Малофеев раздает интевью и сеет ортодоксию.
Если вы немного пороетесь в его биографии ( а особенно в биографии и месте работы близких и дальних его) , то православие мультимиллионера и искренность его побуждений вызовут большие сомнения.
Материал я скрал:
тут Alexandre Del Valle - Vous êtes considéré en Occident comme l'une des personnalités les plus influentes au sein de cette mouvance en plein essor qui aspire à réenraciner la nouvelle Russie dans ses valeurs chrétiennes et orthodoxes. Vous reconnaissez-vous dans ce portrait ? Quelles sont vos convictions profondes ?
Konstantin Malofeev - Dans la seconde épître aux Thessaloniciens, l'apôtre Paul parle de « ce qui retient », ce qui empêche le monde de tomber entièrement sous le pouvoir total de l'Antéchrist. Saint Jérôme, comme de nombreux autres célèbres théologiens, estimait que l'apôtre faisait référence à l'Empire romain. Et, comme chacun sait, après la chute de Rome au Ve siècle, ce sont les autocrates byzantins qui sont devenus les dirigeants officiels de l'Empire.
À partir du XVe siècle, quand les Turcs ont pris Constantinople et lorsque le tsar russe Ivan III a épousé la nièce du dernier empereur byzantin, la Russie a adopté pour idéologie politique officielle la doctrine « Moscou est la troisième Rome » (1). À partir de ce moment, les tsars russes se sont perçus comme étant chargés de « retenir » le monde de chuter dans le Mal. Et jusqu'à la révolution de 1917, ils ont rigoureusement accompli cette mission. Dois-je rappeler que c'est le tsar Alexandre Ier qui a arrêté Napoléon ?
Mais après cette victoire, la Russie, devenue alors la puissance hégémonique absolue, a-t-elle pour autant installé ses bases militaires dans la moitié de l'Europe ? A-t-elle forcé les autres pays à effectuer leurs transactions entre eux en roubles ? Nullement ! Bien au contraire, même. Le monarque russe est devenu l'initiateur de la Sainte-Alliance, dont la charte constitutive proclamait : « Il est indispensable que les relations entre les États soient soumises à la loi éternelle de Dieu notre Sauveur et que les décisions soient prises conformément aux commandements de l'amour, de la vérité et de la paix. »
Mille fois hélas, une terrible tragédie s'est produite avec le coup d'État bolchevique de 1917 qui a vu la Russie abandonner sa mission sacrée de « rétention ». La suite est connue de tous : la guerre la plus sanglante de l'histoire de l'humanité et un effondrement moral total dans des pays qui, par le passé, avaient été chrétiens.
Et ce n'est que maintenant, cent ans plus tard, que la Russie, sous la direction du président Poutine, est de retour sur sa voie historique. Nous sommes redevenus « ce qui retient » le Mal dans le monde. C'est cela notre but premier et notre immense responsabilité vis-à-vis de tous les peuples de la planète.
A. D. V. - Comment avez-vous réussi à devenir en si peu de temps une personnalité aussi influente et aussi opulente ?
K. M. - Le père de l'Église Jean Chrysostome a écrit qu'un homme riche ne doit jamais oublier que sa richesse ne lui est donnée qu'en gestion. Et que s'il gère mal cette richesse, le Seigneur peut tout à fait la lui retirer. C'est pour cela que je pense que ce n'est pas moi qui ai réussi à devenir riche ; c'est simplement la volonté divine. Et cette volonté, je l'exécute dans la mesure de mes possibilités...
A. D. V. - Vous avez parfois déclaré que vous vouliez consacrer une partie de votre fortune à l'aide humanitaire et à l'éducation, notamment à travers la Fondation Saint-Basile et plusieurs associations de défense de la famille qui ont des ramifications dans toute la Russie et même en Occident. Quels sont, à cet égard, les principaux axes de votre action ?
