Disclaimer : Persos pas à moi, mais à la CW
Spoiler: Fidèle à la série jusqu'à l'épisode 11 de la saison 6. Après on dérive clairement.
Persos : Dean/Cas, Sam, Balthazar, Bobby
Rating: PG-16
Résumé : Cas fait un pacte avec Balthazar, Sam retrouve son âme, Bobby cuisine et Dean réfléchit trop. Mais les armes du ciel ne vont pas se retrouver toutes seules !
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“Brain Damage (1/2)”
Chapitre 9
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« And if the dam breaks open many years too soon
And if there is no room upon the hill
And if your head explodes with dark forebodings too
I'll see you on the dark side of the moon »
Brain Damage - Pink Floyd
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Arrivés en ville tard dans la nuit, ils s'étaient rapidement trouvé un motel afin d'attendre plus ou moins confortablement les premières heures du jour. Ils comptaient alors se rendre au General Minneapolis Hospital, là où le petit miraculé avait été soigné. L'article ne donnait pas de nom, afin de respecter le souhait de la famille et surtout de les préserver des journalistes trop curieux. Mais au final, cette guérison miraculeuse n'avait pas fait couler beaucoup d'encre. Un simple encart en haut d'une page du canard local. L'horreur et le sang faisaient beaucoup mieux vendre.
Ce ne furent pas les lueurs de l'aube qui tirèrent Sam du sommeil, mais les nombreux reflets rouges et bleus des gyrophares de police. Il se frotta les yeux en avisant le vert luminescent du réveil : 4h32. Bobby ronflait dans le lit d'à côté malgré le bruit des sirènes. Le jeune Winchester secoua la tête. Le vieux grincheux pouvait dormir au beau milieu d'un orchestre symphonique en plein concert mais ça ne l'empêchait pas de se réveiller en sursaut au moindre craquement inhabituel. Ça devait être l'instinct du chasseur, se dit Sam en souriant devant la bouche ouverte de son vieil ami.
Il avait tenté d'appeler Dean en arrivant en ville mais ce dernier demeurait injoignable, ce qui n'était pas fondamentalement inquiétant, sachant qu'il serait occupé la plupart de la nuit avec le rituel d'invocation. Il pria inconsciemment pour que tout se passe bien en vérifiant son téléphone. N'ayant aucun appel ni message, il en conclut que son frère n'avait pas encore remarqué qu'il avait essayé de le joindre.
S'étirant, il s'extirpa des couvertures pour aller regarder par la fenêtre ce qui causait tant d'agitation en pleine nuit. Il écarta le rideau un peu miteux de la seule fenêtre de la chambre du motel et faillit s'étrangler en inspirant trop rapidement.
« Bobby ! grinça-t-il entre ses dents.
- Mmmm ?
- Bobby, réveille-toi ! Allume la télé, il se passe quelque chose ! »
Il déglutit en observant des dizaines de voitures de polices tentant de juguler la circulation automobile. Le motel se situant sur un grand axe à l'entrée de la ville, le trafic était dense, même à quatre heure du mat'.
« On dirait qu'ils essayent d'empêcher les gens d'entrer en ville »
Il avisa un camion de l'armée venant faire barrage à l'une des sorties les plus fréquentées.
« Et de sortir... » conclut-il, alors que Bobby sautait de son lit pour venir à son tour observer les allées et venues des forces de l'ordre.
Il se demanda pourquoi les gens abandonnaient leur véhicule pour courir à pied vers les sorties de la ville. La rue semblait être devenue folle. En à peine quelques minutes, des gens se mirent à courir dans tous les sens sans plus prêter la moindre attention à leur prochain. Il vit une dame âgée manquer de se faire piétiner et un gosse visiblement perdu au milieu du chaos ambiant.
Sam se pencha par la fenêtre, tentant de regarder dans toutes les directions.
