Titre : Rien qu'un baiser, chapitre 26
Auteur : Mokoshna
Couple : ZoroXSanji
Fandom : One Piece
Rating : M
Thème : 26. Si seulement tu étais à moi
Disclaimer : One Piece appartient à Eiichiro Oda. Je ne fais que reprendre ses personnages pour leur faire faire n'importe quoi.
Bla-bla de l'auteur : L'un de mes grands regrets est qu'il n'y ait pas de traduction précise en français pour « nakama », ce terme si cher à One Piece. Ami, compagnon, allié, rien dans notre belle langue de Molière n'est assez fort pour exprimer tout ce que cette notion englobe dans le manga, tout ce qu'elle peut supposer de lien vraiment profond entre les personnages. On se rattrape comme on peut, mais bon...
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Chapitre 26 : Si seulement tu étais à moi
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La foule amassée dans la salle était considérable, l'équivalent d'un village ordinaire de West Blue. Nami sourit à un amiral portant un haut-de-forme vert de très mauvais goût, s'inclina respectueusement devant un général illustre en fin de carrière, dansa une douzaine de fois avec des officiers dont elle oubliait le nom sitôt qu'il la lâchaient. Sa robe de soirée rouge ne cessait de virevolter au rythme de la musique, les regards admiratifs des hommes qui la croisaient lui faisaient tourner la tête. Elle ne cessait d'observer Robin, si belle, si calme dans sa robe violette, Robin qui flirtait avec un homme à la stature de géant et au faciès immonde. L'officier qui la menait sur la piste lui fit un sourire charmeur qu'elle releva à peine, toute occupée qu'elle était à scruter le visage de son amie. Robin éclata de rire, un éclat hanté qui sonnait faux aux oreilles de Nami. Les yeux de son amie ne cessaient de l'éviter ; elle accéléra le pas à la fin du morceau pour ne pas avoir à passer de nouveau devant elle.
Au fond de la salle, Leon King observait les festivités, bien engoncé dans son fauteuil immense à l'allure de trône royal. Son manteau à plumes blanches, costume de fête bien connu du personnage, faisait une tache grotesque sur le duvet rouge du siège ; comme un oiseau exotique qui n'aurait pas sa place au milieu des singes. Nami eut envie de pleurer. La musique se fit plus rapide, son coeur battit plus vite en réaction à l'effort continu qu'elle fournissait. Les gens se transformèrent en tourbillons, le rire de Robin résonnait à ses oreilles de manière sinistre, le visage affable de Leon King lui donna la nausée. Son coeur se brisait en elle, tout doucement. Elle lâcha la main de l'officier et tomba à terre, les yeux inondés de larmes.
- Mademoiselle ! s'écria son cavalier, paniqué, en se baissant vers elle. Vous allez bien ?
Robin fut à ses côtés en un instant.
- Elle doit être fatiguée à cause de la foule, dit-elle en lui prenant la main. Je vais la conduire au balcon, elle y sera mieux.
- Si vous permettez, je peux la soutenir...
- Votre galanterie n'a d'égale que votre valeur, commodore Valiente, sourit Robin, mais je pense qu'il serait plus raisonnable que je l'accompagne seule. Mon amie vient d'un pays où la pudeur féminine n'est pas une mince affaire. Savoir qu'un homme l'a touchée alors qu'elle était à peine consciente serait une marque de déshonneur certaine.
Valiente fit une grimace contrite.
- Je comprends. Il serait très mal vu que je l'accompagne, n'est-ce pas ?
- Vous m'en voyez désolée.
- Ce n'est rien. Hâtez-vous donc de la mettre plus à l'aise, son teint est d'une pâleur navrante. Désirez-vous que je vous fasse apporter des sels ?
- S'il-vous-plaît.
Nami sentit plus qu'elle ne vit le bras ferme de Robin l'attirer vers elle, et ensemble elles marchèrent (ou plutôt tituba dans le cas de Nami) jusqu'à la sortie la plus proche. Robin la fit asseoir sur un banc de pierre frais qui sentait la mousse ; un frôlement de tissu, et son amie s'installa juste à côté d'elle, marmonnant à mi-voix des mots de réconfort que Nami ne perçut pas. Sa vue était trouble, une nausée insistante lui rayait le ventre. Une main aux longs doigts aristocratiques plaqua un tube de sels malodorants sous son nez.
Nami toussa et détourna la tête. La nausée était plus envahissante que jamais ; elle devait lutter avec âpreté pour ne pas rendre son déjeuner sur le sol. Son corps était en nage, ses yeux lui faisaient mal à force de pleurer, la vue de Robin, inquiète et souriante en même temps, la faisait haïr cette part d'elle-même si faible qui se refusait à lutter. Elle ne pouvait admettre le fardeau qui lui écrasait l'échine ; pourtant, elle savait qu'il lui fallait se décider à agir...
