Calendrier de l'avent : 10 décembre

Dec 10, 2016 23:40

Titre : S’il pouvait, rien qu’une fois…
Projet : Nouveau Monde
Personnages : Rhynaelle et Akenorh
Thème et contrainte : Rien qu’une fois + un sentiment à faire apparaitre dans le texte
Date : 10 décembre
Rating : PG

La réception aurait pu avoir plus de pompe mais pour ne pas attirer l’attention de son frère Atherën l’avait voulu aussi modeste que possible, chose que Rhynaelle pouvait comprendre même si elle trouvait ce choix injuste. De fait le nombre d’invités n’excédait pas une vingtaine de personnes, ce que la jeune femme avait le plus grand mal à accepter… Atherën avait donné cette modeste réception en l’honneur de la promotion de Raj’Nordh au rang de Capitaine d’une escouade d’éclaireurs dans la Cavalerie. Cette promotion, Raj’Nordh ne la devait qu’à son propre mérite et Atherën avait bien des raisons d’être fier, songea-t-elle.

La jeune femme se tenait un peu à l’écart du groupe, un verre de vin à la main elle regardait de loin son oncle féliciter son fils adoptif avec chaleur. Elle n’était pas jalouse de Raj’Nordh, elle avait trop conscience des injustices qu’il endurait pour avoir la mesquinerie de lui envier le peu qu’il recevait… Mais elle aurait aimé qu’une fois, rien qu’une fois, son père éprouve à son égard ne serait-ce que la moitié de la fierté qu’elle voyait en cet instant briller dans le regard de son oncle.

Mais aux yeux de Thelös les seules vertus d’une femme étaient la docilité, la modestie et l’obéissance, soit autant de traits de caractères qu’elle ne possédait pas. Son intelligence, son esprit d’analyse ou encore son courage n’étaient, aux yeux de son père, que des défauts, quand à son goût pour l’équitation et le maniement des armes, il tenait carrément du vice.

Elle gardait un souvenir cuisant de la gifle reçue le jour où, pensant susciter enfin sa fierté elle avait affirmé être capable de tenir tête à son frère à l’épée. Rhynaelle avait compris ce jour-là que jamais son père n’éprouverait à son encontre ni affection ni fierté tant qu’elle resterait elle-même. Il lui avait fallu choisir et renoncer à tout espoir de recevoir l’approbation de son père.

Rhynaelle avait cru que cela lui importait peu, mais, en cet instant elle prenait conscience que ce n’était pas réellement le cas. Voir Atherën, dont la sévérité de caractère était pourtant connue de tous, se montrer ouvertement fier de Raj’Nordh lui rappelait cruellement qu’elle-même n’aurait jamais la chance de voir son père la féliciter, hormis si elle se décidait enfin à lui céder et à changer totalement d’attitude... Mais à voir jour après jour le regard éteint de sa mère elle ne parvenait pas à s’y résoudre, consciente qu’en agissant ainsi elle se perdrait définitivement.

La jeune femme déglutie avec difficulté, la gorge serrée par l’émotion, en regardant son frère et son cousin rire ensemble à une remarque d’Atherën, elle aurait tant voulu, une fois, rien qu’une seule fois avoir la joie de lire dans le regard de son père un autre sentiment que la rage, la déception ou l’amertume… Une seule fois…

D’un geste brusque elle essuya ses yeux d’un revers de poignet pour en chasser les larmes qu’elle sentait y monter. Elle refusait de montrer à quiconque combien la situation lui peser, et plus encore elle refusait d’assombrir les réjouissances.

- Quelque chose vous trouble Altesse, me direz-vous de quoi il s’agit ? demanda une voix familière.

Rhynaelle sursauta et jeta un regard noir à l’homme qui venait de la surprendre avant de se détendre en découvrant qu’il s’agissait d’Akenorh.

- Seigneur Telyss, murmura-t-elle en s’inclinant légèrement. J’ai appris que votre fils avait également été promu et je ne vous en ai pas encore féliciter.

Le Maitre d’Arme était un homme intègre et austère mais qui n’hésitait pas à affirmer combien son unique fils comblait ses attentes.

