Le goût de la liberté

Mar 14, 2010 13:38

Titre : Le goût de la liberté
Genre(s) : Romance, boy's love
Rating : NC-17
Thème : # 17 - Liberté

Auteur : headmaze
Résumé de l’histoire : Lucas et Philippe passeront l’été sur un bateau, laissant derrière eux les responsabilités, les angoisses et les incertitudes de la vie. Et le vent dans leurs cheveux, l’eau turquoise sur leur peau, le sel sur leurs lèvres, leur feront découvrir le goût exquis de la liberté.


Le soleil était tout juste un peu au-dessus de la ligne d’horizon, faisant miroiter son éclat doré à la surface de l’eau bleue. La mer était calme. Seul le bruit des petites vagues clapotant contre la coque des bateaux brisait le silence dans le port encore désert. Les yeux bouffis de sommeil, Lucas marchait lentement sur le quai, un gobelet de café chaud dans la main. Il se sentait si paisible, en ce moment, le regard perdu là-bas, au loin, là où le ciel embrassait la surface de la mer turquoise. Un sourire étira ses lèvres lorsqu’il songea qu’ils y seraient bientôt. Enfin libres.

Il tourna vivement la tête en entendant une voix familière briser le silence matinal. Son sourire s’étira encore un peu et il fit quelques pas vers Philippe, son meilleur ami de toujours.

-         Salut, cap’taine!

-         Bon matin, Lucas! Tu es prêt?

-         Toujours prêt!

Lucas accompagna sa remarque d’un geste de boy-scout et ils échangèrent un éclat de rire complice. C’était le début des vacances d’été. Ils venaient d’obtenir leurs diplômes d’études secondaires. Dans la petite ville portuaire où ils vivaient, deux options s’offraient alors à eux : partir à des kilomètres pour fréquenter une université ou rester là, en espérant trouver un emploi de pêcheur, de poissonnier ou, s’ils avaient de la chance, guide touristique. Ils avaient évidemment opté pour l’université, mais la candidature de Philippe n’avait pas été retenue et dans quelques mois à peine, ils devraient se séparer. Ne pas savoir exactement ce qui les attendait à l’automne avait fait naître un sentiment d’angoisse dans leurs veines, qu’ils avaient hâte de laisser derrière. En attrapant le sac à dos qu’il avait laissé un peu plus loin sur le quai, Lucas se dit qu’ils avaient bien fait d’organiser cette escapade en mer. Ils n’avaient pas l’intention de revenir avant la fin de l’été et la perspective de passer deux mois en mer avec Philippe avait un goût excitant de liberté.

Alors qu’ils montaient à bord du petit navire, la lumière vive du petit matin éclairait leurs silhouettes d’adolescents. Lucas était plutôt petit, mais avec des épaules solides et un corps athlétique. Il avait le teint clair, les cheveux chocolat et les yeux bleus. À côté de lui, Philippe avait presque l’air d’un géant. Un géant élancé, la peau bronzée, les yeux noirs et beau comme un dieu. Il avait de longs dreadlocks qu’il gardait toujours attachés et ses oreilles étaient percées. Il n’était pas tout à fait le genre d’ami que la mère de Lucas aurait préféré pour son fils, mais comme tout adolescent qui se respecte, Lucas avait mieux à faire que d’écouter sa mère.

Ils mirent un moment pour descendre leurs sacs dans la cabine, vérifier que tout était bien en ordre, que le réservoir d’essence était plein, et bientôt le Calypso II quitta le port dans un vrombissement de moteur. Le vent dans les cheveux, Lucas prit une grande bouffée d’air frais et sentit un sentiment exaltant envahir son corps. Ils étaient enfin libres, filant comme le vent, sans responsabilités à respecter, sans compte à rendre à personne, sans personne pour leur dicter ce qu’il fallait ou ne fallait pas faire. Levant les poings dans les airs, il poussa un grand cri de bonheur qui déchira le silence matinal. Il se sentait heureux, prêt à exploser. Il tourna la tête et vit que Philippe riait silencieusement, secouant la tête devant un tel spectacle. Il pouvait bien se moquer, ça lui était égal. Tout ce qui comptait en ce moment, c’était cet incroyable sentiment de liberté qui pulsait dans ses veines. Il rejeta la tête en arrière, souriant au ciel.