- Ne te force pas, chuchota Robin. Je sais que le choc est grand.
- Grand ? fit Nami, incrédule. Tu me dit que tout ce pour quoi on a lutté jusque-là s'est évaporé en fumée, et tu restes calme ?
Robin baissa les yeux. Nami se mordit la lèvre jusqu'au sang.
- Pourquoi as-tu participé à cette immonde mascarade ? l'accusa-t-elle. Tu aurais dû tout faire pour les arrêter ! Arrêter Sanji !
- C'était impossible, dit Robin sans une trace d'émotion dans la voix. J'ai essayé de le raisonner pendant longtemps, j'ai même voulu le tuer quand j'ai vu à quel point il était... parti. Il ne voulait rien entendre. Finalement, il était trop fort pour moi.
- Alors tu aurais pu chercher les autres ! On t'aurait aidée !
- Comment ? cria Robin, les yeux grands ouverts, la bouche tordue en une grimace excédée. En mettant leurs vies en jeu ? Tu imagines Pipo et Chopper se battre en première ligne contre tout All Game ? Ils n'auraient pas hésité à les tuer et à utiliser leurs cadavres dans des expériences maudites !
- C'est pour ça que tu as joué le jeu dans cette espèce de plan minable ? Que tu as vendu ton âme à All Game ?
- Je l'ai fait pour toi et les autres !
Robin pleurait aussi, à présent. Nami serra les dents, si fort qu'elle entendit nettement l'émail craquer. Elle s'en fichait bien ; que sa dentition tombe si cela pouvait lui ramener sa Robin !
Elle leva la main ; Robin ne réagit même pas. La gifle ne fut une surprise pour personne. Le bruit passa inaperçu au milieu du brouhaha de la salle de bal, où hôtes et invités s'esclaffaient bruyamment au son des valses et des sambas. Nami contempla la peau rougie de son amie, l'expression neutre qui ornait ses traits. Allait-elle lui tendre l'autre joue ? La main de Nami lui brûlait, mais elle pouvait déjà sentir une partie de la colère et la frustration qui l'habitaient s'en aller.
- Je n'ai pas besoin de ce genre d'aide, fit-elle sèchement. Luffy t'aurait craché à la face s'il avait su.
Robin ne répondit pas. La nausée de Nami était complètement passée ; seule persistait une volonté sourde et froide, le désir de se battre pour la survie de son rêve. Derrière elle, ses compagnons de voyage dispersés dans le vaste monde, perdus à jamais peut-être ? Devant elle, un avenir incertain, la perspective d'une odyssée longue et dangereuse. Pourtant, elle n'avait plus aucun doute en cet instant. S'il ne restait qu'elle pour que tout retourne dans l'ordre, pour que l'équipage de Luffy au chapeau de paille reparte dans sa quête du One Piece, eh bien ! Elle n'avait plus qu'à se lancer dans cette nouvelle aventure.
- Il faut que je récupère mon arme, fit-elle, pensive. On doit aussi retrouver Pipo et Chopper. Ils nous aideront.
Robin ne disait toujours rien.
- Robin ?
- C'est un combat perdu d'avance, finit-elle par dire, la voix cassée. Sandoval est trop fort, All Game trop bien implanté. Le plan est presque à son terme. Même si on arrivait à réunir un groupe de combattants suffisamment puissants, on ne peut plus faire marche arrière...
- Alors tu proposes d'abandonner, comme ça, sans lutter ? Tu veux céder la Route de tous les périls à cette organisation ? Ce serait... abominable !
- Abandonner, non... mais orienter ton rêve différemment ?
Un goût amer assaillit la bouche de Nami.
- Tu me demandes de laisser mourir mon rêve, et le tien, et celui de tous nos amis, en somme ? Laisser mourir le rêve de Luffy ?
- Il ne mourra pas, fit Robin sur un ton ferme. Sanji a tout fait pour ça.
Nami serra les poings.
- Connaissant Luffy, je doute qu'il s'en contente.
- S'il est encore en vie.
- Il l'est, la coupa-t-elle sans pitié.
Un sourire confiant orna les traits de Nami.
- Il l'est.
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Pipo s'avança en direction du garde, le pas sec et nerveux. Chopper lui fit un sourire hésitant et le suivit, Ahiru entre les bras. Chacun s'était mis sur son trente-et-un : Pipo portait une vieille redingote grise qu'il avait achetée un peu plus tôt au rabais, Chopper avait mis un noeud papillon, Ahiru s'était lissé les plumes et avait fait briller son bec avec un peu d'eau de mer. Personne ne leur avait barré le chemin ; les gens étaient bien trop occupés à faire la fête et à chanter à tue-tête des airs populaires.
