Tout le monde y perd - The Tudors - Catherine se souvenait.

Nov 12, 2012 23:00


TITRE: Catherine se souvenait.
THEME: Tout le monde y perd.
AUTEUR: styxxounette
FANDOM: The Tudors
PERSONNAGES: Catherine Howard.
RATING: M, par sécurité.
DISCLAIMER: M’inspirant essentiellement de la série du même nom, tout appartient donc à Michael Hirst.
NOTE: Hum, après une semaine et demi (presque) de batailles intenses contre ma flemme et mon syndrome de la page blanche, j'ai réussi à finir mon 6e OS pour le Bingo. Autant dire que ça soulage. Pour la petite histoire, je n'aurais jamais imaginé écrire sur Catherine Howard un jour, parce qu'elle m'agaçait dans la série, la trouvant sans doute trop "cruche", pour être polie, mais en y réfléchissant bien, compte tenu de son jeune âge et tout, j'ai trouvé son destin plutôt tragique alors je me suis penchée sur la disgrâce de la cinquième épouse d'Henry VIII. J'espère que cela vous plaira :)


Enfermée dans sa cellule miteuse au sein même de la tour de Londres, Catherine Howard réfléchissait. Tout d'abord terrifiée par l'idée de mourir, elle avait fini par se résigner. La reine déchue n'avait jamais cru au destin. Contrairement à celles qui l'avaient précédée au trône, elle n'était ni très pieuse, ni vertueuse, et c'étaient en partie ses mœurs légères qui l'avaient menée droit à sa perte. Pourtant, il y a quelques mois de cela, avant même que le roi Henry ne vienne la chercher, elle ne s'imaginait certainement pas finir ainsi, emprisonnée pour haute trahison, et sur le billot qui plus est. Elle était si jeune, trop jeune pour mourir si tant était qu'il y avait un âge adéquat pour mourir. Dix-huit ans, c'était trop tôt, bien trop tôt, elle était tout juste sortie de l'enfance, mais voilà, il avait fallu que sa frivolité la rattrape, elle dont le mariage ne l'avait jamais vraiment exorcisée de ses anciens démons.

La demoiselle Howard pouvait aisément être qualifiée de péronnelle, d'écervelée. Bien sûr qu'elle était frivole, elle avait toujours vécu ainsi, sans bride pour la retenir. Elle voguait en roue libre, et cela, elle le devait à la duchesse de Norfolk, qui préférait fréquenter la cour plutôt que s'occuper de ses pupilles. Elle savait certes lire et écrire, mais elle n'était pas bien cultivée, elle ne connaissait pas grand-chose de ce vaste monde, et à dire vrai, étudier ne l'intéressait pas plus que ça, elle qui était davantage portée sur les bacchanales. Il y avait eu ce musicien aussi, plus âgé qu'elle, et qui lui plaisait vraiment beaucoup, au point même d'avoir fait avec lui des choses que la morale aurait fortement réprouvées. Ce n'étaient que des attouchements, des contacts plus ou moins poussés, mais il n'avait jamais réussi à lui ravir sa virginité. Pourtant, ce n'était pas à Manox qu'elle aurait dû appartenir, car Manox n'était pas lui.

Elle avait aimé passionnément Francis Dereham, et ils auraient même dû s'appartenir. Ils auraient même pu être mari et femme pour de vrai si seulement tout s'était déroulé comme prévu. Si tout s'était déroulé comme prévu, Catherine aurait été l'épouse de Francis, et jamais elle n'aurait épousé Henry VIII. Jamais elle ne se serait retrouvée ici, pourrissant à la Tour de Londres à attendre son exécution. Le glas avait sonné pour elle, mais elle s'était résignée. Oui, résignée c'était le mot. Elle aura eu beau supplier, geindre, pleurer, rien n'y aura fait, elle n'a pas su atteindre le cœur glacé du souverain, qui s'était dès lors montré impitoyable. Elle savait combien son mari pouvait se montrer cruel, bien des fois, et elle en était la victime. Non, pas la victime. Tout ce qui était en train de lui arriver, en ce moment précis, c'était entièrement de sa faute. Elle l'avait mérité. En l'espace d'un instant, elle songea à la défunte Anne Boleyn, sa cousine qui avait subi le même triste sort qu'elle, jetant l'opprobre sur sa maison.