Ils étaient en mer depuis plusieurs jours déjà et la routine s’était installée. Lorsqu’ils se réveillaient, ils prenaient le petit déjeuner au grand air, passaient la majeure partie de l’avant-midi à discuter, allumaient le moteur pour aller dîner dans le premier restaurant qu’ils trouvaient dans le port le plus proche, passaient l’après-midi au soleil, à découvrir les attraits locaux de la ville où ils avaient débarqué, puis retournaient en mer pour voir le soleil se coucher à l’horizon. Pour passer le temps, le soir, ils faisaient parfois une partie de cartes, ouvrant pour l’occasion deux bouteilles de bière bien froides, ou fumaient un joint en se racontant des âneries.

Si les matins étaient plutôt frais lorsqu’ils avaient quitté le port de leur ville natale, les journées s’étaient vites réchauffées. Lorsque le vent tombait, comme ce jour-là, la température devenait rapidement synonyme de canicule. Avachis sur le pont, la peau luisante, les deux garçons avaient jeté l’ancre et abandonné l’idée de débarquer dans la prochaine ville de leur itinéraire improvisé. S’il faisait chaud en mer, c’était forcément pire sur terre. Lucas retint son souffle lorsque Philippe se leva soudainement, un sourire narquois sur les lèvres, pour retirer son t-shirt. En deux temps trois mouvements, il se retrouva en caleçon et sauta par-dessus bord dans une gerbe d’éclaboussures.

Lucas bondit sur ses pieds en riant, juste à temps pour voir Philippe émerger de l’eau claire, la tête renversée en arrière, des gouttes d’eau glissant sur sa peau, en poussant un râle de plaisir. Il n’en fallut pas plus pour convaincre Lucas, qui se dévêtit précipitamment à son tour. Il hésita un moment avant de sauter ; il avait toujours eu une peur irraisonnée des requins. Mais le sentiment de liberté lui gonfla à nouveau les veines et il s’élança en poussant un cri de joie. Dès que son corps entra dans l’eau turquoise, il sentit comme un courrant électrique lui traverser le corps. C’était tellement bon… Après les heures qu’ils venaient de passer dans la chaleur étouffante de l’après-midi, la fraîcheur de l’eau sur sa peau brûlante était tout simplement grisante. Il tourna les yeux vers Philippe et se mit à rire lorsque celui-ci l’éclaboussa volontairement, donnant le feu de départ d’une bataille navale impitoyable.

Après avoir recraché une quantité impensable d’eau salée, Lucas finit par demander forfait sous le regard triomphant de son ami. Il se hissa sur le bord du bateau pour s’y asseoir, laissant pendre ses pieds dans l’eau, pendant que Philippe continuait de nager comme un poisson dans l’eau. Lucas le suivit du regard en souriant, jusqu’à ce qu’il se décide enfin à quitter la froide étreinte de l’eau. Lorsqu’il hissa son corps élancé hors de l’eau, son caleçon trempé moulant avec force détails son sexe et ses fesses, Lucas se sentit rougir et se força à détourner le regard. Il s’y était quand même attardé un peu trop longtemps et un début d’érection témoignait de l’effet que cette vision avait eue sur lui. S’efforçant de calmer ses hormones, il attrapa une serviette qu’il entoura autour de ses hanches pour ne pas que Philippe remarque son état embarrassant.

Le soleil finit par se coucher, le vent s’était à nouveau levé, et la soirée se passa comme toutes les autres. Ils avaient bu un peu et joué longtemps aux cartes, sur le pont, sous les étoiles qui brillaient par milliers. Puis ils étaient allés se coucher et Lucas avait réalisé pour la première fois combien le lit qu’ils partageaient était étroit. Il s’était efforcé de garder la tête froide et s’était endormi sans y être réellement parvenu.

