Fire Emblem - Jaffar&Nino - 24. Bonne nuit

May 12, 2012 21:57

Titre : Distances
Auteur :
luminelya 
Couple : Jaffar & Nino
Fandom : Fire Emblem
Rating : PG-13
Thème : 24. Bonne nuit
Disclaimer : Jaffar et Nino, ainsi que les autres personnages, l'univers dans lequel ils évoluent et les grandes lignes de leur histoire, appartiennent à Nintendo.
Épisodes précédents : Une tache sur le plancher, Être froid et dur, Un regard qui donne la vie, Le sourire de Leila, Ce qui nous rassemble, À jamais, Au centre de toutes les pensées, Le premier, Trois mystérieuses lettres, Séparations.



Tout ne se passait pas comme Nino se l'était figuré. À vrai dire, elle n'avait rien imaginé de vraiment précis ; s'il ne faisait aucun doute, dans son esprit, que Jaffar et elle formaient désormais un couple, elle se sentait rougir jusqu'à la racine des cheveux dès qu'elle réfléchissait aux implications de ce nouveau statut. Le jeune homme paraissait cependant bien loin de semblables considérations ; depuis des jours et des jours, il s'abstenait même de lui tenir la main. Tous deux cheminaient en silence, côte à côte, à telle distance qu'une troisième personne aurait pu sans peine se glisser entre eux. Ce qui était déjà pénible sur la route s'avérait insoutenable lorsqu'ils s'arrêtaient dans une auberge : Jaffar réservait invariablement deux chambres voisines et poussait parfois la comédie jusqu'à présenter Nino comme sa jeune cousine. Lui qui répugnait à se mêler aux autres avait néanmoins édicté comme règle de passer les soirées dans la salle commune et, devant les voyageurs et le personnel de l'auberge, traitait alors sa compagne de route avec une distance affectueuse. Il avait toujours parlé peu, bien sûr, et Nino était accoutumée à ses silences ; à présent, cependant, même ses regards sur elle devenaient rares. Au moment de se coucher, il ne manquait jamais de lui souhaiter une bonne nuit mais la quittait ensuite sans montrer le moindre regret. Elle avait beau s'en défendre, par moments il lui arrivait de douter de la réalité de ce qu'ils s'étaient dit autrefois.

Lettie l'avait repéré dès son entrée dans l'auberge. Il ne cherchait pourtant pas à se faire remarquer. À sa façon de se mouvoir, on devinait un homme habitué à la discrétion, capable de disparaître aussi vite qu'il avait surgi. Il n'en avait pas fallu davantage pour susciter l'intérêt de Lettie, qui s'était aussitôt prise à imaginer qu'il s'agissait là de quelque bandit ou de quelque justicier des grands chemins. Le cœur battant, la jeune femme l'avait regardé s'approcher du comptoir. Il la dominait d'une tête et, bien que mince, il dégageait une impression de solidité et de force. Son visage, cependant, n'affichait aucun sentiment particulier. Lettie avait en vain guetté les signes par lesquels les hommes saluaient d'ordinaire sa beauté, qui allaient de la discrète moue appréciatrice au sourire séducteur, en passant par l'œillade en coin.
« Deux chambres voisines, avait-il demandé, laconique.
- Deux ? avait répété Lettie en haussant les sourcils.
- Ma cousine m'accompagne. »
Il avait esquissé un geste en direction de la petite personne qui était entrée à sa suite dans l'auberge, et sur laquelle le regard de Lettie avait glissé sans s'arrêter : avec son air de gamine mal dégrossie, elle ne présentait rien qui pût retenir son attention, mais la savoir liée au bel inconnu changeait sensiblement la donne. Pourtant, Lettie avait eu beau la dévisager, elle n'avait décelé aucune ressemblance entre cette enfant pâle et maigrichonne et le grand et sombre jeune homme. À son grand regret, celui-ci avait finalement abrégé leur échange et entraîné sa cousine vers leurs chambres à l'étage.
Lettie avait tant bien que mal résisté à l'envie d'abandonner son comptoir pour traîner dans le couloir, juste au cas où ; au lieu de cela, elle s'était contenté d'attendre, fébrile, que le repas du soir ramenât dans la grande salle les nouveaux venus. Elle devrait alors servir les plats, bien sûr, mais elle trouverait certainement assez de liberté pour adresser la parole au jeune homme. Elle se l'était promis.