Pourtant, il est des choses que l'on parvenait difficilement à se débarrasser. Sa réputation et ses mœurs légères l'avaient suivie de très près. Suffisamment près, en tout cas, pour qu'elles puissent la rattraper un jour. Chassez le naturel et il revenait au grand galop, disait-on. Le roi Henry ne lui avait jamais plu, c'était un fait. Il était obèse, et son ulcère à la jambe, résultant d'une vieille blessure qui s'était rouverte était particulièrement infect, en plus de puer comme il n'était guère permis. Assurer son devoir conjugal était une vraie plaie, surtout qu'elle avait parfois le sentiment de n'être vue que comme l'utérus qui allait engendrer le futur héritier du trône. Henry était tellement obsédé par l'idée de la mettre enceinte qu'il oubliait toute bienséance, et tout le respect qu'il devait à son épouse. Il était violent, brutal, il ne prenait pas le temps de découvrir ce corps qu'elle lui offrait, elle ne le servait que dans un but de procréation, et uniquement cela. Bien souvent, elle avait simulé l'orgasme, incapable de prendre son pied dans de tels rapports et surtout, avec un tel partenaire. Elle en regrettait presque le temps où elle fréquentait Dereham, au moins, sa virginité ne lui avait pas été enlevée par un sauvage, bien que Dereham n'était pas un tendre non plus.

Catherine était assise sur sa paillasse, les mains jointes, le nez coulant légèrement en raison de l'humidité des lieux. On lui avait servi à manger, mais elle n'avait pas faim. Elle trouvait cela bien ironique, pourquoi nourrir ceux qui étaient condamnés à mort ? Elle n'en avait même pas mangé ne serait-ce qu'une bouchée, malgré son corps qui criait famine. Catherine avait bien plus important à faire que se sustenter. Elle avait fait mander un abbé pour qu'il la confesse, et quelques instants plus tôt dans la soirée, tandis qu'elle s'était résignée à son triste sort, elle avait formulé une demande quelque peu incongrue.

- Je pourrais avoir un billot, s'il vous plaît ?

Le geolier l'avait regardée, interloqué. Catherine Howard, en cet instant précis, était animée d'une détermination farouche, même face à la mort. Quitte à mourir le lendemain à l'aube, autant partir drapée de toute la dignité qu'il lui restait. Son nom avait été sali et traîné dans la boue à partir du moment même où sa déchéance avait été prononcée, où sa mise à mort avait été décidée. Pourtant, la reine déchue ne demandait pas grand-chose, elle demandait un billot, ce n'était tout de même pas la mer à boire ? Comme le geolier semblait avoir quelques problèmes de compréhension, elle crut bon de préciser.

- Je veux un billot. Vous savez...pour m'entraîner à poser correctement ma tête dessus.

Mourir décapitée n'était certainement pas une fin des plus glamour en soi, mais elle voulait que ces instants soient brefs et sans souffrance, autant que possible. Elle ne voulait pas d'une mort atroce, ni même d'une longue et pénible agonie. Elle connaissait les méthodes de son ancien mari pour avoir assisté à certaines mises à mort, et elle pouvait s'estimer heureuse de se faire seulement décapiter. Elle aurait pu, comme Dereham et Culpeper être torturée, et lorsqu'elle repensait à la façon dont ils étaient morts tous deux, un frisson glacé lui dévala l'échine. Catherine refusait de regarder en direction de l'endroit où la tête de Culpeper avait roulée, pour ne plus voir les orbites vides et le teint parcheminé de celui qui avait été son amant.

Encore, ce n'était pas lui qui avait eu le sort le moins enviable. Dereham n'avait pas été mieux loti que lui, bien au contraire. Son châtiment avait été de loin le plus cruel, très probablement parce qu'il avait existé un pré-contrat de mariage entre eux, un accord qui aurait valu mariage si seulement ils n'avaient pas consommé leur union. En effet, l'église catholique faisait de la virginité de l'épouse une condition de validité du mariage, et dès lors que le mariage avait été consommé, il n'était dès lors plus possible de revenir en arrière. L'existence même de ce simple pré-contrat aurait permis d'annuler le mariage entre Catherine et Henry, et Catherine aurait été sauvée, bien qu'elle eût été disgraciée et bannie de la cour, mais elle avait nié en bloc l'existence de cet accord, ce qui scella son destin.