- Nous sommes invités par Leon King pour la soirée, fit Pipo en tendant les billets que lui avait donnés Sanji.
Le garde y jeta à peine un regard et leur fit signe de passer. Pipo ne se sentit un peu plus à l'aise qu'une fois le seuil passé. Ce fut de courte durée ; il se souvint bien vite pour quelle raison ils se trouvaient là en voyant les multiples fanions décorés à l'image d'All Game qui ornaient les murs. Chopper baissa la tête et s'assura que personne ne les suivait.
- Quand est-ce que Ken va nous rejoindre ? chuchota Pipo, l'oeil aux aguets.
- Il a dit qu'il devait d'abord aller chercher des affaires chez lui, fit Chopper. Et Sania est retournée avec Regal.
- N'empêche, je persiste à croire qu'on aurait pas dû se séparer comme ça. Ça nous a jamais réussi dans le passé.
- Je sais, mais on n'a pas vraiment le choix... Il faut qu'on ait tous les atouts de notre côté, et c'est pas en restant agglutinés les uns aux autres qu'on y arrivera.
Un orchestre les frôla, coupant court à leur conversation. Autour d'eux, ça discutait, ça dansait, ça chantait... Pipo fit une grimace amère.
- Regardez-les, à se réjouir de tomber sous la coupe de ces tyrans d'All Game !
- Ce n'est pas de leur faute, protesta Chopper avec un soupir. Sanji a très bien joué depuis neuf ans, sur tous les tableaux ou presque. Pour ces gens, Leon King est pratiquement leur sauveur et All Game va leur apporter paix et prospérité.
- Surtout après le coup de ce soir, hein ?
Pipo avait envie de vomir.
- Si j'attrape Sanji, je te garantie qu'il aura droit à sa raclée, foi de Pipo !
Chopper ne répondit pas. À force d'errances, ils étaient arrivés devant ce qui semblait être la salle de bal principale. Des nuées de danseurs occupaient la piste. Pipo grogna sensiblement en apercevant Leon King discuter avec une femme blonde qui ressemblait à s'y méprendre à Sania. Il savait que ce n'était pas elle : elle était trop raide, son visage avait des traits durs et froids qui ne correspondaient pas au caractère chaleureux de la Dame de Pique. Sans doute s'agissait-il là de sa soeur jumelle, Sally, dont elle leur avait parlé en long et en large durant presque une heure... Sally « Valet de Trèfle », le satané scientifique qui avait tout fait pour changer de manière si radicale Sanji et Zoro. Il se mit à regretter l'absence de son cher tromblon ; que n'aurait-il pas donné pour pouvoir parsemer ce corps magnifique de trous !
- Regarde-les, en train de papoter comme si de rien n'était ! Peuh !
Chopper ne répondit pas. Son attention semblait attirée ailleurs.
- Eh, tu m'écoutes, Chopper ?
Pipo vit le renne pâlir, claquer des dents... Curieux, il tourna sa tête en direction de l'endroit où il regardait, pensant trouver Sanji au bras de Robin, ou quelque chose dans le genre... Il ne s'attendait absolument pas à voir Nami chanceler au bras d'un homme au physique de séducteur, les yeux tellement baignés de larmes que c'était un miracle que son maquillage ne dégouline pas sur sa robe.
- Nami ! s'écria Chopper.
Le souffle manqua à Pipo. Il vit comme dans un rêve Robin se précipiter au secours de leur amie, la relever délicatement tout en parlant avec l'homme qui dansait avec Nami un peu plus tôt. Puis, les deux jeunes femmes se dirigèrent en direction du balcon et disparurent.
- Couac ! fit soudain Ahiru, inquiète de les voir aussi abattus. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Nami ! C'était Nami ! fit enfin Pipo en reprenant son souffle. Comment est-ce possible ? Elle est morte, je l'ai vue de mes yeux vue ! Son corps était coupé en deux, il y avait du sang partout...
Le regard de Chopper se durcit.
- Est-ce encore une mauvaise blague de Sanji ? Pourtant, il n'en fait pas allusion dans ses notes...
- C'est peut-être pas de sa faute, pour une fois ? hasarda Pipo. Non, c'est sûrement lui, pourtant...
Il se pinça un bon coup pour voir s'il ne rêvait pas... Et qui sait, peut-être arriverait-il à sortir de ce cauchemar ? Il fut bien déçu : la douleur sur son bras était bien réelle.
- Encore un autre secret, on dirait...
- J'ai laissé tomber le compte, grogna Chopper. Qu'est-ce que qu'on fait ?