K. M. - Les projets éducatifs sont au coeur des activités de notre Fondation. Notre objectif est de restaurer l'éducation russe classique qui faisait la fierté de la Russie pré-révolutionnaire. La première étape, en la matière, a été la création du Gymnase Saint-Basile le Grand. Il s'agit d'une école unique en son genre, située dans un ensemble de bâtiments néo-classiques doté de sa propre église. Dans notre Gymnase, à la différence de la majorité des écoles russes, les élèves étudient le catéchisme et le latin. Notre but, à présent, est d'unifier sous notre férule toutes les écoles de Russie où sont enseignés les fondements de la religion et les langues classiques. Récemment, nous avons publié le premier tome d'une grande monographie intitulée Histoire de l'école russe à l'époque impériale.
Notre Fondation se montre également très active dans le domaine de la défense des valeurs familiales. Par exemple, début septembre, nous avons réuni au Kremlin, à Moscou, un Forum international nommé « Famille nombreuse et avenir de l'humanité » auquel ont pris part plus de trois cents responsables politiques, experts et militants de la société civile, ainsi qu'un millier de personnes intéressées par ces questions. Les participants venaient de Russie, d'Ukraine, des États-Unis, du Royaume-Uni et de quarante-cinq autres pays.
Nous militons activement contre l'avortement. C'est un combat que les autorités soutiennent. Il y a peu, le président Poutine a paraphé une loi interdisant de faire de la publicité pour des services médicaux liés à l'interruption volontaire de grossesse.
À ce propos, je tiens à dire que je ne comprends pas pourquoi les autorités françaises refusent d'écouter la voix de leur propre peuple. Comment peuvent-elles ignorer les millions de citoyens français qui sont descendus dans la rue pour défendre les valeurs traditionnelles de la France ? Comment des élus du peuple peuvent-ils adopter des lois anti-populaires dans l'intérêt de la minorité sodomite ?
A. D. V. - Comment le président Vladimir Poutine, dont vous semblez partager la vision géopolitique et la volonté de réhabiliter les valeurs orthodoxes et nationales, perçoit-il votre action ? Vous soutient-il ? De quelle façon ?
K. M. - Le président Poutine soutient toutes les forces patriotiques saines qui militent en faveur d'une Russie forte s'appuyant sur les valeurs chrétiennes traditionnelles.
Il a récemment apporté son appui à notre projet, mené en collaboration avec Le Puy du Fou, qui consiste à édifier en Russie deux parcs à thème consacrés à l'histoire russe. Il a promis qu'il fournirait toute l'aide nécessaire à ce projet, et nous lui en sommes bien sûr très reconnaissants. Voilà qui montre qu'il accorde la plus grande importance à l'éducation patriotique.
A. D. V. - Justement, pouvez-vous nous parler de cet accord de partenariat que vous avez conclu avec Philippe de Villiers et son association Le Puy du Fou afin d'adapter ce célèbre « son et lumières » - qui avait tant fasciné Soljenitsyne - à l'histoire de la Russie tsariste ? Connaissez-vous Philippe de Villiers depuis longtemps ? Le projet du Puy du Fou en Russie va-t-il aboutir bientôt ?
K. M. - Je connaissais depuis longtemps Philippe de Villiers le penseur et l'homme politique. Mais ce n'est que récemment que j'ai découvert Philippe de Villiers l'entrepreneur. Je pense que l'amitié qui nous lie rendra notre collaboration et notre partenariat en affaires très efficaces. Ce projet devrait devenir réalité d'ici à 2017. Concrètement, nous avons l'intention de créer deux parcs historiques : l'un en Crimée, l'autre à proximité de Moscou. Le volume total des investissements s'élèvera à plus de 22 milliards de roubles (environ 440 millions d'euros).
Je regrette qu'en Europe les personnalités comparables à Philippe de Villiers soient si peu nombreuses. Les responsables politiques européens devraient prendre exemple sur lui. Les décisions qu'il prend sont les siennes, elles ne sont pas dictées par des fonctionnaires subalternes du département d'État américain !
A. D. V. - Vous défendez, dites-vous, l'idée d'une « Grande Russie » et souhaitez « faire renaître l'empire russe ». Comment envisagez-vous ce processus et comment votre organisation oeuvre-t-elle en ce sens ?
