Titre: Les prières des anges
Auteur: drakys
Jour/Thème: 30 mars/ange + fandom rare
Fandom: aquarian age: juvenile orion
Personnages: tomonori et tsukasa, gabriel et son mind breaker
Rating: PG-13
Disclaimer: broccoli, sakurako gokurakuin
Participation au vote de fin de mois: non
Notes: spoilers étalés plus ou moins sur les cinq volumes du manga. x-post sur
6variations "Tu as l'air pensif", fait remarquer l'homme aux cheveux foncés.
Il est debout derrière lui depuis un long moment déjà, son visage reste caché dans l'ombre. Il finit par s'accroupir à ses côtés pour lui faire une petite remontrance au creux de l'oreille.
"Pourtant, tu sais qu'il est heureux maintenant.
- Il a tant souffert", murmure Gabriel en retour, les yeux perdus dans un coin du ciel qui est peut-être moins bleu que les autres. "Israfel", poursuit-il en repoussant une longue mèche de cheveux pâles derrière son épaule. "J'espère que tu seras oublié, que plus jamais on ne t'enchaînera."
Son Mind Breaker lui tend la main en se relevant d'un mouvement souple, sourire aux lèvres.
"Les prières des anges sont-elles plus souvent écoutées que celles des hommes?"
***
Il pleurait, il pleurait, il pleurait. Les larmes brûlaient son visage, brûlaient son âme bien plus encore et peu importait le sang sur son dos. Peu lui importait l'aile arrachée et la souffrance physique. Il ne voyait que le sang sur ses mains, que les larmes rendaient flou sans vouloir l'effacer, mais il les revoyait clairement, eux.
Les humains, les humains en sang, les humains morts par sa faute.
Pourquoi?
"Je ne voulais pas, je ne voulais pas", répétait-il dans sa prison de larmes et de sentiments. "Je ne veux tuer personne", pleurait-il sans personne pour le réconforter ou pour lui dire que ce n'était pas sa faute, qu'on l'avait manipulé.
Et ses mains serraient l'aile restante sur son dos. Elles serraient cette blancheur parfaite comme irisée d'une lumière pure. Elles serrèrent plus fort et plus fort encore et il l'arracha en hurlant, cette autre aile qui faisait de lui l'esclave des autres.
"Je ne veux tuer personne", pleura-t-il encore en s'effondrant dans son sang et dans ses larmes.
On lui avait pris sa liberté et sa volonté, mais ses sentiments, on ne les lui avait pas enlevés et c'était pour cette raison qu'il pleurait maintenant. Parce qu'il ne lui restait plus que la culpabilité et les remords, maintenant que les chaînes qui le contrôlaient avaient cédé.
***
Tsukasa n'aime pas ces cauchemars qui le laissent toujours presque écrasé de tristesse. Il sait que celui de son rêve et lui-même ne font qu'un, même si au réveil cette certitude se dissipe. Il n'aime pas les cicatrices dans son dos, sans se rappeler à quoi elles sont dues.
Quand il étend les ailes blanches qui lui restent de chaque côté de sa tête, il n'en voit pas la beauté et il n'aime pas la douce chaleur qui l'envahit. Il ne veut pas que Tomonori-san sache ce secret, le jeune prêtre le chasserait. Il n'est qu'un monstre blessé, une créature déchue qui devrait disparaître.
Tomonori-san, lui qui fait partie de Wiz-dom, il ne verrait en lui qu'un démon, une créature maléfique qu'il faut abattre avant qu'elle ne s'attaque aux humains qu'il protège. Ce serait un sort mérité, Tsukasa le sait parce que c'est ce que ses cauchemars lui révèlent chaque nuit.
Aussi, il ne lui dit rien de ces bribes de souvenirs qui le réveillent et l'empoisonnent chaque nuit en lui perçant le cœur. Mais quand il n'arrive pas à se rendormir, il va le rejoindre et lui demande, horriblement gêné, s'il peut passer la nuit avec lui.
Et jamais Tomonori-san ne lui dit non. Le jeune prêtre ne le force pas à parler des cauchemars et l'invite à entrer avec un sourire. Il se relève pour prendre dans l'armoire un second futon et il déplie les couvertures et il lui donne un oreiller.
Tsukasa lui est reconnaissant de ne rien demander. Quand il l'entend respirer doucement après qu'ils aient échangé quelques mots, quand il sait que Tomonori-san dort paisiblement à ses côtés, il est enfin capable de se risquer à se rendormir et rêver à nouveau.
***
Il était dans une geôle de glace, prisonnier dans son propre corps. Sur ses lèvres, il n'y avait pas la chaleur d'un sourire. Dans ses yeux vides, il ne filtrait rien des sentiments qui bouillonnaient en lui, menaçant, mais ne réussissant jamais à le submerger. Il était couvert de sang et parfaitement stoïque, toisant la créature faite de colère et de rage de son regard fixe et sans éclat.
"Un Darklore", ses paroles étaient dépourvues de toute émotion.
Ce n'était qu'une autre mort à ajouter aux autres. Il voulait pourtant pleurer et il ne pouvait pas. Il voulait crier, mais il en était incapable. Quand le démon lui arracha une aile, les chaînes éclatèrent: chaque maillon brûla pour le libérer enfin. Forme prostrée et misérable sur le sol, le dos de son manteau blanc s'imbiba rapidement de sang. Malgré la douleur terrible, il arrivait enfin à penser clairement.
