Mar 20, 2004 17:29
Tu es le seul et unique. Je ne peux pas te laisser aller. Sans toi, je m’enfouirai dans mon cocon solitaire, chenille séchée dans son développement arrêté. Au soleil, au beau milieu de la rue je me ferai piétiner, tel un cerveau abandonné, par des calèches, des chevaux enragés, impitoyables, mauvais. Pourtant, je ne te connais pas. C’est paradoxal. Ma conscience malléable et perméable m’a attaché à toi, via les paroles d’autrui. J’aime tellement autrui, je ne pourrais pas me passer d’elle aujourd’hui. Pas plus que je ne peux me passer de toi. Toi qui m’a transpercé de ton regard perçant, ton regard qui, m’a-t-il semblé, me voulait. Encore un jeu de mon inconscient. Un bonheur éphémère est toujours le bienvenu, ses répercussions sont toujours méga insupportables, mais incontournables.
Le délire m’envahit encore. Encore j’écris des mots qui ne font aucun sens, mais qui en font tellement dans ma propre tête de petit enfant sous-développé au niveau intellectuel. J’ai fui les troubles de ma psychologie, de ma psychiatrie, pour pouvoir m’afficher au grand jour sans trop de heurts, sans trop d’éclat, littéralement déguisé sous des couches et des couches de peinture multicolore résistante. Oh combien résistante. Oh. Cette peinture paralyse, telle la myasthénie grave, et je ne peux m’enfuir, courir le plus loin possible. J’essaie d’appeler l’infirmière, mais elle n’est pas attentive. Elle est nulle, renvoyée. Au revoir.
Une infirmière? Où suis-je? Que fais-je? J’ai pourtant bien appliqué le vert, le jaune, le rouge. Comment m’a-t-on démasqué? Pourquoi mes bras sont-ils attachés derrière mon dos? Qui a tué cette poupée innocente? Cette haine dans mes yeux, je ne la reconnais pas. On m’a démasqué. Je n’arrive pas à localiser mon tendon d’Achille, ma faiblesse, mon erreur. Mes fortifications étaient si épaisses, si imposantes. Un seul oubli et tout cela est inutile, stupide, faible, inadéquat. Les murs sont confortables. Mes pulsions sont si intenses, je me jette sur le mur. Hein, c’est mou!
C’était trop mou que j’y suis resté collé. Oups. Collé. Comme un vulgaire moustique qui se colle sur le ruban jaune dégueulasse accroché au plafond. C’est moi le moustique. Une poussière. Un nain me tire sur la jambe, tente, dans toute sa bonté, de me tirer de ce mur carnivore. Quelqu’un, quelque part y a pensé et a laissé l’entrée du nain ouverte. Il est là pour me sauver de tous ces étranges, fumeurs de cigarettes marocaines, dévisageant impunément les jeunes filles dans l’autobus. Ces mêmes jeunes filles se questionnent sur leurs habilités à analyser les circonstances. Les circonstances qui feront qu’il les remarquera ou non. Surtout s’abstenir de porter des bas couleur peau, c’est la règle numéro un. Oh, mais je suis une de ces jeunes filles! Vas-tu me remarquer? Autrui t’a-t-elle parlé aussi? Ai-je imaginé ton regard, bleu comme une banane succulente? Une banane bleue. Une banane, ce n’est pas bleu. Tout cloche. Tout cloche. La voilà la fissure, la voilà. Une banane, ce n’est pas bleu. Mes yeux, mes pauvre yeux, ils ne m’appartiennent plus. Mes bras, mes faibles bras, ils ne peuvent plus évoluer dans le ciel comme un avion pour amuser les enfants. Dans mon dos, mes bras. Les murs sont roses. Tout ce qui est mou est nécessairement rose, oui? Que se passe-t-il?
Par terre, soumis à des convulsions presque impertinentes, le jeune garçon dérive, s’éloigne dans ses pensées, toutes plus folles les unes que les autres. Il aime bien s’y vautrer, ce qui rend la discipline impossible. Ce garçon, c’est moi.