Et pour changer, je lis

Jan 18, 2013 16:19

L'indésirable de Sarah Waters

Il y a des livres qui marquent et qu'on oubliera jamais. Évidemment, ils varient suivant les lecteurs, parfois, mais pour ceux qu'ils touchent ainsi, ils resteront un souvenir impérissable, un livre à part, qu'on relira parfois ou qu'on osera jamais rouvrir mais que toujours, toujours, on chérira. Et pour moi, L'indésirable est de ceux là.
Le narrateur, médecin de campagne, pénètre un peu par hasard dans l'intimité de la famille Ayres , autrefois une des familles les plus importantes de la région mais désormais aux abois, et sera le témoin d'événements de plus en plus étranges qui secouent la propriété décrépite et isolée.
La construction, la montée des inquiétudes est parfaitement travaillée et m'a transportée, glacée, épouvantée mais ce n'est pas cela qui m'a le plus marquée dans le calvaire des Ayres. :plus que le malaise face aux événements s'accumulant, je dois dire que ce que j'en garderai le plus, c'est cette vision de la famille en bout de course, à bout de souffle, et dont les membres savent bien qu'ils ne suffiront jamais à la relever. C'est décrit superbement, ça m'a tordu le coeur. La triade de la mère et de ses deux enfants dans ce tombeau glacial qui fut une demeure de famille heureuse, prospère, c'est une vision qui inspire empathie et pitié et qui rend la suite encore plus terrible.

Définitivement un livre à recommander .


Mille Femmes blanches : Les Carnets de May Dodd de Jim Fergus

Mille femmes blanches débute dans les années 1870 avec cette idée du chef cheyenne Little Wolf: puisque son peuple souffre de l'arrivée des Européens et qu'ils semblent incapables de s'entendre, il est nécessaire à la survie des siens qu'une partie au moins des Cheyennes à venir ait du sang blanc. Plus habitués aux étranges habitudes des Blancs, grâce à l'éducation que leurs mères leur auront donné, ces enfants sauront aider les autres Cheyennes. Les Cheyennes échangeront donc mille chevaux contre mille femmes blanches qui deviendront leurs épouses et les mères de futurs petits Cheyennes.

En secret, le gouvernement tente l'expérience, expédiant ce qui sera la première, et la dernière expédition, les autres femmes n'arrivant évidemment jamais: extraites de leur asile, de leur prison, femmes ruinées ou se sentant investies d'une mission divine, les épouses sont à vrai dire un sacré numéro.

La narratrice, May Dodd, est sortie de l'asile pour l'occasion. Asile où sa famille l'avait fait enfermer parce qu'elle s'était enfuie avec un homme au dessous de sa condition, ce qui prouvait bien qu'elle était la proie de désordres mentaux et de désirs pas naturels du tout, non? Tout de suite, ça donne le ton.

Pendant à peu près la moitié du livre, le côté manichéen est à vrai dire assez exaspérant : tous les Cheyennes sont charmants, tous les Blancs sont d'odieux personnages, le Réverend accompagnant tout ce beau monde en tête, les seuls Indiens campés de façon négatives sont presque tout des sang-mêlés et il n'y a qu'ensuite, quand l'histoire se nuance un peu qu'on pardonne ce travers à l'auteur, quand il souligne la violence de certaines traditions indiennes (âmes sensibles s'abstenir ), qu'un ou deux personnages blancs se révèlent prêts à faire de leur mieux pour empêcher un massacre, quand la figure d'un étrange moine-boulanger illumine la fin du roman....

Malgré ce défaut, c'est un livre très plaisant, qu'on dévore assez rapidement, pressé d'en savoir plus, inquiet de la fin, avalant les pages de plus en plus vite à mesure que les indices s'accumulent sur l'abandon total du programme et les décisions de Washington vis à vis de la nation Cheyenne. La galerie des femmes qui épouseront les Cheyennes constitue une flopée de personnages secondaires amusants, certains odieux au début se révélant attachants peu à peu, les descriptions de la vie qu'elles sont amenées à mener son fascinante, décrite avec curiosité par May Dodd, qui découvre tout ça en même temps que le lecteur.

Le bureau des assassinats de Jack London

Le bureau des assassinats est un roman très étonnant, une oeuvre jamais finie par London et achevée ensuite selon ses notes, et qui gagnerait à être plus connu. Pour amener à sa perte une organisation d'assassins qui se targuent d'oeuvrer pour le bien commun, un jeune millionnaire place un contrat sur la tête du fondateur et chef de l'organisation, à exécuter par les membres de celui-ci!

