Quelques lectures...

Jul 09, 2013 19:14

La grande ombre d'Arthur Conan Doyle

Dans une ferme écossaise, le narrateur , Jock Calder; mène une vie semblable à celle de son père à son âge et à celle tant de générations avant lui. Rien ne le prédispose à quitter jamais les lieux mais même là-bas, à l'abri, la grande ombre qui plane sur l'Europe agite tous les esprits. C'est lui, Boney, Napoléon, l'Empereur français, fascinant et détesté, qui donne son titre au roman.

La grande ombre est un récit qui prend l'histoire par le petit bout de la lorgnette et de l’Écosse à Waterloo, c'est sa vie que Jock nous raconte, sa vie et comment le hasard, et aussi la soif de grandeur de sa cousine, le jetteront dans les derniers soubresauts de l'Empire. La marche de l'histoire n'est qu'un prétexte pour Conan Doyle qui nous raconte, avec brio d'ailleurs,la façon dont la vie s'écoule dans cette ferme paisible avec la menace du débarquement français dans tous les esprits. Plutôt qu'une armée, ce sera un Français en fuite, cherchant à échapper à on ne sait quoi, alors que Napoléon est enfermé à Elbe et que l'Europe pense en avoir fini avec lui... Évidemment, l'épopée napoléonienne ne s'arrête pas là et Jock nous entraînera plus loin, jusqu'à la Belgique, jusqu'à la guerre et à Paris dans un roman excellent et de grande qualité.

Si ce n'est pas pour ses romans historiques qu'Arthur Conan Doyle est le plus connu, celui ci rappelle tout de même que le père de Holmes avait moult cordes à son arc et que toute son oeuvre vaut le coup d'être découverte!

Simples contes des collines de Rudyard Kipling

Quand Kipling publia "Simples contes des collines", la société très fermée et si particulière des Indes Britanniques trouva la plaisanterie un peu saumâtre. Qu'il peigne les indigènes, soit, mais dans Mistress Hauksbee, dans les Bremmil, dans tous les civils et militaires que l'auteur décrit, les gens se reconnaissaient, avec bien des grincements de dents. A lire ces contes, on comprend mieux: Kipling est sans concession, quoique empli de pitié pour les plus malheureux, et ses personnages sont examinés sans pitié par sa plume.

Quarante nouvelles, très courtes, quarante histoires situées dans les Indes aujourd'hui disparues qu'était la société anglaise expatriée, un microcosme très particulier, souvent féroce, et qui, sous les dehors de l'humour de ces contes, ne ressort pas vraiment grandi.
Cela se dévore très facilement, avec beaucoup de plaisir, et c'est tour à tour drôle et tragique. (Autant être honnête, j'ai du chercher un mouchoir en lisant "Lancé à l'aventure".)
Un excellent miroir d'une époque disparue et une plume délicieuse, à recommander à tous les lecteurs curieux!

Le Tueur aveugle de Margaret Atwood

La première chose à dire sur Le Tueur aveugle, c'est qu'un lecteur intéressé ne devrait pas se laisser impressionner, ou décourager, par son volume.
Après tout, je viens de le refermer en regrettant de l'avoir déjà fini!

Plusieurs histoires s'emmêlent jusqu'à révéler n'en former qu'une : Iris Chase, devenue très âgée, nous raconte sa vie, depuis son grand-père et l'usine de boutons qu'il fonda, jusqu'à la chute de sa famille, son mariage de raison destiné à sauver sa famille, et qui ne sauvera rien, deux guerres mondiales vues du Canada, mais aussi toutes ces époques disparues qu'elle a traversées au fil de sa longue vie et qui se sont enfuies pour de bon. A travers ses mots, on découvre peu à peu sa cadette, Laura, morte depuis des années et restée dans les mémoires comme l'auteur du Tueur aveugle. Le Tueur aveugle, justement, c'est cette histoire qu'un amant raconte à sa maitresse, morceau par morceau, à chaque fois qu'ils arrivent à voler un moment à leurs différences sociales, l'histoire d'une planète lointaine, d'un peuple cruel aux étranges traditions et d'un jeune assassin aveugle qui donne finalement son nom à toute l'oeuvre.

C'est le premier roman que je lis de cet auteur, j'aurai donc bien du mal à le comparer au reste de ses écrits, en bien ou en moins bien, mais je peux avouer en tout cas avoir été complètement conquise. J'aime l'écriture, le rythme, les personnages aussi: Richard et sa soeur sont un peu monoblocs, mais les autres sont tellement merveilleusement humains, plein de beauté et de vraisemblance, jusque dans leurs failles, le tout forme finalement une sorte d'histoire à tiroirs, même si j'avoue que j'avais deviné un ou deux secrets en cours de route, qu'on dévore avec passion et qu'on referme avec la certitude qu'on n'oubliera pas ce livre de sitôt.

Les vacances d'Hercule Poirot d'Agatha Christie

A l’hôtel du Joyeux Roger, Hercule Poirot pensait passer un été tranquille au bord des flots... Hélas, la belle, trop belle, Arlena Stuart, une ancienne actrice suivie d'un parfum de scandales, fait tourner toutes les têtes. Détestée par toutes les femmes présentes, désirée par tous les hommes, elle cristallise le drame que notre détective moustachu voit s'avancer.
La belle est retrouvée étranglée sur une plage et les suspects sont légions parmi les pensionnaires des lieux. Le mari bafoué, le si peu démonstratif capitaine Marshall? Sa fille, pour se débarrasser d'une belle-mère qu'elle détestait? L'amie d'enfance du capitaine, espérant devenir la nouvelle Mme Marshall? Patrick Redfern, fou d'Arlena, délaissant sa femme publiquement? Mme Redfern, l'épouse bafouée?

