Severus lui jeta un regard assassin et se drapa dans sa cape. Décidément, il faisait un froid de canard par ici. Il regarda autour d’eux. L’horizon était infini, d’une teinte bleutée qui se perdait dans le blanc immaculé de la neige à perte de vue. On distinguait à peine la terre du ciel, si ce n’était du vent qui soulevait en fine poudrerie les flocons du sol vers le ciel.
- Chose certaine, étant donné que nous ne sommes qu’au début du mois de novembre et qu’il y a une énorme couche de neige, nous devons être au nord du 50e parallèle.
- Tant que ça?
Sirius fit la moue. Ils devaient se rendre pour une mission pour l’ordre dans un petit village au nord du Québec. Après avoir pris un portoloin jusqu’à Montréal, ils avaient transplané vers un village savoureusement nommé Val D’Or. Mais de toute évidence, Black avait mal calculé ; il n’y avait aucune trace de vie à l’horizon. Quelle merde aussi d’être toujours celui qui n’a des missions qu’en pays étranger! Et pourquoi lui avait-on adjoint Servilus comme partenaire? La délicieuse Tonk aurait été parfaite!
- Black, que vous le vouliez ou non, je prends la tête de cette opération ou nous allons mourir gelés et personne ne nous trouvera.
- …
- C’est ça…
Severus évalua la situation rapidement. Il regarda sa montre et fit rapidement le calcul du décalage horaire : il était 15h.
- Il est 15h, nous avons probablement le temps de trouver un village avant la nuit.
- Vous croyez, il est presque couché pourtant. Vous avez vu ce magnifique soleil rose vif qui est déjà à demi caché par l’horizon?
Severus regarda et constata qu’en effet, le soleil serait couché d’une minute à l’autre.
- Si le soleil est déjà couché, nous devons être encore plus au nord que je le croyais. À quel parallèle était cette ville?
- 48e…
- En novembre, au 48e, le soleil doit se coucher autour de 17h… Et il n’est que 15h…
- Que faisons-nous?
- Il faut se préparer pour la nuit qui sera certainement glaciale. Et nous n’avons que très peu de temps.
Severus observa de nouveau autour de lui. Il n’y avait aucun arbre, aucune colline, aucune habitation. C’était un désert de glace.
- Il n’y a rien ici avec quoi fabriquer un abri, même magiquement. Il faut tout de même la matière brute, dit Sirus, dépité.
- Effectivement. Mais vous n’avez jamais lu, Black? Il y a des gens qui vivent dans le nord. Avec quoi construisent-ils leurs abris de fortune?
- Heuuu?
- Des cubes de glace, Black! Vraiment, votre culture est déplorable.
D’un coup de baguette, Severus fit s’élever du sol des cubes plus gros qu’un dictionnaire! Ceux-ci s’empilèrent rapidement et formèrent un abri de forme ronde. À l’aide d’un sortilège de réchauffement, il fit fondre légèrement la première couche de glace qui se reforma presque aussitôt, scellant les joints pour empêcher le vent d’y entrer. Il découpa ensuite un trou à peine suffisant pour s’y glisser à plat ventre.
- J’ai froid! Est-ce que c’est bientôt fini?
- Toujours aussi pressé Black!
- C’est qu’il doit faire 20 degré sous zéro au moins! Pourtant, le soleil brille vraiment fort, on n’y voit rien!
- Je dirais même 30 et pour votre gouverne, plus le soleil brille, plus il fait froid. J’ai terminé, tu peux entrer.
Sirius se glissa par l’ouverture pour découvrir un îlot de calme à l’abri du vent. D’un coup de baguette, il fit apparaître un feu magique qui avait l’avantage de réchauffer et éclairer sans produire de fumée. Ils n’auraient pas à pratiquer d’ouverture au plafond.
- Félicitation, Snape! Ça semble confortable.
- Évidemment, vous me prenez pour un débutant?
- Oh, ça suffit! Nous allons devoir nous entraider dans ce désert glacé, ne pourrions-nous faire une trêve?
- Si ça vous chante, Black!
