, c'est qu'il pleut des cordes.

Et merde.

Ventre à terre, elle court se réfugier dans la véranda de la voisine, le poil hérissé et la queue basse. Tant pis pour les quelques gouttes d'eau qui lui donneront l'air d'un chat d'égoût pendant une heure, si c'est la seule façon qu'elle a d'aider son Amélie, ça ne l'empêchera pas de ronronner de bonheur ce soir.

fandom : original, theme : dehors il pleut

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