« Pas de tsunami ni de tornade en vue » annonça-t-il avant de reporter son attention sur un nouveau véhicule militaire qui venait d'arriver. Tout un tas de petits bonshommes en combinaisons d'extra-terrestre jaunes en sortirent.
« Menace bactériologique, en déduisit le jeune chasseur.
- Bah, voyons le bon côté des choses, au moins ils ne sont pas en train de s'entretuer. On peut donc exclure le croatoan ! fit Bobby, pragmatique.
- Bon elle est où cette télécommande ?» grogna Sam.
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Balthazar résista à la tentation de son ronger les ongles un moment, avant de s'interroger sur l'influence que pouvaient avoir certains comportements humains. Depuis qu'il s'était lui même exclu du Paradis, il avait pu constater à quel point le fait d'être coincé dans un vaisseau pouvait transformer un ange. A quel point ce corps, atrocement limitatif au départ était devenu une partie intégrante de sa personne.
Il baissa le regard sur son petit frère, allongé aux côtés de Dean Winchester et s'émerveilla, l'espace d'un instant, de ces formidables parasites qui, tout en relevant de l'infiniment petit, savaient ramper en vous et vous contaminer aussi sûrement et rapidement que l'Ebola. Les humains avaient ça de surprenant.
Il leva les yeux au ciel avant de s'asseoir à la limite du cercle d'invocation. Il grimaça en observant le liserai noir des veines de Castiel qui remontait depuis quelque part sous sa chemise jusqu'à son cou. Depuis peu les lignes sombres prenaient d'assaut son visage, et selon le peu de choses que Balthazar savait sur ce rituel, cela n'augurait rien de bon. Rares étaient ceux qui se sortaient du labyrinthe avant que le poison ne les tue.
Pourtant ça n'aurait pas dû être aussi difficile. Une fois le cercle tracé, il leur suffisait d'attendre minuit pour réciter l'invocation afin de faire apparaître la gardienne, une entité à la solde d'Asmodée. Elle était supposé inoculer le poison à Cas, mais pas aussi rapidement.
Si les choses avaient été faites dans les règles, il aurait eu le temps de se lier à Dean avant de se faire empoisonner. Et si ce primate n'était pas entré dans le cercle, il n'aurait pas plongé avec Cas dans les bras de Morphée ou bien Dieu sait où.
Chaque tentative de traverser le cercle d'invocation s'étant soldée par un échec, l'ange se résolut à veiller les deux inconscients en se rongeant les ongles.
Puis il eut une idée de génie.
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Sans Dean à ses côtés, Castiel remarqua qu'il était bien plus aisé de ne pas perdre de temps. Il sentait le poison se répandre un peu plus en lui à mesure que le temps s'écoulait et se demanda ce qu'il se passerait s'il échouait. Il n'était pas humain donc les effets du poison ne seraient peut-être pas les mêmes, mais d'un autre côté il ne parvenait pas à guérir avec ses propres pouvoirs...
Remisant ses pensées inutiles, il inspira un grand bol d'air vicié afin de chasser cette oppression qui lui enserrait la poitrine, mais sans succès. A mesure qu'il avançait, ses pas se faisaient de moins en moins assurés, de même que le sang dans son corps ne semblait plus irriguer correctement ses membres.
Le but du jeu était de ne pas se laisser retarder par les divers évènements possibles dans cet univers alternatif, mais force était de constater que rien de particulier ne s'était produit depuis qu'il s'était retrouvé propulsé sur cette longue route pentue au milieu de la caverne, sans Dean. Il regarda devant lui mais ne vit pas au delà de la pente, quelques mètres plus loin. Il s'aida de la paroi rocheuse pour se soutenir et continua à avancer.
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Dean ne put empêcher un large sourire de lui grimper sur le visage, lorsqu'il avisa Veronica de l'île de la tentation et Shaimee des Busty Asian Beauties dansant langoureusement côté à côte, l'une déguisée en ange et l'autre en diable. Elles lui adressèrent toutes deux un sourire équivoque. Le chasseur s'approcha, le sourire aux lèvres et se gratta l'arrière du crâne.