K. M. - D'abord, évitons d'employer des stéréotypes bien ancrés dans la conscience collective, où la notion d'« empire » équivaut pratiquement au mal absolu. D'autant que lorsque l'on parle de « mentalité impériale », c'est presque toujours pour désigner l'État russe. Étrangement, la politique conduite par certains autres États qui effectuent des campagnes militaires colossales à des milliers de kilomètres de leurs frontières n'est généralement pas qualifiée d'« impériale » dans les médias internationaux...
En réalité, la notion d'« empire » est, au fond, identique à la notion de « grande puissance ». Chaque État aspire à devenir un empire s'il en possède le potentiel. C'est aussi normal que l'aspiration à croître de n'importe quel organisme vivant.
Aujourd'hui, nous assistons en Europe à la réalisation d'un projet impérial qui a pour nom « Union européenne ». Mais si l'empire russe se basait sur les valeurs chrétiennes, l'Union européenne, elle, repose sur des valeurs anti-chrétiennes. De ce point de vue, elle est aux antipodes à la fois de l'empire russe et de celui de Charlemagne qui, lui aussi, prétendait assumer la succession de Rome et, donc, exercer cette fonction de « rétention » que j'ai évoquée au début de notre entretien. À cet égard, permettez-moi de citer des propos qu'a récemment tenus le président Poutine : « Nous constatons que de nombreux pays euro-atlantiques se sont engagés dans la voie de l'abandon de leurs racines, y compris des valeurs chrétiennes qui constituent le fondement de la civilisation occidentale. Dans ces pays, on assiste à la négation de toute valeur morale et de toute forme d'identité traditionnelle - nationale, culturelle, religieuse et même juridique. La politique actuellement appliquée met sur le même plan les familles nombreuses et les couples homosexuels, la foi en Dieu et la foi en Satan. »
Comme tout patriote, je souhaite que mon pays soit et demeure une grande puissance. Il est indiscutable que, sous la présidence de Vladimir Poutine, la Russie a repris une bonne partie du terrain qu'elle avait perdu auparavant. Le plus important, dans ce processus, c'est d'avoir conscience que nous ne sommes pas en train d'édifier une Russie nouvelle, une Russie ex nihilo, mais qu'au contraire nous revenons à nos racines, à l'histoire millénaire de l'État russe. C'est la condition absolue de notre succès.
Pour ce qui concerne les mesures concrètes entreprises en ce sens, notre Fondation a été à l'origine, en 2013, de célébrations tenues dans tout le pays en l'honneur du quatre centième anniversaire de l'arrivée sur le trône de la dynastie des Romanov. Nous avons, en particulier, soutenu l'exposition itinérante organisée par l'achimandrite Tikhon (Chevkounov de son nom séculier) : « La Russie orthodoxe. Les Romanov », que des millions de personnes ont visitée partout en Russie et qui est désormais installée définitivement en Crimée. L'engouement populaire qui a accompagné toutes ces manifestations a montré la force des sentiments monarchistes dans la Russie d'aujourd'hui.
En outre, nous avons proposé un amendement à la Constitution portant sur la reconnaissance du rôle particulier de l'orthodoxie en Russie. Cette initiative est actuellement examinée au Parlement russe. Comme l'a écrit Dostoïevski, « un Russe n'est rien sans l'orthodoxie ».
A. D. V. - Vous voyagez souvent en Europe et aux États-Unis. Y avez-vous tissé des liens d'amitié et de coopération avec d'autres mouvances politiques issues de la droite chrétienne-conservatrice ou nationaliste ? Lesquelles ? Vous avez participé à une conférence internationale dédiée aux « 200 ans de la Sainte-Alliance » (2) qui réunissait des formations politiques de la droite monarchiste et des représentants de l'extrême droite européenne, comme le Front national français ou le FPÖ autrichien (3). Est-ce à dire que leurs partis sont plus proches de vos convictions que les partis de centre droit ou les droites chrétiennes modérées classiques ?