- On les suit, bien sûr. C'était Robin, avec elle.
- C'est peut-être un clone de Nami.
- Peut-être. On ne saura que si on les aborde. De toute façon, il faut que je parle à Robin.
Chopper hocha la tête et sourit.
- On y va, alors.
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Zero contempla longuement la silhouette maigre de Sandoval. Sa main s'attarda dans les cheveux de son nouvel amant, courut le long de sa nuque, titilla son oreille avec curiosité. Ils avaient passé une heure seuls, une heure de passion et de baisers frénétiques, une heure de découverte. Pourtant, tout en cet homme lui était familier. Et ce n'était pas sa ressemblance troublante avec Leon qui y était pour quelque chose.
- Qui es-tu ? chuchota-t-il à l'obscurité sans attendre de réponse particulière.
Sandoval bougea à peine dans son sommeil. Depuis quand le Roi de Trèfle était-il si confiant en la présence d'un amant d'un soir ? Il se tourna légèrement, laissant voir son flanc gauche débarrassé d'un membre. Quand avait-il perdu ce bras, dans quelles circonstances ? Pourquoi était-il si distant avec Zero, et à la fois si tendre, comme s'il était en compagnie d'un époux ou d'un compagnon cher à son coeur ?
Zero ne connaissait pas les sentiments du vulgaire. Son créateur avait bien veillé à ne pas lui implanter ce genre de futilité dans son programme, de cela il en était sûr. Il était un soldat, un assassin, une brute épaisse. Ni plus ni moins.
Dans ce cas, pourquoi la vision de cet homme lui était-elle si... douloureuse ? Zero n'était pas certain d'avoir un coeur. Malgré tout, sa poitrine lui faisait mal, et en même temps il éprouvait comme une sorte d'ivresse inexplicable, une exaltation réelle et déconcertante... Il délaissa ses caresses et regarda sa main. Elle tremblait.
- Qui es-tu ? demanda-t-il à nouveau. Toi qui m'affecte autant.
Les bruits de la fête lui parvenaient de loin, étouffés par les murs épais de la chambre. Il savait qu'il aurait dû se trouver avec les autres, à caresser dans le sens du poil ces officiers idiots de la Marine qui ne se doutaient pas du sort que leur réservait All Game.
- Pas envie, fit-il, un peu bougon.
Au diable ses responsabilités ! Il aurait voulu rester ainsi pour toujours. Cet homme près de lui, si proche, vivant, entre ses bras... Il sourit, serra la main de Sandoval pour s'assurer qu'il était bien là, qu'il ne partirait pas en fumée. Une bouffée d'angoisse lui saisit brusquement la gorge. Qui sait combien de temps cela durerait ? Et si Sandoval s'en allait, s'il n'avait pas besoin de lui, s'il ne voulait pas de Zero ? Zero n'était rien sans sa programmation, juste un fantôme dans un corps puissant. Zéro existence. Sa gorge se serra.
Et puis, l'espace d'un instant, il eut l'image d'un Sandoval plus jeune qui lui souriait, heureux et épuisé. Avait-il rêvé ? Tout s'embrouillait dans sa tête. Un souffle sur sa joue, un regard, bleu comme le ciel, la sensation furtive d'être à sa place, là, entre les bras de cet homme... Et durant une seconde, une seule seconde d'éternité, un sentiment si fort, si intense, qu'il crut avoir perdu la raison.
Et cette prière.
Si seulement si tu étais à moi.
À qui s'adressait-elle ?
Le corps de Sandoval bougea. Zero sentit un picotement sur ses joues et tâta son visage du bout des doigts avant de les lécher, surpris.
Le goût de ses larmes lui donna la nausée.
- San...
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Un mouvement au coin de l'oeil attira l'attention de Nami . Elle se remit d'aplomb aussi vite qu'elle le put ; si jamais des hommes d'All Game les observaient, ils ne devaient surtout pas savoir ce qu'elle projetait de faire ! Robin sursauta à ses côtés.
- Qui est là ? fit-elle, la voix dure.
- Couac !
Un joli canard jaune aux grands yeux bleus sortit de l'ombre. Nami hésita sur la marche à suivre avant de s'apercevoir que Robin avait pâli.
- Ahiru ? chuchota son amie. Tu es... seule ?
- Ça dépend, tu préfèrerais ? fit une voix bien connue de Nami.
Un sourire heureux apparut sur son visage.
- Pipo ?
Son ami fit son apparition juste derrière le canard, suivi de près par un Chopper qui avait pris forme humaine. Nami se jeta sur eux et les enlaça en pleurant, le coeur plus léger. C'étaient bien eux ! Certes, ils semblaient plus vieux et il y avait d'autres différences subtiles, mais son instinct n'aurait pu la tromper à ce sujet. Pipo se raidit mais Chopper retourna ses embrassades avec ferveur.
