La dernière épreuve (première version)
Genre : romance
Rating : PG
Année : mi-2000
Prologue 1.La seconde chance
Van Fanel se réveilla en sursaut. Il se redressa, et respira de façon saccadée. Le soleil entrait à flot dans la chambre. Il se passa une main tremblante sur le visage. « Hitomi », murmura-t-il. Van se rallongea. « Stupide rêve » pensa-t-il. Mais il se sentait mal à l’aise. Il voulut prendre le pendentif d’Hitomi qu’il portait toujours autour de son cou, le toucher pour sentir un peu sa présence. Le pendentif n’était plus là.
Van se leva d’un bond, et s’habilla à toutes vitesses. Il sortit de sa chambre et courut à travers tout le palais, en appelant Merle d’une voix furieuse. Il trouva cette dernière sur le toit, en train de regarder la nouvelle ville qui venait juste d’être terminée.
- Merle !
Merle se tourna vers lui, apeurée, ne comprenant pas ce qu’elle avait bien pu faire pour le mettre en colère comme ça.
- Maître Van ?
- Qu’est-ce que tu as fait du pendentif ?
Merle prit un air surpris.
- Le pendentif d’Hitomi ? Mais je l’ai pas !
La pauvre semblait sincèrement peinée, et la colère de Van retomba tout de suite.
- Excuse-moi, Merle. Il a dû tomber pendant mon sommeil.
Merle sauta du toit et déclara d’un air assuré :
- Je vais le chercher !
Elle disparut dans les couloirs, et Van la regarda partir avec tendresse. Merle ne changeait pas. Toujours la même. Il s’accouda à la fenêtre, et leva les yeux vers la Lune des Illusions. Hitomi…Deux ans déjà. Elle lui manquait toujours autant. « Et toi, murmura-t-il, est-ce que tu penses à moi ? Est-ce que tu m’as oublié ? Pourquoi est-ce que je ne peux plus te contacter ? »
-
Hitomi Kanzaki courut jusqu’au téléphone qui sonnait avec insistance. Elle avait oublié qu’elle était seule à la maison…Elle décrocha.
- Allô ?
- Kanzaki ? C’est Amano.
Hitomi resta un instant muette. Qu’est-ce qu’il pouvait bien se passer ?
- Je…j’aurais besoin de te parler. Je ne suis pas loin…Est-ce que je peux venir ?
Hitomi acquiesça et raccrocha, songeuse. Quelque chose de grave devait être arrivé. Quelques minutes plus tard, elle ouvrit la porte, et Amano entra. Comme chaque fois qu’elle le voyait, elle éprouva un choc : la ressemblance avec Allen était tellement frappante ! Et penser à Allen lui faisait penser à Van. Et penser à Van lui faisait mal. Les premiers jours de leur séparation avait été tellement faciles ! Se dire que de savoir qu’il l’aimait lui suffisait, qu’il allait bien… Et puis au fil du temps, c’était devenu de plus en plus dur. Il y avait eu la lente perte de son don de voyance, l’inquiétude de ne plus pouvoir communiquer avec lui, la jalousie lorsqu’elle pensait qu’il l’avait oublié pour une autre, et la douleur de ne plus l’avoir près d’elle. Le gouffre qui s’ouvre sous ses pieds au fur et à mesure. La dépression qui inquiète les proches. Et puis le jour où elle ouvre la fenêtre et décide enfin d’apprendre à vivre sans Van. Plus facile à dire qu’à faire… Mais elle y arriverait. Elle oublierait. Elle y arriverait.
Elle s’assit en face d’Amano, qui semblait vraiment embarrassé, et Hitomi commença à s’inquiéter. Ce n’était pas le genre du jeune homme. Il rougit un peu, bafouilla beaucoup et finit par lâcher :
- Je pars, Kanzaki. Pour de bon, cette fois. En Europe. C’est pour les compétitions, tu comprends. Une fois en Europe, je pourrais en faire de plus importantes, me faire connaître et avoir une vraie carrière qui me permettra de…d’assurer plus tard un avenir à la famille que je voudrai fonder.
Hitomi s’étrangla de surprise, et se mit à tousser. Lorsqu’elle récupéra, Amano reprit :
- Tu crois que j’ai tord ?
- Euh…Je ne pense pas. Enfin…Tu me manqueras, mes félicitations quand même. Seulement…Tu as pensé à Yukari ?
- C’est pour ça que je suis là. Je lui en ai déjà parlé, et elle est partie en courant, elle refuse de me parler. Je n’ai pas eu le temps de finir. Je voulais lui demander de venir avec moi.
Hitomi garda le silence un instant. Si Amano et Yukari s’en allaient, elle perdrait ses deux meilleurs amis, ses deux soutiens. Mais elle n’avait pas le droit d’être égoïste.
- Je voudrais que tu lui parle, dit Amano. Que tu lui demandes pour moi.
- Tu es sûr de ça ?
Amano leva les yeux vers elle, il avait le regard d’Allen. Comment oublier Van s’il lui rappelait constamment Gaia ? Peut-être valait mieux qu’il parte.
- Je l’aime, dit-il d’un air simple et sincère. Parfois, tu aimes quelqu’un tellement fort que tu sais que personne d’autre ne comptera jamais plus autant pour toi. Je n’imagine pas ma vie sans Yukari, et je sais que nous sommes fait l’un pour l’autre. Je te souhaite de connaître la même chose un jour.
Hitomi sentit une onde de tristesse et de douleur la parcourir, des larmes lui monter aux yeux. Van… « Je parlerai à Yukari », dit-elle d’une voix étranglée. Le visage d’Amano s’éclaira, et il la remercia longuement, mais Hitomi ne voulait qu’une chose, c’est qu’il s’en aille, qu’il la laisse seule. Avant de sortir, Amano se tourna vers Hitomi et demanda d’un air inquiet si elle allait bien. Hitomi sourit courageusement.