La gorge nouée, Nino contempla le plat de poisson et de légumes que la serveuse avait déposé devant elle. L'assiette dégageait un agréable fumet, mais la jeune fille sentait qu'elle ne parviendrait pas à en avaler plus de quelques bouchées. Ce soir, la distance instaurée entre eux par Jaffar lui pesait un peu trop. Elle s'était déjà retrouvée plusieurs fois au bord des larmes, partagée entre l'envie pudique de cacher son chagrin et l'espoir que son compagnon remarquât enfin qu'elle n'allait pas bien. Elle aurait tant voulu qu'il la consolât, qu'il la prît dans ses bras comme il l'avait déjà fait, autrefois, et qu'il lui assurât de nouveau qu'il l'aimait et ne la quitterait jamais. Il était assis juste à côté d'elle, et pourtant comme il lui semblait loin, déjà...
Soudain, la serveuse revint vers eux et se pencha vers Jaffar afin de lui murmurer quelque chose que Nino, dans le brouhaha de la salle, n'entendit pas. La jeune fille ne put s'empêcher de remarquer à quel point l'inconnue était jolie, souriante et bien faite. Dans son mouvement pour parler à Jaffar, sa longue tresse blonde avait glissé par-dessus son épaule et suivait à présent la courbe de sa ronde poitrine. Nino eut beau tendre l'oreille, elle ne distingua pas davantage la réponse de Jaffar, mais elle perçut le raidissement de son compagnon. La serveuse plissa les yeux sans se départir de son sourire, et tendit tout à coup la main pour effleurer la joue du jeune homme d'un doigt mutin.
Avant d'avoir compris ce qu'elle faisait, Nino bondit et se cramponna au bras de Jaffar dans un geste farouche.
« Ne le touchez pas ! »

Lettie considéra la jeune fille avec une stupeur mêlée d'incrédulité. De quoi se mêlait-elle, cette insignifiante gamine ? À en juger d'après son expression indignée, on aurait pu croire que Lettie avait carrément intenté à la vertu de son cousin, alors qu'elle s'était contentée de lui proposer de faire plus ample connaissance. Du reste, cette proposition n'avait guère semblé émouvoir le jeune homme - avant de le rencontrer, Lettie n'aurait pas cru qu'un regard d'un rouge si profond pût exprimer une telle froideur. Si une étincelle s'y était allumée, elle n'exprimait que la méfiance et non l'intérêt ; la jeune femme n'était pas sotte au point de s'y tromper. Pourtant, elle avait eu envie d'oser une dernière tentative, une bravade, en somme : toucher ce visage indifférent pour l'obliger à se défaire de son masque, à se parer d'une émotion vraie, fût-ce la colère. Et voilà que c'était la cousine qui s'interposait, les sourcils froncés, le regard meurtrier.
Au comble de la déception, Lettie lâcha avec une condescendance étudiée :
« Ne t'en fais pas, je ne vais pas te l'abîmer, ton cousin... »
Elle vit alors avec surprise les grands yeux bleus de la jeune fille s'emplir de larmes. Elle se demandait encore ce qui dans sa réplique avait pu causer une telle réaction lorsque l'autre annonça d'une voix tremblante :
« Je vais me coucher, moi. Bonne nuit. »
Et, sans attendre, elle libéra le bras de son cousin et tourna les talons, le menton haut mais les épaules frémissantes. Lettie reporta son attention sur le jeune homme et s'apprêtait à s'excuser, bien qu'elle ne comprît pas bien de quoi elle s'était montrée coupable, mais celui-ci se leva sans même un mot. Elle le regarda s'éloigner à son tour, un instant désemparée, puis trouva dans son amour-propre la ressource de hausser les épaules. Cela ne faisait rien. Cela ne s'annonçait pas très drôle, de toute façon.

