La dernière épreuve (seconde version)
Genre : romance
Rating : PG
Année : début 2002
3. La leçon d'Allen
En rentrant, Van tomba sur Allen, assis sur les marches du jardin. Il s’installa près de lui. Le chevalier paraissait serein et souriait. Ils gardèrent le silence pendant plusieurs minutes puis Van demanda, calmement :
- Comment ça c’est passé, avec Cid ?
- Bien. On a parlé, et je lui ai tout expliqué. Il est incroyable. Vraiment. Il comprend tout.
- Il est sage.
- Oui.
- C’est ton fils.
Allen sourit, mais répliqua :
- Non. C’est le duc de Fleid qui l’a élevé, qui l’a fait tel qu’il est. Il est son vrai père. Je n’aurais pas pu m’occuper de Cid aussi bien. J’étais trop jeune.
- Et maintenant ?
- Maintenant c’est différent. Cid est déjà un homme dans sa tête, il a beaucoup de qualité. Il est calme, sage, compréhensif. C’est plus facile. Oui, j’ai eu la partie la plus facile.
- Mais tu as été fort de laisser Marlène et ton fils partir avec un autre.
- J’avais pas vraiment le choix, répondit Allen. Et, pardon, mais d’une certaine manière, tu as fait la même chose.
Van le regarda d’un air surpris et perdu.
- Moi ?
- Oui. Tu te rappelles pas ? Quand j’ai demandé Hitomi en mariage. « Prends bien soin d’elle et protège-la. » C’est tout ce que tu as dit ! Si c’était pas de la grandeur d’âme, ça !
- Oh, ça va, rétorqua le jeune roi en détournant les yeux.
Allen se mit à rire, puis continua :
- A propos de mariage…le roi d’Astria verrait d’un bon œil une alliance entre son pays et le tien.
- Ça veut dire quoi, ça ? demanda Van, soupçonneux.
- Que Mirana…
- MIRANA ? ? ? s’exclama Van en sautant sur ses pieds. Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à vouloir me faire épouser leurs filles ? !
Allen se remit à rire.
- Et ça te fait rire ? s’étonna Van en se rasseyant. C’est ridicule. Ça va créer des problèmes de diplomatie dont je me passerai bien.
- Ce que je voulais dire, c’est que maintenant, tout le monde te considère comme le roi le plus puissant de Gaia. Ils veulent tous être sûr qu’ils ne risquent rien au cas où il te prendrait l’envie de faire la guerre.
- Quelle bande d’imbéciles, murmura Van. Je hais la guerre plus que tout.
Allen acquiesça gravement, puis resta silencieux un moment.
- Qu’est-ce que tu vas faire ? demanda-t-il soudain.
- Comment ça ?
- Et bien…Il faudra bien que tu finisses par prendre une décision à propos de ton mariage.
- Je ne peux rien faire tant qu’Hitomi est dans cet état. Ça…ça dépendra d’elle.
- Tu aurais dit autre chose, je t’aurais flanqué la raclée de ta vie, assura Allen en souriant.
- Parce que tu crois que je t’aurais laissé faire, Allen Schézar ?
- Tu ne fais pas le poids, Van Fanel…
Ils se regardèrent fixement, puis d’un seul coup, Allen éclata de rire et Van sourit avec amusement, les yeux brillants. Allen lui jeta un coup d’œil joyeux. Il semblait aller beaucoup mieux, et le Chevalier en était heureux. Van avait beau être plus jeune que lui, Allen avait l’impression qu’ils étaient sur la même longueur d’onde. Après avoir été si longtemps rivaux, les voilà amis. On lui aurait dit ça au début de la guerre contre Zaïbacher, Allen ne l’aurait jamais cru. Comme quoi…
- Bien, maintenant, parlons d’Hitomi, fit-il.
Van sursauta et regarda Allen.
- Qu…quoi ?
- Tu ne peux pas simplement attendre qu’elle retrouve toute seule la mémoire, ou alors on y sera encore dans cinquante ans.
- Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? demanda Van, perplexe.
- Bon sang, Van ! Cette fois il n’y a plus de guerre, tu ne risques pas de mourir toutes les trois secondes, donc Hitomi n’aura pas à s’inquiéter tout le temps pour toi, et finir par réaliser qu’elle tient plus à tes jolies ailes qu’elle le pensait…Il faut que tu la séduises.
Le visage de Van se ferma et Allen se dit que ça risquait d’être plus dur que prévu. L’orgueil de Van était vraiment stupide…
- Je ne jouerai pas la comédie devant elle, dit le jeune roi d’un ton sec.
- Il ne s’agit pas de jouer la comédie, Van. Au contraire. Tu l’aimes, non ? Il faut lui faire sentir que tu tiens à elle.
Van ne paraissait pas convaincu. Allen allait tenter de le convaincre encore une fois lorsque Merle jaillit.
- MAAAAAAITRE VAAAAAN ! ! ! !
Van se leva avec soulagement, vraiment mal à l’aise avec cette conversation, et accueillit Merle qui se jeta dans ses bras.
- Qu’est-ce qu’il y a, Merle ?
- Ben, on va bientôt dîner…Alya a dit que ce soir il fallait que tu sois correctement habillé parce que y’a beaucoup d’invités. Tout le monde mangera dans la Grande Salle.
Van poussa un soupir, et fut tenté de s’envoler très loin pour ce soir. Comme si Merle avait lu dans ses pensées, elle dit :
- Elle a dit aussi qu’il fallait pas que tu t’envoles dans le palais parce que ça met des plumes partout.
- Allez, on y va, Merle…
Van et Merle rentrèrent dans le palais. Allen resta un instant, puis soupira avant de les rejoindre.
-
La porte de la chambre d’Hitomi s’ouvrit brusquement, la faisant sursauter, et une femme à l’air autoritaire entra.
- Bonjour, mademoiselle. Je suis Alya.
- Euh…bonjour…
- Ce soir il y a un dîner dans la Grande Salle avec le Roi Van, le Duc Cid, le Chevalier Allen et sa sœur, et les autres.
- Ah ?
Et avant qu’Hitomi n’ait compris ce qui lui arrivait, Alya l’embarqua dans la salle de bain.
Quelques hurlements plus tard, Hitomi se regardait dans la glace et constatait avec stupeur qu’elle avait du mal à se reconnaître. Alya l’avait lavée, coiffée, habillée comme si elle n’était pas capable de le faire toute seule.
- Mais comment je vais marcher, là-dedans ? demanda Hitomi en regardant la longue robe vert eau qu’elle portait.
Alya, apparemment satisfaite, ne répondit pas. On frappa à la porte, et la jolie Séréna entra.
- Tu es superbe ! s’exclama Hitomi, vraiment impressionnée. Ce genre d’habit te va mieux qu’à moi.
Séréna secoua la tête en souriant.
- Tu es très belle aussi, répliqua-t-elle.
Soudain, Hitomi s’approcha d’elle et lui prit la main.
- Il y a des ombres en toi, dit-elle.
Séréna hocha tristement la tête.
- Il n’a pas encore totalement disparu, mais il ne reviendra plus. Et un jour, il partira pour de bon. J’ai confiance.
Puis la sœur d’Allen serra la main d’Hitomi.
- Il faut que tu combattes tes propres ombres, maintenant.
Et Séréna sortit sans un mot de plus, laissant Hitomi un peu étonnée. Puis elle fit demi-tour et se dirigea vers la salle de bain.
- Où allez-vous ? demanda Alya.
- Me changer. Vous croyez quand même pas que je vais aller dîner comme ça ?
Alya se précipita sur Hitomi, qui s’enfuit, et une poursuite s’engagea dans la chambre, Hitomi poussait des cris, appelant au secours, et Merle qui passait par là entra pour voir ce qui se passait. En la voyant, Hitomi se cacha derrière elle.
- Merle ! Aide-moi !