Au petit matin, il s’était réveillé lorsque la chaleur de Philippe avait quitté le lit. Il avait ouvert les yeux juste à temps pour le voir sortir de la cabine et avait senti le rouge lui monter aux joues en réalisant qu’il s’était réveillé avec une érection pas possible. Philippe l’avait probablement remarqué, mais il repoussa cette pensée dans un coin de son esprit et plongea la main sous l’élastique de son boxer pour se soulager. Depuis qu’ils étaient sur ce bateau, il n’avait pas eu une minute à lui pour ce genre de plaisirs égoïstes. Pas étonnant que ses hormones se soient mises à déconner. Pourtant, au moment de jouir en silence, il ne put empêcher l’image de Philippe se hissant hors de l’eau d’émerger à nouveau dans son esprit.

Il paressa un moment, profitant de l’apaisement éphémère de l’orgasme, puis se leva avec un soupir. Il enfila rapidement un bermuda et un t-shirt, rangea son boxer dans le sac de vêtements qu’il prévoyait laver lors de leur prochaine visite en ville et sortit sur le pont. Philippe était là, assis au bord du bateau, fixant l’horizon, tirant sur le joint qu’il avait entre les lèvres. Lucas l’avait rarement vu fumer de si bon matin, mais l’envie fut contagieuse et il s’approcha sans bruit. Ils échangèrent un regard pour simple bonjour et Philippe sourit en voyant Lucas porter le joint à ses lèvres pour aspirer une bouffée d’herbe. Dès qu’il commença à ressentir les effets étourdissants de la drogue, il redonna le joint à son ami, qui l’écrasa contre la rambarde pour l’éteindre. Un sentiment de liberté revint battre dans ses veines et il se sentit excité à l’idée d’explorer une nouvelle ville côtière.

-         Où on va, aujourd’hui?

-         Il y a une petite ville portuaire, pas trop loin. Sinon, à quelques kilomètres, il y a une plus grande ville, si tu préfères.

-         Oui, on y va!

-         Ok. On en profitera pour faire quelques courses.

Effectivement, ils n’avaient plus beaucoup de choix pour manger, mais ils se contentèrent avec plaisir de tartines au beurre d’arachides pour déjeuner. Il était encore tôt lorsqu’ils firent démarrer le moteur du bateau. Ils filèrent sur l’eau pendant plusieurs heures, Philippe aux commandes, Lucas profitant du vent qui lui fouettait agréablement la peau. Il était près de midi lorsque Philippe coupa enfin le moteur, le bateau amarré au bord d’un quai, dans un port plus luxueux que ceux auxquels ils étaient habitués.

Ils dînèrent dans un bon restaurant, marchèrent un moment en discutant de banalités, puis trouvèrent une buanderie pour laver leurs vêtements sales. Lucas ressentit un certain malaise en vidant le contenu de son sac dans la machine à laver, mais s’efforça de repousser l’image qui tentait de s’imposer à son esprit une fois de plus. Philippe s’approcha de lui avec un sourire.

-         Il y a un gym, juste en face. Ça te dit ?

-         Hm… maintenant ?

-         Bah, pourquoi pas ? On va pas rester ici jusqu’à ce que ce soit propre, quand même.

-         Ok, si tu veux.

Lucas n’était pas particulièrement sportif, mais après toutes ces journées passées sur le bateau sans vraiment bouger, l’exercice physique lui fit le plus grand bien. Empli d’un sentiment de bien-être, il profita doublement de la douche chaude, un luxe qu’ils n’avaient pas à bord du petit bateau de plaisance. Il avait presque oublié à quel point il était agréable de sentir l’eau brûlante sur son corps, dénouant les muscles en laissant cette agréable sensation de propreté dans chacun de ses pores. Il retrouva Philippe dans les vestiaires et ravala difficilement sa salive ; une serviette autour des hanches, son torse bronzé couvert de petites gouttes d’eau, ses dreadlocks encore humides, il était magnifique et Lucas se dépêcha de se rhabiller pour chasser cette sensation bizarre qui le surprenait de plus en plus souvent.