- Tout va bien.
- Tu courras, demain, n’est-ce pas ? Tu ne dois pas perdre la compétition. C’est important pour ton avenir. Tu verras, tu nous rejoindras bientôt en Europe. Tu es une coureuse exceptionnelle, Hitomi.
Hitomi acquiesça, et referma la porte. Enfin seule, elle laissa les larmes couler sur ses joues, et courut se jeter sur son lit. Elle pleura longtemps en appelant Van, en espérant que peut-être il l’entendrait et viendrait lui parler, la rassurer, lui dire qu’il était toujours là… Mais rien n’arriva, évidemment, alors Hitomi serra les dents et essaya de se calmer. Il ne fallait pas qu’elle cède. Non, surtout ne pas céder. Hitomi se rassit, essuya ses larmes et sourit à son miroir. « On va s’en sortir, n’est-ce pas ? » dit-elle à son reflet. Elle se leva, elle devait parler à Yukari. En passant devant son bureau, elle hésita, puis se décida à prendre son jeu de tarot. Malgré les demandes incessantes de ses amis, elle n’avait plus rien prédit depuis son retour de Gaia. C’était peut-être pour ça qu’elle avait perdu son don. Mais aujourd’hui, elle devait essayer, pour Yukari. Elle s’approcha de son bureau, ouvrit le tiroir et prit le jeu. En se retournant, son regard fut attiré par une étrange lueur sur sa fenêtre. « Mais… »
Elle tendit la main. Pas de doute possible. Son pendentif d’Energist, celui qu’elle avait laissé à Van, était accroché à la poignée. Troublée et mal à l’aise, Hitomi le regarda longuement. Elle ne savait pas comment il était arrivé là. Est-ce que…est-ce que c’était un message de Van ? Qu’est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Et comment Van avait-il réussi à l’envoyer sur Terre ? Ou peut-être que le pendentif était venu tout seul. Personne ne connaissait vraiment les limites de son pouvoir.
Avec lenteur, elle l’accrocha à son cou. Un sentiment de danger pointa quelque part en elle, une intuition qui fut balayée par l’émotion d’Hitomi lorsqu’elle pensa que Van le portait peut-être, il n’y avait pas si longtemps…Elle le serra très fort dans sa main. Malgré son trouble, elle finit par sortir et à prendre le chemin de la maison de Yukari. En marchant, elle réfléchissait à cette apparition surprenante, et une idée naquit en elle, idée qu’elle combattit sans succès. Si le pendentif était venu, de lui-même ou pas… c’était peut-être pour lui donner une seconde chance. Retourner sur Gaia. Revoir Van. Rester avec lui pour toujours…Non ! Il ne fallait pas, surtout pas ! Sa place était ici, sur Terre, avec sa famille, ses amis, et Yukari qui avait besoin d’elle. Et puis…peut-être aussi que c’était Van qui avait jeté le pendentif. Si quelqu’un d’autre, là-bas, avait pris la place d’Hitomi dans le cœur de Van, il l’avait peut-être simplement renvoyé à la jeune Terrienne, pour l’avertir. Une princesse dans le genre de Mirana. La douleur qu’Hitomi ressentit à cette idée fut tellement violente qu’elle faillit se remettre à pleurer. Mais elle se contint en se disant qu’elle n’était pas raisonnable. Elle s’était jurée d’oublier.
En arrivant dans la rue de Yukari, elle aperçut une silhouette qui venait à sa rencontre. C’était Kim, une lointaine cousine de Yukari, de passage dans la région. Hitomi ne savait pas si elle aimait bien Kim ou pas. C’était une fille étrange, une sorte de garçon manqué qui se moquait de tout.
- Salut Hitomi, fit-elle d’une voix légère. Je t’attendais. Yukari prétend que tu as des dons de voyance, alors je me suis dit que tu avais dû voir qu’elle était mal, et donc que tu viendrais. Joli pendentif. Tu rentres ?
Hitomi n’avait pas pu placer un mot que Kim l’avait déjà projetée dans la chambre de Yukari où la jeune fille s’était réfugiée. « Je vous laisse ! » fit Kim avant de sortir. Hitomi se tourna vers son amie qui semblait au bord des larmes.
- Hitomi…
Puis elle éclata en sanglots. Hitomi se précipita et la prit dans ses bras, essayant de la calmer. Voyant que Yukari continuait à pleurer, elle se mit à chanter doucement une balade de Fanélia que Merle lui avait apprise, il y avait tellement longtemps... Et si peu de temps pourtant ! Elle aurait voulu revenir à ce moment. Au moins…Van aurait été là.
Bien sûr, la chanson ne correspondait à aucune langue terrienne, et Yukari ne comprenait pas les paroles, mais la mélodie finit par la calmer. Toujours appuyée sur Hitomi, elle finit par dire d’une voix tremblante :
- Je ne veux pas qu’il parte…Qu’il me laisse toute seule…
- Je viens de lui parler, dit doucement Hitomi. Il ne te laisse pas, Yukari. Il voudrait que tu l’accompagnes en Europe.
Yukari leva ses yeux surpris et pleins de larmes vers son amie.
- C’est vrai ?
- Oui. Lui non plus ne veut pas te perdre.
Yukari garda le silence un instant, partagée entre la joie et la peur.
- Je ne sais pas trop…Je ne sais pas si je suis assez mure…Je crois que…j’ai peur de me tromper, de faire le mauvais choix.
Le cœur d’Hitomi se serra. Le mauvais choix…et elle, est-ce qu’elle avait fait le bon ?
- J’aime Amano, et je ne veux pas le perdre, continua Yukari. Mais…et si ça ne marchait pas ? Je suis trop jeune.