- Bah qu’est-ce qui t’arrive ?
-
Tout le monde était déjà dans la Grande Salle, on n’attendait plus que Séréna, Hitomi et Merle. « Les filles ! » soupira en souriant Aquel, l’un des chevaliers de Cid. Allen prit Van à part. « N’oublie pas. Tu dois lui montrer que tu tiens à elle… » « Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? » demanda Van, exaspéré. « On t’a jamais appris à dire des compliments ? » Van ne put répondre, Merle entra à ce moment dans la pièce, elle avait son sourire de petit démon et il se demanda avec inquiétude ce qui avait bien pu se passer.
- C’est Hitomi, maître Van. Elle voulait pas mettre la jolie robe qu’Alya lui a préparée. Mais Séréna et moi, on a arrangé les choses.
Puis Merle alla s’asseoir devant la fenêtre, se lécha les pattes, l’air pressé de savoir ce qui allait maintenant se passer. On entendit bientôt la voix d’Hitomi : « Mais enfin, Séréna… ! » « Ne t’inquiète pas, répondit la douce voix de Séréna. Tout va bien ».
La porte s’ouvrit, et Hitomi entra, quasiment poussée par la sœur d’Allen, le rouge aux joues. Van détourna les yeux, elle était trop jolie, comme ça. « Elle l’air d’une reine », pensa-t-il avec un soupçon de douleur et d’ironie pour lui-même. Allen s’approcha d’Hitomi et s’inclina devant elle :
- Tu es ravissante, Hitomi. Ça te va très bien. Pas vrai, Van ?
Allen lui lança un regard appuyé, et Van sortit un malheureux :
- Euh…oui…oui…
« Non mais quel imbécile ! » pensa Allen en se passa une main sur la figure.
« Non mais quel imbécile ! » pensa Van, furieux contre lui-même. Il aurait dû lui dire qu’elle était superbe, et lui prendre le bras pour la mener à sa place, comme venait de le faire Aquel. Mais ça avait été toujours comme ça, il était incapable de parler. Il n’avait jamais été capable de lui dire toutes ces choses que disent les amoureux, même lors de la guerre, alors il se battait comme un fou pour la protéger en espérant que peut-être elle comprendrait un jour pourquoi il voulait tellement la préserver. Mais aujourd’hui, il n’avait personne contre qui se battre. Allen avait raison. Il devrait se débrouiller seul.
Hitomi se sentait mal, elle avait trop chaud. Elle faisait semblant d’écouter en souriant les élucubrations d’Aquel, « Quel baratineur, celui-là ! » pensa-t-elle. Van ne disait rien, lui. De temps en temps, il parlait un peu avec Merle, ou Allen, ou Cid. Il ne la regardait jamais. Elle se sentait un peu blessée de cette indifférence, elle aurait voulu qu’il lui parle, qu’il lui sourit, et qu’il lui dise qu’elle était belle dans cette fichue robe. Hitomi aurait voulu comprendre, savoir pourquoi elle se sentait si attirée par lui. C’était un sentiment étrangement familier. Et elle se sentait tellement en sécurité, avec lui, et tellement heureuse. Quand il était là, elle avait envie de sourire, sans raison.
Elle le comparait aux autres : les deux chevaliers de Cid n’étaient que des fanfarons, et Allen, malgré son assurance et son allure, ressemblait trop à Amano pour qu’elle ressente quoique ce soit pour lui, à part de l’amitié. Pourtant elle avait été amoureuse d’Amano, il n’y avait pas si longtemps. Mais elle ne se rappelait plus pourquoi elle avait changé d’avis. Encore un de ces trous qu’il y avait dans sa vie depuis deux ans, ces oublis qu’elle ne s’expliquait pas. Etaient-ce ce que Séréna appelait « ses ombres » ?
Soudain son regard croisa celui de Van, fugitivement, il détourna les yeux presque aussitôt. Pourtant, Hitomi était sûre d’y avoir vu une intense souffrance. Qu’est-ce qu’il cachait ? A quoi pensait-il ?
