[FANFIC] Les chansons d'amour - Un bien grand mot

Apr 21, 2009 19:28

Artiste= la_halfeline

Titre de l'oeuvre= Un bien grand mot
Fandom= Les Chansons d’Amour
Rating= G
Genre= Slash
Nombre de mots= 1254
Une commande de= sev_chan
Commentaires= J’espère que tu retrouveras le film dans ce petit extrait. Bonne lecture ;).


            - Si tu veux j’peux dormir dans l’salon… avait proposé Erwann alors qu’ils enlevaient leurs pulls de concert.

- Oh, tu fais comme chez toi, hein ! avait répliqué Ismaël.

- … D’accord… avait conclut le lycéen sur un ton obéissant où perçait quasiment une trace de « tu l’auras voulu ».

- Quoi ? Tu croyais que ta bibliothèque rose allait me faire peur ? lança Benoliel, sans trop savoir s’il cherchait par là à provoquer quelque chose ou à dissiper un malaise.

- C’est ça, riposta Erwann en revenant vers le lit bas après avoir fermé les rideaux. Il faut plus pour t’impressionner qu’une bibliothèque gay, si je comprends bien ?

- Oh, « gay », c’t’un bien grand mot… déclara Ismaël sur son ton pédant habituel, détournant les yeux sur la gravure ancienne posée à côté de lui sur l’étagère et représentant une femme bien en chaire de dos, la croupe offerte.

L’ado suivit son regard.

- J’ai caché la partie qu’la morale réprouvait, s’excusa-t-il en attirant son attention sur le morceau de scotch rouge qui censurait le dessin.

- Mais c’est tout à ton honneur, mon jeune ami, le conforta le brun. Me voilà rassuré : tu es un garçon comme-il-faut.

Erwann ne répondit pas ; il éteignit la lampe et s’installa dans le lit à côté de lui.

- Mais alors, dis-moi, reprit Ismaël en s’enfouissant un peu plus confortablement dans le plumard. Des Vénus callipyges, des romances pédérastiques… Je m’y perds, moi : tu te considères comme gay ou tu fais partie de ces blancs-becs qui estiment être dans une phase d’ « exploration de leur sexualité » ?

- C’est stupide : voilà quelque chose qu’on devrait toujours être en train d’explorer, si tu veux mon avis. Et puis, tu l’as dit : « gay » c’est un bien grand mot.

Le plus vieux eut un hoquet de rire retenu.

- Pas tant que ça, d’ailleurs, quand on y pense.

- C’est bien le plus ironique dans cette histoire : que les gens fassent une montagne d’une syllabe et de trois lettres.

- Oui, tu as raison. Par ce bien grand mot j’ai rendu ma question réductrice, désolé, conclut Ismaël en croisant les mains derrière sa tête.

Erwann lui jeta un coup d’œil furtif.

- Je trouve simplement les garçons plus attrayants.

Benoliel ne répondit pas, un peu mal à l’aise. Il n’aurait pas dû s’aventurer sur ce terrain-là. Sortir les grands mots n’avait en rien dédramatisé la situation. Le loupiot avait fait comprendre suffisamment clairement ce qui lui plaisait à peine une heure plus tôt, après l’avoir surpris en pleine rue à 3h du matin. Et dire qu’il avait fini dans son propre lit juste après lui avoir fermé ses portes… D’aucuns auraient parlé d’acte manqué…

Ismaël s’installa sur le côté, tournant le dos à Erwann et annonçant implicitement l’extinction des feux. Sur le moment, rejoindre le havre que lui avait offert le petit Breton avait pourtant semblé autrement plus réconfortant qu’un tête-à-tête stérile avec Jeanne. Il comprenait sa tristesse et sa bonne volonté trop poussive, mais il n’avait tout simplement pas la force d’en faire autant. Le jeune garçon ne remuait pas le couteau dans la plaie : il attendrait patiemment qu’elle se purge, il le savait. Il était encore un étranger, vierge de tout investissement moral ou affectif. Il était désespérément ouvert à lui, le petit Erwann. Prêt à embrasser toute la désolation qui flottait autour de sa frêle carcasse et à la dissiper naturellement sans chercher à brasser de l’air. Ismaël l’avait senti rouler à son tour, avait senti sa chaleur corporelle se rapprocher de son dos. Il l’avait cherché, à venir ainsi agiter sous le nez du jeunot ce qu’il venait de courtiser en vain. Il l’imaginait, réduit à une promiscuité impuissante par sa faute, cruellement amené à toucher au but tout en restant drastiquement coupé de lui. En toute connaissance de cause, c’était là le plus terrible. Un imperceptible mouvement, et l’aîné se rendait pour un instant. Pour un instant, Erwann pouvait prendre ce léger glissement à sa rencontre comme le signe que, c’était d’accord, il avait le droit s’il y tenait à ce point-là. Il attendit un long moment… du moins, un moment qui s’étira vertigineusement comme du verre qui fond. Et enfin, un petit poing se posa précautionneusement sur son bras. Il resta immobile.

