Aug 01, 2006 11:28
Voici ma réponse au défi "première lune". Comme mes camarades avant, je n'ai pas fait dans le joyeux et le léger. Ne lisez pas après un repas : risques graves de somnolence...
Titre: Lune rouge
Type: fic
Pairing: Remus centric
Rating: PG-13
Défi: première lune
Nombre de mots: 1873
Disclaimer: les personnages appartiennent à JKR.
Lune rouge
La guerre contre Voldemort était à son apogée. Le Seigneur des Ténèbres avait recruté des partisans partout et ils menaient des opérations d’une audace folle, toujours sanglantes, contre les institutions névralgiques du monde de la sorcellerie. Même Poudlard, même le ministère étaient des cibles.
En fait de guerre, c’était une guérilla, une lutte sans merci, la plus sournoise et la plus meurtrière menace qui n’ait jamais pesé sur le monde sorcier.
Remus Lupin était particulièrement exposé, en tant que membre de l’Ordre du Phénix (la tête pensante de la lutte contre Voldemort). Depuis la mort d’Albus Dumbledore, le ministre Scrimgeour en avait officiellement pris le contrôle. Il n’était ni aussi intelligent, ni aussi charismatique, et il le savait fort bien. Cependant, il avait réalisé l’unité des combattants. Grâce à son action, c’était tout l’Etat sorcier qui luttait officiellement contre la sédition du Mage Noir.
Lorsque Scrimgeour le convoqua, Remus se douta qu’il n’entendrait rien de plaisant. Ces derniers mois, il avait tenté d’infiltrer les loups-garous qui, contrairement à lui, vivaient en groupes (il refusait de dire « en meutes »). Il était censé les convaincre de ne pas s’allier à Voldemort. Il avait échoué.
A sa décharge, personne n’aurait réussi. Les loups-garous étaient sous l’emprise morale de Fenrir Greyback, qui ressemblait beaucoup à Voldemort par l’ambition et la cruauté. Greyback se réjouissait ouvertement de cette guerre ; elle lui donnait toute impunité pour assouvir ses instincts, et c’était une incroyable sensation de liberté. Il espérait la prise de pouvoir par Voldemort : cela sonnerait le glas des mesures qui faisaient des loups-garous des parias. Il avait raison de dire que le gouvernement légal n’avait jamais rien fait pour eux.
Les plaidoiries de Remus n’avait pas pesé lourd face à cette impitoyable logique…
L’accueil de Scrimgeour fut très aimable. C’était la moindre des choses, avant d’envoyer un homme à une mort certaine.
Remus reçut pour instruction de rejoindre à nouveau le groupe de Greyback, pour tuer leur chef. Tout simplement.
Il n’irait pas seul au sacrifice. Il emmenait Kingsley Shacklebolt (son expertise d’auror le désignait comme le stratège de la mission) et Bill Weasley (la jeune recrue était là pour apprendre).
Apprendre quoi ? A se faire tuer ? Bill était un loup-garou, même si cette information n’avait pas encore dépassé les limites de l’Ordre du Phénix. Il était marié à Fleur Delacour depuis l’été. Scrimgeour espérait-il vraiment que cet étrange trio réussisse ?
Remus avait fréquenté Greyback et sa troupe de près. Il savait qu’ils n’avaient pas l’ombre d’une chance. Dans quelques jours, ce serait la première lune de l’hiver. Sûrement sa dernière.
Tonks ne voulait pas qu’il y aille. Mais elle n’avait pas pleuré. Au contraire de Fleur, qui avait versé toutes les larmes de son corps. La jeune femme avait utilisé toutes ses armes pour retenir Bill. Elle ne pouvait cependant rien contre les impératifs d’une guerre. Harry et ses amis étaient quelque part en Cornouailles à la chasse aux horcruxes. Remus ne put pas leur faire ses adieux.
Greyback avait changé de quartier général. Il s’était installé dans la forêt de Sherwood. Après une étude minutieuse des lieux, Kingsley avait élaboré un plan qui, sur le papier, semblait imparable. Ils attaqueraient par surprise. Remus ferait diversion. Kingsley tuerait Greyback. Bill serait là en soutien. Après le succès de la mission, ils n’auraient qu’à s’enfuir à la faveur de la panique générale.