A la fin du repas, Hitomi était épuisée. Aquel lui tendit son bras pour l’aider à se lever, elle le prit avec reconnaissance. Pratiquement simultanément, Cid annonça qu’il allait les laisser pour aller se coucher, Aquel et Niour, le second chevalier devant l’accompagner, Aquel s’excusa auprès d’Hitomi avec un sourire désolé. Allen se tourna vers Séréna :
- Tu devrais aussi aller te reposer, petite sœur, dit-il d’une voix tendre.
Séréna acquiesça, Allen sortit derrière elle en jetant un regard significatif à Van. Merle se dissimula dans un recoin sombre, curieuse de voir ce qui allait se passer.
Hitomi et Van restaient seuls en silence. Un souffle d’air venu d’une fenêtre ouverte éteignit soudain les chandeliers, et la pièce n’était plus éclairée que part la lueur combinée des deux Lunes. Aucun des deux ne bougeait, semblant savourer cet instant de calme. Puis Hitomi marcha doucement vers la porte.
- Je vais me coucher, dit-elle.
Van se tourna vers elle d’un air résolu.
- Hitomi…
Merle se recroquevilla encore plus, « il va le faire ! » pensa-t-elle.
Hitomi s’arrêta, légèrement tendue, et tourna vers Van ses grands yeux verts. Mais le jeune roi se rétracta soudain.
- Si tu as besoin de quoique ce soit, parles-en, dit-il au lieu de simplement lui proposer de la raccompagner jusqu’à sa chambre.
- Oui.
Hitomi ouvrit la porte, sortit de la pièce. Et soudain, Van courut à la porte.
- Hitomi !
La jeune fille se retourna. Elle ne voyait pas le visage de Van dissimulé dans l’obscurité.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Passe une bonne nuit, dit-il.
Hitomi lui sourit et disparut dans les couloirs du palais.
4. La tentation de Merle
Van sortit du palais et déplia ses ailes. Des lambeaux de tissus tombèrent sur le sol. Il prit son envol, et lorsque Merle voulut le rejoindre, elle ne vit que le blanc lumineux de ses ailes s’éloigner vers l’horizon. Elle s’assit.
- Maître Van…
Elle décida de l’attendre. Quelques minutes plus tard, elle entendit une voix l’appeler en chuchotant.
- Eh ! Merle !
- Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? Maître Van ?
- Mais non, idiote !
Un garçon-chat un peu plus âgé qu’elle apparut dans la lumière. Merle se leva, et s’approcha de lui, intriguée et un peu excitée.
- T’es qui toi ?
- On m’appelle Daryan. Moi, je sais qui tu es. La domestiquée du roi Dragon !
Merle se hérissa.
- Van est mon ami !
- Ah oui ? Maître Van ! ironisa Daryan.
- C’est le roi, répliqua Merle.
Daryan leva les yeux au ciel, d’un air amusé.
- Tu ferais mieux de nous rejoindre, dit-il.
- Comment ça ?
- J’habite dans un village de la forêt. Il n’y a que des hommes-chats. Nous vivons ensemble, et nous avons un avenir !
- Moi aussi j’ai un avenir ! Je ne peux pas laisser Van ! Il a besoin de moi.
- Et tu crois qu’il aura encore longtemps besoin de toi ? Quand il aura épousé la fille aux cheveux courts, il n’aura plus de temps pour toi ! Il n’y aura plus de place pour toi à Fanélia. Tu ferais bien de me suivre !
- Non, répondit farouchement Merle, dents serrés. Je reste avec maître Van.
Daryan haussa les épaules.
- A ta guise ! lança-t-il. Mais si tu changes d’avis, je t’attendrai tous les soirs pendant une semaine sur la place principale.
Le garçon-chat disparut, laissant Merle plus perturbée qu’elle n’aurait voulu. Elle resta sur la terrasse, recroquevillée.