- Amano t’aime aussi. Il comprendra.
Yukari leva les yeux vers son amie.
- Je crois que j’ai très envie de partir. Mais j’ai peur. Et mes parents ?
- Ils comprendront aussi, et puis tu es bientôt majeure.
Elles gardèrent toutes les deux le silence.
- Et si je me trompe ? demanda Yukari.
- Tu as la vie devant toi. Tu pourras toujours recommencer, prendre un nouveau départ. Une seconde chance.
Hitomi, la gorge nouée, prit la pierre de son pendentif et la serra très fort. Yukari, surprise, demanda :
- Tu as retrouvé ton pendentif ?
- Oui…répondit Hitomi d’une voix absente. Est-ce que tu veux que je te lise les tarots ?
- Je croyais que…
- Je vais essayer, pour toi.
Les deux filles s’installèrent sur le lit de Yukari. Hitomi se concentra, et commença à prendre les cartes. « Ça ne veut rien dire, pensa-t-elle. J’ai vraiment perdu mon don. »
Mais soudain, une carte jaillit, Hitomi en prit une autre, et bientôt elle sentit la confiance revenir en elle : les cartes semblaient de nouveau lui parler.
- Alors ? demanda Yukari, inquiète.
- Attends…
« La carte de la chance, celle de l’amour, une union heureuse…mais cette carte… encore… Décidément, je la retrouve toujours…» Hitomi fronça les sourcils.
- Eh bien…j’ai du mal à interpréter. Je vois que cette union sera heureuse, mais…il va y avoir une grande séparation avec quelqu’un que tu aimes. Et il ne s’agit pas d’Amano.
- Mais c’est toi, Hitomi ! s’écria Yukari. Si je pars, je ne te verrai plus ! Je ne peux pas te laisser toute seule…
- Arrête Yukari, fit-elle d’une voix apaisante, mais serrée. Tu dois partir si tu le veux. Evidemment, vous me manquerez tous les deux, beaucoup, mais je viendrai vous voir là-bas ! Et ça me fera voyager…
Puis elle regarda sa montre, et se leva.
- Il faut que j’y aille. Maman ne va pas tarder à rentrer.
Yukari acquiesça. Elle souriait, semblait plus calme. Au moment où Hitomi s’apprêtait à sortir, elle l’appela :
- Hitomi ! Merci. Tu es ma meilleure amie, et grâce à toi je me sens mieux. N’oublie pas que quoiqu’il arrive, je veux que tu sois heureuse.
Hitomi lui sourit, un peu étonnée, et sortit. Elle tomba sur Kim.
- Je peux t’accompagner un bout de chemin ?
- Euh…si tu veux.
Tout en marchant, Hitomi pensait à sa prédiction. Cette séparation…Peut-être que c’était elle qui partait. Pour Gaia ? Non. Il ne fallait pas…
- Tu crois à la destinée ? demanda-t-elle soudain à Kim .
- La destinée ? Je ne sais pas. Je trouve désagréable de penser que ma vie est déjà toute tracée. En fait, non, j’y crois pas. Je pense que chacun fait ses choix, et les choix ont leur propre conséquence. C’est toi qui décides.
- Et…si deux personnes sont séparées…si l’une des deux personnes doit faire un choix, décider de rester ou partir…deux personnes très différentes, avec une vie qui les sépare…
- Tu parles de Yukari et Amano ?
- Pas forcément…
Kim s’arrêta, et se mit à rire.
- Oh ! Hitomi ! Tu sembles si sérieuse en disant ça !
- C’est sérieux…
Hitomi commençait à regretter d’avoir parlé. Kim se remit à rire, puis soudain déclara d’une voix très sérieuse :
- Aimer est un don précieux. Lorsque tu aimes vraiment quelqu’un, les obstacles ne doivent pas te gêner. Oh, je ne sais pas comment t’expliquer…j’ai jamais trouvé très intelligentes les histoires d’amour qui se terminent mal, par une séparation, ou par la mort. Roméo et Juliette, c’était débile…si Juliette aimait vraiment Roméo, elle se serait tirée avec lui ! Et les personnes qui se séparent à cause de trop grandes différences sont des lâches. Je pense qu’il faut savoir se battre pour son bonheur.
- Mais…la famille…les amis…, contra Hitomi d’une voix faible.
Kim haussa les épaules et la regarda droit dans les yeux.
- Tu quittes toujours quelque chose. Quoique tu fasses, il y aura toujours une séparation. Si ta famille et tes amis t’aiment vraiment, ils accepteront que tu choisisses ton propre futur, ils voudront que tu sois heureuse.
Hitomi sursauta. Ça ressemblait aux paroles de Yukari.
- Le bonheur, c’est tout ce qui compte, continua Kim. Pour ça, qu’importent les distances ! Va, cours, vole dans une autre ville, une autre région, un autre pays, un autre continent, un autre monde, une autre planète !
- Une autre planète…répéta Hitomi d’une voix rêveuse.
Kim se remit à rire joyeusement. « Envoie-nous quand même une carte postale ! » fit-elle. Hitomi lui sourit, soudain heureuse, un poids venait de s’envoler de son cœur.
- Merci.
- A ton service ! répliqua Kim en riant.