Pendant ces quelques jours qu'elle a passées enfermées à la tour de Londres, Catherine s'était demandée quel aurait été son destin si elle avait fait des choix différents. Parfois, elle en venait à songer qu'elle se trouvait au loin, exilée, sans doute, mais bel et bien saine et sauve, et surtout, avec toute sa tête. Elle aurait pu vivre de longues années encore, une longue et pas si paisible vie parce qu'immanquablement, le passé finissait par ressurgir des tréfonds de la mémoire collective qui avait bien du mal à oublier les petits scandales. Seulement, à présent, les dés étaient jetés, elle ne pouvait plus faire machine arrière à présent, elle était condamnée à vivre ses dernières heures, ses derniers instants avant son exécution. Catherine ne craignait plus la mort, elle l'attendait de pied ferme, et jamais elle n'avait été aussi courageuse de sa vie, elle en avait besoin, il le fallait.

Lorsqu'on lui avait apporté le billot, elle était restée à le fixer pendant de longs instants, répugnant à l'idée de mettre sa tête précisément à cet endroit où tant d'autres avaient perdu la leur. Elle s'imaginait baignant dans le sang de tous ces personnages, et elle avait même cru discerner dans la pénombre quelques traces sombres imprimant le bois. A nouveau, un frisson insidieux lui avait parcouru l'échine, mais elle avait redressé la tête, avec dignité. Se lamenter sur son sort, supplier Henry qu'il lui accorde une quelconque forme d'amnistie, c'était terminé, elle avait accepté, elle allait poser sa tête juste là et tout irait bien.

Alors, Catherine posa sa tête dans le creux du billot, tout juste sculpté pour qu'il corresponde à son cou. Catherine avait regardé droit devant elle, comme si elle regardait le public, ce public qui allait la regarder tantôt avec pitié, tantôt avec dégoût, tantôt avec curiosité. Elle allait sentir tous ces regards sur elle, qui allaient n'allaient sans doute pas se priver de la juger sur ce qu'elle avait fait (ou ce qu'elle n'avait pas fait, d'ailleurs). Après tout, les femmes adultérines étaient encore extrêmement mal vues dans la société, encore fortement influencée par le dogme catholique. Une femme bafouant les liens sacrés du mariage devait sans doute être sous le joug du Malin, lui qui instillait dans leurs esprits frivoles ces idées délétères. Catherine n'était pas la coupable de toute cette histoire, elle n'était que la victime d'un mari cruel et impitoyable et d'une société bridée par l'obscurantisme et ses idées machistes, elle n'était qu'une femme, victime de son époque.

Pourtant, dans l'esprit des gens, il était clair qu'elle devait payer pour ce qu'elle avait fait, il était hors de question qu'on lui accorde une quelconque rédemption. Une reine se devait d'avoir un comportement correct, digne, digne de son rang. Les catins ne devenaient jamais reines et il aurait dû en être de même pour la jolie Catherine, mais elle avait appris à ses dépends qu'à trop se laisser aller à la frivolité, tout le monde finissait par y perdre. Elle aurait tout eu à y gagner si elle s'était montrée un tant soit plus responsable, et surtout, raisonnable, à ne pas se laisser maîtriser par ses passions. Seulement, il était trop tard pour y songer. Malheureusement, Leonard de Vinci n'avait pas vécu assez longtemps pour inventer la machine à remonter le temps.

Le prêtre est là. Annonça le geôlier, en faisant entrer l'homme d'église, qui avait son bréviaire à la main.

Catherine se redressa, aux aguets. Le drapé de sa robe tombait encore impeccablement malgré ses deux jours d'emprisonnement. La faim et la fatigue se lisaient sur son visage cerné, mais il continuer à émaner d'elle une aura indescriptible. Peut-être que la lueur qui dansait au fond de son regard y était pour quelque chose. D'un geste de la main, le prêtre invita Catherine à s'asseoir sur la paillasse qui lui servait de couchette. Au final, elle n'y dormait même pas, la pierre lui meurtrissait le dos et le froid lui rongeait les os. L'homme d'église ouvrit son livre de prières et Catherine joignit les mains en signe de prière.

- Avez vous quelque chose à dire au Seigneur, ma chère enfant ? Interrogea le prêtre, tandis que Catherine s'était renfrognée.