« Van a besoin de moi », pensait-elle. Lorsque Van se posa près d’elle, à son retour, elle s’était endormie. Attendri, il la prit dans ses bras, la transporta jusqu’à sa chambre et la posa sur son lit.
-
L’ombre eut un sourire mauvais. Convaincre le jeune garçon-chat que Merle serait mieux au village n’avait pas été difficile. Depuis le temps qu’il l’espionnait…L’esprit était tellement faible. Daryan n’avait demandé qu’à croire que le Dragon « séquestrait » moralement la fille-chat, mais qu’il pouvait l’aider à être libre.
Après la Destinée, le Dragon perdrait Merle.
L’ombre s’évapora. Avant de partir, elle devait d’abord passer voir si la Destinée allait bien…
-
Un courant d’air froid entra dans la chambre d’Hitomi. Elle ouvrit les yeux, mal à l’aise, se leva, croyant que la fenêtre était ouverte. Mais au centre de la pièce, un être dans une cape noire, aux yeux violet sombre la regardait, un mauvais sourire sur des lèvres fines et cruelles. Hitomi écarquilla les yeux, et s’écria, terrifiée :
- C’est vous ! Vous étiez là lorsque la lumière est apparue !
- Bien ! Et que crois-tu que je sois venu te faire ?
- Laissez-moi ! implora Hitomi.
Elle était terrifiée, l’apparition la glaçait jusqu’au plus profond d’elle-même, elle sentait la mort, la haine, et la souffrance. L’ombre s’avança vers elle, et Hitomi appela au secours.
Séréna, dans la chambre à côté, fut la première à l’entendre. Elle sortit très vite de sa chambre, pieds nus dans le couloir glacé, et entra dans celle d’Hitomi. Elle vit l’ombre, et se plaça entre l’être de malheur et Hitomi, les bras écartés.
- Va-t-en ! ordonna Séréna. Laisse-la !
- Oh ! fit l’ombre. Tu te rappelles de moi ? Je suis ta peur, ta souffrance, ta folie, Dilandau ! Mon cher Dilandau, si fragile et si facile à tourmenter !
- Mon nom est Séréna, répliqua-t-elle d’une voix ferme. Et je ne te laisserai pas lui faire du mal. Va-t-en !
Van entra de sa chambre, et se changea. Il ne dormirait sûrement pas cette nuit. Il allait sortir sur le balcon, lorsque l’appel d’Hitomi lui parvint. « Au secours ! » criait la voix terrifiée dans sa tête. Exactement comme dans son rêve. Van sortit en courant, traversa les couloirs à toutes vitesses et jaillit dans la chambre d’Hitomi, épée en main. Elle était recroquevillée sur son lit, Séréna, les bras écartés, semblait vouloir la protéger d’une ombre.
- Van ! appela Séréna en le voyant. Protège-la de sa peur !
Puis la sœur d’Allen tomba évanouie au sol. Van bondit devant l’ombre, arme en main.
- Tiens ! Le Dragon ! fit l’être.
- Toi ! Je reconnais ta voix ! C’est toi qui étais dans mon rêve !
- Belle déduction !
- Je te tuerai ! lança Van d’une voix rageuse. Ne les touche pas !
Allen entra à ce moment.
- Van !
- Allen ! Occupe-toi de Séréna et d’Hitomi !
Le chevalier acquiesça, prit Séréna dans ses bras. Ne pouvant les transporter toutes les deux, il cria à Van :
- Je reviens chercher Hitomi, et je te filerai un coup de main !
Van ne répondit pas, ses yeux furieux posés sur l’ombre qui souriait toujours. Allen sortit.
- Je te détruirai, dit Van. Je ne te laisserai pas lui faire de mal !
Il se lança en avant, épée en main, et assena un coup brutal. L’ombre ne vacilla même pas, l’arme semblait être passée au travers de son corps, comme au travers du vent. Van, pas découragé, se lança à l’assaut de plus belle, encore plus enragé. L’ombre riait.
- Vas-y ! Tue-moi ! Agresse-moi ! Laisse ta haine et ta rage sortir ! Viens, mon joli Dragon !