- Je vous en prie Princesse, la réprimanda-t-il gentiment. Ne jouez pas à cela avec moi, je vous connais trop bien pour ne pas deviner que vous avez bien d’autres soucis à l’esprit que la promotion de mon fils, ou même celle de votre cousin.

Il y avait dans son ton une gentillesse qui sut la toucher bien plus qu’elle ne s’y serait attendue.

- Rien qui n’ait ici sa place je puis vous l’assurer, répondit-elle doucement.

Le vieil homme la dévisagea un moment en silence avant de hocher lentement la tête.

- Il est une chose que je souhaitais vous dire depuis longtemps Votre Altesse, et si vous me le permettez cette occasion me parait en valoir toute autre…
- Vous savez que j’écouterais toujours avec attentions vos propos Akenorh. J’ai pour vous comme pour vos opinions la plus haute des considérations, et quand bien même ce ne serais pas le cas je vous dois trop pour ne pas vous écouter avec respect.

Elle eut la surprise de voir son interlocuteur rougir à ses paroles.

- Princesse, j’ai l’honneur de vous connaitre vous et vos frères depuis votre plus tendre enfance, et je me dois de vous dire que tout père devrait s’enorgueillir de vous avoir pour fille.

Rhynaelle croisa son regard et ne sut en déchiffrer l’expression, mais lui-même du lire en elle comme dans un livre ouvert car il tendit la main pour lui effleurer délicatement la joue alors qu’elle se découvrait incapable de répliquer, rendue muette par le chagrin qui lui serrait la gorge. Elle dû lutter contre les larmes qui lui brûlaient les yeux et du coin de l'œil la jeune femme vit Athelän se retourner dans sa direction, sans aucun doute alerté par son brusque changement d'humeur. Elle tenta de se reprendre, refusant de lui laisser percevoir ses doutes et l'amertume qui montait en elle.

- Je ne crois pas que mon père partage votre opinion Seigneur, murmura-t-elle aussi dignement que possible.

Akenorh soupira.

- C'est un crime que de parler ainsi de son roi Princesse, mais quand il est question des femmes votre père manque singulièrement de discernement, dit-il avec beaucoup de douceur.

Rhynaelle se figea en entendant la sévérité de ce jugement porté par un homme dont personne n'aurait osé remettre en cause la loyauté envers la couronne.

- Vos paroles sont pleines de gentillesse... Mais nous savons l'un comme l'autre que je n'ai été pour mon père qu'une déception depuis le jour de ma naissance. Croyez-vous que j'ignore qu'il eut préféré un fils et considère une fille comme pire qu'inutile si elle n'est pas d'un caractère aussi soumis que ses chiens de courses, cracha-t-elle d'un ton plus amer qu'elle ne l'aurait voulu.

Elle vit Akenorh grimacer doucement et jeter un rapide regard autour de lui pour s'assurer qu'on ne l'entende pas.

- Votre père est un imbécile Rhynaelle de ne pas avoir conscience de votre valeur, mais vous ne devez pas croire que tous sont aussi aveugles que lui...
- Que voulez-vous dire ? demanda-t-elle d'une voix incertaine.

La jeune femme n'osait comprendre ce qu'il était en train de lui dire, mais l'entendre traiter le roi d'imbécile lui réchauffait le coeur.

- Je veux dire, Princesse, que d'autres que lui ont conscience de votre valeur, dit-il d'un ton serein, et si votre père se montre incapable de prendre conscience de cela il vous faut, de votre côté prendre conscience que vous faites la fierté et le bonheur d'autres que lui... Vous ne devez jamais en douter Princesse... Jamais.

Rhynaelle se figea, Akenorh, elle le savait, ne faisait jamais de compliments qui ne soient pas totalement sincères, il les poussait à toujours donner le meilleur d'eux-mêmes et savait les en récompenser... Mais jusqu'à ce jour la jeune femme n'avait pas pris conscience du fait que le Maitre d'Arme pouvait porter sur la situation un regard bien plus humain qu'elle ne s'y serait attendu.

- Je... Je ne... balbutia-t-elle.

Akenorh s'inclina profondément devant elle.

- Vous enseigner est un honneur et un privilège dont j'espère pouvoir s'enorgueillir encore longtemps Rhynaelle.

original, calendrier de l'avent, nouveau monde

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