Apr 01, 2007 23:22
Titre: La patience de Grisélidis et/ou Le choix de Fanchon
Auteur: Marauder's Mad
Genre: Romance, un petit peu de parodie...
Fandom: Les contes de Perrault. En particulier : Grisélidis et Les souhaits ridicules.
Couple: Ahaha ! Bon, je peux bien le dire, c'est déjà annoncé dans le titre... Grisélidis et Fanchon ! ^^
Rating: un coeur, tout dans la légèreté (avec des sabots...)
Disclaimer: tous les personnages évoqués appartiennent à Perrault, quoiqu'il ressortirait probablement de sa tombe pour me poursuivre à tout prix s'il voyait l'utilisation que j'en fais...
Voilà donc, en exclusivité, la réponse au défi lancé par Lullaby ! Cette merveille m'a occupée pendant pas mal de cours, ça lui fait déjà un mérite ;)
(Vais-je réussir à faire un "LJ Cut" ? Rien que le nom me paraît hautement barbare et savant. Si vous ne voyez pas de lien en dessous, ce sera que j'ai piteusement échoué ;) )
- Je vous répudie ! lui ordonna le Prince d’un ton rageur.
- Oooh, non, pleurnicha-t-elle pour la forme. Il ne manquait plus que ça, tiens. Tant mieux, elle allait enfin avoir du temps pour elle. Au pluriel.
Un sourire se dessina sur les lèvres de Grisélidis à cette pensée et elle se hâta de rassembler ses affaires.
- Chassée ?
Toute heureuse de regagner sa clairière préférée, elle en avait oublié la raison pour laquelle elle avait accepté d’épouser le Prince, et surtout de subir les nombreux aléas de la vie commune avec un grave paranoïaque.
Fanchon, sa jolie Fanchon, son amie (et plus car affinités) de toujours, était en colère. La princesse -enfin, l’ex-princesse, ça existait comme titre ? La Princesse déchue, ça sonnait mieux ;en bref, elle enfin- en avait marre de se faire crier dessus. Si cela arrivait si fréquemment, c’était sans doute dû au fait qu’elle était d’un tempérament plutôt calme.
- Mais… reprit Fanchon d’un ton un peu plus modéré. Comment allons-nous faire si tu n’es plus la bienvenue au château ? Sans tout ce que tu en rapportais ? Les bons repas qu’on partageait ensemble ? Ce n’est pas avec mon rustaud de mari que je vais déguster du faisan aux airelles, il ne connaît que le boudin !
- Ah, ce n’est que pour la bonne chère que tu es avec moi ? La voix de Grisélidis s’éleva à son tour, peinée.
- Bien sûr que non ! répliqua Fanchon, outrée. Mais tu sais bien qu’on ne peut pas vivre ensemble ! Il faut qu’on ait chacune une situation, on n’est pas dans un conte de fées…
- Justement, si, objecta la jeune bergère (tout compte fait, ce titre faisait plus bucolique et surtout plus propice aux premières amours que « Princesse déchue ». Elle fit taire la petite voix qui lui insinuait qu’elle n’était plus à l’âge des jeunes passions.)
Elles se regardèrent, consternées.
- Mais alors… Pourquoi… balbutia la paysanne, qui n’était pourtant pas sotte.
- C’est l’interdit ! s’écria Grisélidis qui s’y connaissait mieux en contes -elle avait largement eu le temps de faire le tour de la bibliothèque du château pendant ses longues heures d’ennui.
- Et il va falloir le surmonter pour vivre pleinement notre amour…, continua-t-elle, soudain enthousiasmée.
- Ce n’est pas déjà ce qu’on fait ? ronchonna la jeune femme qui lui faisait face.
- Pas au grand jour, répliqua-t-elle. Il y avait intérêt à ce que l’auteur équilibre sa dose de bonheur à venir à la mesure de tous les moments pénibles que son *** de mari lui avait fait endurer.