Van cherchait désespérément un moyen de détruire l’ombre, lorsqu’il sentit soudain la terreur d’Hitomi. Il se retourna, elle pleurait convulsivement, les yeux fixes, sa peur était tellement violente qu’il pouvait presque la palper. Il connaissait ça. Oui, c’était cette terreur-là qu’il avait ressentie au moment de tuer Dilandau. La peur de la mort. Oubliant l’ombre, il lâcha son épée, et vint la prendre dans ses bras sans un mot, la serrant contre lui désespérément pour la rassurer. Hitomi s’accrocha à lui comme à une bouée de sauvetage, elle pleurait toujours mais c’était moins convulsif, presque calme.
- Ne me laisse pas, Van, murmura-t-elle.
Van la serra plus fort contre lui. Elle l’avait appelée par son prénom, et elle l’avait tutoyé, d’elle-même. « Non, répondit-il sur le même ton, je ne te laisserai pas. »
L’être d’ombre disparut alors, furieux d’avoir été battu si vite. « Mais la grande bataille est encore à venir, pensa-t-il. Et là tu mourras, Dragon, tu mourras ! »
Allen entra dans la chambre et les vit tous les deux, Hitomi avait les bras autour de Van et le visage enfoui dans son cou, l’ombre avait disparu. Il sourit. Van l’aperçut et un peu gêné, dit :
- Je vais rester avec elle jusqu’à ce qu’elle s’endorme.
Allen acquiesça et referma doucement la porte. Il tomba sur Merle.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-elle d’une voix ensommeillée.
- Quelqu’un a voulu s’en prendre à Hitomi.
- Encore ? Où est maître Van ?
- Avec elle. Laisse-les, ne les dérange pas.
Et Allen s’éloigna, laissant Merle devant la porte. « Ne les dérange pas », répéta-t-elle d’une voix étrange.
Lorsqu’il sentit qu’Hitomi s’était endormie, Van se dégagea doucement et la rallongea sur le lit. Il la regarda dormir paisiblement un instant, puis ramassa son épée et sortit.
La journée suivante fut épuisante pour lui, il était accaparé par tous, il fallait régler les problèmes qu’il restait avec la reconstruction de la ville qui n’était pas totalement achevée. Il n’aperçut Hitomi qu’une fois, à travers une fenêtre. Elle tirait les cartes à Cid et riait.
-
Une fois la nuit tombée, Hitomi alla se coucher avec un soupçon d’appréhension. Séréna lui avait dit que c’était sa peur qui attirait l’ombre. Elle ne devait pas avoir peur. Elle se coucha. Avant de s’endormir, elle regretta de ne pas avoir pu parler à Van. Il lui avait manqué toute la journée.
Au cours de son sommeil, elle fit le rêve d’un ange aux ailes lumineuses qui s’approchait de son lit et murmurait : « Plus personne ne te fera de mal. Je te protégerai toujours. »
En se levant, Hitomi trouva une plume blanche au pied de son lit. Elle la ramassa, la lissa en souriant sans savoir pourquoi et la glissa dans sa poche.
Elle sortit de sa chambre, et tomba sur Séréna.
- Bonjour, Séréna. Tu n’aurais pas vu Van ? Il faut que je lui parle.
- Non. Tu devrais demander à Allen ou Merle.
- Merci !
Hitomi partit en courant, et faillit renverser Merle.
- Hé !
- Oh, pardon, Merle ! Tu n’aurais pas vu Van ?
Merle garda un instant le silence, puis répondit :
- Je crois qu’il est monté sur la falaise au-dessus de la ville.
- Merci beaucoup, Merle !
Hitomi repartit à toutes vitesses sans voir que Merle la suivait. Elle sortit très vite de la ville, et sprinta dans la montée. Elle ralentit en voyant Van devant la falaise, regardant la ville. Elle marchait vers lui lorsque soudain, il retira sa tunique et quelque chose grossit dans le dos du jeune roi. Hitomi s’arrêta, déconcertée. Deux immenses et magnifiques ailes blanches se déployèrent derrière lui. Bouche bée, elle balbutia :
- V…Van ? Tu…tu as des ailes ?
