14 décembre 2009 - je vais bien, ne t'en fais pas - saint seiya

Aug 01, 2015 17:06

Titre : Une lutte sans adversaire
Auteur : Alaiya666
Jour/Thème: 14 décembre 2009 - je vais bien, ne t’en fais pas
Fandom : Saint Seiya - UDC!verse
Personnages: Angelo (Shura)
Rating: PG
Nombre de mots: # 1800
Disclaimer: Masami Kurumada
Participation au vote de fin de mois : non
Note : UDC!verse - Séquelle - se déroule en 2010, six ans après la fin d’UDC.

L’occasion s’était présentée d’elle-même, pile au bon moment, même si elle avait été difficile à saisir :

« Tu ne viens pas ? »

Shura s’était étonné, à juste titre. Depuis cette première fois qui leur avait servi de leçon à tous les deux, ils s’étaient promis, à l’autre comme à eux-mêmes, de ne plus réitérer l’expérience. Trop difficile lorsque l’absence se retrouve affublée d’un “A” majuscule qu’il n’est alors pas possible de ramener à des proportions plus acceptables. Angelo l’avait depuis lors toujours accompagné et il ne leur était plus venu à l’esprit qu’il pût en être autrement.

« Si je ne me rends pas au Sanctuaire très vite, les appels du pied d’Aldébaran risquent de devenir très insistants. Et je n’ai pas particulièrement envie de tâter de sa semelle, si tu vois ce que je veux dire. »

L’excuse n’était pas si mauvaise, en ce qu’elle recelait quelque justesse à laquelle Angelo avait de toute manière prévu de sacrifier. Il était censé se préoccuper de l’avenir de son apprentie et le chevalier du Taureau mettait un point d’honneur à le lui rappeler aussi souvent que possible. Trop souvent du point de vue du Cancer qui savait aussi que l’avantage conféré par la patience n’était pas, et ne serait jamais de son côté.

« Faut que je vois où en est la gosse. Ca m’étonnerait qu’elle ait beaucoup progressé mais on ne me foutra la paix qu’une fois que je l’aurais acté avec fiche d’évaluation, signature de ton serviteur et contre signature de notre Pope bien-aimé.
- Pour recommencer dans trois mois.
- Oui, mais ce sera toujours trois mois de tranquillité. »

S’il était resté à l’Espagnol un ultime doute, il n’en avait pas fait part néanmoins, et il s’était envolé pour la Suède afin de compléter sa collecte de données en prévision d’un article sur l’histoire des prix Nobel qu’il préparait depuis plusieurs semaines. Angelo l’avait accompagné à l’aéroport, lui-même pourvu de son propre sac de voyage, son vol pour Athènes décollant deux heures plus tard. Ils avaient bu un café, promis de s’appeler, échangé un dernier regard qui valait pour un baiser et depuis sa propre salle d’embarquement qu’il avait rallié aussi sec, l’Italien avait regardé l’avion d’Iberia décoller.

A ce moment-là, ses jambes avaient failli lui manquer et la nausée, en passe de devenir familière, avait menacé de le propulser vers les toilettes. Alors il s’était assis - laissé tomber serait plus juste - sur le siège le plus proche et le visage dans les mains, avait laissé refluer l’espèce de soulagement honteux qui, dans l’élan de ce qui a été trop longtemps bridé, avait été sur le point de le vriller comme le pantin qu’il était en train de redevenir.

L’idée aurait pu lui tirer une grimace s’il n’avait pas été trop épuisé pour la chasser, et il l’avait laissé s’étoiler dans son esprit, ramifiant chacune de ses pensées jusqu’à leur couper toute retraite. Il aurait pu le prévoir. Il aurait dû le prévoir.

Et maintenant, il était trop tard.

* * *
Deux heures du matin. D’un œil morne, Angelo contempla le lit dont les plis de la couverture tombaient, impeccables, jusqu’au trois-quarts des épais pieds en bois du vieux sommier, avant de lui tourner le dos une fois de plus et de retourner dans le salon où le vénérable fauteuil de cuir du Capricorne l’accueillit avec un soupir résigné.