- Nami ! C'est toi, Nami, tu es en vie, Nami...
Riant et pleurant à la fois, les deux amis se regardèrent longuement. Chopper portait un habit de bal mal ajusté qui craquait à certains endroits. Sa voix était aussi plus grave, sa stature plus importante que la dernière fois qu'elle l'avait vu, son regard plus assuré.
À côté, Pipo n'avait pas fière allure. Nami avait toujours connu le personnage très maigre ; là, il avait une composition presque cadavérique, avec ses mains squelettiques qui dépassaient d'une veste beaucoup trop grande pour lui. Ses joues étaient profondément creusées, de lourdes cernes donnaient un éclat sinistre à ses yeux. Il fit une moue dédaigneuse en croisant son regard.
- Encore une création de Sally, hein ?
- Quoi ?
Robin intervint en se mettant devant elle.
- C'est bien Nami. Je peux te l'affirmer.
- Je ne sais pas.
Pipo lui lança un regard méprisant.
- Je ne sais pas si je dois te croire, même si tu es de bonne foi. Qui me dit que ce n'est pas encore un plan bizarre destiné à nous « protéger » ?
- Pipo ! protesta Chopper.
- Laisse-moi faire, fit Pipo d'une voix sèche. J'en ai assez de toutes ces cachoteries, tous ces secrets sous le prétexte ridicule de nous sauver la mise. On est des pirates, non ? L'équipage de Luffy. Je ne crois pas qu'il serait très content de savoir qu'on se tire dans les pattes.
- Et c'est pour ça que tu refuses de me croire ? railla Robin.
- Dis-moi qui elle est.
Il montra du doigt Nami.
- Elle est très réussie, je dois te l'avouer, mais tu ne vas pas me faire croire qu'elle n'a pas pris une ride en quatre ans ? Ça devrait être un vieux croûton !
Pour la peine, Nami sentit son sang s'échauffer. Pipo ne vit rien venir ; il avait les yeux rivés sur Robin. Chopper fit une grimace confuse mais ne réagit pas. Parfait. Nami leva le bras aussi haut qu'elle le put et frappa cet imbécile de Pipo de toutes ses forces, juste sur le haut de la tête. Il s'affaissa en hurlant, les mains collées sur la bosse énorme qui venait d'apparaître.
- Non mais ça va pas ! hurla-t-il, déconfit.
- C'est qui que tu traites de vieux croûton, face de colibri ? tonna-t-elle, les yeux exorbités de rage.
Toutes les personnes présentes minus Robin reculèrent d'un pas et se ratatinèrent sur elles-mêmes, penaudes. Ahiru se précipita derrière Chopper et sanglota. Pipo mit ses bras devant lui en guise de bouclier.
- Ah, c'est bien Nami ! pleura Chopper. Il n'y a qu'elle pour faire aussi peur !
Nami hurla de plus belle.
- Ça veut dire quoi, que je suis un monstre ? Et ne va pas me dire que je ressemble à ça !
- Non, non, je suis désolé !
Chopper tomba à genoux, implorant la pitié de Nami, les mains jointes en signe de prière. Nami sourit, satisfaite... et le prit de nouveau dans ses bras en riant. Pipo hésita.
Lorsqu'il se décida enfin à se joindre à eux, son visage avait perdu l'austérité de tantôt. Il prit de l'assurance, son rire se mêla à celui des autres, clair et sincère. Qu'il était bon de les revoir ! Nami sourit d'aise. Il étaient presque au complet. Il y avait encore les autres à retrouver, Luffy, Sanji et Zoro, mais elle n'était plus seule...
Elle sursauta en sentant une sensation désagréable sur ses fesses.
Pipo en avait profité pour y poser ses mains et les caresser. Nami leva les yeux vers lui et vit qu'il affichait une expression idiote, lubrique et contemplative à la fois. Elle sentit la moutarde lui monter au nez.
Et leva encore le bras pour le frapper.
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Des cris en nombre se firent entendre, faisant sursauter Zero et tirant Sandoval de son sommeil. Les deux hommes se dévisagèrent. Sandoval fit un sourire hargneux et sortit précipitamment du lit pour se rhabiller.
- Il s'est passé combien de temps ? dit-il sans jeter un regard à Zero.
- Quelques heures. Pas plus de quatre.
Sandoval parut mécontent, sans toutefois esquisser le moindre geste de menace envers Zero. Il remit ses vêtements avec une prestance étonnante que ne laissait pas deviner son état handicapé. Zero déglutit en sentant le fort sentiment de désapprobation dans la voix de son interlocuteur.