Van se retourna, surpris de la voir.
- Hitomi ? Qu’est-ce que tu fais là ?
- Je…je voulais te remercier pour la nuit dernière. Pour m’avoir protégée de l’ombre…Mais je…je ne savais pas que tu avais des ailes !
Van eut un sourire un peu amer.
- Non, dit-il.
- Elles sont belles, s’émerveilla Hitomi.
Van réfléchit à toutes vitesses. Il attrapa Hitomi, et la souleva dans ses bras.
- Mais…Van ! s’exclama-t-elle, sidérée, une légère rougeur aux joues. Qu’est-ce que tu fais ?
- Je t’emmène en balade !
Hitomi poussa un cri de surprise en voyant le sol s’éloigner. Van s’envolait en l’emportant avec elle ! D’abord, elle s’accrocha à lui en fermant les yeux, mais finalement, grisée, elle se mit à rire. « C’est fantastique ! » s’écria-t-elle. Voler donnait une sensation intense, elle regardait partout, se penchait vers le bas. L’idée de tomber ne l’effleurait même pas. Et Van se sentait heureux qu’elle ait autant confiance en lui.
L’être de lumière les regardait de loin en souriant. « Vous voyez, dit-il à Folken, vous n’avez pas à vous inquiéter. Ils ne risquent rien. »
Merle les regarda s’éloigner dans le ciel. Elle rentra doucement jusqu’au palais de Fanélia.
Van déposa Hitomi sur son balcon en début de soirée. Ils avaient passé toute la journée à voler au-dessus du pays de Fanélia, s’arrêtant de temps en temps dans les petits villages, ils rencontrèrent des hommes-loups auxquels Van parla avant de la laisser s’approcher, des hommes-écureuils…Le voyage avait été fantastique.
- Merci, dit-elle à Van.
Il lui sourit et s’envola plus loin, pour rentrer dans sa chambre. Il avait passé toute la journée en vacances, en oubliant des dossiers importants…Ses conseillers risquaient de ne pas être de très bonne humeur ! Mais il l’aurait refait. Ç’avait été vraiment merveilleux. Il avait eu l’impression d’être libre, et surtout que tout était redevenu normal.
En entrant dans sa chambre, Hitomi eut la surprise de trouver Merle. Elle avait l’air triste et la tête baissée. Hitomi s’inquiéta.
- Merle ? Qu’est-ce qu’il y a ?
- Tu es déjà venue ici, Hitomi, dit la fille-chat. Tu es venue et tu es restée longtemps. Tu nous connaissais tous, Allen, Cid, Mirana, Van et moi. On pensait pas que tu reviendrais, mais on voulait tous te revoir. Tu es revenue, mais tu as tout oublié. Et moi je veux que tu te souviennes vite, parce que maître Van souffre à cause de toi.
Merle leva la tête vers Hitomi. Elle avait des larmes dans les yeux.
- Je t’aime bien mais j’aimerai que tu sois jamais revenue.
Et Merle sortit en courant. Hitomi ne pensa pas à lui courir après, trop choquée par ces révélations. Elle s’assit sur son lit, le regard perdu.
Merle sortit par une fenêtre et descendit dans la ville, les mains vides. Elle n’avait rien à emporter. Elle marcha jusqu’à la place principale, les gens la saluaient joyeusement. Tous la connaissaient et savaient qui elle était. Le garçon-chat l’attendait. En la voyant, il eut un sourire un peu supérieur.
- Je savais que tu finirais par te pointer, mais je pensais pas que tu mettrais si peu de temps à te décider ! Tu n’as pas de sac ?
- Non.
- Allez, suis-moi ! A nous la liberté !
Merle et Daryan sortirent de la ville. Merle ne prononça pas un mot, mais ne se retourna pas.
(à suivre)