Les paumes pressées contre ses yeux, Nino essayait de contenir ses sanglots quand Jaffar entra dans la chambre. Elle devina qu'il prenait place à côté d'elle au léger affaissement du matelas mais ne changea pas de position pour autant.
« Qu'avez-vous, Nino ? »
L'inquiétude qu'elle percevait dans sa voix basse fit redoubler les pleurs de la jeune fille. Avec douceur, Jaffar lui saisit les poignets et la contraignit à écarter les mains de son visage.
« Qu'avez-vous ? » répéta-t-il sans desserrer son étreinte.
Nino secoua la tête, la gorge nouée. Ne pouvait-il pas le comprendre ? Ne souffrait-il donc en rien de leur situation ?
« Je n'en peux plus », murmura-t-elle.
Jaffar resta d'abord silencieux et un léger pli apparut entre ses sourcils.
« De quoi, Nino ? demanda-t-il enfin d'un air résigné. De me suivre ? »
La jeune fille écarquilla les yeux.
« Comment pouvez-vous dire cela ? protesta-t-elle avec indignation. Je vous aurais suivi où que vous alliez !
- Et pourtant cela ne semble plus être le cas. »
Il affichait toujours la même expression de tristesse, dépourvue de surprise comme de reproche. Cela raviva la colère de Nino.
« Je ne vous suivrai plus, c'est vrai ! Je ne veux plus être cette pauvre petite cousine que vous traînez derrière vous. Quand j'ai pris la décision de partir avec vous, ce n'est pas cela que j'ai choisi ! Je... je pensais... je croyais... »
Un regain de pleurs lui coupa la parole.
« Vous aviez dit que vous m'aimiez », sanglota-t-elle.
L'emprise de Jaffar sur ses poignets se raffermit.
« En doutez-vous ?
- Comment pourrais-je ne pas en douter ? répliqua-t-elle sur un ton blessé. Je vous sentais plus proche de moi lorsque nous étions avec les autres. Vous ne me touchez pas, vous ne me regardez même pas... Vous m'aimez peut-être, mais en ce cas vous n'avez aucun désir pour moi », conclut-elle avec défi.
Ses joues aussitôt s'empourprèrent. Elle peinait à croire elle-même qu'elle avait osé prononcer ces mots. Jaffar ne semblait pas moins choqué qu'elle.
« Vous êtes si jeune encore..., dit-il dans un souffle.
- J'ai quinze ans, je ne suis plus une enfant. Cette serveuse... Elle vous paraissait plus digne d'intérêt, sans doute ? »
Elle avait conscience d'avancer des absurdités, sans parvenir pour autant à s'en empêcher. La jalousie s'était mise à bouillonner dans son cœur dès l'instant où cette belle jeune femme blonde avait souri à Jaffar.
« Moi aussi, je veux que l'on me regarde comme une femme, s'entêta-t-elle. Comme les hommes la regardaient, elle... »
Elle s'interrompit et pâlit. Il n'était plus question de la serveuse, tout à coup. Jaffar ne s'y trompa pas.
« Regardez-moi, Nino. »
La jeune fille mobilisa toute sa volonté pour obéir. Les iris rouges de son compagnon n'exprimaient plus la tristesse mais l'inondaient de chaleur, de tendresse et... oui, peut-être d'amour.
« Que voyez-vous ? »
Elle ne répondit pas. Sa colère s'était dissipée, la laissant sans force.
« Je ne crois pas qu'un homme l'ait jamais regardée comme ça, poursuivit Jaffar avec douceur. Savez-vous pourquoi ? Parce qu'on ne pouvait pas l'aimer. On ne pouvait pas l'aimer comme je vous aime. »
De nouvelles larmes coulèrent sur les joues de Nino.
« Pourquoi ne me le montrez-vous pas, alors ? demanda-t-elle d'une petite voix plaintive, fatiguée de pleurer.
- Je voulais seulement vous protéger. Une jeune fille qui voyage seule avec un homme... Je ne voulais pas qu'on puisse dire quoi que ce soit sur votre compte. J'espérais qu'ainsi nous passerions plus inaperçus. »
Nino fronça les sourcils et prit le temps de peser cette information. Toute à sa joie de se retrouver seule avec Jaffar, elle n'avait pas songé un instant à ce que les autres pourraient en penser.
« Pourquoi ne pas m'en avoir parlé ?
- Je n'ai pas compris que cela vous blessait. »
Jaffar poussa un profond soupir, libéra ses poignets puis se passa la main dans les cheveux.
« Nino... Je ne suis pas très doué pour les relations, admit-il avec gravité. Si vous ne me parlez pas, je ne suis pas sûr d'être capable de deviner ce qui se passe dans cette tête. »
Il ponctua cette déclaration d'une caresse rapide sur le front de la jeune fille. Celle-ci résista tant bien que mal à l'envie de tendre le cou pour en réclamer davantage.
« Mais quand nous sommes seuls, vous vous conduisez de la même façon, objecta-t-elle avec une moue contrariée. Il n'y a pourtant pas de risque de ragot.
- Quand nous sommes seuls, ce n'est pas des ragots que je veux vous protéger, murmura Jaffar, le visage assombri.
- De quoi, alors ? » insista-t-elle.
Jaffar se détourna. Lorsqu'il reprit la parole, sa voix s'était altérée :
« Parfois, elle s'amusait à me toucher comme l'a fait la serveuse tout à l'heure. Elle me caressait le visage ou la main et riait de mon absence de réaction. Elle disait que j'étais fait de glace, mais ce n'était pas vrai. À l'intérieur... à l'intérieur, j'étais submergé de dégoût. »
Nino esquissa une grimace horrifiée. Elle n'était pas certaine de vouloir en entendre davantage. Elle... Toujours elle. Toujours là pour salir, souiller, détruire. Toujours là pour ôter au bonheur la moindre chance d'éclore.
« Jamais je ne pourrai supporter de vous causer le moindre tort, Nino, reprit Jaffar en plongeant de nouveau son regard dans le sien. Jamais je ne pourrai supporter que vous ayez peur, que vous ayez mal. Je veux que vous soyez prête. Et je veux être prêt, moi aussi. C'est pour cela que je préfère attendre. »
La jeune fille hocha la tête, les yeux embués, avant de se blottir contre Jaffar dans un élan irrépressible. À son grand soulagement, les bras de son compagnon se refermèrent aussitôt autour d'elle. Ils restèrent ainsi longtemps soudés l'un à l'autre. Il sembla à Nino qu'elle ne s'était pas sentie aussi heureuse, aussi entière, depuis des semaines. Ce fut pourtant elle qui rompit leur étreinte en se reculant légèrement.
« D'accord, fit-elle d'un air décidé. Mais à partir de maintenant, nous allons ajouter quelques règles. »
Comme Jaffar l'interrogeait du regard, elle leva l'index.
« Premièrement, je veux que vous me disiez au moins une fois par jour que vous m'aimez. Enfin, si vous le pensez, bien sûr », rectifia-t-elle, sourcils froncés, après une brève hésitation.
L'ombre d'un sourire dansait sur les lèvres de son compagnon.
« Deuxièmement ? s'enquit ce dernier.
- Deuxièmement, je veux que vous m'embrassiez au moins une fois par jour, exigea Nino malgré la rougeur que la nature de sa demande faisait monter à ses joues. Et pas à la façon d'un cousin, bien entendu.
- Troisièmement ? »
Nino prit le temps de la réflexion avant de conclure :
« Il n'y en a pas. Mais les nouvelles règles prennent effet maintenant.
- Maintenant ? » reprit son compagnon, une étincelle amusée dans les yeux.
Elle opina du menton. Son cœur battait avec violence contre ses côtes et accéléra encore tandis que Jaffar se penchait vers elle.
« Je vous aime », chuchota ce dernier à l'oreille de la jeune fille.
Puis il effleura de ses lèvres et de son souffle sa tempe, sa pommette, sa joue. Enfin leurs bouches se rencontrèrent. Parcourue d'un grand frisson, Nino entoura de ses bras le cou de Jaffar. Le baiser se prolongea encore quelques délicieux instants avant que le jeune homme ne se libérât avec douceur de l'étreinte de sa compagne.
« C'est assez pour aujourd'hui, décréta-t-il d'une voix rauque.
- Attendez, protesta Nino comme il se redressait. Il y a un troisièmement.
- Nino...
- Écoutez-moi avant de refuser, s'il vous plaît. Je voudrais... je voudrais que vous ne me souhaitiez pas bonne nuit. »
Le jeune homme haussa un sourcil et Nino s'empressa de poursuivre :
« Je voudrais que nous dormions ensemble. Que nous dormions, c'est tout. Les autres n'en sauront rien. Je n'aime pas quand vous êtes loin de moi. »
Jaffar parut hésiter mais la moue chagrinée de la jeune fille eut raison de ses résistances. Dans un soupir, il accepta d'une inclinaison de la tête.
Plus tard, dans l'obscurité de la chambre, alors que le sommeil s'emparait peu à peu de leurs corps étendus côte à côte, le jeune homme embrassa légèrement Nino sur le front.
« Dormez, lui murmura-t-il. Je serai là demain... »