- Et tu n'as pas pensé à me réveiller ?
- Je... suis désolé.
Un mouvement impatient de la main et Sandoval, vêtu de son habituel costume de Roi de Trèfle et de son flegme légendaire, sortit à pas pressés de la chambre. Zero resta bientôt seul, nu au milieu des draps sales qui sentaient encore l'odeur de leur rencontre. Il huma l'oreiller contre lequel Sandoval avait reposé sa tête, sourit tristement et soupira. Son crâne lui faisait mal.
Au-dehors, les hurlements de panique continuaient de plus belle.
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Luffy rit à gorge déployée en voyant une grosse dame au teint rose fuir devant la bouche moqueuse de Radoteuse. Depuis qu'il avait rencontré cette drôle de créature et son compagnon Oeil-de-Bois, il ne voyait que des choses intéressantes : cette porte brillante qu'avait ouverte le musicien en lui disant qu'elle le conduirait auprès de ses amis, les attaques répétées de monstres aux formes aussi étranges que cocasses qui avaient voulu les empêcher de partir du monde de l'Autre Côté, la réaction violente de Radoteuse qui leur avait hurlé insulte après insulte. Ils étaient finalement passés, mais Oeil-de-Bois paraissait mal en point, il s'était écroulé en chuchotant un nom, « Ken »...
Était-il malade ou blessé ? Luffy avait d'abord pensé lui apporter à manger, mais il s'était alors souvenu des mots de Nami, que quand quelqu'un se sentait mal, il lui fallait un médecin... Dans ce cas, il devait trouver Chopper pour qu'il le soigne. Et il emmènerait aussi Sanji pour qu'il lui fasse des tas de bons plats revigorants. Sanji était le meilleur pour ça !
Pour l'instant, il devait d'abord voir où ils étaient, ses amis. Où était-il lui-même, d'ailleurs ? Radoteuse, Oeil-de-Bois et lui avaient atterri au milieu d'une cour avec une fontaine, en pleine nuit. Il y avait de la musique, des lumières de partout, une bonne odeur de nourriture et des gens, beaucoup de gens qui riaient et dansaient et chantaient. Cela le rendit euphorique, mais les gens avaient cessé leurs activités en les apercevant. Puis ils s'étaient mis à hurler en pointant du doigt Radoteuse, on l'avait traité de monstre... Les yeux de Luffy s'illuminèrent.
- Hé, t'es un monstre, pour de vrai ? s'écria-t-il, admiratif, à l'intention de sa nouvelle amie.
Radoteuse prit une voix ennuyée.
- Ce n'est que maintenant que tu le remarques ?
- C'est génial ! Tu m'apprendras des trucs de monstre ?
La bouche volante soupira.
- Si tu veux. Mais pas tout de suite, je m'inquiète pour Oeil-de-Bois. Il a mal encaissé la perte d'énergie liée au passage.
Luffy se baissa vers le vieillard inconscient et le tripota du bout de l'index.
- Comment on le réveille ?
- Il faut juste qu'il se repose. Je vais le ramener de l'Autre Côté, toi va chercher tes amis. C'est pour ça qu'on est venu, non ?
Luffy fit une moue boudeuse.
- Mais je voulais lui proposer d'être le musicien de mon équipage, moi !
- Oublie ça. Tu as vu à quel point il va mal rien qu'en essayant de nous faire passer dans ton monde, si en plus tu lui demandes de rester, il en mourrait sûrement. Il n'est plus tout à fait humain, tu vois. Tout comme moi.
Luffy remarqua alors qu'un peu de fumée sortait de la bouche de Radoteuse, comme une vapeur rosée qui grésillait en même temps...
- C'est quoi, ça ? fit-il en désignant le coin où elle fumait.
Radoteuse s'affola.
- Par tous les ragots de l'univers ! Il faut que je parte, je commence déjà à me désagréger !
- Et ça fait mal ?
- Pas vraiment, mais je risque de disparaître. Et ce n'est pas très bon.
- Oh.
Que dire d'autre pour les convaincre de rester ? Luffy comprenait à sa manière que ses nouveaux amis ne pouvaient venir avec lui. Il n'était pas vraiment triste mais il aurait bien voulu les présenter à ses compagnons, Nami, Zoro et les autres...
- Va vite dans ce cas, dit-il avec un sourire confiant. On se reverra, hein ?
- Qui sait ? fit Radoteuse avec un sourire mystérieux. Je crois que tout dépend de toi, petit d'homme.
- Hein ?