- Je tenais à dire que j'ai ma conscience pour moi. Répondit la reine déchue avec une fougue qui étonna l'homme d'église. Je n'ai jamais trompé le roi avec Sir Culpeper, je le jure aujourd'hui devant Dieu. Qu'il me conduise droit en enfer si je mens. Je ne mérite pas le sort auquel on m'a condamnée, pourtant je l'ai accepté, parce que le saint père en a décidé ainsi. Je sais que les décisions du roi, bien qu'elles puissent paraître injustes, sont toujours fondées, et qu'au fond, il doit bien y avoir une justification à tout cela. Une chose est-il, c'est que ces derniers jours, j'ai compris, bien tard, que j'avais tout à y perdre en me laissant aller à tant de frivolité. Mon attitude avant mon mariage était peu digne d'une femme de mon rang, et surtout, d'une future reine. Je n'ai jamais eu la dignité de celles qui m'ont précédée, et je ne méritais pas la couronne, ni même mon titre.

Alors, Catherine relata sans relâche sa vie à Lambeth, sa liaison avec Manox, puis avec Dereham. Elle confessa les attouchements auxquels ils s'étaient livrés, le lien si fort qui les unissait, tout en se gardant bien de mentionner le pré-contrat de mariage. Elle continua à nier toute implication dans l'adultère qui était prononcée contre elle. Elle niait avoir vu Culpeper en cachette, démentit farouchement les témoignages de ceux qui l'avaient incriminée, elle se gardait bien de mentionner les marchés de dupes qu'elle avait conclus les uns avec les autres pour acheter leur silence.

Elle demanda aussi pardon à Dieu pour tout, pour tout ce dont on pouvait bien l'accuser, elle priait pour le salut de son âme, parce qu'elle avait toujours été une bonne chrétienne, à prier tous les soirs et à aller à la messe le dimanche, elle avait lu la Bible au moins une fois dans sa vie et elle avait défendu le catholicisme bec et ongles, tant par honneur envers sa famille, qui étaient de fervents catholiques, que pour sauver sa religion du naufrage engendré par la réforme anglicane. Elle avait expliqué s'être mis à dos les pro-réformateurs, pour avoir conseillé Henry de se rapprocher des catholiques. Elle ne regrettait rien, elle n'avait fait que servir sa religion comme toute bonne chrétienne l'aurait fait à sa place. Rien que pour cela, son âme ne méritait pas de brûler en enfer. Elle faisait confiance à Dieu et à sa clairvoyance lorsque viendrait le temps de l'accepter dans SA demeure.

Elle eut une pensée pour Lady Rochford. Elle aussi allait être exécutée, en même temps qu'elle, simplement parce que la noble dame avait été la témoin silencieuse des rendez-vous nocturnes de Catherine et de Culpeper. Lady Rochford avait tout à perdre à être complice de son adultère, mais elle n'avait jamais refusé. Elle aurait pu, soit dit en passant, mais elle ne l'a pas fait. La vieille dame n'avait plus toute sa tête depuis la mort de Georges, le frère d'Anne. Elle aussi avait assisté à la mise à mort de son époux, et l'on racontait que son trouble venait de là. Pourtant, cela n'avait pas empêché Catherine de l'accepter auprès d'elle en tant que dame de compagnie, l'une des plus vieilles, l'une des plus fidèles, mais l'une des plus proches également, pour ainsi dire, elle faisait partie de la famille. Et c'était à croire que leur famille était maudite puisque Lady Rochford avait été arrêtée elle aussi. Le seul fait qu'elle eût été noble l'avait probablement sauvée de la torture, parce que les nobles n'étaient pas torturés.

Catherine se souvenait.

x

2 Novembre 1541.

Comme tous ses autres sujets, en ce dimanche matin, Henry assistait lui aussi à la messe. Catherine était à ses côtés, en tant que reine consort, elle se devait d'être présente en ces lieux, au même titre que son époux. Il valait même mieux pour l'image de leur couple, et de la couronne, qu'ils se montrent ensemble aux divers événements, qu'ils soient officiels ou non. Catherine avait détourné la tête au moment où Cranmer s'était approché, remettant à son mari une lettre cachetée. Le conseiller lui avait murmuré quelques mots, tellement bas que Catherine n'avait pas pu les surprendre. A la fin de la messe, tout le monde s'était retiré, de même que Catherine qui avait rejoint ses appartements. Henry avait alors décacheté la lettre, qui contenait de bien étranges allégations.

« - Qu'est-ce que cela ? Demanda finalement Henry, en jetant le papier sur la table,brisant le silence de plomb qui s'était alors installé.

- Un témoignage de Mary Hall, qui avait vécu avec la reine Catherine avant sa venue à la Cour. La Reine aurait alors été liée par un pré-contrat de mariage avec Francis Dereham, son secrétaire personnel.