Il aurait dû aller se coucher depuis longtemps. Tout son corps le lui criait, son corps à qui il refusait toute concession au repos depuis qu’il était arrivé au Sanctuaire. Somnoler, la nuque cassée en deux sur le fauteuil, d’accord ; aller se coucher, pour dormir, pas d’accord. Trop de cauchemars.

Il avait réussi, par un miracle qu’il ne s’expliquait toujours pas, à tromper Shura au sujet de ses nuits qu’il avait lui-même qualifiées de “compliquées” avec le sourire lumineux de circonstance pour rassurer l’autre homme qui n’avait pas manqué de noter son agitation dans son sommeil, ses réveils intempestifs et ses insomnies pour le moins inhabituelles, ou du moins qui l’étaient devenues. Quelques vieilles blessures qui se rappelaient à son bon souvenir en ces jours humides d’automne ; un ou plusieurs cafés trop corsés et surtout trop tardifs que son organisme de quarante ans passés gérait a priori moins bien que celui moitié moins âgé qu’il avait été ; des mauvais rêves, oui, sûrement, mais il ne s’en rappelait pas et de toute manière ils n’avaient vraiment “rien à voir avec ceux d’avant, tu penses bien” : tout autant d’excuses qui avaient eu le chic d’une efficacité certes inattendue mais bienheureuse. Mais plus que le poids du mensonge, c’était celui de la culpabilité qui bientôt l’avait rattrapé : ils s’étaient juré de plus jamais rien se cacher. Le Cancer savait que parmi toutes les choses qu’il aurait pu trouver à taire, celle-ci ne devait en aucun cas en faire partie ; or il était très exactement en train de procéder du contraire.

D’un doigt distrait, il suivit la bordure droite mais douce d’un livre resté sur le guéridon à côté du fauteuil, dont la couverture en cuir épais et le bord des pages jaunis sous la lampe à l’ampoule fatiguée dénotaient de l’ancienneté. Sans doute un volume que le Capricorne avait emprunté à l’antique bibliothèque du palais ou qu’il s’était fait prêter par Mü ; dans tous les cas, Angelo n’avait pas pour intention de prendre connaissance du titre et encore moins du contenu. Savoir que Shura l’avait lu ou projetait de le lire lui suffisait. Tout comme lui suffisait tout ce qui l’entourait en cet instant à savoir ses affaires, ses meubles, son espace et son temple. Ne pourrait-il réussir à dormir ici, après tout ? La porte de la chambre était restée ouverte derrière lui, il le savait, la lumière du chevet qu’il avait allumée tantôt traçant une invite chaleureuse dans la pénombre qui l’en séparait. Et redescendre jusqu’à son propre temple était exclu.
Il s’était douté qu’une fois seul, fût-ce au cœur du Sanctuaire, ce qu’il avait réussi à maintenir tant bien que mal à distance au cours des dernières semaines lui tomberait dessus à bras raccourcis ; il n’avait pas imaginé cependant que ce fût avec une telle violence. Le premier cauchemar lui avait tiré un cri, il en était sûr : en ouvrant les yeux, il avait entendu l’écho de sa propre voix en train de mourir entre les murs de sa chambre. Quant au second… Bien malgré lui, l’Italien baissa les yeux sur ses mains. Propres et nettes en dépit de ses ongles fraîchement rongés, elles ne tremblaient pas. Ou à peine. Seule la cicatrice à son pouce gauche tranchait sur sa peau mate, rouge et irritée d’avoir été trop grattée.

