Fandon : Illusion
Personnages : Ruyvën, Lashkäan, Rënko, Lynarkha, la Coure.
Rating : R
Note : J'avais envie de développer un peu ce cheval-qui-n'en-n'est-pas-tout-à-fait-un ^^
- Bon sang, ne fais pas ça Ruyvën !
Le guerrier siffla entre ses dents mais son lieutenant choisis d’ignorer l’avertissement.
- Tu ne vas quand même pas entrer dans cette putain d’arène juste pour le bon plaisir d’un ramassis de nobles et de courtisans qui…
- C’est la même chose, le coupa séchement le Seigneur-Conquérant.
Rënko hésita un instant.
- Quoi donc ?
- Courtisans et nobles, c’est la même chose Rën’, soupira le guerrier.
Il vit son homme grimacer devant l’incongruité de la réplique puis prendre une profonde inspiration.
- Et tu comptes réellement entrer dans cette arène pour leur faire le plaisir de les divertir ?
- Non.
- Donc tu renonces à cette idée stu…
- Non, le coupa à nouveau Ruyvën.
- Alors qu’est-ce que tu…
- Rënko, murmura le guerrier d’une voix beaucoup plus douce.
Son ami se tu brusquement, conscient d’avoir dépassé les bornes, conscient également de la fureur que dissimulait ce ton trop mielleux, conscient enfin que nulle parole ne ferait changer d’avis l’homme qui lui faisait face.
- J’apprécierais que tu cesses de remettre en cause mes choix, murmura Ruyvën sur le même ton. Et puisque tu es venu jusqu’ici, va donc chercher mon équipement.
Il entra dans le box de Lashkäan sans prendre la peine de vérifier s’il était obéi. Le guerrier passa une main légère sur l’encolure arquée de l’animal et sourit doucement en effleurant la soie de sa crinière. L’étalon vint fourrer ses naseaux dans son autre main en soufflant doucement et Ruyvën appuya son front à celui de la bête.
- L’Empereur s’ennuie, souffla-t-il. Alors toi et moi, nous allons aller le distraire.
Lashkäan pointa ses oreilles en avant en entendant ses paroles.
- Moi aussi je m’ennuie, admit le guerrier. Contrairement à ce que pense Rënko je n’ai pas l’intention d’entrer dans cette arène dans le but de distraire les courtisans…
Il attrapa une brosse et entrepris de panser soigneusement l’étalon. Parfaitement immobile, ce dernier se laissait faire mais un observateur attentif aurait pu discerner quelque chose d’anormal dans cette attitude, ou dans la manière dont l’animal semblait anticiper les demandes de son maître soulevant ses sabots, y compris les postérieurs, avant même que le guerrier n’effleure ses jambes. S’ils s’étaient préparés pour une vraie bataille Ruyvën aurait pris son de tresser ses crins au lieu de les brosser pour leur faire prendre du volume. Ils allaient se donner en spectacle, autant rappeler à ceux qui allaient les observer ce qu’ils valaient réellement. Lashkäan n’avait pas besoin de protections pour ce qu’ils s’apprêtaient à faire.
- Voilà, annonça Rënko en déposant l’équipement de Ruyvën sur des supports prévus à cet effet.
Le guerrier observa pensivement la selle d’apparat.
- Dis-moi Rën’, qu’est-ce qui impressionnera le plus ces imbéciles à ton avis ?
- Hmm…
***
Lynarkha bénéficiait d’une place de choix dans la loge impériale, honneur auquel elle avait du mal à se montrer sensible mais qui lui permettait d’écouter les conversations des personnes considérées comme les plus importantes de l’Empire. L’Empereur lui-même était présent, assis sur un siège de bois sculpté au centre de la loge il y avait autours de lui un espace vide que les nobles respectaient scrupuleusement. De leurs places ils avaient une vue parfaite sur la piste soigneusement ratissée de l’arène. Une double porte de bois s’ouvrit et la jeune femme vit Ruyvën entrer dans l’arène monté sur étalon à la robe d’un gris très pâle, un animal magnifique qu’elle avait déjà eut l’occasion d’apercevoir.
- Se moque-t-il ? s’exclama un noble en le découvrant.
La remarque, pour irrespectueuse qu’elle puisse être ne fut pas relevée, toutes les attentions s’étaient tournées vers l’homme qui s’était arrêté au milieu de la piste. Il montait à cru et sans bride, il n’avait même pas pris la peine de s’encombrer d’une simple cordelette pour diriger sa monture. Les aides qu’ils utilisait étaient si discrètes que pour les spectateurs il semblait commander au superbe animal par sa seule volonté. Il portait son immuable masque et deux lames étaient fixées dans son dos. L’étalon, tête haute, semblait guetter un improbable danger.