K. M. - Aujourd'hui, les milieux chrétiens conservateurs, qu'ils soient européens (y compris russes) ou américains, partagent le même objectif : la protection des valeurs traditionnelles. Mais, contrairement à ce que votre question laisse entendre, ces milieux ne sont pas nationalistes pour autant. Et malheureusement, je ne sais pas ce que signifie la formule « droites chrétiennes modérées classiques ». De mon point de vue, il n'y a aucune différence entre Blair et Cameron, ou entre Sarkozy et Hollande, pour ce qui concerne leur rapport aux valeurs spirituelles et morales chrétiennes. Je serais ravi si les « partis européens de centre droit » étaient réellement de droite, s'ils étaient prêts à défendre les valeurs européennes traditionnelles, s'ils refusaient tout compromis avec ceux qui visent à détruire ces valeurs.
Quant à la conférence dont vous parlez, elle était historique et non pas politique. Elle était consacrée au deux centième anniversaire du Congrès de Vienne qui a abouti à la création de la Sainte-Alliance. Les gens avec qui j'ai échangé lors de cette conférence sont de vrais chrétiens, ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas, par définition, être des fascistes. Comme chacun sait, l'idéologie fasciste reposait sur la haine, rejetait le christianisme et promouvait une religiosité païenne - de même, d'ailleurs, que le libéralisme actuel.
Après le Congrès de Vienne, les souverains chrétiens d'Europe se sont unis pour combattre ensemble le mal révolutionnaire. Deux siècles plus tard, les chrétiens du Vieux continent sont las de ces slogans révolutionnaires qui promeuvent la liberté, l'égalité et la fraternité, alors qu'en réalité l'Occident est devenu totalitaire et oligarchique.
A. D. V. - Quels sont, selon vous, les objectifs géopolitiques du président Vladimir Poutine ? Cherche-t-il à rétablir les frontières de l'ex-Union soviétique ? Son projet d'Union eurasienne recoupe-t-il en partie votre vision d'une Russie néo-impériale slavo-orthodoxe ?
K. M. - Je veux d'abord rectifier une erreur dans votre formulation : il est impossible de parler d'une Russie qui serait à la fois « néo-impériale » et « slavo-orthodoxe ». Aucun empire ne saurait reposer sur un principe nationaliste ! Je signale au passage que les principes nationalistes n'ont pris une ampleur démesurée dans la politique européenne qu'après l'année révolutionnaire 1830, à cause de la baisse de l'influence de la religiosité traditionnelle et de la destruction de l'étatisme monarchique traditionnel.
Comme chacun le sait, l'Empire byzantin s'est édifié en tant qu'État multinational. Il en est allé de même pour ce qui concerne l'empire russe. L'élément qui liait tous ces peuples et toutes ces cultures, c'était l'orthodoxie. Comme l'a dit le président Poutine : « L'adoption du christianisme a déterminé le destin et le choix civilisationnel de la Russie. Les fondements moraux de la foi orthodoxe ont eu une influence majeure sur la formation du caractère national et de la mentalité des peuples de Russie. »
Selon moi, ce qui détermine les objectifs géopolitiques de Vladimir Poutine, c'est le fait qu'il a conscience que la Russie joue le rôle historique de « celui qui retient ». C'est en ayant cette approche à l'esprit qu'il convient d'analyser, par exemple, sa politique syrienne. C'est grâce à Vladimir Poutine et à nul autre que le monde a évité de sombrer dans une guerre totale en Syrie - une guerre dont les conséquences auraient été catastrophiques pour le Proche-Orient dans son ensemble.
De même, c'est Vladimir Poutine et nul autre qui cherche à régler de façon pacifique la crise ukrainienne. Le président russe s'efforce de faire asseoir tous les belligérants autour de la table des négociations alors que l'Occident, non content d'avoir provoqué cette crise, ne cesse d'aggraver le conflit. Le comble, c'est que les médias occidentaux, largement corrompus, qualifient Poutine d'« agresseur ». Et cela, alors que Barack Obama, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2009, a bombardé la Libye à peine deux ans plus tard !
Aussi ironique que cela puisse paraître, Poutine serait aujourd'hui parfaitement fondé à qualifier les États-Unis d'« empire du Mal », reprenant ainsi les mots que Ronald Reagan avait employés à l'égard de l'URSS.