Quelques semaines plus tard, il s’avéra que les années passées au palais semblaient désormais bien attirantes à celle qui l’avait habité, à côté de son état actuel. Fanchon avait à faire chez elle, auprès de son propre époux, et Grisélidis passait la plupart de son temps à soupirer en solitaire. Et puis, il fallait l’avouer : elle s’ était habituée au luxe, aux grandes pièces, aux copieux festins, à avoir toujours quelqu’un à sa disposition…A occuper des journées de conversations mondaines et à se vêtir des habits les plus prisés. Même les jérémiades du Prince lui manquaient, c’était pour dire. Pour un peu, elle aurait regretté les habituels « tests de fidélité » qu’il lui faisait régulièrement passer. A une autre époque, il aurait pu être rédacteur chez Jeune & Jolie : « Etes-vous une épouse dévouée ? Les 12 439 001 façons de le savoir ».
Ses promenades qu’elle transformait en escapades, parfois mêmes nocturnes, lui procuraient alors un sentiment de liberté. Aujourd’hui, cette cabane dont elle rêvait était précisément devenu un lieu d’enfermement. Non qu’elle y fut contrainte, mais elle n’avait nulle part où aller. Tout compte fait, Fanchon n’avait pas tort : avoir épousé le Prince n’était pas une si mauvaise chose que ça.
Mais ce n’était pas comme si elle n’avait pas fait d’efforts pour le garder ! Elle s’était montrée d’une patience exemplaire. Bon, d’accord, ces derniers temps, elle lui avait faussé compagnie plus souvent que d’ordinaire pour rendre visite à sa chère et tendre, mais c’était seulement parce qu’il devenait de plus en plus difficile à supporter -toujours à se méfier, l’air de lui tendre un nouveau piège…C’était peine perdue : il n’avait, malgré tous ses soupçons, jamais pris la Princesse en flagrant délit. Et il lui était très facile de se refuser à lui depuis la mort de leur enfant -qui lui avait causé un réel traumatisme, ce que même le Prince avait accepté de croire. A compter de ce triste événement, ils avaient fait chambre à part -ce qui se révélait fort pratique pour les sorties tardives. Bien entendu, quatre soldats solidement armés gardaient sa porte, mais c’était sans compter le pouvoir du sourire de la Princesse. Et puis, tous savaient à quelle point son mari la soumettait à une surveillance sans relâche, et étaient donc enclins à lui accorder ce menu plaisir. Et s’ils auraient probablement refoulé de manière impitoyable l’amant qui se serait présenté chez elle, le teint frais de Fanchon et sa voix pure clamant lui apporter des remèdes aux herbes contre son mal de tête récurrent faisaient des merveilles contre l’intransigeance des militaires.
Elle avait d’abord cru que cette annonce de séparation était une nouvelle lubie de son excentrique de mari. Luttant pour ne pas laisser éclater sa joie -la délivrance était venue ! -elle s’était plainte comme si elle n’avait rien pu redouter de pire. N’avait-elle pas été assez convaincante ? Toujours était-il qu’elle s’était faite mettre à la porte du château, toute princesse qu’elle avait été. Son tendre époux l’avait rabaissée à son rang de bergère, lui signifiant qu’elle n’était plus digne du sien.
Elle ruminait ces sombres pensées quand on vint frapper à sa porte. Le Prince la faisait chercher ! En émoi, elle se prépara, regrettant de ne pouvoir en avertir sa compagne.
Alors que Fanchon rentrait chez elle, elle se prit à souhaiter que Grisélidis fût restée couronnée. Non seulement tous les avantages que lui procuraient la richesse de sa belle amie n’étaient plus, mais en plus, à rester constamment cloîtrée dans sa maisonnette, elle en devenait grincheuse. Plus de nouvelles robes chaque jour pour séduire la petite paysanne, ni de charmants présents à lui offrir pour la surprendre. Leur vie clandestine et passionnée avait pris un tournant aussi morne que monotone. Elle soupira. Ah ! Si seulement !
Tout en rêvant à un monde meilleur où les bergères épouseraient les Princesses, elle était arrivée chez elle. Blaise, son mari, contrairement à d’habitude, paraissait tout guilleret. Que se passait-il donc ? D’ordinaire, il passait le plus clair de son temps à se plaindre de tous les maux de la Terre, dont il était assurément la victime. Peut-être aurait-il pu s’entendre avec l’époux de Grisélidis. Elles pourraient songer à leur organiser une rencontre, se dit-elle avant de se rappeler que le Prince avait répudié sa femme. Quel manque de goût, non mais, vraiment ! Et puis ça ne se faisait pas -surtout pour un noble. Mais c’était là que résidait l’injustice : ils avaient tous les privilèges.