Soudain, tout devint noir et blanc autour d’Hitomi. Une impression d’angoisse lui serrait le cœur. « Que se passe-t-il ? Une vision ? » se demanda-t-elle. Ça faisait tellement longtemps qu’elle n’en avait pas eu ! Elle entendit un cri de douleur venant du ciel et leva les yeux. Un ange aux ailes noires tombait du ciel. « Van ! hurla-t-elle, folle de terreur. Van ! Non ! ». Malgré les ailes noires, elle l’avait reconnu. Elle l’appela de nouveau, mais il ne semblait pas l’entendre. Il atterrit lourdement au sol sans que Hitomi ne puisse bouger. Quelque chose semblait la clouer au sol. Elle se mit à pleurer en regardant Van qui gisait à terre. « Van…non…relève-toi…tes ailes…noires…comme celles de Folken…un sombre destin… Relève-toi ! ». Une ombre passa soudain près d’elle, et elle se tourna vers l’homme caché sous une cape noire. « Aidez-moi, fit-elle, aidez Van ! Il va mourir ! » « Je vais t’aider, toi, répondit l’ombre. Tu n’auras plus mal. Tu oublieras. Je vais exaucer ton vœu.» Hitomi n’entendait plus, elle regardait Van qui ne se relevait pas.
« VAN ! » hurla-t-elle de nouveau, luttant désespérément contre la force qui l’empêchait de courir vers lui. L’ombre se plaça soudain devant elle. Des yeux violet sombre et terrifiants plongèrent dans les siens. « Tu voulais l’oublier, alors tu l’oublieras, dit-il, puisque telle est ta volonté. »
Hitomi sentit quelque chose de froid et de noir pénétrer dans sa tête.
« NON ! hurla-t-elle. Laissez-moi ! VAN ! VAAAN ! ».
Et soudain, plus rien. Le vide.
Kim la secouait, l’appelant avec inquiétude, sans voir l’ombre qui riait méchamment à côté. Mais soudain, l’ombre sursauta : autour du cou d’Hitomi, il y avait le pendentif ! Il n’aurait jamais dû être là ! L’ombre voulut l’arracher, mais du ciel jaillit une colonne de lumière qui tomba sur les trois personnes.
« Qu’est-ce qui se passe ? enragea l’ombre. Ce n’était pas sensé arriver ! Elle ne doit pas partir ! Non ! »
Kim ne comprenait rien. Cette lumière, et Hitomi qui était couchée sur le sol, le regard vide. Et soudain, Kim fut projetée hors de la colonne de lumière, puis l’ombre qu’elle ne voyait pas fut éjectée à son tour, avec un cri de rage.
Le pendentif se mit à briller.
Le corps d’Hitomi se souleva dans la lumière, s’éleva de plus en plus haut et disparut dans le ciel. L’ombre partit, furieuse du tour imprévu qu’avait pris son plan.
Kim, toujours sur le sol, sans remarquer les gens qui s’étaient attroupés, fixait le point du ciel où Hitomi avait disparu, et murmura : « Hitomi…quand je disais une autre planète…je plaisantais ! »
2. Mémoire perdue
Van s’approcha de la clairière où Folken et Escaflowne reposaient, et d’un bond agile, sauta sur l’épaule de son guymelef. La nuit commençait à tomber, le soleil était rouge sang, et les deux Lunes brillaient déjà. Van s’installa confortablement, et commença à parler.
« Bonsoir, Escaflowne, bonsoir Folken…La journée a été longue ! Il est arrivé pas mal de trucs. D’abord, j’ai perdu le pendentif d’Hitomi… »
« Je sais, je suis vraiment nul. Je comprends pas où il peut bien être. Merle a retourné tout le château sans le trouver. Moi j’ai pas eu le temps de chercher. J’aimerai vraiment savoir où il est…ça me manque de ne plus le sentir. C’est la dernière chose qui me rattache à Hitomi. »
Van se tût un instant, et regarda la Lune des Illusions d’un air mélancolique. Oui, la dernière chose qui le rattachait à Hitomi. Depuis quelques mois, il n’arrivait plus à lui parler, à la voir. D’abord il avait cru que c’était provisoire…à cause de leur dispute. Oui, ils s’étaient disputés. Oh, une chose stupide, tellement idiote qu’il était incapable de se souvenir ce qui l’avait déclenchée.. Et Van ne se rappelait que de cette phrase qu’elle avait prononcée : « J’aurais voulu ne jamais te connaître ! ». Il avait crû que c’était simplement provisoire. Et puis le temps passant, il s’était fait une raison. Hitomi ne voulait probablement plus lui parler. C’était à cause de leur séparation, tout ça. Ça faisait longtemps, ce malaise entre eux. Ne plus pouvoir se toucher, ne plus pouvoir être réellement ensemble, c’était devenu insupportable, et même si elle n’en avait jamais rien dit, Van savait qu’Hitomi en souffrait autant que lui.
« Si vous saviez combien elle me manque… »
Van soupira, et reprit :
« Le duc Cid de Fleid est arrivé aujourd’hui avec seulement deux chevaliers comme escorte. Il a découvert qu’il est le fils d’Allen. Je crois qu’il a besoin de calme. Je le trouve trop sérieux pour son âge. C’est dur de diriger un royaume. Il est trop jeune. »
Van baissa la voix, comme s’il craignait que quelqu’un l’entende.
« Et moi aussi, je suis trop jeune. C’est dur, Folken. J’aime Fanélia, mais j’ai peur de faire des erreurs. Evidemment, si Hitomi était là, ce serait plus facile. Elle me soutiendrait. »
Van se reprit, ce n’était pas le moment de flancher.
« A propos…J’ai reçu un message du roi Argos de Leden. Tu sais, ce nouveau pays marchand, créé après la dissolution des Alliés…Y’en a qui prétendent que c’est là que Dryden se planque, et qu’il est le conseiller principal du roi…Enfin, en tout cas, c’est un royaume qui est devenu très puissant en peu de temps. Le roi me propose une alliance. Enfin, une alliance…un mariage, en fait. Il a une fille. Il paraît qu’elle est jolie. »
Une onde réprobatrice secoua Escaflowne, et Van faillit tomber. Cela faisait longtemps que son guymelef n’avait pas été aussi violent, ni aussi clair…Même sans la drague Energist, il continuait de vivre grâce au pacte de sang. Il était le plus profond du cœur de Van.