Vous me demandez si Poutine a l'intention de rétablir les frontières de l'URSS. Je ne le pense pas. La Russie doit relever d'immenses défis en matière de reconstruction et d'accroissement de ses infrastructures à l'intérieur des frontières existantes ; elle doit, aussi, consacrer des forces considérables au développement de sa côte Pacifique et de la voie maritime du Nord.
Il n'empêche que le président aspire à réunir les parties éparses de ce qui a été, par le passé, le « monde russe » (4). Cette intégration s'impose non seulement parce qu'elle est porteuse de bénéfices économiques évidents pour ses participants, mais aussi parce qu'elle s'inscrit dans notre histoire commune qui s'étend sur plusieurs siècles. L'Union eurasienne (5), d'après Poutine, doit devenir une Union supra-nationale puissante, l'un des pôles du monde contemporain. Cependant, la souveraineté politique de chacun des États qui constituent cet ensemble restera entière.
A. D. V. - Est-il vrai que vous avez aidé les rebelles de Crimée et d'Ukraine orientale ? Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d'avoir armé les rebelles ? Quel est votre réel objectif assumé en Ukraine ?
K. M. - Je n'accepte pas que l'on qualifie de « rebelles » des gens qui se battent pour pouvoir décider par eux-mêmes de la façon dont ils veulent vivre sur leur terre. Étrangement, les médias occidentaux n'ont jamais qualifié les Albanais du Kosovo de « rebelles » mais uniquement de « combattants de la liberté et de l'autodétermination nationale »...
Cela étant dit, passons au fond de votre question. Notre but en Ukraine, c'est la paix. Nous voulons que le sang des innocents cesse de couler, que les fascistes ukrainiens cessent de tuer des femmes, des enfants et des vieillards. Notre Fondation fait ce qui est en son pouvoir pour contribuer à cet objectif. Je veux rappeler à ceux qui colportent les accusations que vous évoquez que notre Fondation est une organisation de la société civile. Nous avons recueilli 30 millions de roubles (600 000 euros) afin d'aider les enfants malades de Sébastopol, mais cet argent n'est jamais arrivé jusqu'aux destinataires ; il est resté coincé dans une banque ukrainienne ! C'est pourquoi nous avons passé avec la République nationale de Donetsk un accord d'assistance qui concerne, précisément, la livraison d'aide à la population de ces régions frappées par une véritable catastrophe humanitaire. Il s'agit exclusivement de nourriture, d'eau, de vêtements et de produits de première nécessité. Nous n'avons rien livré qui puisse être employé en tant qu'arme. Dès lors, faites-vous votre propre avis sur le degré de sérieux des accusations qui sont portées contre moi !
A. D. V. - Cette aide que vous avez apportée aux séparatistes de Crimée et d'Ukraine de l'Est a-t-elle été entreprise en bonne intelligence avec Vladimir Poutine ?
K. M. - Je vais vous poser une question en retour : si vous souhaitez aider une famille nombreuse en difficulté qui vit à proximité de chez vous, allez-vous d'abord demander son autorisation au président de la France ? Aider ceux qui sont dans le besoin, c'est le devoir de tout chrétien.
A. D. V. - Ne déplorez-vous pas les tensions entre les pays occidentaux et la Russie ? Êtes-vous personnellement affecté par ces sanctions dont vous êtes l'une des cibles les plus visibles en raison de votre action en Ukraine ?
K. M. - Bien sûr que je déplore ces tensions. Mais n'oubliez pas que les sanctions produisent toujours un effet inverse à celui recherché. C'est pourquoi Moscou ne s'empresse guère de prendre des contre-mesures : alors que les Occidentaux ont adopté trois vagues de sanctions à notre égard, la Russie n'a répondu que par une seule salve (6), ce qui illustre la grande sagesse du président Poutine.