Kingsley était sûr de lui et Bill impatient de se lancer dans l’action. Remus ne dit rien. Etre sûr que ça ne marcherait pas était une chose ; le dire à voix haute en était une autre. Afficher ses craintes ne les rendrait que plus réelles. Alors il se contenta de lever les yeux vers le soleil couchant, qui embrasait le paysage comme un grand feu, et espéra que son intuition était fausse.
Il fallait évidemment attaquer avant la pleine lune.
Le trio ne fit pas deux pas dans la forêt sans être repéré. Remus les sentit venir avant d’entendre le moindre bruit. Le temps de se tourner vers Kingsley et de l’avertir, le bruissement des arbres et les craquements des feuilles se rapprochaient. Remus, Kingsley et Bill stoppèrent leur marche et saisirent leurs baguettes. Ils réalisèrent rapidement que se battre ne servirait à rien. Ils étaient encerclés par des dizaines d’hommes et de femmes, tous silencieux, dont l’attitude n’était même pas menaçante. Aucun ne pointait d’arme. Mais ils se rapprochaient, un pas après l’autre, inexorablement.
Remus, le premier, baissa sa baguette. Il n’aurait jamais imaginé que les recrues Greyback fussent si nombreuses. Leurs informateurs s’étaient lourdement trompés. Sagement, Kingsley et Bill l’imitèrent. Pratiquement sans un mot, sans geste violent, on les conduisit au cœur des ténèbres.
Les loups-garous réprouvés avaient édifié leur cité dans les bois. Ils vivaient comme les compagnons de Robin Hood, dans les mêmes lieux, à neuf siècles de distance. Impuissant, Remus vit que Kingsley et Bill étaient entraînés loin de lui et il les perdit de vue. Seul, désarmé, il fut poussé devant Greyback.
L’homme ressemblait de manière hallucinante à un chef de bande du Moyen Age. Un condottiere, avec la soif du sang et l’envie de pouvoir gravées sur le visage. Il engagea calmement la conversation avec son prisonnier. Il était tellement sûr de sa victoire finale qu’il semblait plutôt amusé par la pathétique tentative de l’Ordre pour l’éliminer. Il tenta même de rallier Remus à sa cause, en usant d’arguments emplis de fiel. Que devait-il à l’Ordre, qui se servait de lui pour des missions vouées à l’échec ? Que devait-il à la mémoire de Dumbledore, qui n’avait pas été capable d’empêcher son ostracisme du monde sorcier ? Que devait-il au soi-disant « côté du bien », qui le traitait comme un monstre ?
Le raisonnement était cohérent et peut-être aurait-il pu convaincre quelqu’un de moins amer que Remus. Quelqu’un qui aurait encore des espoirs d’une vie meilleure ou des illusions sur un monde plus juste. Pour Remus, Voldemort était un ennemi à combattre, de même que ses alliés. Peu importait que les alliés en question fassent miroiter un sort plus enviable pour les loups-garous.
Remus garda ses réflexions cyniques pour lui. Greyback finirait par l’exécuter, cela ne faisait aucun doute, mais il n’était pas nécessaire d’aller au-devant de la mort en lui ouvrant les bras. Greyback lui indiqua la cabane où il serait retenu prisonnier, sans montrer d’animosité particulière. Remus comprit pourquoi : Greyback se flattait de lutter au nom de tous ceux de sa race. Il voulait entrer dans l’histoire comme un symbole de résistance, un Spartacus, un Robin des Bois. Le choix de la forêt de Sherwood ne devait rien au hasard.
Fenrir Greyback était un psychopathe, un illuminé qui croyait œuvrer pour une cause juste. La fréquentation régulière de Voldemort avait considérablement dégradé son psychisme.
Remus rongeait son frein dans la hutte qui lui servait de cage et qui lui rappelait la « cabane hurlante » près de Poudlard où il attendait la fin de sa période d’isolement. Très bientôt, ce serait la pleine lune. Les dizaines d’homme qui vivaient là se transformeraient en bêtes aux instincts incontrôlables. Remus, lui, ne changerait pas ; Bill non plus. Tous deux avaient pris sagement leur rasade de potion Tue-loup. Kingsley était désespérément humain. Que deviendraient-ils, tous les trois ? Remus sentait son angoisse monter au fil des heures. Il n’avait aucune nouvelle de ses deux compagnons.
