Nnedi Okorafor -
Qui a peur de la mort ? (2010 / Panini, Eclipse, 2013)
(528 pages, soit 100 km de plus pour le challenge Tour du Monde. Total : 3400 km et 13 pays pour 39 livres)
Née d'un viol, d'un jour de violence comme son pays en voit trop souvent, Onyesonwu est une enfant marquée. Les cheveux et la peau couleur de sable, désignée aux yeux de chacun comme le fruit d'un métissage ignoble, offerte au mépris, au dégoût, à la crainte et à la haine. Sa mère, longtemps, l'a tenue cachée dans le désert - jusqu'à ce qu'elle soit assez grande, assez intrépide et futée pour affronter le monde des hommes dont elle ne peut se passer.
Le temps a passé. Un forgeron a su l'aimer et l'élever comme sa propre fille, puis la mort a frappé de nouveau et d'étranges pouvoirs ont commencé à se révéler en elle. Des pouvoirs immenses peut-être, étroitement liés à la violence qui scella sa naissance, mais qu'il ne sera pas facile d'apprendre à maîtriser dans un monde où les sorciers sont des hommes, qui ne veulent enseigner qu'aux hommes, et où les femmes - a fortiori une fille maudite et marquée - doivent surtout apprendre à rester à leur place.
Onyesonwu n'est pas du tout du genre à rester à sa place. Sa soif de savoir et sa colère sont immenses, assez grands peut-être pour changer le destin. Mais en chemin, il faudra comprendre et affronter le sens véritable de son nom : Qui a peur de la mort ?
Nnedi Okorafor mêle ici des ingrédients de fantasy très traditionnels - magie, apprentissage, révélations sur les origines, prophétie, voyage initiatique - à un terreau de culture Africaine qu'ils rencontrent rarement. Culture faite de légendes mais aussi d'éléments extrêmements réalistes : guerres et génocides ethniques, viol, patriarcat écrasant, excision...
Cette rencontre fait toute l'originalité du roman, porté en outre par des personnages assez forts et une belle imagination. Inspiré par l'Afrique contemporaine sans y coller pour autant, l'univers d'Onyesonwu est indéniablement captivant, puissamment évocateur. J'ai toutefois regretté qu'il ne soit pas un peu plus travaillé, plus en profondeur et avec plus de détails. La quatrième de couverture parle d'une histoire post-apocalyptique, et si quelques éléments du récit peuvent effectivement coller à cette annonce, rien ne vient vraiment la confirmer - on pourrait presque aussi bien être dans une sorte d'univers parallèle. Le mystère évidemment n'est pas sans charme, mais il ne donne pas assez d'éléments concrets à l'imagination pour permettre à celle-ci d'extrapoler. Les légendes qui tissent la trame de l'univers ne sont pas assez développées, et cela nuit à la fois à l'ampleur de l'ensemble... et à la compréhension de la fin, qui m'est restée assez obscure. Ou simplement décevante ?
Autre bémol, le personnage d'Onyesonwu - sur qui tout repose - n'évolue pas assez pour rester aussi intéressante qu'elle s'annonçait. Sa colère, compréhensible mais souvent puérile, a fini par me la rendre plus agaçante qu'autre chose, et j'ai fini par m'intéresser beaucoup plus à son entourage qu'à son destin personnel. (Un grand classique en fantasy, encore une fois ^^). Le personnage, au fond, vaut moins pour ce qu'il est que pour ce qu'il représente : une révolte, féministe et humaniste, contre le poids du patriarcat et les horreurs de la guerre. Une intention. Et c'est bien là que le bât blesse, j'ai toujours du mal avec les livres dont les intentions transparaissent trop ouvertement, et finissent par prendre le pas sur la créativité et l'imagination.
Restent beaucoup de bonnes choses dans ce livre, dont la symbolique est forte, l'originalité réelle, et qui offre quelques inventions superbes, comme ce Peuple Rouge auprès duquel j'aurais aimé rester plus longtemps. Sa lecture est intéressante et plaisante malgré quelques longueurs, mais si je ne regrette nullement de l'avoir lu, l'enthousiasme n'est pas au rendez-vous pour autant.