Blaise chantonnait si fort -et surtout, si faux -qu’elle ne put l’ignorer plus longtemps.
- Tu m’as l’air de bien bonne humeur, mon enfant.
- C’est que tu ne devineras jamais ce qui m’est arrivé, ma mie !
Il lui raconta l’aventure la plus incroyable qui soit. Alors qu’il se plaignait à cor et à cris que sa vie était misérable, Jupiter lui était apparu et lui avait accordé trois vœux pour améliorer son existence, qu’il exaucerait tels que le paysan les lui demanderait.
Fanchon ne savait que penser -plutôt rationnelle, ce genre de miracles ne lui disaient rien qui vaille-, mais d’un autre côté, Blaise ne semblait pas saoûl, et de toutes façons, il n’avait jamais eu assez d’imagination pour inventer une histoire pareille. Des idées folles se bousculèrent sans sa tête, faisant naître l’espoir de réaliser ses rêves les plus improbables… Ce n’était pas à elle qu’on avait accordé ces souhaits, mais elle pouvait bien en tirer un très bon parti : elle se voyait déjà en puissante reine, aussi riche et influente que sa dulcinée aurait pu l’être si elle s’était intéressée aux affaires de son royaume. Mais Grisélidis préférait faire profil bas pour ne pas risquer d’attirer les mauvaises langues et les regards des curieux -ainsi pouvait-elle vivre sa relation adultère en toute liberté. Si Fanchon parvenait à ses fins, les rôles s’en trouveraient inversés : ce serait elle qui entretiendrait celle qu’elle aimait.
- Réfléchissons bien à ces trois vœux, n’en choisis aucun à la légère, ordonna-t-elle à son mari. Le paysan hocha la tête, il avait depuis longtemps pris l’habitude d’écouter les conseils avisés de sa femme -de toutes façons, s’il ne le faisait pas, il lui serait impossible d’avoir la paix.
Allant chercher le vin qu’il lui avait demandé, Fanchon songeait au regard de Grisélidis quand elle lui annoncerait que leur vie reprendrait avec l’entrain d’antan -sauf que cette fois, ce serait elle la Princesse ! N’était-ce pas singulièrement drôle ? Il lui traversa l’esprit que la jeune femme n’en supporterait peut-être pas plus facilement son « exil », mais toute à son euphorie du moment, elle n’accorda pas plus de considération à cet inconvénient.
Quand elle revient auprès de son mari, ce fut pour le trouver avec à la main, une gigantesque aune de boudin. Tout penaud, il lui avoua qu’elle était l’objet de son premier vœu, qu’il avait prononcé involontairement…
Adieu robes, luxe, château, volailles ! Fanchon se fâcha. (oui, je sais, ça ne fait rire que moi… ) Et avant qu’elle ait pu comprendre ce que Blaise, qui avait fini par se mettre en colère à son tour, ripostait, elle se trouva avec… Non ! Le boudin à la place de son nez !
Les deux époux se calmèrent instantanément. Leur emportement mutuel leur avait fait gâcher deux souhaits déjà…Il n’en restait plus qu’un !
Blaise lui laissa le choix -elle l’avait bien éduqué. La gloire ou la beauté ? Jamais sa douce bergère ne l’aimerait si elle était défigurée…Et peu lui importaient les honneurs, si de Grisélidis elle perdait le cœur. (ça y est, ça devient mélo !)
Aussi soupira-t-elle d’aide quand quelques mots de Blaise lui rendirent son visage originel.
Le soir même, lorsque que les ronflements de son mari furent à leur comble - c'est-à-dire largement suffisants pour couvrir tout bruit éventuel-, elle s’éclipsa se hâtant de rejoindre la cabane où demeurait désormais sa tendre amie. Quelle ne fut pas sa frayeur en découvrant qu’elle était vide ! (Là, on touche carrément au tragique. Attention, le drame va suivre !)