Pour ce qui me concerne personnellement, les sanctions ont quelque peu limité ma liberté de circuler, mais guère plus. Je tiens à souligner que bon nombre de mes collègues européens m'ont téléphoné pour me faire part de leur soutien. L'un de mes amis, qui avait l'intention de se marier fin septembre en Europe et souhaitait absolument que je sois son témoin, est allé jusqu'à changer le lieu de la fête : pour que je puisse être présent, celle-ci aura finalement lieu à Moscou.
A. D. V. - Qu'est-ce qui explique ces sanctions, selon vous ? Quelles en sont et en seront, à vos yeux, les conséquences directes pour l'Ukraine, la Russie et l'Occident ?
K. M. - J'attribue ces sanctions à l'entêtement des politiciens américains. L'Europe, quant à elle, ne possède pas de position propre. Elle se contente de jouer les serviteurs zélés de Washington. Et elle en paie le prix. L'adoption du dernier paquet de sanctions est, à cet égard, particulièrement absurde : cette décision a été prise alors que les belligérants en Ukraine venaient de conclure un cessez-le-feu !
Il existe de nombreuses évaluations différentes des pertes que l'Europe a subies et subira encore ; ce qui est sûr, c'est qu'elles se compteront en milliards de dollars. Pour l'Ukraine, les conséquences de toute cette affaire seront également désastreuses. Au lieu de faire la guerre à leur propre peuple, les autorités ukrainiennes actuelles feraient mieux de se demander comment offrir à leur population de la nourriture et du chauffage pour l'hiver ! La Russie, en revanche, ne souffrira absolument pas des sanctions. Comment un pays qui possède un quart des ressources naturelles de la planète pourrait-il être affecté par ces sanctions ridicules ? Comment son économie pourrait-elle être affaiblie par le fait qu'une centaine d'hommes politiques ou de businessmen sont interdits de séjour dans les pays de l'UE et aux États-Unis ? Peut-on réellement croire que l'industrie militaire russe sera sérieusement touchée par l'interdiction d'importation en Russie de pièces détachées à usage dual ?
A. D. V. - Quelles solutions concrètes proposez-vous pour sortir de la crise actuelle et rapprocher durablement la Russie et l'Occident ?
K. M. - L'Occident doit cesser de nous imposer des ultimatums. Il doit respecter nos intérêts géopolitiques, respecter le droit des Russes à exercer leur pleine souveraineté. Comme l'a dit récemment le président Poutine, la Russie ne veut pas que l'Otan « prenne ses quartiers dans notre arrière-cour ou dans nos territoires historiques ».
A. D. V. - La solution est-elle la « finlandisation de l'Ukraine » et un pacte Occident-Russie de « non-agression » qui empêcherait l'Otan et l'Union européenne d'étendre leurs structures et leurs influences à l'Est ?
K. M. - Sur les 28 pays qui composent aujourd'hui l'Otan, 12 ont rejoint l'Alliance après la chute du mur de Berlin en 1989. Et cela, alors même que les États-Unis et la RFA avaient promis à Gorbatchev, en échange de la réunification allemande, que le bloc de l'Otan ne s'élargirait pas vers l'Est. Comment, dans ces conditions, pourrions-nous faire confiance à l'Europe et à l'Amérique ? Du fait de cette défiance, la cause est entendue : la Russie doit veiller elle-même à sa sécurité. Elle ne peut pas compter sur les responsables politiques occidentaux car, je le répète, ces derniers ont montré à de nombreuses reprises qu'ils ne sont pas dignes de foi.
A. D. V. - Quel est l'objectif réel de Moscou aujourd'hui en Ukraine : créer un couloir permettant une continuité territoriale entre la Russie et la Crimée, à présent enclavée ? Créer un précédent pour, ensuite, réunir autour de la Russie l'ensemble des territoires où vivent des minorités pro-russes et/ou russophones, de l'Ukraine orientale au Kazakhstan du Nord en passant par le Caucase ?