Le moins qu'on puisse dire est que la regrettée victime ne semble pas être si pleurée que cela.

La grande dame du crime écrit ici un huis clos modifié, remplaçant la chambre fermée par une île. Est-ce que l'un des pensionnaires est coupable? Un inconnu venu du continent hante-t-il l'île ? Et qu'en est il de la bouteille disparue ou de ce bain que personne ne reconnaît avoir pris? Mille petites pièces de puzzle que l'auteur arrange brillamment, menant le lecteur par le bout du nez .
Je vais être honnête: le dernier Agatha Christie que j'avais lu, Témoin muet, m'avait déçue, alors qu'il s'agissait aussi d'une aventure du détective belge. Rien de cela ici et je me suis laissée prendre par l'enquête, me retrouvant totalement à côté de la plaque quant à l'identité du coupable!
Dans la série des Poirot, Les vacances d'Hercule Poirot est un excellent cru que tout le monde peut apprécier: les fans d'Agatha Christie tout autant que ceux qui découvrent son détective belge pour la première fois!

Le Château d'Eppstein d'Alexandre Dumas

Le château d'Eppstein s'intègre dans la partie la plus romantique de l'oeuvre de Dumas: un château isolé dans le land de Hesse, des légendes familiales de comtesses mortes la nuit de Noël et hantant les lieux, deux frères aussi dissemblables que possible, des passages secrets, enfin un passage secret, une mère veillant sur son enfant au delà du tombeau, et la forêt surtout, la forêt allemande qui forme l'écrin du récit et qui étouffe le fracas du monde, ciselant finalement un étrange huis clos. Si la partie principale de l'histoire se déroule pendant les guerres napoléoniennes, ce pourrait aussi bien être en 1730 ou en 1530 , tellement les protagonistes vivent leur drame en comité restreint!

La partie fantastique, presque gothique, est à vrai dire ce qu'il y a de plus intéressant dans le roman. La présentation de la situation, où Dumas utilise la même technique d'un narrateur racontant à l'auteur l'histoire, technique qu'on retrouve dans Les mille et un fantômes, le cadre lui même de ce château perdu au fond des bois et de sa description, qui rappelle que Dumas sait écrire merveilleusement bien des choses , la légende, les comtesses fantômes, tout cela est des plus plaisant pour le lecteur.

Cependant, dès qu'on quitte le couple tragique de Maximilien et d'Albine pour s'intéresser à leur fils et à son amour pour Rosemonde, on regrette les romans plein d'épopées de Dumas. C'est parfois charmant, oui, mais c'est surtout trop long pour tous les lecteurs qui comme moi ont baillé en lisant Paul et Virginie!
Tant qu'à lire un roman de Dumas donnant dans la veine romantique, je conseillerais à la plupart des lecteurs de s'en tenir à Othon l'archer, plus plaisant et mieux rythmé.

Points chauds de Laurent Genefort

En 2019 s'ouvre la première Bouche et les terriens prennent conscience qu'ils ne sont plus seuls. De Bouches en Bouches, de races d'aliens en races d'aliens, les voilà obligés de regarder en face le fait que la Terre est désormais un lieu de passage entre les mondes.
A partir de ce principe, Laurent Genefort écrit un livre très original, plein d'imagination, loin du space opéra classique: ici, ce n'est pas l'homme qui part vers ailleurs, mais l'ailleurs qui débarque, et d'une façon bien différente des invasions aliens de cinéma! Le livre est vu du point de vue de plusieurs personnages, à plusieurs époques, et a un petit côté frustrant: on voudrait 100 ou 150 pages de plus pour en savoir bien plus sur ce qu'il nous laisse entrevoir: là, on reste sur notre faim pour mal de personnages ou de situation. Dommage qu'il ne soit pas allé plus loin.

Malgré ce défaut, c'est un roman tout à fait sympathique qui a en plus la particularité d'être accompagné de croquis de certaines des races aliens à la fin qui illustrent parfaitement le propos.

L'attente de l'aube de William Boyd

L'attente de l'aube débute dans la Vienne de 1913 où un jeune acteur anglais du nom de Lysander Rief vient confier aux mains d'un médecin local, élève de Freud, ses soucis d'ordre sexuel dans l'espoir de tout remettre en ordre et de pouvoir épouser sa fiancée. A Vienne, il trouvera bien autre chose, mettra le doigt dans l'engrenage qui le renverra, d'Angleterre à la France à Genève, dans une histoire d'espionnage qui mettra à rude épreuve ses talents d'acteur.

Ce serait réducteur de considérer L'attente de l'aube comme un simple roman d'espionnage, d'ailleurs le thème n'apparaît finalement qu'assez tard dans le livre. Le jeune narrateur est manipulé, manipule en retour, et voici le lecteur baladé, avec talent, par William Boyd à travers toute l'Europe, à tenter à la fois d'identifier la source des fuites de renseignements militaires et de tenter de comprendre à qui exactement Lysander peut faire confiance. Le tout début du livre avance à un rythme lent, paisible, on se demande un peu où l'auteur veut en venir, mais peu à peu les choses basculent, on regarde les événements passés d'un autre oeil, et d'un coup voici le lecteur incapable de lâcher l'ouvrage, aspiré.

Comme souvent dans ce genre de livre, impossible d'en dire trop sur l'histoire sans révéler des parties de l'intrigue qu'il vaut mieux laisser surprendre, mais le tout est ficelé avec talent, et surtout , surtout, c'est le ton du livre qui prend et marque, les ombres où peu à peu s'enfonce Lysander , où il discerne, ou pas, les schémas, les mensonges, les questions non résolues, même en refermant le livre. Grâce à cela et à une intrigue bien construite, L'attente de l'aube possède une ambiance très particulière et devient un roman envoutant.

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