Le poing s’ouvrit progressivement pour laisser le contact à la paume. Le jeunot resta ainsi à le tenir, à distance. Les yeux levés sur les boucles sombres, il veillait sur Ismaël avec une sorte d’adoration inassouvie un peu paradoxale : il était poussé à le protéger, mais c’était l’aîné qui avait le pouvoir de se défendre de lui. Ismaël était la personne socialement adulte et responsable, en position de le renvoyer à ses occupations scolaires. Il était en outre la personne en deuil, loisible de toutes les sautes d’humeur et de toute l’hostilité possible à l’égard de qui voudrait l’aider. Surtout, il n’était pas la personne amoureuse, et c’était sans doute l’écueil qui prêtait le plus à conséquence. Dans sa sotte fougue d’adolescent, Erwann lui aurait décroché la lune s’il l’avait accepté. Il l’aurait inondé de réconfort, l’aurait tiré du gouffre de toutes ses forces. La petite main se referma doucement sur le bras, et se mit à caresser fortement par-dessus la manche du tee-shirt.

Benoliel, à ce moment-là, ne disait rien. Les yeux ouverts, il se laissait faire. Au milieu de cette vaste débâcle déréglée qu’était devenu son quotidien, un toucher ami et inconditionnel était plus que bienvenu. C’était cette nature inconditionnelle qui était la vraie bénédiction pour lui. Les accolades soucieuses des parents de Julie lui demandaient de se remettre et de les aider à en faire autant. Les bises de Jeanne lui réclamaient de s’allier avec elle pour passer à autre chose. Les cajoleries d’Alice exigeaient de poursuivre la construction de ce dont il manquait le tiers des fondations. Les caresses d’Erwann n’appelaient rien. L’espoir de la réciprocité lui-même ne se faisait même pas vraiment ressentir. Tout ce qui était requis, c’était son acceptation. La paume ne provoquait pas, elle l’appuyait, ferme et câline seulement, même lorsqu’elle atteignit la peau, sur son avant-bras. Et Ismaël se retrouva bientôt entouré sans avoir un instant résisté à la tendre reptation. Il faisait bien chaud dans l’étreinte d’Erwann et il pouvait enfin être vide à son aise… Il se détendit. Un petit baiser fut pourtant bientôt déposé entre sa nuque et son cou, sans bruit, comme pensant ne pas être pris. Un frisson parcourut Ismaël malgré lui et il grimaça légèrement dans la pénombre. Voulait-il vraiment que ça dégénère ? Son absence de recul fut probablement ce qui encouragea un nouveau baiser, à nouveau tout doux et d’une discrétion touchante.

- Erwann, lança-t-il à contrecœur.

Le jeune homme se tapit sur son oreiller, des chatouillis au creux du ventre. Ismaël, se sentant à nouveau un peu coupable de son comportement à double-sens, voulut se justifier.

- C’est juste que je suis pas…

Il ne se rendit compte de l’absurdité de ce qu’il était en train de dire qu’alors qu’il s’était déjà lancé ; il se trouva aussitôt idiot d’avoir tenu à s’expliquer auprès de la seule personne qui ne lui demandait pas de comptes. Il conclut, un peu emporté :

- … ce n’est pas parce que c’est toi, voilà. Sache-le.
Erwann considéra les boucles sombres, et soupira silencieusement.

rating : g, fanfic, fandom : les chansons d'amour, artiste : la_halfeline, yaoi

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