La première fois depuis si longtemps.
Et les morts, il repensa à toutes les morts dont il était la cause.
Les cris et les pleurs hystériques de la fillette le secouèrent jusqu'au plus profond de lui. Il avait pris ses parents, il avait détruit ce qui lui était cher, il ne méritait pas de vivre plus longtemps. Il releva la tête, ses propres larmes nettoyant des chemins clairs sur sa peau couverte de sang et de la poussière soulevée pendant le combat.
"Je suis désolé", murmura-t-il en pleurant. "Je suis désolé, désolé, oh, qu'est-ce que j'ai fait?"
Les larmes ne s'arrêtaient plus, pourtant aucune ne semblait vouloir naître pour le laver de ses crimes. Il resta immobile, même si les autres avec lui l'imploraient de fuir. Il entendait leurs suppliques inquiètes, mais restait sans bouger.
Il leva ses yeux mouillés vers le démon qui lui avait pris une aile, qui lui avait rendu la liberté. Une liberté qui ne valait rien, une liberté qui ne lui rendit que la force de pleurer. Il lui offrit sa propre prière.
"Tuez-moi, je vous en prie, tuez-moi. Je ne voulais pas…"
Des bras s'emparèrent de lui avec force et il ne se défendit pas, ni quand on le souleva, ni quand les autres Effaceurs l'éloignèrent.
"Qu'est-ce que vous m'avez fait?", demanda-t-il. "Je ne voulais faire de mal à personne."
Le démon et la fillette devinrent tout petits sous lui, comme les ailes des autres battaient rapidement pour le sauver. Les ailes battaient furieusement, sans que personne ne daigne lui répondre.
***
Il étend ses ailes et avoue son secret, parce que de supporter le regard triste de Tomonori-san est beaucoup trop dur. Il étend ses ailes, parce que Tomonori-san lui a rappelé le plus important.
"Tsukasa, cela fait deux ans depuis que je t'ai trouvé pendant ce jour pluvieux."
Il s'en souvient très bien, la pluie mêlée à ses larmes ou l'inverse, le froid qui le gèle jusqu'aux os et celui qui alourdit déjà son âme. Tsukasa s'en souvient très bien, une voix, un regard, des mains douces et chaudes qui vérifient la gravité de ses blessures. Des bras forts qui le soulèvent sans peine et des paroles réconfortantes.
Il s'en souvient, du sourire surtout. De ce sourire que Tomonori-san n'a plus à cause de lui.
"Tu avais perdu la mémoire et je n'étais qu'un orphelin", continue le jeune prêtre avec son expression douce mêlée de tristesse. "Ensemble, nous sommes devenus une famille."
Les larmes sur son visage, Tsukasa ne peut les arrêter après avoir fait apparaître ses ailes. Ses doigts s'enfoncent dans ses bras et il évite le regard du jeune prêtre, trop effrayé de voir sa colère. S'il l'avait regardé, il aurait vu une seconde de surprise suivit d'un sourire radieux.
"Je suis désolé de te l'avoir caché", murmure-t-il et ses doigts s'enfoncent plus fort. "Je crois que c'est…", la honte l'étouffe et il n'est pas immédiatement capable de continuer. "Que c'est ce que je suis. Je n'ai ni passé, ni souvenirs et je ne suis même pas humain…"
Tomonori-san l'écrase contre son cœur avant qu'il puisse s'excuser encore, encore et encore d'être une créature aussi odieuse. Sa voix est toute proche et sa chaleur est réconfortante, quand il lui dit doucement:
"Tu es un ange que dieu m'a envoyé."
Tsukasa voudrait ne plus pleurer, mais les larmes ne s'arrêtent pas. Il répond à l'étreinte et ses doigts cette fois s'enfoncent dans le dos du jeune prêtre.
"Tomonori-san", murmure-t-il tout contre lui.
Les bras se resserrent un peu plus et Tsukasa comprend enfin. Il ne sera plus jamais seul face aux cauchemars ou au poids des souvenirs. Pour cet humain, il n'est pas Israfel l'Effaceur, il est Tsukasa Amou.
Il est sa famille.
***
"Les prières des anges sont-elles plus souvent écoutées que celles des hommes?"
Gabriel lève les yeux vers l'autre homme et son sourire lui paraît mi-moqueur, mi-tendre. L'Effaceur tend le bras et quand sa main se referme dans celle de son maître, il ne lui répond rien.
"Tu voudrais que j'exauce ton vœu?", demande l'humain en l'aidant à se relever.
Leurs mains restent l'une dans l'autre quelques secondes de trop et leurs doigts s'effleurent avec une signification qui n'est évidente que pour eux avant de se séparer. Gabriel secoue la tête et l'autre homme insiste, sourire joueur aux lèvres.
"Tu sais qu'avec mon pouvoir, il me serait terriblement facile de tout effacer!
- Quand tu parles comme ça, je ne sais jamais si tu es sérieux ou si tu te moques de moi."
Un éclat de rire et le Mind Breaker se détourne et s'éloigne d'un pas parfaitement nonchalant, mains dans les poches. Gabriel tourne une dernière fois son regard vers le ciel, sans y lancer de dernière prière, avant de le rejoindre, celui qu'il ne peut ou ne veut plus quitter.
"Le ferais-tu vraiment?
- Ah, Gabriel, tu sais bien que tout ça ne m'intéresse pas."
(26 mars 2007)