« Ah merde, c'est pas flatteur tout ça... Mes fantasmes manquent d'originalité. »
Les deux jeunes femmes le dévisagèrent sans mots dire et se dirigèrent vers lui. Dean haussa les mains dans un geste de reddition mais recula néanmoins. Il venait d'échapper à cent vierges, prenant littéralement la fuite. Fallait lui laisser le temps de souffler !
« Non, sérieusement les filles, vous pourriez m'indiquer la sortie ? demanda-t-il sur un ton d'excuse. Non pas qu'en temps normal... mais là j'ai un ange empoisonné sur le feu ! »
Le visage de Veronica se déforma de colère pour refléter une telle horreur qu'il en inspira de travers. Il toussa bruyamment et se pencha pour reprendre sa respiration. Lorsqu'il se redressa, il était ailleurs.
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« En quarantaine ? interrogea le vieux chasseur sans trop y croire. En quarantaine ? hurla-t-il au poste de télévision. Mais ils ne peuvent pas mettre toute une ville en quarantaine ! s'indigna-t-il.
- Si ! lui répondit la voix de Sam depuis la salle de bain. La preuve : ils l'ont fait ! Ceci dit rien ne nous empêche de circuler en ville.
- Pour attraper cette saleté ? Ils ne savent même pas comment ça se transmet !
- Précisément ! »
Il rejoignit Bobby qui s'était posté à la fenêtre, observant le défilé de véhicules militaires et de police. Quelques sirènes d'ambulance résonnaient au loin.
« ça n'aurait pas des airs d'apocalypse, selon toi ? » émit Sam.
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« C'est complètement l'apocalypse ! » confirma Dean à son subconscient. Du haut de sa chambre d'hôtel, il détaillait une ville éventrée qu'on a laissé pourrir de l'intérieur. Des grillages s'emmêlaient au centre de l'unique route qui semblait encore praticable et des barrages de fortunes empêchaient l'accès aux bâtiments. Il n'eut pas besoin de lire le mot croatoan sur une affiche décolorée pour savoir qu'il était à nouveau dans le funeste futur rêvé par Zachariah
Moins déboussolé que lors de sa première incursion dans cet étrange futur, il prit le parti de faire un crochet par chez Bobby, même s'il savait que personne ne serait là pour l’accueillir. En dévalant les escaliers du motel où il avait atterri, il grinça pour lui-même « Faudrait revoir ta copie, Atchoum, ce futur à la con n'a rien d'un fantasme, bordel ! »
ça n'avait aucun sens, de se retrouver là, dans cet avenir avorté qui n'était rien de plus que l'enfant difforme d'un cerveau malade. Zachariah l'avait créé de toutes pièces, ce futur, et ils avaient tout empêché : l'avènement de Lucifer, la propagation du Croatoan et même l'apocalypse. Et surtout il était censé se trouver dans cette stupide caverne pour sauver l'idiot duveteux de l'empoisonnement ! Alors qu'est-ce qu'il foutait là ?
Il sortit prudemment du motel, prenant soin de longer les bâtiments. Le quartier semblait désert mais il savait pertinemment que ce calme n'était que de façade. Il scrutait d'un regard averti les voitures abandonnées sur le bord de la route lorsqu'une Camaro attira son attention. Elle ressemblait furieusement à la voiture sur laquelle il passait le plus clair de son temps chez Bobby. Il l'avait complètement remise en état, mis à part quelques bosses sur la carrosserie...
Il écarquilla les yeux en s'approchant, notant que les griffes et bosses semblaient être exactement aux mêmes endroits que dans la réalité. Il réfléchit un instant sur l'étrangeté d'avoir conscience que son esprit se trouvait en réalité actuellement séparé de son corps, même s'il pouvait se mouvoir comme s'il n'en n'était rien. En fait, il rêvait chacun de ses mouvements... Il secoua la tête, se disant qu'il valait mieux éviter d'y réfléchir trop longtemps s'il ne voulait pas se transformer en paranoïaque fini, ou pire : en fan de « The Matrix ».