Les cauchemars s’étaient succédé, par vagues, jusqu’à ne lui laisser aucun répit. Il les avait affrontés plus que son content autrefois ; mais jamais ils ne s’étaient montré aussi virulents et acharnés dans le désir de son subconscient de le confronter à ses actes et à lui-même. A moins que ce dernier, enfin libéré de la discipline imposée par le Cancer - au prix d’un véritable effort qui avait tout de physique - pour ne rien laisser transparaître dans son cosmos que Shura eût pu déceler, n’eût décidé de rattraper le temps perdu. Ou plus exactement le temps que l’Italien avait cru pouvoir effacer.

L’oppression, si prégnante la nuit, avait fini par s’imposer même le jour au point que le Cancer n’avait eu l’impression de pouvoir respirer à peu près normalement qu’à partir du moment où il s’était trouvé hors des murs de son propre temple. Et plus encore que sa propre conscience, il lui avait semblé que son corps tout entier l’avait alors poussé, irrépressible, à rassembler ses affaires pour migrer quelques centaines de marches plus haut.

Cependant, s’interroger sur le repoussoir inexplicable qu’était soudain devenu pour lui la quatrième maison exigeait, pour l’heure, un effort de sa part auquel il n’avait pas l’énergie de consentir : il était fatigué.

Oui, c’était ça : fatigué. Le mot lui tordit la bouche et lui serra la gorge tout à la fois, comme il se rappelait soudain ce qu’il avait signifié quelques années plus tôt pour celui dont il partageait aujourd’hui la vie. Mais ce qu’il avait refusé d’entendre alors prenait à présent une tournure qu’il pouvait appréhender. Sauf qu’il n’était pas sûr de vouloir comprendre. Et qu’il était certain que Shura, lui, s’y refuserait tout net.

Dire qu’il avait cru semer son destin. Quelle connerie. Il n’avait pas voulu savoir, lui, pendant que les autres s’interrogeaient tant et plus au sujet de ce que Shion avait volé de leurs existences. Il n’avait pas cherché, ne s’était pas interrogé. Pour quoi faire ? Pour quoi défaire ? Savoir ne changerait rien à ce qui était. Tout ce qu’il lui restait à accomplir qui fut de son fait était de vivre une vie qui fût la sienne et non celle qu’il avait fallu qu’elle fût au nom d’intérêts supérieurs prompts à la rendre insupportable pour quiconque qui n’eût pas été lui. Alors c’était ce à quoi il s’était employé. Avec énergie. Avec volonté. Avec abnégation. Et avec tout l’amour dont il s’était cru incapable pendant longtemps, l’amour qu’il recevait et donnait chaque jour, sans qu’il semblât être possible que son flot pût un jour se tarir.

Mais cette vie-là n’était pas pour lui. Elle ne l’avait jamais été. Elle ne devait pas être.

S’en serait-il rendu compte un jour, sans pour autant croiser la route de la fille d’Alessandro Baldassari ? Probable, oui, mais peut-être n’aurait-il pas eu le temps de réaliser. L’instant d’avant, il aurait été vivant, celui d’après, mort, et rien entre les deux pour faire souffrir Shura. Son poing gauche se ferma, l’ongle de son index s’en venant racler la cicatrice dont la sensibilité exacerbée fit courir une onde de douleur bienfaisante le long de son bras. Contre ce qui allait se produire, il ne pouvait rien. Personne ne pouvait rien. Arriverait ce qui devait arriver sans que qui ou quoi que ce fût pût se mettre en travers. Parce qu’il devait en être ainsi, au nom de rien d’autre que ce qui faisait tourner le monde. Et peu importait de quoi il s’agissait.

En tournant sur l’accoudoir, son poing serré accrocha la lumière pâle de la lampe qui glissa sur l’anneau de platine à son annulaire. Le métal n’aurait sans doute pas le temps de se ternir, finalement. Ou au moins un petit peu, si la chance ne l’abandonnait pas tout de suite. La chance…

Le grésillement précéda l’obscurité, et le filament de l’ampoule ne demeura incandescent que le temps pour Angelo de lever les yeux vers lui, avant de s’éteindre définitivement. Et sur sa chance perdue, soudain, il eut envie de pleurer.

aout 15, saint seiya

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