La supplique d'Orphée

May 13, 2012 16:16

Dans la série "j'ai retrouvé des vieux machins sur mon DD", voici un poème en prose que j'ai écrit en première ou en terminale. Il s'agissait d'écrire une élégie à partir de la phrase d'Orphée (selon Cocteau, je crois?): "C'est trop long d'attendre le matin. C'est trop long d'attendre d'être vieux." En le relisant, je l'aime encore bien.

C'est trop long d'attendre le matin. C'est trop long d'attendre d'être vieux.
Quand, au lever du jour, je te verrai, éclaboussée par le soleil glauque, crois-tu qu'alors nous pourrons vivre?
Vivre, c'est offrir au poignard sa poitrine dénudée
C'est se jeter d'une falaise en croyant s'envoler
La vie est une eau qui coule, fluide, entre nos doigts écartés. Écarte-les davantage, qu'elle t'échappe, ne l'étouffe pas dans un poing serré. Et quand la dernière goutte glissera à son tour dans le néant, tu pourras dire "j'ai vécu" sans en douter un seul instant.
La vie est une eau, Eurydice, laisse-la couler entre tes doigts roses et fins.
Elle n'est pas une attente.
Trop de gens attendent. Ils ne font que ça.
Attente du matin...
Attente d'un vrai bonheur aussi incertain qu'éphémère...
Attente des rides et de la mort - car attendre, c'est aussi se résigner. Ne te résigne jamais; affronte, préviens, va au-devant de tout et de la Mort elle-même: vis, aime-moi, meurs, tout embrasée par la passion, car c'est ainsi que je t'aime - brûlée vive.
Interdisons-nous la tiédeur d'un bonheur tranquille et usé.
Laisse-moi, mon Eurydice... laisse-moi te regarder.

textes, my feelings, random

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