Il n'eut pas le temps d'en demander plus que déjà une brèche noire s'ouvrait derrière Radoteuse. Le corps d'Oeil-de-Bois flotta dans les airs et pénétra doucement par l'ouverture. Radoteuse s'y engouffra aussi, non sans avoir adressé une dernière remarque à Luffy.
- Si tu vois Sandoval, dis-lui que le temps n'est pas qu'un adversaire qu'il faut dompter. Il est aussi signe de changement, que ce soit en bien ou en mal. À toi de voir ce que tu veux en faire.
- Quoi ?
- Tout repose sur toi, à présent, Luffy au chapeau de paille.
Et elle disparut avec le trou noir. Luffy tâta l'air ; il n'y avait plus rien.
Que s'était-il passé ? Pourquoi lui avait-elle dit ça ?
- Luffy ! entendit-il soudain dans son dos, tout un groupe de voix qui l'appelait ensemble.
Il se retourna et sourit en reconnaissant ses amis. La première à l'atteindre fut Nami, Nami qui le serra si fort, sanglotant et riant, qu'il faillit tomber à la renverse. Il chuta pour de bon quand le reste du groupe la rejoignit et lui sauta dessus. Dans la mêlée, Luffy distingua vaguement Pipo, Chopper et Robin... ainsi qu'un canard tout rond et jaune avec une grosse plume plantée sur la tête. Il se mit à rire.
- Ah, c'est là que vous étiez ?
Nami lui asséna une tape sur la tête.
- Comment ça, « c'est là où on était » ? C'est toi qui t'es perdu, bougre d'âne élastique !
Elle le prit dans ses bras tout de suite après, à la grande confusion de Luffy. Il regarda autour de lui. Ils n'étaient pas un peu changés, ses amis ? Il ne savait pas vraiment pourquoi il se posait cette question. Pipo lui mit la main sur l'épaule.
- Je suis heureux de voir que tu vas bien, Luffy, dit-il, les larmes aux yeux. Bon sang, ça fait du bien de te revoir !
- Qu'est-ce que tu racontes, Pipo ? On vient de se quitter il y a pas longtemps !
Il leur fit à tous son plus beau sourire. Ses amis, ses compagnons si chers à son coeur, rirent à leur tour, comme soulagés. Luffy fouilla la cour à présent vide du regard.
- Ils sont où, Zoro et Sanji ?
Cette remarque sembla apporter un froid à l'assemblée. Pipo et Chopper détournèrent le regard, Nami étouffa un sanglot. Seule, Robin restait à peu près calme. Elle prit ses mains dans les siennes et le scruta longuement. Puis, elle hocha la tête et sourit, d'un air si triste que Luffy avait envie de cogner sur quelque chose pour faire passer le pincement au coeur que cette vision provoquait en lui.
- Tu ne le sais peut-être pas, mais il s'est passé beaucoup de choses, lui dit son amie. Quatre ans se sont passés depuis la dernière fois qu'on s'est vus. Chacun d'entre nous a changé, mais ceux qui ont le plus évolué sont Zoro et surtout Sanji.
- Je ne comprend pas...
- Eh bien...
Robin n'eut pas le temps de continuer. Les bâtiments qui les entouraient se mirent soudain à briller, un rayonnement intense qui traversa les fenêtres et les interstices pour les aveugler durant une bonne minute. Les cris que Luffy avaient entendus reprirent, plus fort cette fois, plus désespérés... Une foule hurlait à la mort à l'intérieur des bâtisses ; des dizaines et des dizaines de personnes qui appelaient à l'aide, pleuraient de terreur et de détresse... Luffy entendit comme le son d'une cloche résonner dans sa tête, à un niveau sonore beaucoup trop élevé pour qu'il le supporte. Au vu de ses amis qui se bouchaient les oreilles en se tordant de douleur, il n'était certainement pas le seul.
- Qu'est-ce qui se passe, Robin ? réussit à hurler Nami au milieu du tintamarre.
- C'est Mary Belle ! répondit Robin en hurlant à pleins poumons. Elle est en train de chanter !
- Un chant, ça ? intervint Pipo. Un cri de banshee, oui !
- C'est la géhérit ! fit la voix menue du canard. Elle nous mange !
- Quoi ?
Soudain, un silence total se fit. Luffy vit une nouvelle venue leur faire un signe, une jeune fille aux cheveux bruns et au sourire aguicheur qui portait un magnifique costume de pirate violet. Robin se mit tout d'un coup entre eux et plaça ses mains en croix comme pour se préparer à une attaque. La jeune fille sourit.
- Alors, on nous trahit déjà, Dame de Trèfle ?
- Qu'est-ce que vous faites là, Dame Sora ? dit Robin d'une voix qui tremblait un peu.
Sora ricana.
