Lancé par Arakasi le 22 février.
Chien du Heaume - Justine Niogret (Mnémos, 2009)
Chien du Heaume : ainsi s'appelle-t-elle, car c'est elle que l'on siffle quand les armées se préparent à la bataille, car son identité première s'est perdue dans les brumes du temps. De son enfance, elle ne garde que le souvenir d'une longue errance aux côtés de son père, et la hache étrange que celui-ci lui a léguée, qu'elle a appris à manier mieux que personne. De château en combat, sa quête est la plus simple et la plus essentielle au monde : celle de ses origines et de son nom.
Elle y rencontrera le seigneur vieillissant d'un castel fabuleux, un forgeron défiguré amoureux de son art, un bel adolescent à la douceur envoûtante, peut-être l'ébauche d'une famille et l'étrange, l'effrayante Salamandre, cet être de fer dont chaque apparition semble sonner le glas d'un monde en déclin.
Ne vous fiez pas à la couverture un peu kitschouille qui sent la fantasy lambda : on en est loin, ici, et si Justine Niogret emprunte quelques ficelles au genre, on n'est pas même vraiment dans la fantasy. Plutôt quelque part entre le roman historique, le conte et l'épopée à l'ancienne, dans un univers médiéval bien réel quoique indéfini et teinté d'une touche de fantastique. Ce fantastique qui fait la trame des légendes, qui parle de l'essence même du monde. Ce ne sont d'ailleurs pas les faits d'arme qui intéressent l'auteur mais plutôt un univers - la fin d'une Europe païenne et sauvage basculant peu à peu sous le joug civilisateur du christianisme. Son ambiance, les lieux dont il est constitué, les gens qui y vivent, leur mode de vie et de pensée.
Cet univers-là, elle nous le donne à voir, à sentir, à toucher, par une langue sensuelle et puissante, une langue qui sait faire médiéval sans recourir à l'artifice, si facilement lourd, du parler médiéval. Un riche lexique ancien, un ton bien particulier nourri de comparaisons foisonnantes, suffisent à créer l'illusion et à nous y plonger tout entiers. Ce style est l'un des deux grands points forts du roman, avec ses beaux personnages, tous très forts et très justes. Avec sa vilaine trogne, sa hargne de mercenaire qui n'aime pas la guerre mais ne sait rien faire d'autre, sa solitude immense et son immense dévouement pour les rares personnes qui savent toucher son cœur, Chien du Heaume est de ces trop rares personnages féminins qui savent toucher le mien.
Si à côté de tout ça le scénario comporte peut-être quelques faiblesse, elles restent à mes yeux bien mineures et n'ont nullement empêché ce roman d'entrer illico au rang de mes coups de cœur. Je vais me procurer la suite - car
suite il y a - avec la plus grande impatience !
Notons encore que le texte se termine par un petit lexique des termes anciens employés - tout particulièrement en matière d'armurerie médiévale - où l'auteur adopte un tout autre ton, bien plus familier, et révèle un irrésistible sens de l'humour. Notons enfin que Justine Niogret pratique elle-même l'art de la forge et possède
un blog sur lequel il n'y a pas grand chose, mais que du bon, et notamment la meilleure histoire de crème de beauté de toute l'histoire des cosmétiques. Au moins.