Il reporta son attention sur la voiture et se dirigea vers le coffre qui n'était pas verrouillé. Avisant son contenu, Dean décida qu'il serait inutile de faire la route jusque chez Bobby. Shotguns, pistolets et couteaux étaient soigneusement entreposés là, n'attendant plus que lui. Haussant un sourcil, le chasseur fut frappé par le syndrome « c'est trop beau pour être vrai ». Il attrapa un shotgun avec réluctance et décida qu'il valait mieux éviter de l'essayer en plein centre ville. Autant éviter d'attirer l'attention de zombies décérébrés.
Il grimpa prudemment à bord de la Camaro et referma la portière dans un chuintement presque discret. Se penchant pour récupérer les fils sous le tableau de bord, il manqua de s'étrangler en avisant les clés pendouillant sur le contact.
« ça ne me dit rien qui vaille... » grogna Dean avant de tourner les clés dans le contact, faisant vrombir le moteur. Un sourire rassuré aux lèvres, il fit faire un demi-tour serré à l'engin et se positionna au centre de la route.
Il jeta un coup d’œil dans son rétroviseur et aperçut un groupe de croats courant dans sa direction. Il se félicita d'avoir installé un auto-radio sur la Camaro quelque jours auparavant et augmenta le volume avant d'appuyer sur l'accélérateur. Le moteur monta dans les tours, faisant décoller le bolide à toutes vitesses.
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A peine se fut-il éloigné du centre-ville qu'il se sentit à nouveau happé ailleurs. Cela faisait le même effet qu'une seconde de distraction, sauf que ça lui retournait l'estomac d'une étrange manière.
Il était toujours assis derrière le volant de la Camaro, garée à quelques centaines de mètres de la clôture du camp Chitaqua. Il n'eut besoin que d'un coup d’œil pour reconnaître l'endroit, pas très éloigné de là où son alter ego du futur avait flingué l'un de ses compagnons d'armes, infecté par le virus. Il n'avait aucune envie de revoir son futur lui et se demanda ce qu'il était censé faire là.
Il s'interrogea sur le moment exact auquel il se trouvait, imaginant mal se pointer dans le camp si le Dean du passé était là. Trois, ça ferait sans doute un peu beaucoup. En même temps, vu l'agitation qui semblait régner dans le camp, son alter ego n'avait pas encore lancé l'assaut final contre Lucifer. Il y avait bien trop de monde encore debout.
Le chasseur sortit de la voiture muni d'un couteau et de son shotgun et s'enfonça dans les bois alentours, peu désireux d'entrer par la grande porte. Il aurait voulu avoir le temps d'observer les allées et venues dans le camp mais il préféra s'éloigner de la clôture pour trouver une entrée plus discrète. Il savait que des postes d'observation avaient été placés à intervalles réguliers.
Il entendit un craquement à sa droite et n'eut pas le temps de lever son arme qu'il se trouva plaqué au sol, un croat cherchant à planter ses dents là où il trouverait un peu de chair. Dean serra la mâchoire et planta son couteau quelque part entre les côtes de son assaillant. Ce qu'il restait de l'humain poussa un cri rauque et se redressa brièvement, permettant à Dean de se dégager. Le chasseur dominait à présent la créature agenouillée et envoya de toutes ses forces son poing percuter son arcade sourcilière. L'os déchira la peau sous l'impact et du sang jaillit de la blessure lorsque le croat s'effondra. Pour faire bonne mesure, Dean récupéra son couteau et lui trancha la carotide.
Son côté l'élançait alors qu'il peinait à reprendre sa respiration. Il n'eut pas le loisir de se rappeler que les croats étaient rarement seuls qu'il vit un petit garçon écarter les buissons devant lui, un air curieux plaqué sur le visage. Dean fronça un sourcil en le dévisageant. Sa peau était encore lisse et tendre, intacte, il avait six ans à tout casser. Et pourtant sa pâleur n'autorisait pas de doute. Le chasseur déglutit et maudit d'avance ce qu'il aurait à faire.