- Quatre, ordonna l’Empereur d’une voix calme.
Il yeux des murmures mais l’ordre fut relayé et bientôt quatre porte s’ouvrirent dans l’arène. L’étalon pivota tranquillement autour de ses postérieures, faisant un tour complet pour permettre à son cavalier d’embrasser toute la scène avant de s’arrêter à nouveau face à l’Empereur. Lynarkha retint son souffle, son père lui avait transmis son goût pour les chevaux et ses connaissances sur ces derniers, mais l’animal qu’elle avait sous les yeux était différent, elle le pressentait avant même de l’avoir réellement vu évoluer. L’étalon ploya soudain les antérieur, s’inclinant en une révérence parfaite, son chanfrein appuyé contre le sol, sa longue crinière traînant dans le sable. Il maintint cette position, parfaitement immobile alors que des quatre portes ouvertes entraient quatre créatures de cauchemar.
- Ne vous inquiétez pas trop Dame, murmura une voix à son oreille. Lashkäan pourrait se débarrasser seul de ces tsaridh…
Elle sursauta en découvrant Rënko assit prés d’elle, la jeune femme ne l’avait ni vu ni entendu arriver.
- Il va vraiment… se battre contre ces choses ? demanda-t-elle en tentant de dissimuler son effroi.
Rënko haussa doucement les épaules.
- Oui.
La jeune femme reporta son attention sur les monstrueuses créatures que le guerrier avait appelé des tsaridh. Scorpions géants, leurs corps faisaient plus de deux mètres de long sans compter ni leurs formidables pinces bardées de pics acérés ni leurs deux queues possédant chacune deux formidable dards plus gros que le poing d’un guerrier. Leurs corps protégés par une épaisse armure de chitine brune semblaient dépourvus de tout point faible qu’une lame puisse atteindre, et seuls leurs dix yeux globuleux disposaient en couronne pouvaient peut-être constituer un point faible.
Lashkäan n’avait pas bronché, Ruyvën salua l’Empereur d’un geste élégant avant de rester lui-même immobile, il attendait, laissant aux monstrueuses créatures l’honneur du premier assaut. Lynarkha avait vu juste, l’étalon était un animal exceptionnel, aucun cheval n’aurait du pouvoir, dans la position où il se trouvait un instant plutôt montrer une détente assez formidable pour bondir de la sorte dans les airs, cabré si verticalement qu’il semblait défier les lois de l’apesanteur alors que ses sabots postérieurs avaient décollé du sol sous la puissance de sa détente. Soudain les mots « cheval de bataille » prirent pour elle un sens nouveau, Ruyvën ne s’était pas raccroché à la crinière, il avait accompagné le mouvement et en avait profité pour tirer les deux lames qu’il avait dans le dos. Il ne fut pas non plus surpris ou déséquilibré quand l’animal, ayant évité une première charge se laissa retomber de tout son poids non au sol, mais directement sur l’une des créatures, frappant la chitine de ses sabots bardés de métal avec assez de force pour la défoncer.
L’étalon n’était plus un bel animal qu’on admire, il s’était brusquement changé en une sorte de démon visiblement entrainé à frapper pour tuer et qui semblait ignorer la peur. Dans les tribunes les spectateurs retenaient leurs souffles. Un formidable écart lui permit d’esquiver le dard empoisonné d’une créature.
- D’où sors ce cheval ? murmura Lynarkha avec stupeur.
Il ne se déplaçait pas, il dansait, avec une légèreté et une souplesse proprement hallucinante qui rappelait plus les mouvement d’un fauve que ceux d’un équidé.
- Ruyvën n’a jamais souhaité nous faire part de ce point, répondit Rënko en souriant doucement. Il est magnifique n’est-ce pas ?
La jeune femme hocha la tête, mais c’était de l’indignation qu’elle ressentait en cette instant, de l’indignation et de la fureur à l’idée que, par jeu, simplement pour se distraire, des hommes puissent mettre en péril une telle merveille. Sur le sable de la piste Ruyvën et sa monture virevoltaient formant un tableau d’une sauvagerie inouïe et elle eut soudain envie de pleurer à l’idée qu’on ait pu choisir d’enseigner à un tel animal à se montrer si furieusement sauvage et violent.