Ils passèrent le reste de l’après-midi à faire des courses et à rigoler et Lucas en avait presque oublié ce qu’il avait ressenti plus tôt. Le ciel était rougeoyant lorsqu’ils remontèrent à bord du bateau, les mains chargées de sacs de vêtements propres et de toutes sortes de bonnes choses à manger. Philippe fit démarrer le moteur pendant que Lucas rangeait leurs provisions dans la glacière, et bientôt ils se retrouvèrent seuls en mer, sous un ciel sombre piqué de mille étoiles. Ils avaient mangé et commencé une partie de cartes, mais à force de perdre, Lucas avait commencé à se lasser de leur jeu. Impatient, il s’était levé pour prendre deux bières et s’était laissé tombé lourdement sur son siège.

-         J’en ai marre de jouer aux cartes. On arrête.

-         Mauvais perdant !

-         Je perds parce que j’en ai marre.

-         On joue à autre chose ?

Lucas haussa les sourcils en prenant une gorgée de bière. Ils n’avaient rien apporté d’autre qu’un jeu de cartes, il ne voyait pas bien à quoi d’autre ils pourraient jouer.

-         Quel genre de jeu ?

-         Je sais pas, moi. Action ou vérité ?

-         Pfff… Imbécile, il n’y a que toi et moi. Si tu as quelque chose à me demander, fais-le directement.

-         Ok. J’ai vu que tu étais excité ce matin. À qui tu as rêvé ?

Voilà, ils y étaient. Lucas roula les yeux devant le sourire niais de Philippe et prit une longue gorgée de bière pour gagner un peu de temps. Il était incapable de lui mentir, mais il ne pouvait pas non plus dire la vérité. Il eut un sourire embarrassé et haussa nonchalamment les épaules.

-         Si on jouait aux cartes, finalement? C’était pas si mal.

-         Non, tu es obligé de répondre.

-         Ok. C’est pas quelqu’un que tu connais, alors…

-         C’est qui?

-         Ce n’est pas de tes affaires.

-         Est-ce que c’est une fille?

Lucas faillit s’étouffer avec sa bière. D’où est-ce que Philippe avait sorti une question pareille? Normalement, il n’aurait pas eu de mal à trouver la question tout à fait loufoque et à répondre le plus naturellement du monde. Il n’avait jamais fantasmé sur un garçon avant. Il hésita un peu trop longtemps à répondre et lorsqu’il se décida à formuler un mensonge, il réalisa qu’il était trop tard pour que ça ait l’air vraiment sincère.

-         Je t’assure que d’habitude, ce sont les filles qui me font cet effet-là.

-         C’était un mec ?!

Philippe avait l’air surpris, mais Lucas remarqua qu’il avait l’air plus intrigué que dégoûté. Il résista à l’envie de se cacher le visage au creux de ses mains et prit plutôt une longue gorgée de bière pour se redonner contenance. Il avait conscience de s’être engagé sur une pente dangereuse, voire un peu casse-cou, mais il ne pouvait plus reculer. Perdu au milieu de la mer, il ne pouvait pas fuir bien loin.

-         Oui, bon, c’est pas la peine d’en faire tout un plat, non plus. C’était juste un rêve.

-         Un rêve qui te faisait pas mal d’effet, quand même…

Lucas ne releva pas la remarque et détourna plutôt le regard. Un vague sentiment de colère mêlé de désir commençait à l’envahir et ce n’était pas un bon mélange. Il inspira profondément pour tenter de se calmer. La voix de Philippe, plus douce que d’habitude, ramena son attention sur la conversation.

-         Alors, c’était qui, ce garçon?

-         Tu… tu pourrais pas comprendre… C’est compliqué.

