Titre : Gondoles et breloques
Auteur :
incitatus78 Couple : Harry/Draco
Fandom : Harry Potter
Rating : PG
Thème n°15 : Le bleu le plus pur
Disclaimer : Les personnages ne sont pas à moi, mais à J.K.Rowling.
Note : Cet épilogue était écrit depuis longtemps, mais, euh... j'ai oublié de le poster. Je suis désolée pour ceux qui suivaient cette histoire... En tout cas, voici l'épilogue, comme je vous l'avais promis. Bonne lecture!
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Prologue) (
Chapitre 1) (
Chapitre 2) (
Chapitre 3) (
Chapitre 4) (
Chapitre 5)
Gondoles et breloques
- Epilogue -
Le fond de l'air était frais, mais le ciel était bleu, d'un bleu pâle, comme on n'en fait qu'en Angleterre. Un de ces bleus purs, pas tout-à-fait homogène, tirant parfois sur le blanc, parfois sur un gris léger. Et là-haut brillait le soleil. Ses rayons réchauffaient les cœurs et les promeneurs, et faisait apprécier cette belle journée du mois d'août. Le temps avait été mauvais toute la semaine précédente, et en ce samedi après-midi, on voyait les passants fleurir dans les rues.
Harry avait rendez-vous dans un salon de thé de l'impasse de L'Écoute-aux-Portes (1), un lieu peu connu, bien que rattaché au chemin de Traverse. C'était, d'après Draco, un endroit où ils auraient moins de risques d'être dérangés, une échoppe respectable qui servait des produits de première qualité, bref, le lieu parfait pour mettre certaines choses au clair. Harry, qui n'avait pas d'avis sur la question, avait accepté de bonne grâce.
De chez lui, il avait directement transplané dans la cour du Chaudron Baveur. Une fois sur le chemin, il tenta de se faire discret: la foule se pressait dans les petites rues ensoleillées, des enfants couraient et jouaient pendant que leurs parents discutaient tout en les surveillant d'un œil. Certains faisaient déjà les achats de la rentrée, même si la véritable ruée vers les fournitures ne commencerait que dans les semaines à venir. Harry n'avait pas vraiment envie d'être reconnu par un collègue, un ancien camarade de classe ou une de ces mères de famille qui avait décidé qu'il était l'idéal du père aimant et attentionné et avait érigé sa famille en un modèle qu'elle s'efforçait de copier. On n'aurait pas dit comme cela, mais cette engeance était extrêmement développée, surtout sur le chemin de Traverse un samedi après-midi. C'est pourquoi notre Auror favori fit profil bas, et se faufila parmi les chalands, à la recherche de la fameuse impasse de L'Écoute-aux-Portes.
Il débusqua le salon de thé au bout de quelques minutes de marche. L'échoppe était effectivement dans une impasse calme - il s'y promenait à peine quelques sorciers - et avait tout de l'endroit où il fait bon passer l'après-midi en agréable compagnie. Lorsqu'il entra, une dame qui lui rappelait vaguement Molly Weasley l'accueillit avec le sourire. Que pouvait-elle pour Monsieur? Mr Malfoy était-il arrivé?
« Suivez-moi je vous prie. »
Harry suivit son hôtesse qui traversa le salon et le conduisit à une petite table, dans un coin de la salle. Draco s'était installé près de la grande cheminée, vide en cette saison, et tournait le dos à l'entrée. Lorsqu'il entendit des pas approcher, il se retourna, puis se leva, un sourire imperceptible aux coins des lèvres. Il y eut un instant de flottement, puis d'un accord tacite, ils optèrent pour la poignée de main.
« Je vous sers quelque chose?
- Un karkadé s'il-vous-plaît.
- Je prendrais un café bien noir. »
Et la petite dame s'en fut dans le froufroutement de ses jupons.
« Alors?
- Alors quoi?
- Et bien, comment s'est passé ton retour?
- Oh, très bien. Tu sais, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour moi ces derniers jours. Entre le bureau qui n'arrête pas de m'appeler pour des problèmes mineurs et les enfants qui ne tiennent plus en place... heureusement, dans quelques semaines, ils seront tous à Poudlard! Sinon, on a quand même pu partir un peu dans le sud, vers Brighton, tous les cinq... »
Harry s'arrêta dans sa lancée, semblant se rendre compte que ce n'était pas là la réponse qu'avait attendue Draco. Il nota son air déçu et se tut. Harry jouait avec le sucrier, au centre de la table, et Draco observait, fasciné, ces mains un peu frustes sur la fine porcelaine. On entendait de temps à autre le rire d'un enfant dans la rue, ou le cri d'une mère qui intimait à sa progéniture de se calmer. Dans le salon de thé, tout était silencieux, hormis le tic-tac régulier de la pendule à eau qui trônait sur le comptoir.
