Fandom : L’Assommoir de la saga La fortune des Rougon
Personnages : Virginie & Auguste Lantier
Rating : G
Thème : la magie de Noël.
« Au bonheur des dames. Le Grand Magasin ouvre ses portes ! » Tout Paris connaissait la nouvelle, tout Paris s'était pressé aux portes pour pouvoir entrer le premier, observer cet étalage de marchandises, cette effervescence de commerces dans un même lieu. Tout Paris, sauf Virginie. Elle avait refusé, se rhabillant dans son orgueil, demeurant à la caisse de son épicerie avec la même sévérité que Cerbère aux portes des Enfers. Le progrès ne lui ôterait pas son travail. Qu'on se le dise ! Même lorsqu'une cliente osa parler de ce « fastueux grand magasin, si vous aviez vu ma chère, c'était si beau, si brillant, si propre ! » Virginie ne décoléra pas. Elle le haïssait ce Grand Magasin, du plus profond de son cœur, du plus profond de son âme. Elle haïssait ce progrès qui menaçait sa petite boutique de quartier.
Vint Noël. Et tandis que Virginie vendait terrines et fruits de saison, le Grand Magasin bradait les prix, délivrant des chocolats chauds à ses clients dans un petit salon pour les aider à mieux supporter les affres de la fête.
Le soir du réveillon la boutique était déserte. Au loin le Grand Magasin jetait des lueurs blafardes sur la rue, énorme luciole dopée à la fée électricité.
Virginie avait fini par baisser les stores du magasin, se retrouvant coupée de la ville, retranchée dans cette petite épicerie. Un bruit de verre brisé se fit entendre. Pestant entre ses dents, la tenancière remonta les rayonnages, pilla à la vue du fessier se dandinant sous ses yeux.
- Lantier, qu'est-ce que tu fiches ici ?
Auguste releva la tête. À quatre pattes, l'homme était affairé à rassembler les traces de son forfait. Le gras de son pouce se heurta à un bris de verre. Auguste porta le doigt à sa bouche, tout en se relevant.
- Je cherchais des bonbons. Tu as oublié de préparer le dîner de Noël !
- Le dîner de... Oh saperlotte !
Virginie secoua la tête en tout sens.
- J'ai oublié, je devais tenir la boutique... Tu pouvais pas t'en occuper ?
- Du dîner ? Voyons, un homme ne cuisine pas. Tenir la boutique à ta place ? La dernière fois que je l'ai fais, tu t'aies plaintes que je discutais trop avec les clients.
- Tu faisais de l'œil aux filles, voilà ce que tu faisais ! Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire... Je n'ai pas le temps de préparer un dîner de réveillon.
- C'est pourtant simple...
Lantier ouvrit grand les bras, tout en tournant sur lui-même.
- Tout ce qui est à portée de ta main suffira !
- Piocher dans le magasin ? Accroître les pertes du commerce ?
- Que de négatif. Nous allons simplement prendre de quoi fêter dignement ce réveillon. Alors, voyons où sont les terrines...
Avec la grâce d'une danseuse de ballet, Lantier louvoya au sein des rayonnages, attrapant ce qui lui passait sous la main. Virginie le suivit, voulant le stopper mais se retrouvant, finalement, les bras chargés de mets. Conserves de terrines, pots à cornichons, harengs, lard, carottes... sans oublier l'inoubliable bouteille de vin rouge, grande amie de Lantier. Ce dernier poussa Virginie devant lui, s'accordant le plaisir de lui tapoter la fesse.
- Auguste !
- Tu n'as qu'à pas les agiter de la sorte sous mon nez. Ce soir, nous ferons un festin de roi !
- Avec des conserves ?
- Mieux vaut des conserves qu'un estomac vide.
Passant près du rayonnage des confiseries, Lantier agrippa un pot que, cette fois, il ne laissa pas tomber. Virginie plissa le nez.
- Encore des bonbons ?
- Est-ce ma faute si j'aime le sucre ?
Virginie leva les yeux au ciel, poussa la porte menant à sa demeure avec l'épaule, ses mains étant encombrées.
- Au moins attends le dessert pour en manger.