Son ton avait été un peu plus sec qu’il l’aurait souhaité. L’alcool commençait à embuer son jugement et il sentait sa résistance commencer à faiblir. L’étrange sentiment de liberté qu’il avait ressenti le jour du départ commença à l’envahir et, dans un élan d’audace, il se demanda comment Philippe réagirait s’il lui annonçait le plus simplement du monde que c’était lui qui l’avait fait bander. Mais aussitôt que cette pensée surgit dans son esprit, il sentit aussitôt sa détermination s’envoler. Les joues rouges, il poussa un soupir exaspéré et se leva brusquement.

-         Je vais dormir.

Lucas ne se retourna pas pour voir le regard déçu de Philippe et dut se retenir pour ne pas claquer la porte de la cabine derrière lui. Il se laissa lourdement tomber sur le lit. Dans sa tête, les pensées incohérentes se heurtaient à des désirs et des regrets déraisonnables. Il resta longtemps seul, sans trouver le sommeil, mais finit par s’endormir avec les yeux humides.

Lorsqu’il se réveilla, le cadran lumineux de sa montre affichait deux heures du matin. Il n’entendait pas la respiration de Philippe à côté de lui et tendit la main pour confirmer. Le lit était effectivement vide. Il fronça légèrement les sourcils, se leva et chercha à tâtons la sortie. Il tourna la poignée en silence et entrebâilla la porte, juste assez large pour y jeter un œil. Dans la nuit noire, la lanterne électrique n’éclairait que le pont et la silhouette désinvolte de Philippe. Il était assis au bout du bateau, les pieds contre la rambarde, la tête rejetée vers l’arrière et un joint entre ses lèvres. Il reprit le joint entre ses doigts et étira le cou pour rejeter une volute de fumée. Lorsqu’il pencha la tête vers l’avant, la lumière éclaira mieux les traits tendus de son visage. Ses joues étaient humides de larmes et le cœur de Lucas se serra. Il n’avait jamais vu son ami pleurer.

Après un moment d’hésitation, il poussa la porte et s’avança vers Philippe, qui tressaillit en le voyant émerger de l’ombre.

-         Désolé, je t’ai fait peur…

-         Non, ça va…

Il essuya ses yeux d’un revers de manche et Lucas en profita pour lui prendre le joint qu’il avait entre les doigts. Il le mit entre ses lèvres, aspira un coup et souffla la fumée brûlante en écrasant le mégot contre le garde-corps.

-         Tu en as fumé combien ?

Pour toute réponse, Philippe eut un rire amer et détourna les yeux vers l’horizon plongé dans le noir. Il avait croisé les bras sur son torse et tout son langage verbal criait de ne pas essayer de le faire parler. Lucas soupira doucement et se risqua à caresser l’épaule de Philippe du bout des doigts, sans le brusquer. Voyant qu’il ne réagissait pas, il continua avec le plat de la main, frictionnant son bras et son dos en une caresse qu’il voulait strictement amicale. À travers le tissu, il sentait que la peau était frigorifiée. Philippe était resté longtemps dehors et la nuit était plutôt fraîche.

-         Si tu ne veux pas parler, viens au moins dormir. Tu es glacé.

-         Ok…

Il se leva d’une démarche mal assurée et Lucas dut le soutenir pour ne pas qu’il vacille par-dessus bord. Il attrapa au passage la lanterne électrique et guida Philippe jusqu’à la porte de la cabine, restée entrouverte. Lucas posa la lanterne sur la petite table encastrée et l’éteignit pendant que Philippe se glissait sous les couvertures, tout habillé. Il se recoucha à l’endroit où il s’était endormi plus tôt. Le corps à quelques centimètres du sien tremblait de froid, mais il n’osa pas se rapprocher pour le réchauffer, de peur que son geste soit mal interprété. Mais voir Philippe dans cet état lui faisait de la peine. Il avait envie de le serrer contre lui et de lui murmurer que tout irait bien.