Puisant une gorgée de courage dans sa tasse de karkadé, Draco relança la conversation. Il voulait savoir comment Harry avait réussi à rapporter les boucles d'oreille, alors qu'il les avait vues, de ses propres yeux, dans les mains de Rizzi.
« Duplicata. »
Un mot, un seul, était sorti des lèvres de Harry, et Draco l'avait attrapé au vol, l'avait retenu prisonnier dans son esprit et le disséquait, dans l'espoir de comprendre ce que venait de prononcer cette bouche dont il ne pouvait détourner les yeux. Se rendant compte de ce qu'il était en train de faire, il se redressa et lança un regard interrogateur à son vis-à-vis.
Harry, légèrement décontenancé par l'attitude pour le moins étrange de Draco, s'empressa de lui expliquer qu'il n'avait jamais donné le bijou à leurs attaquants, mais qu'il l'avait dupliqué à l'aide d'un sort sans baguette et sans formule. Et Malfoy de se récrier qu'il était fou d'avoir risqué la vie de son coéquipier - de lui - pour sauver une malheureuse pacotille, qui n'avait aucun poids dans la balance face à son existence. Après cet éclat, le silence revint, avant que Harry ne lui explique qu'il n'avait jamais voulu mettre sa vie en danger et...
« Quoi? Tu plaisantes j'espère! Et si Rizzi avait découvert le truc? Hein? S'il avait eu l'intelligence de voir le piège?
- Rizzi est un veracrasse. Jamais il n'aurait pu faire la différence entre un vrai et un faux. »
Draco marmonna quelques grossièretés mettant en doute les capacité d'un certain Potter à pouvoir juger de la qualité d'un faux, puis, devant le manque de réactivité flagrant dudit Potter, il noya sa déception dans le karkadé.
Scritch. Harry griffa une miette sur la nappe fleurie. Croc croutch. Harry mordit dans le cookie qui trônait dans sa petite assiette à liseré doré. Shling tiding. Harry prit maladroitement sa tasse de café. Glups glups. Harry but deux gorgées de son café. Toc. Harry reposa fermement la tasse dans sa soucoupe de porcelaine. Scritch. Harry griffa...
« Mais tu vas arrêter ce bruit oui! »
Harry s'interrompit. Regarda Draco sans comprendre.
« C'est insupportable à la fin. Tu veux te taire, soit, mais tais-toi en silence. »
Résigné, Harry entrecroisa ses doigts épais sur la table, devant lui. Il se redressa et fixa Draco. Il attendait. Il attendait que celui-ci parlât, prononçât un mot qui lui permettrait de comprendre ce qu'il faisait là, même si au fond de lui-même, il le savait. Draco aussi savait ce que son vis-à-vis attendait, mais il préféra devancer les questions gênantes, qui de toute manière finiraient par être mises sur le tapis, en posant une autre question.
« Il y a quelque chose qui me turlupine. Pourquoi Urala nous a-t-elle fait ça? Qui est-elle? »
Harry se racla la gorge comme pour évacuer l'énervement qui commençait nettement à le chatouiller. Il gigota un peu sur sa chaise puis abdiqua et répondit: aux alentours des vacances de printemps ils avaient eu beaucoup de travail au service des Aurors à cause d'un voleur de bijoux qui avait sévi au British Museum. En fait, ce vol était lié à une série d'autres, qui avaient eu lieu dans toute l'Europe, depuis presque cinq ans. Au moment de leur départ pour Venise, c'était l'effervescence au Ministère, parce qu'on venait de découvrir l'identité du voleur: il, ou plutôt elle, s'appelait Loren von Stefenz. Le problème du saphir et tous les indices qui s'étaient mis presque volontairement en travers de leur chemin avaient donné à Harry de bonnes raisons d'avoir des soupçons. Quelque chose l'avait gêné, quelque chose qu'il n'avait découvert que la nuit où il était parti seul à Saint Marc. Le soir en rentrant à l'hôtel, il avait envoyé à Hermione un message, dans lequel il lui avait demandé la liste des pseudonymes connus de cette voleuse.
« Et tu avais cette liste? Pourquoi est-ce que tu ne m'en as pas parlé?
- Parce que je n'avais pas la liste.
- Mais, tu viens de d...
- Hermione n'a pas eu le temps de me l'envoyer et nous avons dû réagir vite.
- D'accord, mais maintenant, tu l'as cette liste?
- Oui.