- Êtes vous conscient de la gravité de ces accusations ? Argua Henry, sèchement . Etes vous certain qu'il ne s'agit pas là d'un faux ?

- La dame Hall est formelle. Soutint Cranmer en fixant le souverain, qui avait serré les poings sur la table. Tout ce qui est décrit dans ce cachet, elle y a assisté. Vous pouvez l'interroger si vous le désirez.

- Je ne veux rien savoir. Coupa Henry en frappant du poing sur la table, en proie à un brusque accès de colère. Enquêtez un peu mieux. J'attends d'autres preuves que le témoignage d'une femme de chambre. Rappelez à Mary Hall que la calomnie est également passible de la peine de mort.

- Bien, votre Majesté. Se retira Cranmer en s'inclinant devant son Roi. »

Il était évident que le souverain ne croyait pas à l'adultère de son épouse. Mais Cranmer était intimement persuadé qu'Henry était dans le déni, qu'il refusait de voir la vérité en face, sans doute aveuglé par l'amour qu'il portait à la jeune reine. Henry se faisait vieux, il était bien moins vindicatif qu'avant. La reine Anne avait été envoyée sur l'échafaud pour moins que ça, mais sans doute s'était-il senti profondément blessé en proportion même de l'amour qu'il avait éprouvé pour elle. Pour autant, Cranmer allait exécuter les ordres donnés par le souverain. Cela avait marché, au delà de ses espérances. Quelques jours plus tard, Culpeper et Dereham avaient avoué, et après une fouille minutieuse des affaires de la Reine, une dame de compagnie avait retrouvé une lettre d'amour de Catherine à Culpeper. Une lettre qu'elle n'avait jamais eu le temps de lui adresser. Une lettre qu'elle n'aura jamais plus le temps de lui adresser. Une fois encore, c'était une simple lettre qui avait scellé son destin.

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à présent qu'elle y pensait, Catherine visualisait très bien qui était Mary Hall. Elle était au service de la duchesse de Norfolk, en tant que femme de chambre. De par sa position, Mary avait très bien pu tout voir et tout entendre, sans que jamais on puisse la soupçonner d'être en train de fouiner. C'était drôle, lorsque l'on venait à y penser. Son passé l'avait rattrapée une fois encore, alors qu'elle pensait être relativement en sécurité au palais royal. Lady Rochford avait été complice, jamais rien n'avait filtré, jamais. Et là, c'était son passé qui avait refait surface, qui l'avait trahie. Tout le monde y perd, Catherine, tout le monde y perd. La frivolité n'avait jamais été une bonne chose, et elle ne le sera jamais. On ne pouvait jamais changer ce qu'on était, jamais. Un jour ou l'autre, ce qu'on était profondément, notre essence même finissait par rejaillir, éclaboussant tout sur son passage. Catherine avait joué, et elle avait perdu. Elle avait eu beau supplier Henry, espéré atteindre son cœur glacé, rien n'y avait fait, Henry était resté sourd à ses prières, comme le jour où elle s'était échappée de ses appartements pour aller lui parler.

Catherine se souvenait.

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12 novembre 1541.

Catherine courait à toutes jambes, affrontant les premiers frimas de l'hiver. Elle se prenait parfois les pieds dans sa robe, trébuchait à l'occasion parce qu'elle ne regardait pas où elle mettait les pieds. Catherine se moquait bien de tous ces détails, tout ce qu'elle voulait, c'était aller lui parler, lui, son mari, peut-être qu'il n'était pas trop tard, peut-être qu'elle pouvait encore être sauvée. Elle espérait de tout cœur qu'Henry comprenne et lui pardonne. Elle n'avait pas beaucoup de temps, alors, elle accélérait encore, autant que ses petites jambes le lui permettaient, ignorant ses poumons qui semblaient presque littéralement brûler, et son souffle trop court. Elle savait qu'il était à la messe, que ça ne se faisait pas d'interrompre ainsi la communion de Dieu avec ses fidèles, mais elle n'avait pas le choix, c'était un cas de force majeure.

Elle redoubla d'efforts lorsqu'elle aperçut la chapelle, songeant qu'IL était là, tout près, à quelques mètres d'elle seulement. La jeune femme traversa la cour à grandes enjambées, soulevant ses lourds jupons, avant de marteler le lourd battant de ses petits poings, les larmes aux yeux et la gorge nouée. Elle tambourina encore aux portes, quitte à ameuter tout le quartier. Peut-être que c'était ce qu'elle voulait, dans le fond, elle voulait qu'on entende ce qu'elle avait à dire, avant d'être emprisonnée comme un chien, dans des conditions trop spartiates pour quelqu'un de son rang, pour ne pas dire dégradantes.