Il écarquilla les yeux lorsqu’à sa grande surprise, Philippe se retourna vers lui pour se blottir contre son corps. Une main glacée se faufila sous son t-shirt pour s’arrêter sur son ventre et il pouvait sentir le souffle brûlant de Philippe dans son cou. Mais son ami s’était endormi presque aussitôt, ses tremblements s’étaient calmés, et Lucas n’osa plus bouger d’un millimètre. La proximité de Philippe ne l’avait pas laissé indifférent et il chercha longtemps le sommeil, incapable de repousser le désir qui mettait ses sens en éveil.

Au matin, Lucas se réveilla en premier et il leva ses grands yeux bleus au plafond, exaspéré. Si Philippe s’était réveillé en premier, il aurait pu sortir sans rien dire et lorsque Lucas se serait levé à son tour, ils auraient pu éviter de reparler de la veille. Au lieu de cela, Philippe allait se réveiller, se rendre compte de la position compromettante dans laquelle ils s’étaient endormis et leurs regards allaient se croiser… Comment allait-il réagir? Allait-il en rire ou s’emporter? Lucas se rendit compte que leurs jambes s’étaient même entremêlées au cours de la nuit et il sentit que son corps réagissait déjà. Il s’efforça de calmer ses hormones, sans grand succès. Il soupira doucement et tourna la tête pour croiser le regard sombre de Philippe. Son cœur se serra. Il entrouvrit la bouche pour parler, mais aucun mot n’en sortit.

Finalement, un pâle sourire étira les lèvres pleines de Philippe et la main sur son ventre remua doucement contre sa peau. Lucas risqua enfin un « bonjour » un peu gauche et esquissa un sourire. Il s’attendait à ce que Philippe se recule d’un moment à l’autre, en prenant conscience de leur position. Mais plus les secondes passaient, plus le rythme de ses battements cardiaques augmentait en songeant que Philippe ne bougerait peut-être pas. Il retint son souffle lorsque la main de Philippe remonta lentement le long de son torse, chatouillant agréablement sa peau et achevant de réveiller une certaine partie de son anatomie.

-         Qu’est-ce que tu…

Il ne finit pas sa question. Des lèvres brunes s’approchaient des siennes, timides. Lucas avança la tête pour franchir la distance qui les séparaient et fut étonné par la douceur du baiser. Philippe l’embrassait du bout des lèvres, avec l’insécurité d’un premier baiser, et Lucas se sentit fondre lorsqu’une langue chaude caressa doucement sa lèvre inférieure. Lorsque leurs langues se rencontrèrent, Philippe bascula soudain au-dessus de lui et approfondit le baiser.

Lucas ne savait plus où donner de la tête, partagé entre le baiser langoureux, les mains chaudes qui hésitaient à caresser son torse et le bassin appuyé contre son sexe tendu. Il n’osait pas se laisser aller complètement, convaincu que Philippe allait reprendre ses esprits et tout arrêter d’un instant à l’autre. Il avait l’impression de rêver et que le réveil allait être du genre brutal. Philippe quitta ses lèvres et plongea au creux de son cou pour embrasser sa peau. Sa langue remonta le long de sa carotide jusqu’à un point sensible derrière son oreille. Lucas voulut protester mais le seul son qui quitta ses lèvres fut un gémissement qui les fit rougir violemment tous les deux. La main de Philippe descendit précipitamment de son torse jusqu’à son bas-ventre, glissa sous l’élastique de son jogging et caressa timidement son sexe. Lucas écarquilla les yeux et voulut le repousser, convaincu qu’il allait trop loin, cette fois, et qu’il se rendrait bientôt compte que ce n’était qu’un jeu auquel leur amitié ne survivrait pas. Mais Philippe plongea son regard dans ses yeux inquiets et l’ombre d’un sourire déforma ses lèvres avant qu’il ne l’embrasse à nouveau, tendrement. Lucas sentit fondre ses derniers doutes et il se laissa enfin aller au plaisir que Philippe lui prodiguait. Accompagnant chaque va-et-vient d’un soupir de plaisir, il se mit bientôt à gémir en atteignant l’orgasme, le dos cambré pour sentir la chaleur de Philippe contre son corps.