Au petit matin, elle dut se résoudre à regagner sa maison, sans quoi Blaise allait s’apercevoir de son absence. Vers l’heure de midi, on vint frapper chez eux. Fatiguée -elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit -, elle alla ouvrir… pour trouver, sur le pas de sa porte, Grisélidis !
Elle avait l’air passablement furieuse, ce qui était suffisamment rare pour retenir Fanchon de lui hurler dessus afin de déverser toute son inquiétude.
- Devine quoi ! Ce satané Prince m’a convoquée pour m’annoncer qu’il allait se remarier… Elle grimaça, puis reprit : Et il a le culot de me demander de venir la rencontrer ! Paraît que je suis la plus à même de lui apprendre ce qu’il attend d’elle !
Elle eut un petit rire dérisoire.
- Au moins, je lui ai répondu que personne, mis à part moi, ne pourrait endurer la moitié de ce qu’il m’a fait subir.
Fanchon en resta bouche bée. Depuis toutes ces années où elle avait fait preuve d’un calme incroyable, elle avait enfin craqué et remis ce vieux tordu à sa place !
- Je n’ai fait que lui dire la vérité… Grisélidis avait l’air très satisfaite.
Si ce n’avait été pour toi, je me serais enfuie de ce château trois jours après y être arrivée !
La paysanne lui sourit, réalisant qu’après tout, les titres qu’elle aurait pu avoir si Blaise ne s’était pas montré aussi stupide n’avaient pas bien grande valeur.
Par pure curiosité, Grisélidis avait décidé de se rendre à l’appel du Prince. Fanchon avait persiflé que c’était surtout du masochisme, et que des années passées auprès de ce sadique avaient eu raison d’elle. Mais pour une fois, l’ancienne Princesse n’avait que faire des moqueries de sa chère amie. Son sixième sens (non, ce conte ne va pas virer science-fiction) lui signalait qu’il y avait quelque chose de plus qu’il n’y paraissait dans l’invitation du Prince à son deuxième mariage.
Les yeux des Ministres et de tous les badauds étaient fixés sur elle, s’attendant manifestement à déceler un digne de jalousie -ce qui ne risquait pas d’arriver.
Mais quand la Princesse apparut, loin de rester indifférente, elle sentit une drôle d’émotion s’emparer d’elle -rien de comparable cependant avec ce qu’elle ressentait pour Fanchon…Non, ce sentiment, cela devait faire environ quinze ans qu’elle l’avait oublié - ce n’était quand même pas possible ?
Elle croyait tout connaître de son mari, pouvoir deviner et déjouer le moindre de ses guets-apens. Elle s’était trompée…Il était encore plus vicieux que ce que Fanchon et elle-même avaient jamais pu dire -et elles en avaient passées, des heures à le traiter de tous les noms !
Il lui avait enlevé sa fille, sa fille unique, lui faisant croire qu’elle était morte -et maintenant, il voulait l’épouser ???
Restons zen, s’efforça-t-elle de penser en se rappelant des cours de yoga qu’elle suivait avec Fanchon -c’était surtout cette dernière qui en avait besoin, mais aujourd’hui, cela allait s’avérer utile pour elle aussi.
Très fier de lui, son ex-mari (comment ça, cette expression est bien trop moderne pour un conte de fées ?) expliqua à l’assemblée que la jeune demoiselle n’était autre que sa propre fille, et qu’il n’avait nullement l’intention de se marier avec elle -ouf, respira Grisélidis -mais d’accorder sa main au Prince qu’elle aimait et dont elle était aimée, maintenant qu’il avait mis leur foi et leur obéissance à l’épreuve - Grrr, fit Grisélidis -et qu’il allait récompenser son épouse, modèle de fidélité en la faisant revenir vivre à ses côtés -la pauvre, souffla Grisélidis avant de se rendre compte que c’était elle dont il s’agissait.
Affichant un sourire forcé, elle accepta le bras que lui tendait le Prince -ce qui faisait d’elle de nouveau une Princesse ! Fanchon n’en reviendrait pas - et puis, c’était une meilleure situation pour séduire les paysannes que bergère, non ?
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