La logique poussée à son comble en prend plein son grade et le héros, horrifié et fasciné, nous permet d'assister aux débats entre nos assassins philosophes, et la morale, le devoir, finissent par être des justificatifs de meurtres. Ce texte est définitivement brillant et on le referme songeur et conquis.

Adieu au lac mère de Erche Namu Yang

Adieu au lac mère, c'est à la fois l'histoire de l'enfance et de la jeunesse de Erche Namu Yang , chanteuse chinoise célèbre, mais tout aussi celle du mode de vie de son peuple, les Moso, minorité ethnique chinoise qui a la particularité d'être matrilinéaire. Pas de père chez eux, juste des oncles, des grands-oncles, des frères qui disparaissent la nuit pour visiter la chambre d'autres femmes dans le village, qui elles aussi élèveront leurs enfants avec l'aide de leurs frères.

Entre les efforts du jeune gouvernement communiste pour forcer les Moso au mariage monogame, complètement absent de leurs coutumes, entre le choc d'une jeune femme descendue des montagnes et passée des yacks à garder au conservatoire de Shangaï, on assiste à la fois à la vie d'une société tellement différente de la nôtre, mais aussi aux risques que court celle-ci, confrontée au monde moderne qui la regarde comme un animal curieux.

Le tout forme un récit bien travaillé, intéressant autant pour l'entrevue de la société moso (et la postface, très intéressante, permet d'aller plus loin) que pour le récit de la vie d'une femme qui a poursuivi son rêve si loin de chez elle et du monde de son enfance avec une ténacité qui force l'admiration.

D'Une Rive à l'autre de Mathieu Gaborit

Recueil de nouvelles, D'une Rive à l'autre a à la fois les charmes et les défauts des nouvelles de fantasy et de fantastique. L'écriture est parfaite, les sujets variés, extrêmement même, l'humour présent malgré une tonalité en général assez sombre, et dans l'ensemble, à l'exception de la première nouvelle qui m'a fait grandement douter de mon idée de lire ce recueil, j'ai beaucoup apprécié ces textes.

Ensuite, certaines sont un peu frustrantes, comme la première bouchée d'un plat dont on voudrait bien la suite, évidemment cela vaut surtout pour celles dont l'auteur ne trucide pas tous les protagonistes à la fin! Après un petit coup d'oeil approfondi au site de mon libraire favori, il se trouve qu'au moins un des univers de ces nouvelles est un monde que Mathieu Gaborit a déjà décrit dans une oeuvre plus longue, Les Chroniques des Féals, qui, résultat, va se retrouver sur ma liste de lecture!

Louves de mer de Zoé Valdés

Pour ce livre, j'avais de grandes espérances, peut-être trop, ce qui a fait que je n'ai nullement accroché. La narration est très hachée, bien trop, surtout au début du livre étrangement, déboussolant complétement le lecteur.
Le sexe est si présent qu'il vire au racolage actif, il y a pour finir plus de scènes se voulant torrides que d'abordage ou de duel dans ce bouquin.
Malgré mon envie de m'y attacher, je n'ai jamais réussi à apprécier les deux personnages principaux. Quelques pages assez brillantes parsemant le livre empêchent ce livre de se retrouver dans la liste de mes plus grandes déceptions de lectrice, mais elles ne suffisent pas du tout à me donner envie de découvrir d'autres livres de l'auteur.

Un chien du diable de Fabienne Ferrère

La pluie tombe sur Rouen en cette charmante année 1594, et il faut bien ça pour tâcher d'apaiser les caractères: sortant des guerres de religion, le pays est en encore plein de tensions, et voilà qu'on vient de retrouver le comte de Bleuse crucifié en pleine église, les bénitiers emplis de sang et les hosties blasphémées.
Autant vous dire que si le pouvoir royal ne veut pas que ça dégénère, l'histoire a intérêt à être démêlée fissa. Henri IV expédie donc le sieur Gilles Bayonne, chevau-léger de son état, sur la piste du principal suspect....son propre frère!