Il ne bougea pas tout de suite, conscient que le couteau qu'il avait en main n'attirerait pas l'attention, contrairement au fusil. Mais c'était juste un gosse qu'il avait en face de lui. Qu'importe la puissance de sa rage, il ne pourrait pas grand chose avec ses petits poings. Tant qu'il ne le mordait pas. Tout à ses considérations, Dean recula de quelques mètres quand l'enfant s'approcha.
Il jaugea le chasseur du regard et poussa un grognement. Puis comme s'il se savait incapable de se mesurer à lui, il reporta son attention sur le cadavre entre eux. A petits pas prudent, le gosse en fit le tour et l'observa, les sourcils haussés.
Un cri retentit alors, provenant de derrière le chasseur. Il remercia le ciel que ces créatures soient fondamentalement trop stupides que pour jouer sur l'effet de surprise et pivota de justesse, évitant la femme fonçant à toute allure dans sa direction. Il se servit de son élan pour la faire chuter et lui brisa la nuque, mais non sans sentir la morsure du bout de verre brisé qu'elle tenait en main. L'enfant le regardait, les yeux écarquillés lorsque le chasseur s'effondra au sol, crachant du sang.
Il releva son T-shirt souillé et observa sa peau déchirée suinter un sang épais et vicié. Examinant l'entaille, il aperçut un bout de chair à la fois rose et brun et l'identifia comme faisant partie de ses organes. C'était profond mais heureusement pas très large. Il expira prudemment en appuyant sur la blessure à l'aide de ce qu'il restait de sa chemise. Se faire ouvrir le ventre avait quelque chose de terrifiant, et l'idée de devoir maintenir ses tripes à l'intérieur de son corps lui fit monter la nausée, lui rappelant douloureusement les chiens de l'enfer.
Il releva la tête pour regarder le gosse, se demandant s'il avait conscience qu'il ne pourrait plus grand chose contre lui dans son état. Mais l'enfant ne semblait pas réaliser son état de faiblesse, trop occupé à doucement arracher les chairs du premier cadavre, là où Dean avait enfoncé son couteau. Le chasseur eut un relent de bile et détourna les yeux. Il tenta de se lever mais ses forces le lâchèrent sitôt qu'il eut tenté de prendre appui sur ses jambes. Il observa d'étranges lignes noires se répandre sur son ventre et se rappela du poison. Du temps qui jouait contre lui. Et de Cas.
Merde, il était censé se trouver dans le petit paradis d'Asmodée, mais non, ça aurait juste été trop beau. Il était coincé là, avec juste sous les yeux un enfant-zombi en train de bouffer celui qui avait sans doute été son père dans une autre vie.
Dean se rappelait du virus et de ses effets avec une acuité étrange, pour quelqu'un qui n'avait passé que quelques jours dans ce futur apocalyptique. Lorsqu'il n'y avait pas de chair fraîche à proximité, les croats erraient, poupées désarticulées se mouvant sans rythme, sans âme, crapahutant dans les immondices. Un regard suffisait à noter combien leur peau était fade, la mort ayant étiré sur eux son voile depuis longtemps déjà. Mais quelque chose de faux maintenait une étincelle de vie, vacillant entre le clair et l'obscur comme la flamme d'une bougie.
Dean inspira l'air glacé de l'hiver qui arrivait, dans ce futur cauchemardesque. La nuit étirait prématurément son voile et le froid de la mort lui mordit les entrailles. Il se laissa envahir par tout ce vide, gluant et visqueux. Ce vide énorme qui s'insinuait dans chaque interstice, chaque faille. Il savait déjà qu'il le haïssait de toute son âme, ce futur où son frère était le diable et où lui-même n'avait plus rien d'humain, alors que Cas lui, l'était un peu trop. Mais il n'imaginait pas à quel point cette sombre illusion créé par Zachariah l'avait marqué. Une sensation d'horreur grimpa en lui.