« Je ne peux pas continuer comme ça, Escaflowne. Je suis le roi. Je dois penser au futur de Fanélia. Ce...ce mariage est une bonne occasion. Une bonne alliance pour le royaume. »
Van soupira, et s’allongea sur l’épaule de son guymelef. Il n’aurait jamais pensé devoir un jour envisager un futur avec une autre femme.
Hitomi…
Van ressentit soudain la présence d’une énorme énergie, il sursauta, et, instinctivement, leva les yeux vers la Lune des Illusions. Une colonne de lumière ! Une colonne de lumière en provenance de la Lune des Illusions ! Ce n’était pas possible…Il rêvait encore…Van bondit sur le sol et se mit à courir hors de la forêt, vers la prairie, un espoir complètement fou lui rajoutant une paire d’ailes imaginaires aux pieds. La colonne disparut lentement alors qu’il courait encore, déposant une silhouette sur le sol que la nuit tombante rendait imprécise. « Hitomi ! » appela-t-il, fou de joie. Ça ne pouvait être qu’elle, il ressentait sa présence au fond de lui, comme si un deuxième cœur s’était mis à battre dans sa poitrine.
-
Hitomi regarda autour d’elle, complètement perdue. Où était-elle ? Que s’était-il passé ? Elle marchait avec Kim, (de quoi parlaient-elles ? elle ne se rappelait plus…) et puis elle avait eu l’impression de faire un cauchemar, comme si quelque chose était entré dans son esprit et l’avait aspiré, pendant qu’un ange flou aux ailes noires tombait sur le sol… et ensuite il y avait eu cette lumière intense.
Que s’était-il passé ? Hitomi leva les yeux vers le ciel, et étouffa un cri de surprise. La Lune et la Terre brillaient ensemble ! « Mais… où suis-je ? Je rêve ! »
- Hitomi !
Elle se retourna brusquement, et vit un garçon brun en tee-shirt rouge courir vers elle, l’air radieux. Elle avait la vague impression de l’avoir déjà vu quelque part…mais où ?
-
Van ralentit brusquement. Hitomi ne bougeait pas. Elle l’avait vu, pourtant. Il vit briller son pendentif autour de son cou. « Il me l’a ramenée », pensa-t-il. Mais, après la joie, une sourde angoisse s’insinua en lui. Pourquoi ne bougeait-elle pas ?
Lorsqu’il fut à moins d’un mètre d’elle, il vit que son visage n’exprimait qu’une intense surprise, et qu’elle avait l’air un peu perdue. Comme…comme la première fois qu’ils s’étaient rencontrés…
- Hitomi, fit-il plus doucement.
- Est-ce que…est-ce que je vous connais ? demanda-t-elle.
Dans la poitrine de Van, quelque chose se brisa.
-
L’ombre, dissimulée à l’orée de la forêt, sentit avec une joie macabre le désespoir de Van. Finalement, que la Destinée soit sur Gaia faciliterait les choses…Un être de lumière apparut soudain près de lui.
- Je sais que tu as pénétré le rêve du Dragon, fit-il d’une voix douce. Tu as triché.
- Je n’ai rien fait d’interdit. Je l’ai juste prévenu de sa déchéance future…
- Tu lui as fait peur.
- Et alors ? C’est mon rôle. Le Dragon mourra.
- Non. J’ai confiance en eux.
L’ombre ricana.
- Je sais que c’est toi qui as donné le pendentif à la Destinée. C’est toi aussi qui a créé la colonne de lumière.
- Non, répondit l’être de lumière. J’ai seulement rendu le pendentif. C’était un signe. Elle a créé la colonne elle-même, en appelant le Dragon. Elle est forte.
- Mais maintenant tu ne peux plus les aider.
- Ils te vaincront, murmura l’être de lumière en disparaissant, et puis ils seront enfin libres.
L’ombre regarda Van reprendre contenance, et emmener Hitomi vers Fanélia. L’ombre eut un sourire méchant. « Il est trop fragile et trop fier. Jamais ils ne me vaincront », dit-elle avant de disparaître à son tour.
-
Plus tard dans la nuit, Hitomi s’allongea sur le lit de la chambre qu’on lui avait donnée. Elle ne se sentait plus perdue, même si l’aventure lui paraissait extraordinaire. Ici, la plupart des gens semblaient la connaître. Il y avait d’abord le roi…Van Fanel, le garçon brun qui l’avait accueillie. Il était le souverain de ce pays, Fanélia, royaume de la planète Gaia. Elle n’aurait jamais cru qu’il pouvait être roi, à ses vêtements simples et à son jeune âge. Mais alors qu’en la voyant, il avait eu l’air heureux, depuis leur arrivée au château il semblait l’éviter.
Il y avait aussi cette fille chat, Merle, curieux mélange d’humaine et de chatte, qui lui avait sauté dessus en poussant des cris de joie, jusqu’à ce que Van la prenne à part pour lui parler. Merle avait alors regardé Hitomi d’un air étrange, s’était calmée, et avait disparu dans un couloir, même si Hitomi avait constamment senti sa présence derrière elle.
Et le jeune duc Cid de Fleid, qui ne devait pas avoir huit ans. Il ressemblait tellement à Amano qu’il aurait pu être son petit frère, ou son fils… Il avait aussi semblé heureux en la voyant. Là encore, Van l’avait pris à part, et une expression grave s’était peinte sur le visage enfantin de Cid, qui était venu s’incliner devant elle en lui disant que ses sages étaient à sa disposition.
Elle avait essayé de glaner des renseignements autour d’elle. Mais lorsqu’elle interrogeait les gens, ils semblaient soudain se fermer, comme s’ils avaient reçu l’ordre de se taire.