« Henry ! S'époumona-t-elle, ses poings continuant à marteler le panneau en bois massif. HENRY ! Ouvrez-moi, je vous en conjure ! Pour l'amour de Dieu, s'il vous plaît ! HENRY !!! »

Les larmes avaient déjà jailli hors de ses yeux clairs, inondant ses joues. Catherine renifla piteusement, alors que ses poings commençaient à lui faire mal. Toute sa peine, sa douleur, sa culpabilité remontèrent à la surface, l'anéantissant presque. Toutes ces émotions, aussi délétères les unes que les autres, l'avaient annihilée comme on pouvait souffler une bougie. Catherine n'était plus que le fantôme d'elle-même, épuisée à cogner contre ce battant, fatiguée d'être ainsi ignorée. Ca ne pouvait pas finir comme ça, c'était impossible, et pourtant...Elle ne chercha même pas à protester lorsque les gardes l'emmenèrent pour la reconduire dans ses appartements.

« Henry...pleura-t-elle de désespoir, prête à se laisser choir au sol.

Venez, ne restez pas là. Allez vous asseoir. Lui ordonna Lady Rochford, en lui tendant un mouchoir pour qu'elle essuie son visage dégoulinant de larmes et de morve. »

Catherine n'eut jamais la force de se lever pour ensuite aller s'installer sur la chaise qui lui était réservée lorsqu'elle faisait de la broderie. Elle se contentait de sangloter, les épaules agitées de soubresauts, tandis que les gardes s'affairaient dans sa suite, lui ôtant jusqu'à ses aiguilles et ses ciseaux.

« Qu'est-ce que vous faites ? S'alarma la reine déchue, outrée qu'on la prive ainsi de sa seule distraction.

- Cranmer a demandé que l'on vous confisque tout objet contondant. Répondit le garde en stockant le tout dans une besace que l'on avait entre temps apportée. Simple mesure de précaution.

- Mais pourquoi ? S'exaspéra Catherine, avec impuissance.

- Simple mesure de précaution. Répéta Cranmer, en s'effaçant à son tour. »

Longtemps après qu'il fût parti, Catherine resta à fixer la porte par laquelle il était sorti, plongée dans un état léthargique. Lady Rochford dut même demander des sels afin de lui faire reprendre conscience du monde réel. Mais Catherine était loin, très loin. Personne n'était certain qu'elle puisse revenir un jour. Beaucoup auraient pu prétendre qu'elle avait besoin de temps, pour assimiler, mais aussi, pour se faire à cette idée. Lady Rochford était bien placée pour savoir que tout ceci était faux, qu'on ne se remettait jamais de certains traumatismes. Elle, en tête de file.

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Catherine aurait dû admettre l'existence de ce pré-contrat de mariage entre Dereham et elle. Au moins, cela l'aurait-il sauvée de la mort, la contraignant simplement à l'exil. Pourtant, Catherine avait nié jusqu'au bout, parce que ce n'était pas Francis qui était le plus important, finalement, parce qu'elle savait très bien que comme Dereham avait avoué, il sera exécuté, et si elle devait s'enfuir, elle aurait tout perdu, tout. Son mariage, son ancien amant. Et elle préférait mourir plutôt que de renoncer à tout, de la sorte. Sans ses piliers, sa vie n'avait plus raison d'être. Elle le savait, parce qu'elle l'avait compris. Et parce qu'elle l'avait compris, elle avait nié, jusqu'au bout. Elle avait nié farouchement, éhontément, même quand les preuves étaient contre elle. C'était ce manque de stratégie flagrant qui l'avait menée droit à la mort. Catherine ne regrettait pas. Elle préférait être morte qu'exilée et disgraciée. Elle ne voulait pas vivre loin de ses terres, loin de tout ce qu'elle avait toujours connue en étant chassée hors du royaume. Au moins, elle mourrait sur ses terres, sur sa patrie. Elle ne serait pas comme la vieille Catherine d'Aragon, morte loin de sa chère Espagne, elle ne serait pas considérée comme une étrangère aux yeux de son propre peuple. Elle avait encore ses racines.