Le gosse releva un visage ensanglanté, quelque chose de luisant, visqueux, et rouge, pendouillait entre ses lèvres. Il sourit. Et l'estomac du chasseur protesta. Il eut tout juste le temps de se pencher avant de vomir ses tripes, mettant sa blessure à rude épreuve. Lorsqu'il se redressa, toujours nauséeux, il se demanda combien de temps ce cauchemar allait durer.
Il nota l'apparition d'un autre liserai noir qui remontait le long de ses poignets vers ses avant-bras. Le sang de Cas l'avait probablement contaminé, se dit-il tout en s'admonestant sur sa propre stupidité. Il envisagea d'à nouveau tenter de se lever, mais son mouvement attira l'attention du gosse. Il se leva et sembla observer quelque chose derrière Dean. Ce dernier sentit une chaleur familière et une lumière aveuglante lui fit fermer les yeux. Sentant la douleur et l'épuisement disparaître en même temps que sa blessure, il se leva, les yeux toujours fermés.
« Merci mon Dieu, souffla-t-il.
- Tu peux m'appeler Balthazar » grinça une voix sarcastique.
Le chasseur ouvrit les yeux d'un coup. L'enfant avait disparu, de même que les cadavres.
« Mec, je suis presque content de te voir ! articula Dean. Mais qu'est-ce qu'on fout ici ?
- écoute moi attentivement. Grâce à vos petites séances de peinture, mes pouvoirs sont limités. Faut croire que je n'ai effectivement pas été capable de trouver tous vos stupides glyphes anti-anges. Bref, je ne peux pas plus t'avancer que ça. Il va falloir que tu arrives jusqu'à l'Impala.
- Quoi ? Tu veux dire dans le camp ?
- Absolument. La nuit est tombée, ça devrait être plus facile. De là je devrais pouvoir te ramener.
- Quoi ? Et pourquoi pas d'ici ? Et Cas ?
- Une chose à la fois, l'asticot. Fais ce que je te dis ! »
Balthazar grimaça avant de disparaître. Le chasseur poussa un soupir exaspéré et se mit en route en direction du camp, évitant les passages trop éclairés. Il fallait se trouver à l'intérieur des grillages, pour avoir accès à l'endroit où était gardé les voitures, enfin ce qu'il en restait.
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Tout se passa admirablement jusqu'à ce qu'il arrive au niveau des baraquements. Il les contournait par l'arrière à l'abri des lumières et du passage, lorsqu'un éclat de rire le coupa net. Il suspendit ses mouvements et tendit l'oreille. Il se trouvait devant une large tente peu éclairée dont l'un des pans n'était pas correctement rabattu, lui permettant de risquer un coup d’œil à l'intérieur.
Il vit Castiel, le Castiel du futur, assis face à une table de réunion, les pieds nonchalamment posés dessus. Un large sourire rendait ses traits un peu flous. Il était certainement drogué jusqu'aux yeux. Devant lui, Dean semblait trembler de colère.
« ça te fait rire ?
- De nos jours, tout me fait rire, répondit l'ange d'une voix doucereuse. Même la mort. »
Le chasseur voulut arracher ses yeux de la scène et continuer à avancer, mais une sorte de curiosité malsaine le poussait à rester.
Son alter ego dévisagea l'ange. L'ex-ange. Castiel eut à peine le temps de reposer les pieds par terre que l'autre l'empoigna.
« T'en as vraiment rien à foutre de crever, hein ? cracha-t-il.
- ça sera un soulagement » admit l'ange, moins sarcastique qu'il ne l'aurait voulu.
Dean reconnut sur ses propres traits la colère, puis l'impuissance et la culpabilité. Et il sentit la blessure presque aussi sûrement que cet autre lui dont il ne restait qu'une coquille brisée.