- C'est Sandoval qui m'envoie. Il s'était douté qu'il y aurait un problème de ce genre, alors il m'a dit de veiller sur vous tous. Il a lancé la géhérit en voyant que vous étiez tous réunis.
- Sanji ? grogna Pipo. Comment sait-il que nous sommes ensemble ?
Sora sourit et leva un doigt en l'air, juste au-dessus de leurs têtes. Luffy leva les yeux comme les autres et vit, loin dans le ciel, un immense ballon dirigeable les dominer en survolant le bâtiment.
Son regard fut alors attiré par le petit canard jaune qui courait hors du cercle dense qu'ils formaient. Il s'arrêta net et tomba à la renverse sans prévenir, comme s'il avait rencontré un obstacle sur le chemin... Chopper se précipita vers lui et le prit dans ses bras en lui chuchotant des mots doux. Nami s'approcha de l'endroit où le canard était tombé et y mit sa main.
Elle butta contre une surface solide. Il n'y avait pourtant rien devant elle !
- C'est comme une barrière invisible, fit-elle, émerveillée.
- Elle nous protège de la géhérit, acquiesça Sora.
- Géhérit maudite, grogna le canard.
Les yeux de Luffy pétillèrent.
- Le canard a parlé !
- On t'expliquera, fit Nami. C'est quoi cette histoire de géhérit ?
Sora fit un rire cruel.
- C'est le plan de notre Roi, dit-elle, triomphante. Nous sommes protégés, mais en-dehors du cercle, Sandoval a coupé les ponts entre le monde de l'Autre Côté et le nôtre. Les créatures de ce monde sont en train de décimer ceux qui ne sont pas dans notre camp et qui ne disposent donc pas d'un moyen de protection comme moi. Aussi forts soient-ils, ces officiers de pacotille, ils ne font pas le poids contre les monstres qui peuplent cet univers dément ! Bientôt, nous serons débarrassés d'eux. All Game règnera sur toutes les mers !
Le visage de Robin se crispa d'horreur. Luffy baissa la tête sur le côté. Il n'avait rien compris.
- Je croyais qu'il voulait juste tuer un à un les membres de la Marine ! s'écria Robin. Mais ce plan... c'est un génocide pur et simple ! Les monstres de l'Autre Côté ne font aucune distinction entre la Marine et les civils !
- Tu veux dire qu'elle va aussi tuer les habitants de l'île ? fit Pipo avec un frisson d'effroi.
- On ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs, ricana Sora. Pour ma part, je n'ai que faire de ces êtres faibles et sans défense. Ceux qui comptent à mes yeux sont en sécurité, le reste m'importe peu.
- Espèce de...
- Je suis la seule garante de votre sécurité. Si vous me faites du mal, vous serez la proie des créatures de l'autre monde.
Luffy serra les poings. Il avait compris à sa manière ce qui se passait. Autour de lui, des gens mourraient, et il ne pouvait pas frapper cette fille énervante parce que sinon, ce serait ses amis qui en subiraient les conséquences... Un immense sentiment d'injustice lui inondait le coeur.
Ses compagnons s'étaient tus. Sora les regarda un à un. Luffy sentit son estomac se serrer en voyant surgir d'un bâtiment un homme en uniforme qui se raclait la gorge, les yeux révulsés d'horreur. Son corps était parcouru de griffures, un liquide verdâtre suintait de sa peau. Plusieurs vitres explosèrent, des cris leur parvinrent, à peine étouffés par la barrière de Sora. Étrangement, cet homme suintant fut le seul qu'ils virent, et il s'effondra bientôt avec un râle. Une espèce de gelée verte le quitta alors pour retourner à l'intérieur en émettant un couinement aigu.
Les yeux de Luffy se voilèrent.
- Ça suffit ! fit brusquement Chopper en fonçant sur la barrière. Je suis un médecin, je ne peux pas rester sans rien faire pendant que des hommes souffrent !
Le canard claqua du bec, Pipo réagit à son tour en sortant une fronde rudimentaire de sa poche.
- Arrêtez ça ! cria-t-il à l'intention de Sora.
- Ne vous inquiétez pas, ce sera bientôt fini.
À peine Sora avait-elle prononcé ces mots qu'un silence, plus grand encore qu'à sa venue, se fit. Luffy leva les yeux, pas peu surpris.
Et rencontra ceux d'un homme maigre au costume de capitaine pirate dont la manche gauche pendait sur le flanc, vide.
Luffy poussa un cri.
Sanji lui sourit.
À suivre dans un prochain thème...
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J'aurais pu poursuivre encore un peu, mais bon c'est bien aussi d'arrêter là... Ouais, c'est bientôt fini !
Merci de votre fidélité et à bientôt.