Demain, ce serait la première pleine lune de l’hiver.
Kingsley ne vécut pas jusque là. Ce soir-là, la porte de la cabane de Remus s’ouvrit, livrant passage à Greyback. Ses mains et son visage étaient couverts de traces rouges, comme un Indien sur le sentier de la guerre. Sans un mot, il jeta un objet sur le sol qui roula lentement jusqu’à Remus. Celui-ci regarda, avec les yeux exorbités et les dents serrées pour ne pas hurler. La tête de Kingsley était à côté de son genou, les traits déformés par la terreur.
Greyback grimaça un sourire, ce qui creusa un sillon ensanglanté sur sa joue, avant de disparaître et de laisser Remus avec ce qui restait de son ami.
Plus que quelques heures avant la pleine lune.
La porte s’ouvrit de nouveau. Remus, instinctivement, se recroquevilla. A sa grande surprise, il reconnut Bill. Celui-ci laissait flotter ses longs cheveux, qui lui donnaient une allure sauvage. Il s’était habillé comme Greyback. Il avait les pupilles dilatées d’un homme sous l’influence d’une drogue. Il déclara à Remus qu’il avait enfin trouvé un endroit où il se sentait chez lui. Il avait donné son allégeance à Greyback.
Remus aurait aimé croire que Bill jouait la comédie pour sauver sa vie, mais le jeune homme respirait la sincérité. De même, il aurait voulu se raccrocher à l’espoir que Bill avait été réellement drogué pour tenir un tel discours. Mais Bill n’avait rien pris, il était juste aussi illuminé que son gourou, drogué à l’influence de Fenrir Greyback.
Bill partit, laissant - soit délibérément soit par oubli - la porte de la cabane non verrouillée. Lorsqu’il fit nuit, Remus sortit. Plusieurs feux de camp illuminaient les lieux. Les hommes préparaient la pleine lune par une fête arrosée d’alcool et de sexe. Remus entraperçut la chevelure rousse de Bill au-dessus d’une femme qui lui griffait le dos.
Greyback n’était pas dans la foule. Remus se faufila jusque dans ses quartiers. Il était là, allongé, les yeux mi-clos. Il semblait attendre la lune comme une expérience mystique.
Remus ne fit rien pour l’avertir de sa présence. Le temps des duels de sorciers, des règles chevaleresques était révolu. C’était le temps du chaos et de l’apocalypse, maintenant.
Remus serra la hache qui s’était retrouvée dans sa main sans qu’il sut comment. Il la leva et la laissa retomber, de toutes ses forces.
Le corps de Greyback bondit dans un grondement. Remus abattit la hache, encore et encore. Il avait à peine conscience de ce qu’il faisait, comme si lui aussi était en transe. Pas une seconde il ne pensa à l’Ordre ni à Voldemort.
Il sortit en titubant. Il dégoulinait de sang. Il ruisselait des cheveux aux talons. Personne ne lui prêta attention. L’orgie prenait fin, tous les participants avaient les yeux levés vers le ciel. Ce n’était plus qu’une question de minutes.
Sans même réaliser sa chance, à l’instinct, Remus s’éloigna, de sa démarche raide et peu assurée. Sur son chemin, il croisa Bill qui le regarda sans paraître le reconnaître. Le jeune homme n’avait pas conscience que lui ne se transformerait pas comme les autres. Par instinct aussi, Remus le prit par le bras et l’entraîna à sa suite.
Ils durent forcer le pas. Les hurlements derrière eux n’avaient plus rien d’humain. Avaient-ils découvert le corps de Greyback ? De toute façon, leur furie animale ne connaîtrait pas de bornes cette nuit…
Le soleil finit par se lever sur la forêt de Sherwood. Remus et Bill émergèrent des ténèbres, transis de froid et dégrisés. Ils avaient survécu à la première lune de l’hiver.
FIN
Je suis une fan absolue du livre de Joseph Conrad « Au cœur des ténèbres » et de son adaptation cinématographique par Coppola « Apocalypse now ». J’ai réussi à placer les deux titres dans mon texte et je revendique m’en être inspirée…
première lune,
remus centric,
fic