Voici le début d'un polar historique qui m'a enthousiasmée. Trop souvent, les auteurs de ce genre particulier ne savent pas mesurer la part historique de l'intrigue et tartinent d'interminables tirades destinées à l'édification des lecteurs, ou au contraire nous laissent sur notre faim de dépaysement temporel. Rien de tout cela ici et j'ai autant apprécié l'ambiance de l'époque que l'enquête.
Parlons en de l'enquête: j'ai été baladée d'un bout à l'autre et j'ai soupçonnée... tout le monde, en fait, mais vraiment tout le monde, aucun personnage n'étant épargné par ma suspicion, sauf le coupable!
Le personnage principal m'a beaucoup touchée dans son humanité et sa détresse et il est mis en valeur par ses multiples rencontres avec toute une flopée de personnages secondaires très humains dans leurs turpitudes et secrets.

Ce roman fait définitivement partie des coups de coeur du début d'année et je me procurerai certainement la suite.

Le protectorat de l'ombrelle, Tome 1 : Sans âme de Gail Carriger

Le protectorat de l'ombrelle fait partie de ces livres que je trouve excellents pour le moral.
Tous les ingrédients sont là, mélangés dans le chaudron de l’Angleterre victorienne: héroïne au caractère bien trempé, malheureusement dotée d'une famille plus préoccupée de falbalas que d'autres choses, premier rôle masculin bourru (et accessoirement très poilu à la pleine lune) s’amourachant lors d'escarmouches cinglantes et sarcastiques, seconds rôles comiques et charmants (avec une préférence pour le plus gay des Lords vampires, délicieux) et certitude que cela ne finira pas en tragédie (vu qu'il y a une suite)

L'intrigue est parfois un peu légère, mais peu importe, elle tient suffisamment la route et s'intègre dans un univers loufoque où le steampunk est à la mode et où il est parfaitement admis d'être une créature surnaturelle et de préférer un foie saignant à des scones beurrés ou une flûte de sang bien chaud à l'Earl Grey national.
C'est drôle et léger, et en fait complètement parfait pour se distraire et se changer les idées

Wolfen, dieu ou diable de Whitley Strieber

Wolfen est une réinvention assez intéressante du mythe du loup-garou, dans le New-York moderne qui commence avec le meurtre de deux policiers dans une fourrière crasseuse.
Ici, pas d'influence de la lune, pas de mythologie, pas de balle d'argent, rien que des prédateurs étant à l'homme ce que le lion est à la gazelle, et c'est bien plus terrifiant... La plupart des romans ou nouvelles que j'avais lu sur le sujet se passaient en milieu rural et j'avoue que la transposition à la métropole est saisissante. Chaque escalier de secours, chaque ruelle, chaque recoin sombre que la lumière des révèrberes ignorent semble un piège et l'écriture rend à merveille une impression de peur et de traque.
Traque à double sens, d'ailleurs; les humains connaissant la vérité pour accumuler des preuves, les loups-garous pour les tuer avant. Le duo d'enquêteurs n'est à vrai dire pas exceptionnellement attachant, mais leur trouille finit par nous toucher, sans compter qu'il y a la présence d'autres personnages secondaires, particulièrement l'époux de l'inspectrice, assez réussis.

Signalons enfin que cette oeuvre a été portée à l'écran dans les années 80. Je le signale parce qu'il s'agit d'un deux détails bizarres de l'édition sur laquelle j'ai mis la main: elle était illustrée de photos du film et ils ont choisi les scènes, ou les personnages sans se soucier de leur présence dans le livre. Apparement le vieux légiste s'est changé en sémillant afro-américain, qui se balade avec un fusil à un moment, semblant remplacer un autre personnage, il y a une scène sur les piles d'un pont qui n'est pas du tout dans le livre et ça continue ainsi.... Quant à l'autre détail bizarre, c'est à se demander si la personne qui avait écrit la quatrième de couv' a lu le livre, car l'un des personnages de policiers s'y retrouve "spécialiste en psychologie criminelle" et perd son badge.

Manuel de survie dans les dîners en ville de Michel Eltchaninoff

Soyons honnête: ce n'est pas parce que j'ai mis deux étoiles seulement à cet essai qu'il ne peut pas emballer certains. Simplement, il est la tentative malencontreuse d'une amie pour me faire apprécier la philosophie, sujet auquel je suis diablement réfractaire.

L'écriture reste amusante et plaisante mais à trop effleurer mille sujets,les auteurs ont tendance à s'égarer et se disperser ce qui fait que malgré le nombre très court de pages, j'étais heureuse d'arriver à la fin. A réserver aux lecteurs ayant des connaissances sur le sujet, qui plus est des connaissances suffisantes pour ne pas rester sur leur faim à ces simples évocations.

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