Un geste d'humanité

Dec 12, 2010 22:33

Un vieux texte, un de mes tous premiers en fait... écrit rapidement pour me libérer et évacuer une certaine frustration et colère si je me souviens bien... Je n'y ai rien touché parce que c'est aussi un instantané de ce que j'étais et des sentiments que j'avais éprouvé à l'époque face à ce qu'on a pu appeler un fait divers ...

Chronologie: notre époque.

Personnage Concerné: une mère.

Rating: Tout public.

Un geste d'humanité

Je l’ai fait… enfin.

Il m’a fallu tant de temps pour me décider
De longues années à le voir souffrir
De longues années à être trop lâche pour accomplir mon devoir

J’ai longtemps prié pour qu’on allège mon fardeau.
Il m’était difficile de porter le mien, le sien et celui de mon entourage.
Je suis lasse, j’ai besoin de repos.
Je n’en peux plus de le voir souffrir, de le voir se sentir diminué et humilié.
Je n’en peux plus de voir cette prière au fond de ses yeux chaque fois qu’on le regarde.
Laissez le partir. Accordez lui la paix.

J’ai longtemps crié pour que d’autres agissent, pour que d’autres le fassent.
Il a utilisé ses dernières forces à relayer cette requête.
En vain, personne ne m’a entendue. Personne ne l’a écouté.
Ils l’ont regardé souffrir. Ils lui ont dit d’être fort.
Et ils ont détourné les yeux et n’ont pas vu qu’il n’était déjà plus là.
Qu’il n’était qu’un corps agonisant, que souffrance.
Il ne restait qu’une enveloppe avec un reste de volonté tendue vers un seul but.

Partir. Il voulait partir loin d’ici.
Rejoindre ce qu’il avait laissé un soir au bord d’une route.
Il voulait laisser dans les souvenirs l’image du jeune homme qui aimait tant la vie.
Mais vous lui avez refusé ce dernier cadeau.
Comme s’il n’avait pas déjà assez perdu, vous avez piétiné ce qu’il restait de lui.

J’irai cracher sur vos tombes.
Vous qui refusez la sienne et qui avec un sourire et un ton plein de compassion, creusez les nôtres.
Au nom de qui, de quoi, lui avez-vous refusé le droit à disposer de sa vie ?

J’avais appris, petite, qu’on vivait dans un pays où on naissait libre et égaux en droit.
On avait oublié de me dire qu’on ne mourait pas ainsi !
Le pays des droits de l’homme a encore des progrès à faire.
Il s’était arrêté à mi-chemin.

Vous l’avez forcé à vivre.
Vous l’avez forcé à respirer et à ne connaître que la souffrance.
Vous l’avez forcé à supporter le mal qui rongeait ce corps qu’il ne reconnaissait plus.
Vous l’avez forcé à connaître cet enfermement à l’intérieur de ce corps qui ne répondait plus.

Vous parlez de dignité, de respect de la personne humaine.
Mais vous le condamnez à la pire des sentences.
La vie est parfois bien plus cruelle que la mort.
Il est des prisons dont on ne s’échappe pas.
Où est la dignité de regarder quelqu’un se décomposer ?
Où est le respect de condamner quelqu’un à la souffrance ?
N’est- il pas plus humain d’accorder le repos et la paix ?

Vous vous taisez et détournez les yeux.
Puis vous nous noyez de belles paroles creuses.
Les formes sont belles, mais le fond cruel.
Je n’ai pas vos manières. Je suis issue d’une famille de petites gens.
Mais chez nous, on savait écouter et recevoir.
Vous n’avez pas compris qu’il voulait partir parce qu’il avait aimé la vie.

Vous voulez qu’on se taise, et qu’on oublie
Ne surtout pas déranger les gens.
Ne surtout pas parler de la mort.
Elle viendra bien assez tôt.
Et il y a des problèmes tellement plus graves :
Les Guignols vont-ils trop loin ? PPDA a-t-il fait des implants ?

Vous avez gagné, j’arrête de crier.
De toute façon, je n’ai plus de voix
Et vous êtes trop sourds.
Je cesse de me battre contre des moulins à vent.

Il ne me reste qu’une chose à faire…

Et ce matin, je l’ai fait.
J’ai cessé d’être égoïste et j’ai agi.
J’ai pris cette foutue seringue
Et lui ai injecté cette dose fatale.
Je lui ai offert la délivrance qu’il réclamait.
Et dans ses yeux, avant que vous ne me sortiez de la salle, j’ai pu voir ses remerciements et tout son amour pour les siens

Mon garçon est parti.
Mon enfant est enfin libre

Vous pouvez faire de moi ce que vous voudrez.
Au fond, je n’ai qu’un regret, celui de ne pas l’avoir fait plus tôt.
Celui de ne pas lui avoir épargné ces longs mois de souffrance et de solitude.

Vous pouvez me calomnier, me mépriser
Vous pouvez me traiter de criminelle, de meurtrière.
Vous pouvez m’enfermer, me condamner.
Si c’était à refaire, je le referais.
Et admettez-le au fond, ça vous arrange de ne pas avoir eu à prendre cette décision …
C’est tellement plus simple et plus confortable de me blâmer puis de pardonner à la mère que je suis.

Une mère ne devrait pas voir disparaître ses enfants avant elle.
Ce n’est pas dans l’ordre des choses.
Une mère ne devrait pas avoir à tuer son enfant.
Et pourtant par amour et par respect pour celui-ci, elle peut être amenée à commettre ce geste.
Aujourd’hui je souffre tout en étant soulagée.

Je vais devoir apprendre à vivre avec mon geste…
Mais vous aussi...

Qu'auriez-vous fait à ma place?

Fin.

A Vincent Humbert et tous ceux que l’on condamne à la souffrance au nom des bons sentiments…
A tous ceux que l’on force à vivre malgré eux et à leur famille qu’on abandonne…
Et parce qu’il faudra bien un jour qu’on ose parler de l’euthanasie et qu’on arrête de se voiler la face et de refuser ce foutu débat….

original, fanfic

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