La suite lui vrilla le cerveau, littéralement. Il se remémora tout ce qui avait pu se dire entre eux. Tout ce qu'il avait pu ressentir, dans ce futur ou dans le monde d'Asmodée. Il se rappela ses lèvres sur celles de l'ange et en fut à la fois grisé et mortifié, tout en dévisageant l'autre lui penché sur Castiel.
Il se souvint de ce besoin de réassurance, dans les gestes imprécis du chasseur, dans sa manière gauche d'amener Cas jusqu'au lit de camp. Il n'avait jamais été maladroit, avec une femme.
Dans l'univers sans limites ni interdits d'Asmodée, ça lui avait semblé presque logique, d'embrasser l'ange lorsqu'il s'était trouvé entre ses bras. Il voulait bien admettre une certaine possessivité. Peut-être même un besoin. Ou pire, une addiction. Le fait de savoir qu'il était à lui. Et de quelle autre manière pouvait-on posséder complètement quelqu'un, finalement?
Il prit une inspiration étranglée lorsqu'un gémissement lui donna envie de détourner le regard. Il ne le fit pas.
Ceci dit, il y avait une différence entre remettre certaines choses en question et voir son futur lui gémir éhontément dans les bras de Castiel. L’impression de perdre ses repères, de ne plus savoir ce qu’il est, qui il est le terrorisa.
Dans le genre, il n’avait pas besoin de ça ! Qu’est-ce que ça pouvait bien venir foutre au milieu de tout le reste, bordel ? A quel moment ils en étaient arrivés là, tous les deux ?
Il regarda ses doigts glisser sous le t-shirt de l’ange et sentit son estomac se serrer. C’était juste complètement… pas en place. Il n’était pas gay bordel. Il l'aurait su, quand même ! Mais ce qui lui faisait le plus mal au bide, c’était cette tendresse dans l’effleurement de la mâchoire de l’ange. La douceur, dans les baisers déposés au creux de son cou. L’inclinaison de sa tête, sa manière qu’avaient ses yeux de se fermer sous ses caresses. Dans un monde qui n’avait rien de beau, aucune espérance. Dans un univers presque aussi noir que l’enfer. Leurs mains coulaient sur leurs corps comme on répète des accords au piano, comme une mélodie apprise par cœur du bout des doigts, du bout des lèvres. Comme un air désuet qui sonne comme une ritournelle. Tout ça, avant le noir absolu de la nuit.
Il arracha ses yeux de la scène au bout de quelques minutes à peine, mais pas assez tôt à son goût. Il tituba jusqu'au parking improvisé, selon les instructions de cet enfoiré de Balthazar, et retrouva ce qu'il restait de son Impala dans un accès de bonheur mélancolique. A peine installé derrière le volant, il fut pris d'une quinte de toux et cracha du sang. Une bouteille d'eau trouvée sur le siège passager de la voiture vint à point nommé pour combler le vide de son estomac. Il prit une profonde inspiration, notant que le poison semblait se répandre bien plus rapidement dans son corps que dans celui de l'ange.
Le chasseur examina son faciès décomposé dans le rétroviseur et eut du mal à se reconnaître. Sa gorge se serra et il but une gorgée de plus. L'eau avait le goût du sang dans sa bouche. Il serra le plastic entre ses doigts jusqu'à entendre la matière se déformer. Il jeta la bouteille écrasée contre le tableau de bord, la récupéra, et finit par l'écraser contre le volant. Il eut l'impression d'étouffer dans sa propre colère, au souvenir de ces dernières heures. Il s'écrasa les poings contre le volant en le frappant à plusieurs reprises et se rappela brièvement les bons conseils de Cas. « évite de te blesser inutilement. »
Dean expira l'air qu'il n'avait pas conscience de retenir dans ses poumons et pencha la tête en arrière, se massant les tempes.
« Mais qu'est-ce que je fous dans ce monde de tarés ? questionna-t-il à voix haute.
- Tu es là parce qu'ici je pouvais t'atteindre, ironisa une voix emplie de sarcasme qu'il reconnut aussitôt.