Il retomba mollement sur le matelas en attirant son amant contre lui, enfouissant son visage dans le creux de son cou, respirant à pleins poumons l’odeur de son gel de douche à la noix de coco. Son cœur battait brutalement contre sa poitrine et il songea que si c’était un rêve, il ne voulait plus jamais se réveiller.

Ils restèrent un moment sans bouger, bercés par les vagues et la langueur du moment. Puis Lucas se mit à embrasser le cou et les épaules de Philippe, le forçant à se retourner pour échanger leurs positions. Il sourit en s’agenouillant au-dessus des hanches de son amant, constatant aussitôt quel effet leurs ébats avaient eu sur lui. Mais avant d’aller plus loin, il avait besoin de savoir. Plongeant ses yeux bleus dans ceux de Philippe avec une lueur de défi, il appuya ses paumes sur son torse pour le retenir contre le matelas.

-         Qu’est-ce qu’on est en train de faire ?

Philippe haussa un sourcil et un sourire moqueur se dessina à la commissure de ses lèvres.

-         Ça me semble plutôt évident, non?

-         Je veux dire… Pourquoi est-ce qu’on fait ça? Est-ce que tu voulais juste savoir comment c’était? Je comprends plus rien…

-         Tu te poses trop de questions…

-         Oui, peut-être. Et toi, pas assez, peut-être.

Son ton avait été un peu dur et il le regretta. Mais ça ne sembla pas affecter l’humeur de Philippe outre mesure. Il attrapa les mains de Lucas, les tirant doucement pour le forcer à s’étendre sur son torse et lui voler un doux baiser. Lucas sentit fondre sa détermination, mais il ne se laisserait pas avoir si facilement.

-         Je veux que tu me répondes.

-         Je sais pas quoi te dire. Je sais pas ce que je fais, ni pourquoi je le fais. Mais je sais que j’en ai envie depuis longtemps.

Lucas tressaillit, relevant la tête pour croiser le regard tendre de Philippe. Ses yeux sombres étaient brillants de désir.

-         Longtemps?

-         Vraiment longtemps…

-         Attends. C’est une blague?

-         Non. Quand tu as dit que tu voulais venir avec moi, cet été, je croyais rêver.

-         Mais… je croyais que tu…

-         Je t’aime, Lucas.

Étendu contre sa poitrine, Lucas pouvait sentir le cœur de son amant battre à un rythme effréné. Depuis combien de temps se retenait-il de prononcer ces simples mots? Un frisson de bonheur parcourut son corps et il retint son souffle. Il se redressa lentement, sans quitter son amant des yeux, et défit la braguette du jeans que Philippe n’avait pas enlevé avant de dormir. Il lui retira ensuite son t-shirt, exposant sa peau halée à la lumière dorée qui filtrait par le hublot, et fit glisser son pantalon et son slip le long de ses cuisses. Étendu sur les draps défaits, nu dans la lumière chaude, les yeux mi-clos avec un sourire heureux sur les lèvres, Philippe avait l’air d’un ange rebelle. Lucas plaqua son corps contre le sien pour l’embrasser à nouveau, laissant sa main glisser sur le ventre de Philippe jusqu’à son sexe érigé. Il se sentit maladroit au début, mais bientôt Philippe se mit à gémir de plaisir contre sa bouche.

-         Je pense que… Je pense que je t’aime, moi aussi…

Philippe s’accrocha désespérément à lui, ses doigts s’enfonçaient dans sa peau et il jouit dans un râle en enfouissant son visage dans le cou de Lucas, qui se laissa aller contre lui. Ils restèrent longtemps enlacés, savourant la présence de l’autre, la chaleur du corps contre le leur.

Il était près de midi quand ils se décidèrent à quitter le lit, affamés. Ils mangèrent en silence, échangeant seulement des sourires complices. Ils avaient tellement de choses à se dire, sans toutefois savoir par quoi commencer. Mais ils avaient tout leur temps. L’été ne faisait encore que commencer. Ils avaient tout le temps de savourer, encore et encore, le goût exaltant de la liberté.

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