K. M. - Aucune de vos propositions n'est juste. Comprenez bien que les Russes sont aujourd'hui le plus grand peuple du monde à vivre séparé. Tout comme, à l'époque de la RFA et de la RDA, le peuple allemand était séparé. C'est pourquoi aujourd'hui le but premier de Moscou est de garantir les droits linguistiques, historiques et culturels des Russes qui résident à l'extérieur des frontières de la Fédération de Russie. Je cite une fois de plus des propos récents du président Poutine : « La Russie va défendre énergiquement les droits de nos compatriotes à l'étranger et aura recours pour cela à tout l'arsenal des moyens qu'elle a à sa disposition, des moyens politiques et économiques jusqu'aux opérations humanitaires et au droit à l'autodéfense tels que prévus par le droit international. »
A. D. V. - Si l'Ukraine avait été membre de l'Otan depuis plusieurs années, pensez-vous qu'une présence russe en Ukraine et une intégration de la Crimée dans la Fédération russe auraient été possibles ?
K. M. - Cette question est purement théorique. Jusqu'au coup d'État de février 2014, l'Ukraine n'aurait en aucun cas pu devenir membre de l'Otan : tous les sondages montraient que la majorité de la population y était hostile.
A. D. V. - La réalisation des objectifs russes en Crimée - et peut-être demain en Ukraine - n'a-t-elle pas été facilitée par le fait qu'il n'y a plus de leader réellement courageux en Occident ainsi que par la relative faiblesse de Barack Obama et des dirigeants (divisés) de l'Union européenne ?
K. M. - C'est exactement le contraire. C'est précisément l'absence en Europe de leaders forts qui a rendu possible la crise constitutionnelle et le bain de sang qui s'est ensuivi en Ukraine. Des leaders européens forts n'auraient pas permis aux services spéciaux d'outre-Atlantique de traiter comme un vulgaire bout de chiffon l'accord signé le 21 février entre le président Ianoukovitch et l'opposition sous les auspices des ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne, de la France et de la Pologne (7). Dois-je rappeler que quelques heures à peine après la signature de ce document, les révolutionnaires d'« Autodéfense du Maïdan » se sont traîtreusement emparés des principaux bâtiments gouvernementaux de Kiev pour rendre l'accord caduc ? Des leaders européens forts n'auraient pas admis que soient foulées aux pieds les garanties qu'ils venaient de donner au président Ianoukovitch - des garanties qui, à ce jour, continuent d'être violées quotidiennement.
A. D. V. - Êtes-vous d'accord avec toutes les décisions de politique extérieure prises par Vladimir Poutine ? Que pensez-vous, par exemple, de sa politique syrienne ?
K. M. - Je soutiens sans l'ombre d'une hésitation le cap de Vladimir Vladimirovitch Poutine en politique étrangère. Toutes les décisions qu'il a prises montrent qu'il comprend de plus en plus profondément que la Russie a pour mission de « retenir » le mal absolu de s'abattre sur l'humanité.
Pour ce qui concerne la question syrienne, il est aujourd'hui devenu absolument évident pour chacun, après les massacres de masse de la population civile et le génocide des chrétiens commis par l'« État islamique », que la politique conduite par les Américains au Proche-Orient a été non seulement myope mais criminelle. Dans le même temps, il apparaît de plus en plus clairement que le seul dirigeant politique réellement à la hauteur dans cette région était et reste Bachar el-Assad.
A. D. V. - Le gouvernement russe ou votre Fondation mènent-ils des actions concrètes en faveur des chrétiens persécutés en Syrie, en Irak et ailleurs dans l'aire islamique ?
K. M. - Seuls les efforts conjoints de la Russie et des autres grandes puissances européennes permettront de protéger les chrétiens - des chrétiens dont je rappelle qu'ils vivent en Syrie et en Mésopotamie depuis deux mille ans !
A. D. V. - Comment décririez-vous M. Poutine ? Sa personnalité, son action, son bilan ?
K. M. - L'apparition du phénomène Poutine - après plusieurs décennies « hors du temps » des périodes soviétique et post-soviétique - a été un grand bonheur pour notre pays. Je dirais même que cet événement revêt une importance colossale pour l'Europe et pour le monde entier.
Mais pourquoi parlez-vous de « bilan » ? Vladimir Vladimirovitch Poutine est dans la force de l'âge et nous espérons tous que, sous sa direction, la Russie continuera longtemps de progresser sur la voie de la grandeur et de la prospérité.