Van n’avait pas reparu. Hitomi le sentait distant, il évitait toujours ses yeux, comme s’il avait peur de la regarder.
Hitomi aurait voulu savoir pourquoi ces gens semblaient la connaître, et le mystère qui semblait les lier. Elle n’avait pas peur. Elle se sentait bien, ici. Comme si elle était rentrée chez elle après un long voyage. Et pourtant, là-bas, sur Terre, sa mère et ses amis devaient s’inquiéter. Et Yukari… Hitomi devait absolument rentrer avant son départ avec Amano ! Et puis…Quand elle pensait à sa vie sur Terre…il y avait des moments de vide étrange, des actions qu’elle ne s’expliquait pas. Comme si quelque chose avait disparu de sa vie, et la laissait seule et faible.
-
Merle s’approcha de Van, assis sur son lit.
- Maître Van…appela-t-elle. T’inquiète pas, ça va lui revenir ! Elle peut pas nous avoir oubliés, non…c’est pas possible !
- Laisse-moi, Merle, s’il te plait.
- Mais maître Van…
- S’il te plait, Merle.
Le ton avait été sans réplique. Un peu blessée, Merle sortit par la fenêtre en se disant que décidément, cette Hitomi n’apportait que des problèmes.
Un garde entra dans la chambre de Van.
- Vous m’avez appelé, Majesté ?
Van lui tendit un papier cacheté aux armes de Fanélia.
- Ce message doit être entre les mains d’Allen Schezar, chevalier céleste d’Astria, demain matin au plus tard.
- Il le sera, Majesté.
Lorsque le garde sortit, Van se tourna vers la fenêtre, et regarda la Lune des Illusions briller dans le ciel. Lui rendre Hitomi, pour mieux la lui reprendre…Est-ce que la malédiction des Atlantes le poursuivait ? Pourquoi n’avait-il pas le droit de vivre heureux ? « La Lune des Illusions…tu portes bien ton nom ! fit-il d’une voix amère. Je croyais qu’elle m’aimait et ce n’était qu’une illusion… »
-
Le chevalier céleste Allen Schezar traversait les couloirs du palais d’Astria à grande vitesse, portant à la main un message aux armes de Fanélia. Hitomi était de retour. Mais Van avait l’air de dire que des problèmes se préparaient, et voulait qu’il soit là le plus vite possible. Ça devait être vraiment urgent, pour que Van lui demande de venir…Allen avait déjà fait préparer le Croisé, Séréna était prête à partir, et lui-même allait prévenir le roi de son départ pour Fanélia. En s’arrêtant devant la porte de la salle du trône, il entendit le rire clair de la princesse Mirana, et la voix pleine de reproches d’Élise. « Mirana, voyons ! ».
Mirana sortit en riant, et en voyant Allen, son regard s’éclaira.
- Allen, oh ! Je suis contente de te voir ! Tu ne connais pas la dernière lubie de Papa et Elise ?
Elise sortit à cet instant.
- Mirana…
Mais Mirana n’écoutait pas.
- Ils veulent me faire épouser Van !
Allen faillit éclater de rire, mais le regard sévère d’Elise l’en dissuada et il se contint, un imperceptible sourire sur les lèvres.
- Van ! Tu te rends compte ? reprit Mirana en riant de plus belle.
- Ça suffit, Mirana ! ordonna Elise. Le roi Van Fanel est le plus puissant de tout Gaia. Une alliance serait tout à fait profitable.
- Vous ne disiez pas ça il y a deux ans, avant que vous appreniez par les autres qu’il avait vaincu Zaïbacher quasiment tout seul ! Et puis Van en dehors d’Hitomi, il n’y a pas beaucoup de monde qui l’intéresse.
Allen eut un sourire étrange que Mirana repéra tout de suite, puis elle vit la lettre aux armes de Fanélia.
- Un message de Van ? Quand on parle du dragon…Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Je venais vous avertir que je partais pour Fanélia. Hitomi est de retour, et Van voudrait que je le rejoigne.
- Hitomi ! s’écria joyeusement Mirana. Oh, il faut que je vienne avec toi ! Attends, je vais prendre quelques affaires et j’arrive.
Mirana disparut dans un couloir. Allen leva des yeux interrogatifs vers Elise qui le regardait d’un air très explicite.
- Ça va, j’ai compris ! soupira-t-il avant de partir très vite.
Quelques instants plus tard Mirana revenait près d’Elise, portant le sac qu’Hitomi avait laissé en partant et dont elle se servait souvent. Mais Allen n’était plus là. Furieuse et déçue, elle regarda sa sœur d’un air rancunier : « J’aimerai savoir un jour pourquoi Allen t’obéit toujours au doigt et à l’œil ? ».
Fanélia
- Elle a oublié ? Comment ça, oublié ? demanda Allen, interloqué.
- Elle ne se rappelle plus de rien, répondit Van. C’est comme si elle n’était jamais venue sur Gaia, que rien ne s’était passé.
- Mais elle est revenue, non ? Il y a bien eu une colonne de lumière, et elle seule peut l’avoir créée avec le pendentif, par sa propre volonté, n’est-ce pas ? Donc, elle devait encore avoir toute sa mémoire en partant…
- Je sais. Peut-être…peut-être qu’il s’est passé quelque chose pendant le transfert ? Elle a comme un voile d’ombre au fond des yeux.
- Un voile d’ombre ?
- Oui…Je sais pas comment t’expliquer. Tu verras. Je me suis dit…
- Quoi ?
Van évitait le regard du chevalier céleste.
- J’ai pensé que toi, elle se souviendrait sûrement.
Allen lança un regard sévère au jeune roi. Est-ce que Van n’oublierait jamais cette histoire ?