Severus lui tourna le dos et commença à préparer un espace confortable pour lui-même. Il étendit sa cape sur le sol et la transforma en une épaisse couverture de fourrure noire sur laquelle il s’assit. Voyant cela, Sirius fit de même avec la sienne. Au dehors, le soleil s’était couché et la température avait chuté du même coup. Il devait faire environ 40 degrés sous zéro et Severus scella presque entièrement l’ouverture pour éviter que le blizzard ne pénètre leur oasis.
- Comment se nomme ce type d’habitation?
- C’est un igloo. Ce n’est pas une habitation, mais une construction temporaire que fabriquent les chasseurs inuits pour se protéger du froid pendant qu’ils sont loin de chez eux.
- Les Inuits?
- Oui, c’est un peuple où la magie est fort grande. Ils vivent dans le nord de certains pays où la neige est presque éternelle et où la nuit dure la moitié de l’année. J’ai appris beaucoup auprès d’eux.
- Vous avez vécu avec eux?
- Oui, dans ma jeunesse. Ma mère m’a envoyé vivre quelques mois dans le nord pour apprendre certaines formes de magie oubliées des sorciers d’aujourd’hui. Les Chamans y sont très puissants et leur connaissance de la narcomancie est fabuleuse. Elle tire son origine d’un angakuq, un chaman, qu’on croyait mort gelé et qui est revenu à la vie. Dans ces conditions de vie difficiles, les sorciers inuits sont allés bien au-delà de la mort!
- C’est fascinant!
- Si vous lisiez un peu plus, Black, vous auriez un minimum de culture!
- Oh! Ça va hein!
La soirée allait être très longue puisqu’il n’était que 16h… Mais Severus était inépuisable d’histoires et d’anecdote sur la culture inuite. Il parla de la déesse Sedna et de sa puissante magie noire qui n’était en fait qu’une sorcière entrée dans la légende. Il parla de leur grande connaissance de l’astronomie qui les guidait dans ce désert immense et glacé, de la complexe mythologie animiste qui s’était forgée autour des actes magiques inexpliqués, des rites entourant la mort, des tabous instaurés par les angakuq pour protéger leur statut de sorcier au sein de la communauté inuite moldue.
Sirius était suspendu à ses lèvres. Il n’aurait jamais pensé que Severus Snape pouvait être aussi intéressant. Il le savait puissant, brillant et cultivé, certes. Mais pas à ce point! Il s’imaginait banalement une culture reliée à un rat de bibliothèque friand de magie noire interdite. Il ne le savait pas voyageur, découvreur de culture méconnue.
- Vous croyez que nous sommes si au nord que ça? demanda Sirus.
- Probablement. La végétation est quasi inexistante et le froid intense pour un mois de novembre. Je dirais que nous devons être tout proche de Kuujjuuaq.
- Je ne vous savais pas si connaisseur…
- Pour quelle raison, à votre avis, m’a-t-on confié cette mission?
- Heuuu… c’est à moi qu’on…
- Pas du tout, Black. C’est à moi qu’on a adjoint un aussi efficace partenaire. On m’a envoyé ici rencontrer un angakuq afin d’obtenir certains renseignements qui pourront être utiles à Dumbledore pour comprendre la recherche d’immortalité du Seigneur des ténèbres. On m’a envoyé, moi, pour mes connaissances de la culture inuite et de l’inuktituk.
- Le quoi?
- L’inuktituk. La langue inuite.
- Alors moi, je viens faire quoi là dedans?
- Comme on ne peut vous confier de mission en Angleterre, on s’est dit que ça vous occuperait et que, pour une fois, vous pourriez vous rendre utile.
Sirius se renfrogna. Il détestait se faire rappeler à quel point il était inutile Square Grimmaurd.
- Bon, puisque je suis aussi inutile, je ne vois pas pourquoi je reste là à discuter. Mieux vaut dormir si nous voulons retrouver notre route demain.
- Effectivement.
Les deux hommes se tournèrent le dos et s’allongèrent sur la fourrure douce et chaude.