Titre : Palais maudit
Auteur : beck_on_ice
Jour/Thème : 16 aout/Palais maudit
Fandom : Original
Personnage : Pas vraiment...
Rating : PG
Disclaimer : ©moi
Participation au vote de fin de mois: Yup
Dans les poignées ouvragées des améthystes incrustées, depuis longtemps sans éclat. A la place de fenêtres, des vitraux de saints extatiques souillés. Des morceaux de marbre beige aux pieds des escaliers comme des gisants revenus d’une marche de plusieurs siècles. A l’intérieur des penderies des étages, des robes à l’étoffe silencieuse sans souvenir du contact de la chair. Des terrasses branlantes réduites à douter de leur domination du monde. Au-dessous, des jardins à l’herbe jaune et rêche sans intérêt même pour les insectes. Des haies taillées autrefois en biches gracieuses mutées en chimères cauchemardesques sous la garde sentencieuse et grave de remparts sans fin. Un palais sans but, un palais sans âme, un palais où il devenait tellement facile de projeter ses pensées latentes que l’air prenait consistance poisseuse des espoirs sans fondement. Ses pensées à lui, ses espoirs à lui.
Il avait oublié depuis combien de temps il vivait là. Parfois de brusques accès de nostalgie le prenaient comme des crises et il voyait les lieux comme ils étaient avant la chute. Il ne savait alors pas s’il inventait pour combler la solitude ou s’il avait réellement connu ces heures de gloire. Aussi loin qu’il se souvienne il n’avait pas besoin de manger ou de dormir. Il y avait une chaise dans l’une des chambres, à peine confortable. Tout le velours s’en était détaché et agonisait sur les pierres comme des tas de poussière d’un pourpre obscène. Il s’y était assis un jour, la veille ou cent ans auparavant, dans un état de stase qui sublimait son front, ses pommettes et la ligne de son cou. Le reste de son corps n’apparaissait plus qu’à travers une forme trop simplifiée depuis qu’il avait arrêté d’en avoir conscience, qu’il avait oublié le pouvoir humain du mouvement. Seule la tête cachée par son visage vivait encore pleinement, dans la seule action désespérée de peupler l’espace autour de lui.
Quand les apparitions se manifestaient, cela commençait toujours par un éclat de rire qui traversait le mur de la chambre, suivie par un corps majestueux et solide, tellement plus solide que lui. Les talons claquaient sur la pierre froide, les tentures renaissaient de leurs cendres et les spectres eux-mêmes semblaient sensible au miracle puisqu’ils jouaient à s’en parer et tournoyaient autour de lui comme des danseurs de boîte à musique. A l’extérieur les remparts retournaient chercher asile dans la matrice de la terre, ne laissant pour trace de leur passage qu’un mince filet de graviers. Il aurait alors tout donné, lui qui n’avait rien, pour être capable de se lever à nouveau, de coller son être à la fenêtre et de voir ce qu’il y avait au-delà. Mais le temps que cette pensée se manifeste il était déjà trop tard, le moment n’existait plus, le palais tout entier retrouvait sa nature morte. Il ne restait plus que lui, qu’un léger souffle de vent sans origine, que le remords d’une grandeur passée. Et, ceinturant le palais dans une étreinte sensuelle, les remparts se dressaient à jamais inébranlables.