- Balthazar! souffla Dean.
- Ravi que tu te rappelles de mon nom, cette fois. Faut vraiment que tu te réveilles et que tu sortes de ce putain de cercle !
- Huh ?
- Hello ? La réalité, tu te rappelles ?
- Quoi tu veux dire que c'est toi qui m'a amené ici ?
- Oui, étant dans l'incapacité d'utiliser pleinement mes pouvoirs, j'ai utilisé une réalité alternative préexistante avec laquelle tu étais familier pour pouvoir...
- Tu te fous de ma gueule ? l'interrompit Dean en frappant son volant du plat de la main.
- Tais-toi ! hurla l'ange et sa voix gronda plus fort que l'orage. Dean, tu vas bouger ton cul sans poils et le trainer hors de ce cercle avant que Cas ne soit totalement empoisonné. Autant dire MAINTENANT ! »
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« Ha ha ! fit Sam, triomphal, agitant une boite de métal tout juste sortie de son sac de voyage. Je savais que je les avais emmenées ! J'ai exactement ce qu'il nous faut. »
Le vieux chasseur qui tournait dans la chambre du motel comme un lion cage s'arrêta de faire les cents pas pour le dévisager. Sam sortit ce qui ressemblait à un tas de cartes d'identité de sa boite et se mit à farfouiller. Bobby leva les yeux au ciel au moment où le jeune Winchester chasseur cria Eurêka.
« Syd Barret ? lut Bobby en haussant un sourcil.
- Consultant au Centre pour la Prévention et le Contrôle des Maladies, absolument, sourit Sam.
- Syd Barret ! répéta Bobby, amusé. Ok, allons-y. »
Le trafic étant toujours encombré à l'aube, ils marchèrent jusqu'au General Hospital, mais ils se ravisèrent devant la cohue à l'entrée. Écarquillant les yeux, Sam se demanda un instant qui voulait entrer et qui voulait sortir. De toute évidence des gens malades se trouvaient là, dans la rue, sans pouvoir accéder à l'établissement de soin. Il avisa des hommes en combinaison installer un camp de fortune, des tentes blanches apparaissant ça et là. Il fronça les sourcils et le fait d'être exposé à la contamination le frappa pour la première fois.
«écoute Bobby, retourne au motel et tente de contacter Dean. Ça sera plus facile pour moi d'y aller seul, dit Sam, les sourcils froncés.
- Tu te débarrasses du vieux croulant ?
- Non, sérieusement Bobby. La situation n'a pas l'air de s'améliorer et il faut joindre Dean avant qu'ils ne coupent les liaisons satellites. »
Le vieux chasseur haussa un sourcil interrogateur et le dévisagea.
« C'est ce qu'ils feront si la situation empire. Ils couperont l'accès aux télécommunications et se saliront les mains pour juguler l'épidémie.
- Mes aïeux, t'es complètement parano !
- Toujours est-il qu'un ange ne serait pas de trop ici. On aurait dû avoir des nouvelles à l'heure qu'il est.
- Ok, je retourne au motel. Essaye de ne pas attraper cette saleté. »
La présentatrice télé avait parlé d'épidémie virale mais se voulait rassurante. Il était conseillé de ne se rendre à l'hôpital que si des cloques ou des brulures apparaissaient sur la peau, mais les urgences étaient de toute évidence débordées.
N'ayant aucune envie de plonger parmi la foule, Sam chercha une entrée de service à l'arrière du bâtiment. La première qu'il trouva était gardée par deux vigiles. Il leur sourit et sortit sa carte avant d'élever une voix dégagée :
« Bonjour messieurs, docteur Barret, du CPCM. Difficile de se frayer un chemin à l'avant. Pourriez-vous m'escorter ? »
Il tendit la main et l'un des vigiles examina sa carte, grognant son assentiment. Sam sourit alors que ce dernier déverrouillait la porte.
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A suivre
Tout commentaire est le bienvenu.