Tout le reste du combat, elle l’observa comme au travers d’un voile, sans réaliser qu’il s’agissait tout simplement des larmes qu’elle retenait à grand peine. Lashkäan se jouait des tsaridh pourtant bien plus rapide qu’un cheval ordinaire, frappant des sabots, mordant sauvagement quand l’occasion se présentait, son maitre faisait corps avec lui de manière presque surnaturelle, homme et animal ne semblaient avoir qu’un seul esprit tant ils semblaient en harmonie. Une seule fois Ruyvën utilisa ses lames, l’étalon avait fait une erreur, infime, mais suffisante pour qu’il ne puisse cette fois esquiver le dard mortel. L’acier brilla et seul un moignon de queue frappa le flanc de Lashkäan, maculant ce dernier d’un liquide épais d’un ocre sale.
- Dame, dit doucement Rënko quand Lashkän acheva le premier tsaridh dans un piétinement furieux. Dame, cette rage, il l’a dans le sang.
- Aucun cheval ne porte en lui une telle violence à moins qu’on la lui enseigne ! cracha la jeune femme d’une voix douloureuse.
Rënko secoua doucement la tête.
- Non Dame, Lui l’a, de même que tous les poulains qu’il a engendrés en vérité. Ils portent cette violence en eux. Vous les verrez, vous comprendrez… dit-il avec une surprenante gentillesse.
Elle secoua furieusement la tête.
- Comment peut-on réduire une telle merveille à… à ça ? demanda-t-elle en désignant le démon furieux qui sur le sable de l’arène s’acharnait contre un autre ennemi.
De la fin du combat elle ne vit rien, trop bouleversée, elle entendit à peine Rënko répondre d’une voix apaisante que Lashkäan ne se réduisait pas à ce qu’elle en voyait. Finalement, incapable de supporter plus longtemps ce spectacle elle se leva et quitta précipitamment les lieux sans se rendre compte que le Sombre lui emboitait le pas.
***
Lynarkha était toujours bouleversée quand, presque une heure plus tard, Rënko l’entraina dans les écuries en affirmant qu’elle devait voir quelque chose.
- Pas un bruit, pas un mot est-ce clair ? demanda-t-il sourdement. Vous observez, en silence.
La jeune femme hocha la tête et se glissa dans le box vide, incapable de protester ou d’imaginer ce qu’il pouvait bien vouloir qu’elle observe. Des chevaux dressés au combat, elle en avait déjà vu, des bêtes rendues vicieuses par un dressage qui n’avait rien d’humain, des bêtes intenables qui ne connaissaient plus rien d’autre que la violence. Le claquement familier des sabots sur le pavé attira son attention et elle vit Ruyvën entrer dans le couloir de l’écurie. Lashkäan le suivait docilement, la tête à la hauteur de l’épaule de son maître, sa magnifique robe pâle maculées et ses deux antérieures couverte de fluides immondes presque jusqu’aux épaules.
Le calme de l’étalon fut sa première surprise, la seconde fut de le voir effleurer délicatement l’épaule de Ruyvën de ses naseaux en soufflant doucement tout en le suivant dans l’air de douche. Des serviteurs apportèrent des seaux d’eau propres et des éponges avant de s’éloigner.
- Défoulé ? demanda Ruyvën d’une voix amusée quand il n’y eut plus personne.
L’étalon plongea sa tête vers l’un des seaux pour boire à longs traits.
- Je suis sensé te laver avec ça, soupira Ruyvën d’une voix affectueuse.
Le l’index il poussa Lashkäan qui céda docilement et avec une éponge trempée il entreprit d’enlever le plus gros du sang et des éclats de chitine. Il prenait tout son temps, montrant pour l’animal une affection dont la jeune femme ne l’aurait pas imaginé capable. Contrairement à ce qu’elle avait supposé l’étalon ne montrait aucune sorte d’agressivité, il se montrait au contraire franchement docile mais également joueur, ce qui était sans doute le dernier des comportements qu’elle aurait attendu de la part d’un animal ayant montré si peu de temps auparavant une telle sauvagerie. Au contraire il se montrait désormais aussi doux qu’un chaton en quête d’affection et elle découvrait l’homme qu’elle avait épousé sous un jour différent. Parfaitement silencieuse elle l’observait avec fascination.
- Ma Dame, déclara-t-il quand la robe de l’animal fut enfin propre. Si vous avez des questions, il serait sans doute plus simple de les poser au lieu de guetter dans l’ombre… Approchez donc, ça me donnera l’occasion de vous présenter Lashkäan sous un autre jour que celui que vous avez pu voir jusque-là.
Elle sursauta en l’entendant, stupéfaite de se voir découverte de la sorte alors qu’elle avait pris soin de se montrer aussi discrète que possible. La jeune femme hésita avant de le rejoindre d’un pas hésitant , puisqu’elle était découverte rester dans ce box vide n’avait plus le moindre intérêt.