- Et? »
Et dans la liste on pouvait lire le pseudonyme « Laura Stephens ». Notant le regard dubitatif de Draco, Harry lui mit la liste sous le nez, et lui expliqua comment Urala était un anagramme de Laura, et comment Stephens et di Steffano étaient le même nom, transcrit dans deux langues différentes. Et comment ces deux pseudonymes avaient un rapport clair avec le nom véritable de la criminelle.
« Ça manque d'originalité.
- Je suis d'accord, mais grâce à ça, nous avons évité le pire.
- Le pire? Mais j'ai failli être tué!
- Non mais tu rigoles? Qui s'est battu pendant que Monsieur languissait dans les bras de sa conquête nocturne?
- Je ne languissais pas, elle m'avait agressé!
- Oui, oui, c'est ce que tu dis. Mais je ne crois que ce que je vois. »
Malfoy, agacé que Harry puisse plaisanter sur un sujet qui lui avait causé la plus grande frayeur de sa vie, mordit dans son muffin aux airelles et le mâchouilla d'un air boudeur. Dans le rôle de la drama queen, il n'avait plus à faire ses preuves.
« Arrête de bouder.
- Moi je boude? Je te rappelle qu'un Malfoy ne...
- ... boude pas, je sais. Tu veux arrêter avec tes dictons à la noix et me dire ce que je fais ici?
- Ce ne sont pas des dictons mais...
- Malfoy. » Le ton était menaçant. Draco sentit l'exaspération de Harry, et se dit qu'il avait tout à perdre s'il n'expliquait pas clairement ce qu'il voulait: reprendre leur relation là où elle s'était arrêté dans le passage entre les eaux et la pousser plus loin si affinités.
Un nouveau silence - décidément, celui-ci avait tendance à s'incruster de plus en plus souvent dans leurs conversations - s'installa. Il plana mollement au-dessus de leurs tasses, palpable dans la vapeur qui s'échappait du bec de la théière, agaçant. Puis il s'évanouit sur les lèvres de Harry.
« Hein?
- On ne dit pas hein, on dit comment. Et je ne vois pas ce que tu n'as pas saisi dans ce que je viens de dire. »
Les idées de Harry se bousculèrent dans les méandres de son cerveau, les paroles se heurtèrent contre ses dents et ses lèvres en quelques balbutiements inintelligibles. Et le pied de Malfoy qui faisait des avances à sa cheville gauche ne l'aidait pas à éclaircir ses pensées.
« Dois-je prendre ça pour un oui?
- Non! Surtout pas! »
Harry se redressa en donnant un coup au pied conquérant. Ledit pied battit en retrait, mais au lieu de se tenir tranquille, Malfoy revint à la charge et captura entre ses doigts la main droite de Harry, qui en eut le souffle coupé. Jamais il ne se serait attendu à une telle audace.
« Écoute Draco, ce n'est pas possible.
- Ah oui? Et pourquoi? »
Draco n'avait pas lâché la main qu'il gardait captive, et il souriait devant l'embarras croissant de Potter. Il souriait aussi parce qu'il pressentait le drame arriver. Il connaissait bien Harry depuis le temps, et les valeurs qu'il défendait, et sa façon de faire.
« Tu as une femme, un fils, des parents qui attendent t...
- ... tout de moi, je sais. Mais ma femme, je m'en contrefiche. Et mon fils, ça ne le regarde pas. Harry, je t'arrête tout de suite. Je ne veux pas d'une scène mélodramatique où tu me dirais que tu ne peux pas faire ça à ta femme, que tu as des enfants auxquels tu tiens et tout. Personnellement, je n'en ai rien à faire. Tout ce que je sais, c'est que j'ai envie de continuer ce que tu as initié à Venise. Point final.
- Et si je n'en ai pas envie? »
Cette question, pleine d'insolence, fit bondir le cœur de Draco. Soudain, il resserra sa prise sur le poignet de Harry et l'attira vers lui. Il se leva et l'embrassa avec brusquerie. Ce ne fut pas un baiser violent, non, mais un baiser plein de colère, un baiser qui semblait dire « n'essaye pas de nier ce que tu ne peux même pas te cacher à toi-même ».
Il se recula et se rassit aussi prestement qu'il s'était levé. Puis il but un longue gorgée de karkadé, observant avec un sourire sardonique les mains tremblantes de Potter. Finalement, il semblait qu'il avait gagné.
La seule pensée qui vint alors frapper Harry fut que les mères de famille qui discutaient au-dehors allaient devoir se trouver un autre modèle de père aimant et attentionné. Et cette pensée le fit sourire.
(1) Ce nom appartient de droit au merveilleux Claude Ponti (mais si, vous savez, celui qui a écrit les aventures de Blaise, le poussin masqué, L'Arbre sans fin, La Tempête et des tas de livres pour enfants vraiment géniaux).