Catherine songeait à ses parents, qui eux aussi avaient été enfermés à la Tour de Londres avant d'être destitués de leurs biens. La malédiction s'était encore abattue sur leur famille. D'abord Anne. Puis elle. Puis sa famille, réduits à rien. Seul le duc de Norfolk, son cher oncle, en définitive, avait été épargné. Lui au moins avait eu la diligence de se tenir loin de cette affaire. Il avait vu ses propres intérêts avant ceux de sa nièce, et c'est ce qui l'avait sauvé du courroux du roi. Et puis, Henry avait fait preuve d'une extraordinaire clémence en les relaxant, et en leur restituant leurs biens. Peut-être que leur situation était redevenue presque à la normale, mais il leur manquerait toujours ce petit quelque chose, ce petit quelque chose qui s'appelait la dignité. Car leur dignité, elle leur avait été enlevée, elle avait été bafouée alors même que Catherine avait été reconnue coupable d'adultère. Déjà, à son si jeune âge...ce n'était pas des manières pour une dame de s'adonner à tant de frivolité. Tout le monde y perd, Catherine, tout le monde y perd. Et en attendant, son sort était en suspens, on ne savait trop quoi faire d'elle

Là bas, à Syon House, elle y était restée longtemps enfermée, alors qu'elle venait d'être déchue de son titre de reine. Elle attendait, patiemment, que son sort soit scellé. Qu'elle cesse enfin de vivre dans l'incertitude. Anne avait été exécutée pour haute trahison, inceste et adultère, et tous les chefs semblaient peser sur elle, mais Catherine, elle, avait simplement été rendue coupable d'adultère, ce qui rendait son cas plus difficile à trancher. Alors, elle avait attendu. Elle n'avait eu que ça à faire de toute façon. Elle avait attendu, là bas, à Syon House, avant qu'on ne vienne la chercher. Le Parlement avait promulgué un décret rendant la trahison punissable de mort. L'adultère étant considérée comme une trahison, Catherine allait être exécutée. Rien de plus, rien de moins.

Catherine se souvenait.

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Hiver 1541.

« Alors ça y est ? Demanda-t-elle à Cranmer, fixant l'archevêque de ses grands yeux pâles et éteints. Le roi a-t-il décidé de mon sort ?

- Le Parlement a promulgué un décret de mort civile, madame. Répondit Cranmer avec gravité. Vous allez être transférée à la tour de Londres dans l'attente de votre exécution.

- Très bien. Coupa Catherine, dénuée de toute émotion, toujours aussi léthargique, vidée de toute substance, comme si, dans le fond, son âme était déjà morte, ne laissant là que son corps. Quand aura-t-elle lieu ?

- Elle aura lieu le 13 février, à 07h précises. Lui révéla Cranmer. Le roi doit encore signer le décret vous concernant, mais vous pouvez considérer sa décision comme étant prise. »

Catherine hocha la tête d'un air entendu, mais elle ne répondit rien. Elle resta toujours aussi silencieuse, et elle n'avait pas cillé, pas une seule fois. Cranmer fut choqué de la voir si amorphe, si indifférente à l'annonce de sa mort, mais il se doutait bien qu'elle s'était éteinte dès lors qu'Henry était resté sourd à ses supplications, à ses maintes demandes. Catherine était si jeune, bien plus jeune qu'Anne lorsque cette dernière fut exécutée, mais elle semblait déjà porter le fardeau du monde sur ses épaules trop frêles, presque vacillantes sous l'effet de ce qu'il venait de lui annoncer. Cranmer la salua brièvement, avant de prendre congé d'elle. Lorsque Cranmer fut parti, Catherine s'effondra au sol, anéantie. Elle n'avait dès lors jamais cessé de pleurer sur son triste sort.

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Cranmer n'était plus revenu. Ni même Lady Rochford. D'ailleurs, Lady Rochford avait été enfermée elle aussi, pour complicité d'adultère. Elle aussi était coupable de trahison, par ricochet. Lady Rochford, paraissait-il, avait définitivement perdu l'esprit lors de ses multiples interrogatoires. Il se murmurait même qu'elle piquait parfois quelques crises d'hystérie. Même si Catherine n'avait plus aucun espoir pour elle-même, elle ne put s'empêcher d'espérer le salut de la noble dame. Elle savait qu'étant cliniquement folle, Lady Rochford ne pourrait pas être châtiée comme il se devait, qu'elle allait pouvoir être déclarée pénalement irresponsable, et elle allait allait être grâciée. Pourtant, c'était sans compter la détermination farouche d'Henry de les éliminer toutes les deux, au point même qu'il fit édicter un décret autorisant l'exécution des aliénés. Lady Rochford fut condamnée sans procès, et emprisonnée elle aussi à la Tour de Londres. Catherine serait exécutée en premier, puis rejointe par sa vieille dame de compagnie, même dans la mort.