- Si elle ne se rappelle pas de toi, dit-il, comment veux-tu qu’elle se souvienne de moi ?
Van ne répondit pas : Merle et Hitomi venaient d’entrer. En voyant Allen, Hitomi ouvrit de grands yeux stupéfaits, puis eut un sourire radieux avant de se jeter dans ses bras. Van se crispa, et Allen ne savait plus quoi faire, quand Hitomi s’écria :
- Amano ! Tu es venu me chercher ? La course a déjà commencé ? Comment tu es arrivé là ?
- Je ne suis pas Amano, répliqua Allen, vraiment soulagé, avec l’impression d’avoir déjà vécu cette scène…
Hitomi recula, le regarda et constata alors les différences de vêtements, de coupe de cheveux. Elle s’était arrêtée à la première impression du visage et du regard.
- Je suis le chevalier céleste Allen Schezar, continua-t-il.
Se présenter à Hitomi…C’était bizarre, et il pouvait imaginer ce que Van devait ressentir.
- Vous lui ressemblez tellement, fit-elle, apparemment troublée.
Elle sembla réfléchir, puis s’écria spontanément :
- Oh ! Vous devez être le père de Cid !
Allen sursauta et regarda Van qui avait l’air embarrassé.
- Elle se souvient de Cid ?
- Non…enfin…il est ici.
- Ici ?
- Oui…A Fanélia. Dans le palais.
- Mais pourquoi tu ne me l’as pas dit ?
- J’ai oublié. Désolé, Allen.
Allen avait appris par Mirana que Cid savait désormais qu’il était son père. Il ne pensait pas que la confrontation serait aussi brutale, et rapide, et il en voulait un peu à Van. Mais après tout, il vivait depuis trop longtemps dans le secret. Il regarda Hitomi, se disant qu’elle n’avait vraiment pas changé.
- Oui, dit-il, je suis le père de Cid.
- Hitomi ? appela Van.
Elle se tourna vers lui.
- Majesté ?
Allen sursauta, il ne s’attendait pas à ça, ni à la soudaine douleur qui était apparue sur le visage de Van qui détourna la tête et dit d’une voix crispée :
- Est-ce que tu veux bien nous laisser ?
Hitomi acquiesça, et sortit. Merle s’assit et regarda la porte d’un air réprobateur. Van se tourna vers Allen.
- Tu as vu ? Ses yeux…
- Non. Je n’ai rien remarqué.
- Moi, j’ai vu, intervint une voix.
Séréna qui n’avait pas dit un mot jusque là s’avança devant Van. Le jeune roi n’arrivait pas à imaginer que cette douce et timide jeune fille ait pu être un jour le terrible Dilandau. Séréna avait un air grave sur le visage.
- Elle a une ombre dans les yeux. C’est dans sa tête. Quelque chose de terrible lui a emprisonné l’esprit.
Une flamme s’alluma dans les yeux de Van. Il porta la main à la poignée de son épée.
- Je retrouverai celui qui a fait ça, dit-il d’une voix rageuse. Il paiera !
- Non ! intervint Séréna.
Elle prit la main de Van.
- Tu ne vaincras pas par les armes, dit-elle de sa voix douce. Son esprit est fermé, mais son cœur est libre.
Séréna plaça la main sur le cœur de Van.
- L’ombre qui la possède est faite de souffrance, de tristesse et de peur. C’est cela que tu dois briser. Ne lui dis rien, rien sur ce qui s’est passé avant ou tu la blesseras encore plus. Elle se souviendra toute seule. Son cœur te reconnaîtra, comme la première fois.
- Si ça pouvait être plus rapide que la dernière fois…soupira Van, quand même rassuré.
Allen se sentit vaguement accusé, et allait émettre une protestation, lorsque la porte s’ouvrit.
- Van ? appela Cid. Hitomi a dit qu’elle allait dans le jardin.
En se voyant, le chevalier et le prince s’immobilisèrent. La tension monta d’un cran dans la pièce, Séréna s’approcha de son frère et lui prit le bras en un geste d’apaisement. Van regardait la scène avec embarras, se sentant vaguement de trop. Merle eut alors l’idée géniale de les tirer tous de cette situation en s’écriant :
- MAAAAAAITRE VAAAAN ! ! ! !
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a, Merle ?
-Viens, il faut aller chercher Hitomi avant qu’elle fasse des bêtises !
Merle attrapa Van par le bras et le tira hors de la pièce. Allen s’inclina alors devant Cid et dit :
- Bonjour, altesse. Je vous présente ma sœur, Séréna.
Cid regarda la jeune fille d’un air grave, et répondit d’une voix douce :
- Bonjour, ma tante.
-
Van et Merle coururent jusque dans le jardin, et Van se mit à rire. Merle en fut sidérée, ça faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas vu rire comme ça. Puis il la prit dans ses bras et la fit tournoyer, riant toujours :
- Tu as été fantastique, Merle !
Lorsque enfin il la posa à terre, elle était ravie, mais n’avait plus d’équilibre, et s’écroula assise par terre. Van rit encore et s’assit à côté d’elle.
- Je suis contente que tu ailles mieux, maître Van.
Le jeune roi lui sourit avec affection, et s’assombrit soudain, pensant à son rêve.
- Quelque chose ne va pas, maître Van ?
- Merle, tu me promets de rester toujours avec moi ? Je n’ai pas envie de te perdre.
Merle sauta sur ses pattes d’un air indigné et s’agrippa au cou de Van.
- Jamais je te quitterai, maître Van ! Jamais !
Van lui sourit de nouveau, et se leva. Merle lui dit avec un regard en dessous :
- Tu devrais aller voir où est Hitomi, maître Van. Il faudrait vite qu’elle se rappelle.
