Finn Prescott
Auteur : Jérôme Lambert ♥
Editions de l'Olivier
Critique version courte : LISEZ-LE !
Critique version longue :
Donc, Finn Prescott. Finn Prescott, ça commence comme un roman qu'on vous aurait donné à lire au lycée, que vous auriez feuilleté en grognant et parcouru avec un soupir : le narrateur va à un enterrement, celui du héros, et c'est parti, on va vous raconter sa vie. Le narrateur disparaît, les personnages s'installent.
Pendant les 80 premières pages, mon commentaire aurait été : Finn Prescott, c'est bien. Si les Romantiques s'étaient foutus de la gueule de leurs personnages comme Jerôme Lambert le fait avec les siens, j'aurais peut-être lu Châteaubriant jusqu'au bout. :D
Parce que d'abord, c'est ça : du Romantisme, je parle du mouvement littéraire, et j'ai beau avoir été au lycée en face de la tombe de ce cher François-René, moi le Romantisme ça me fait royalement ch***. Voilà, c'est dit. Seulement, Jerôme Lambert, il vous le casse, ce Romantisme, avec la splendeur et la magnificence d'une chute d'enclume. Exemple : Quatre pages d'envolées lyriques, d'émois grandiloquents, d'émotions exarcerbés pour se finir sur : " En un mot, Nina et Ethan Newland vécurent tous deux une adolescence ordinaire."
Et là, vous ricanez. Vous pouffez. Et c'est reparti, et vous lisez avec bonheur tout ce Romantisme, parce que vous savez qu'à la fin il y aura la chute, et qu'elle sera jouissive. Alors vous suivez le héros, et vous vous moquez, et il vous fait rire, et vous vous dîtes, Finn Prescott, c'est bien écrit (j'ai une admiration sans bornes pour son utilisation des participes présents, dans ce texte, leur nécessité devient aussi limpide que dans le passage de Belle du Seigneur que Richard-sama nous a fait étudier), c'est drôle, on s'ennuit pas malgré qu'on pourrait nous le donner au bac de français. Finn Prescott c'est le bien, prends ça dans ta gu****, Gustave !
Et puis 80 pages après, le ton commence à changer. A devenir, eh, un chouia plus sérieux. Et là, vous réalisez que vous aimez Finn Prescott, mais surtout, surtout, vous aimez Finn Prescott. Soudain, il souffre et vous avez mal aussi, et vous détestez ceux qui le font souffrir. Vous les haïssez. Soudain, vous vous rappelez que le roman a commencé par son enterrement, et on ne vous avait pas dit qu'il était mort assez jeune ?
C'est ça, le véritable tour de force. Vous faire moquer un personnage pendant 80 pages, et réussir à vous le faire aimer à votre insu.
Vous avez la gorge serrée, le coeur en berne, vous êtes inquiet, et mer**, vous avez raté votre station. Tant pis, Tomas vient d'arriver. Ah, Tomas. Tomas et sa terrasse qui donne sur le parc. Tomas, dont vous tombez amoureux/se en quelques mots. Et avec Tomas se révèle Finn. Un autre Finn et vous ne lisez plus le même livre et où étiez-vous, ces 80 premières pages, pour ne pas avoir vu ce Finn-là ? Pourquoi, comment l'avez-vous raté ? Et comment ça peut faire si mal ? Et comment ça peut être si bien que vous en souriez dans votre wagon au point que le type en face, celui qui vous a ramassé le marque-page qui vous a glissé des mains, finisse par vous demander avec beaucoup de perplexité : Il est si bien que ça, ce bouquin ?
Non, non, vous répondez. Il est encore mieux.
De nouveau votre station. Vous maudissez le métro, et en même temps vous êtes soulagé. Il vous reste dix pages. Comment est-ce arrivé ? Comment est-ce possible, qu'il ne reste que dix pages ? Et comment est-ce que vous allez pouvoir les lire, alors qu'après il n'y aura plus rien ?
Il me reste dix pages.
Sur sa dédicace, Jerôme Lambert me dit : "Voici la vie de Finn Prescott, puisse-t-elle vous toucher mais aussi vous faire sourire. Dites-moi si la mission est réussie."
Oui. Oui. OUI.
Bien, bien plus que cela.
Il me reste dix pages. Je ne sais pas comment je vais pouvoir les finir.
Il m'est arrivé de ne pas terminer de lire un livre par ennui. Je crois que c'est la première fois que j'envisage de ne pas le terminer parce que je l'aime trop.
Edit : Ayé. Fini. *numb*