Lettie prit soin de ne pas lever les yeux lorsque les deux voyageurs traversèrent la grande salle pour quitter l'auberge, mais malgré tous ses efforts elle ne put s'empêcher de leur jeter un regard en coin au moment où ils passaient la porte. Le jeune homme s'était retourné pour parler à celle qu'il présentait comme sa cousine et l'expression tendre qui animait ses traits en cet instant stupéfia la serveuse.
« Sa cousine, hein », marmonna celle-ci, furieuse, en reprenant son balai.
Elle avait tout compris le matin même, quand elle avait cédé à la curiosité de se glisser dans leurs chambres alors qu'ils déjeunaient. Un seul des deux lits avait été occupé durant la nuit. Quelqu'un avait défait les draps du second, mais Lettie ne s'était pas laissée abuser : le matelas rembourré de paille aurait conservé l'empreinte d'un corps alourdi par le sommeil.
Tout s'éclairait, à présent : l'indifférence du jeune homme, la réaction brutale de sa prétendue cousine. Lettie aurait peut-être dû en éprouver du réconfort ; pourtant c'était le dépit qui prédominait. Pourquoi avoir faussé la situation dès le début ? Pourquoi lui avoir permis de s'imaginer n'importe quoi et de se ridiculiser dans une tentative vouée à l'échec ?
Sans doute fut-ce à cause de ce dépit qu'elle se montra capable, plus d'une semaine après, de décrire avec précision les deux voyageurs aux hommes qui les recherchaient.

#thème 24, pairing: fe - nino/jaffar, fandom: fire emblem

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