Il acquiesça, et descendit les marches du palais vers le jardin. Merle le regarda s’éloigner.
Van aperçut bientôt Hitomi, elle était assise dans l’herbe et regardait la Lune des Illusions d’un air un peu mélancolique. Il s’approcha d’elle, le cœur serré à l’idée qu’il ne pourrait pas la prendre dans ses bras, à l’idée que maintenant, il n’était plus pour elle qu’un étranger. Il vint s’asseoir près d’elle.
- Est-ce que je pourrais un jour rentrer chez moi ? demanda-t-elle sans se retourner.
- Je ne t’empêcherai jamais de retourner chez toi, répondit Van.
Elle se tourna vers lui.
- Il y a un moyen ? Vous connaissez un moyen de me faire rentrer chez moi ?
- Ton pendentif est puissant. Mais il ne peut être actionné que par ta propre volonté. La force du désir.
- La force du désir…répéta-t-elle.
- Peut-être que tu n’as pas vraiment envie de partir, fit Van d’une voix hésitante.
Hitomi le regarda, et réfléchit.
- Peut-être, admit-elle. J’aimerai découvrir ce que vous me cachez. J’aimerai percer tous les mystères qu’il y a autour des gens d’ici, et autour de vous.
Van garda le silence. Quelles que soient ses raisons, elle restait, et c’était ce qui lui importait le plus pour le moment.
- Es-ce que je peux vous tirer les cartes ? demanda-t-elle soudain.
- Me…me tirer les cartes ?
- S’il vous plait !
- Si tu veux…
Hitomi sortit son jeu, et commença à disposer les cartes. Elle les tira une par une, les regarda, et fronça les sourcils. Van ne dit rien.
- Il y a eu une grande séparation dans votre passé…avec quelqu’un que vous aimiez. Vous en avez souffert. Je vois beaucoup de morts aussi derrière vous. Pourtant, c’est la carte du soleil qui représente votre futur. Beaucoup d’espoir, mais des épreuves. Il y a…oh !
Hitomi s’effondra sur le sol en poussant un cri. Van se précipita pour la prendre dans ses bras. « Elle a une vision ! ».
Hitomi regarda l’ange aux ailes noires tomber, puis gisant sur le sol. Une intense angoisse lui étreignait le cœur, et la douleur profonde et désespérée que l’on ressent quand on perd un être cher. Elle ne pouvait pas bouger, juste le regarder souffrir, loin d’elle.
Lorsqu’elle reprit conscience, elle vit le visage inquiet de Van au-dessus d’elle.
- Est-ce que ça va ? demanda-t-il.
- Oui…
Hitomi se sentait étrangement bien dans les bras de Van, en sécurité comme si rien ne pouvait l’atteindre. Elle avait le curieux sentiment, que quoiqu’il arrive, il la protègerait toujours, il serait toujours là. Le cauchemar et l’ange aux ailes noires s’éloignaient.
- J’ai vu un ange, dit-elle. Un ange avec des ailes noires qui tombait, et s’écrasait au sol.
- Folken ? demanda Van, intrigué.
- Je ne sais pas, je n’arrive pas à voir son visage…Qui est Folken ?
Van s’écarta d’elle sans répondre, et Hitomi se sentit de nouveau vulnérable. Elle frissonna.
- Tu devrais aller te reposer, fit Van d’une voix douce.
- Oui.
Hitomi reprit le chemin du château, espérant qu’il viendrait avec elle. Mais Van resta sans bouger, au même endroit, la regardant s’éloigner.
Lorsqu’elle disparut, le jeune roi sortit du jardin, et prit la direction de la forêt. Après quelques minutes de marche, il arriva dans la clairière où reposaient Escaflowne et son frère. Van s’approcha de la tombe de Folken et se mit à genoux.
- Mon frère, Hitomi est revenue, mais une chose maléfique la tient en son pouvoir. Elle nous a oubliés. Elle vient d’avoir une vision, un ange aux ailes noires tombant sur le sol. Je voulais te prévenir. Je ne sais pas ce que ça signifie.
Van réfléchit, et se leva. « Repose en paix, mon frère. »
Il s’éloigna. Le fantôme de Folken apparut alors. Près de lui, l’être de lumière.
- Je ne peux vraiment pas les aider ? demanda-t-il.
- Vous n’y êtes pas autorisé, répondit gravement l’être de lumière. Moi-même ne puis leur parler. Seul Chaos a ce pouvoir.
- Comment pouvez-vous leur faire subir ça après tout ce qu’ils ont déjà souffert ? C’est inhumain ! s’énerva Folken.
- Ce n’est pas de moi que vient la décision. Ils détiennent le futur de Gaia entre leur main, et nous ne pouvons pas permettre qu’ils le détruisent.
- Ce n’est pas juste. Ils ont déjà largement prouvé leur valeur !
- Mais ils ont perdu la confiance des Atlantes en perdant leur pouvoir de communication.
- Que s’est-il passé ? Pourquoi l’ont-ils perdu ?
- Parce qu’ils n’y croyaient plus. Ils ne croyaient plus en l’immortalité de leur amour, ni en eux-mêmes. Ils ont perdu leur rêve de se retrouver, c’était dangereux. Chaos a attaqué la Destinée pour lui faire oublier. Mon rôle était de réunir le Dragon et la Destinée, pour prouver de nouveau que leur amour est plus fort que tout.
- Et vous avez enchanté Escaflowne pour qu’il ne puisse pas répondre à l’appel de Van. Je ne peux pas laisser mon frère seul dans cette épreuve !
- Si vous intervenez, vous serez détruit. Votre présence réconforte le Dragon. Si vous disparaissez, vous ne ferez que l’affaiblir encore plus.
Folken serra les lèvres de colère. « Courage, Van », murmura-t-il.
(à suivre)