Catherine se souvenait.

Et plus elle se souvenait, plus le temps passait.

Bientôt, il serait l'heure, l'heure à laquelle on vendrait la chercher pour l'amener sur l'échafaud.

L'heure où elle verrait enfin la mort en face.

La fin de sa souffrance, la délivrance.

Elle n'avait aucune espèce d'idée de l'heure qu'il était. Elle savait juste que c'était le petit matin, parce que dehors, depuis la fenêtre de sa cellule, elle voyait qu'il faisait jour. Depuis son emprisonnement, elle avait vu deux fois le soleil se lever et se coucher. Elle avait eu l'impression que le temps était passé bien trop lentement, mais aussi, bien trop vite, si bien qu'elle avait perdu toute notion du temps. Elle se repérait simplement grâce au déclin et au lever du jour, rien de plus. Catherine osa même espérer qu'on l'avait oubliée là, mais ses espoirs furent rapidement anéantis lorsque la porte de sa cellule se rouvrit, laissant passer les gardes chargés de l'escorter jusqu'à son lieu d'exécution.

Plus pâle que jamais, Catherine s'était redressée, et ce fut toute tremblante qu'elle les suivit. Son cœur battait à tout rompre, et de plus en plus fort alors qu'elle s'approchait de Tower Green, là où Anne avait été exécutée également. Catherine savait exactement ce qu'elle devait faire, ce qu'elle devait dire. Pourtant, cela ne l'empêcha pas de faire un faux pas, qui manqua de la faire trébucher alors qu'elle montait sur l'estrade.

« S'il vous plaît. » implora-t-elle tout en remontant légèrement les jupons de sa robe.

Ironie du sort, ce fut le bourreau qui lui tendit la main, l'aidant à monter sur l'estrade. Soudainement plongée dans un état catatonique, son cœur pulsant à vive allure dans sa poitrine compressée par l'angoisse malgré tout présente, Catherine s'avança vers le billot, et s'agenouilla. Avant d'y poser sa tête, elle regarda la foule, massivement venue assister à sa décapitation malgré l'heure aussi matinale. En l'espace d'un instant, elle ne comprit pas comment on pouvait apprécier de tels spectacles, si on pouvait appeler cela ainsi. Elle était plus pâle que jamais, et pourtant, ce fut d'une voix claire qu'elle énonça.

« Si je suis ici en ce jour, c'est parce que le roi Henry en a décidé ainsi. Je ne lui en veux pas, parce que je sais que le châtiment qui m'est réservé est noble et juste. Je ne demande pas votre pardon pour mes fautes, mais bien à l'égard de ma famille, car ils sont innocents dans ce scandale qui ne concerne que moi. Ni mes parents, ni même mon oncle, ne sont responsables de ce que j'ai pu faire. Ne jetez pas l'opprobre sur leur nom, ne les disgraciez pas. Tout comme je vous demande de prier pour le salut de mon âme. »

Ce fut un silence oppressant qui lui répondit. Catherine eut presque envie de pleurer, elle en eut d'ailleurs les larmes aux yeux. Pourtant, elle resta digne, et continua son petit discours, la voix tout de même tremblotante.

« Je n'ai jamais trompé Henry avec Culpeper. Affirma-t-elle avec conviction, tandis qu'un murmure commençait à agiter la foule. Pourtant, j'avoue avoir eu des sentiments pour lui, tout comme j'ai pu aimer Henry. Seulement, il n'y a que le roi que j'ai connu charnellement depuis mon mariage, et lui seul. Le roi n'est actuellement pas là pour entendre mes paroles, mais je voudrais qu'il sache que j'ai essayé de l'aimer de tout mon cœur, autant qu'il m'était possible, et qu'il fut somme toute un mari juste et exemplaire. »

Elle n'avait jamais été aussi sincère qu'en prononçant ces quelques mots. Catherine toisa courageusement un à un tous les visages qui la regardaient, tandis que certains se murmuraient quelques mots entre eux. Catherine posa alors sa tête sur le billot, et ferma les yeux, attendant bravement la mort, sans jamais plus les ouvrir. Henry VIII venait de faire exécuter sa quatrième épouse. Sa cinquième et jeune épouse, de trente ans sa cadette.

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