Titre : Mais personne ne le fera taire ?!
Auteur :
semprelibera_88 Personnages : Zacharias Smith, Neville Londubat, Morag MacDougal
Genre : Humour, drame
Catégorie : Croisade "Zacharias Smith, Ma délicate décision"
Rating : PG-13
Disclaimer : Harry Potter et son univers appartiennent à JKR. Franchement, ce disclaimer est-il bien nécessaire?
Résumé : Zacharias affronte son premier "cas de conscience". Aurait pu s'intituler "rétention d'information".
Chapitre 2
Rapport d’une attaque à Charings Cross. Pas encore de bilan provisoire…
Etouffant un juron, Zacharias se leva d’un bond, piétinant la brève missive, se saisissant de son outil de travail et gratifiant au passage son reflet d’un œil noir.
Merlin lui vînt en aide, ne lui manquaient que la chemise hawaïenne et un bob (ainsi qu’un sourire béat, mais si extravagante était la suggestion que l’esprit de Zacharias la repoussa dans les limbes de l’informulé avant que la conscience de Zacharias ait pu s’en aviser), et il passerait pour le parfait prototype du touriste moldu moyen.
Ou pire, songea Zacharias alors qu’il disposait son appareil photo de professionnel en bandoulière, à une version adulte de Colin Creevey, paparazzi officiel d’Harry Potter, fin prêt à mitrailler son idole au petit-déjeuner, au Quidditch, voire au bain.
Non, sérieusement, cela confinait à l’obsession. S’il avait été Potter- minus l’ego et les sautes d’humeur et la tendance à prendre les membres de l’AD pour des gobe-mouches qu’on voulait bien nourrir à coup de sorts d’autodéfense mais pas d’informations dignes de ce nom, et qu’on se réservait le droit de convoquer selon l’humeur du Chef via les Gallons thermodynamiques (d’accord, Potter avait été « élu » Chef, non autodésigné comme le souhaitait Cho Chang- peu démocratique, pour une Serdaigle, mais le « simulacre » d’élection qui avait suivi, Zacharias y trouvait à redire. « Levez la main si vous votez pour Harry ! ». Et le vote à bulletins secrets, conquête indéniable de toute démocratie qui se respecte ? Et l’isoloir ? Et, histoire de justifier sa réputation de tatillon jusqu’au bout, cette bagatelle : PROPOSER PLUS D’UN CANDIDAT ?).
Oups. Il s’était un peu emporté. Mais, chers lecteurs, si ce petit aparté philosophico-politique sur la nature profonde de la démocratie ne vous a pas fait détaler à toutes jambes, la narratrice tient à préciser qu’en période électorales, Zacharias se déchaînait davantage.
En d’autres termes : cela aurait pu être pire, à savoir : plus long, plus vindicatif, et…
Mais la narratrice s’égare, et Zacharias aussi. Tout ce qu’il pensait avant de dériver vers les eaux troubles du sacre potterien, c’était qu’à la place de Potter, minus etc, etc, confronté à Colin Crevey et son flash intempestif, il aurait exigé du Magenmagot un ordre de restriction, pour atteinte à la vie privée.
Mais si Zacharias arborait cet appareil flambant neuf, ce n’était pas pour capturer le sourire rare d’une célébrité quelconque.
Non. Zacharias Smith était âgé de 17 ans et 3 mois, avait quitté le toit paternel, et depuis 2 mois et 27 jours, tentait de survivre dans un monde ravagé.
Son monde.
Il exerçait depuis peu l’occupation de photographe pour le compte du Chicaneur.
Oui, vous avez bien lu. Le Chicaneur.
Comment en était-il arrivé là ?
Ses pensées se reportèrent à sa première mission pour le compte du Daily Prophet, un mois auparavant.
Il avait offert ses services comme correspondant de guerre. Sciemment, il avait fait le choix de photographier plutôt que d’écrire. Il ne se faisait guère d’illusions quant à la censure, qui vidait les mots de leur substance et taxait les plumes audacieuses de « démoralisateurs » à la solde de Vous-Savez-Qui.
Une photo pouvait en dire davantage que mille mots. Le Ministère serait impuissant face à la force brute qui se dégageait d’un instantané.
L’image crue et impitoyable des villes ravagées par les attaques des Mangemorts...
Zacharias avait été accepté car ce travail ingrat et périlleux n’intéressait pas les Gryffondors avides de combats intrépides qui composaient les bataillons d’Aurors débordés par le harcèlement des partisans de Vous-Savez-Qui.
Et au milieu, des innocents incapables de se défendre, comme tous les innocents. Des sorciers qui rêvaient d’une petite vie bien tranquille. Beaucoup n’en réchapperaient pas, à la merci d’un Avada Kedevra ; à eux les regrets officiels, mais pas l’éclat de la gloire, car il n’y avait rien de glorieux à tomber sans un cri dans un nuage de poussière et de fumée, dans le tourbillon d’une robe noire, la brève apparition d’un masque de cauchemar et un éclair vert.
Il s’était juré de ne pas laisser ces anonymes sombrer dans l’oubli. Tel était le sentiment qui l’animait lors de sa première mission.
Sa première mission…
Il avait entendu des rumeurs étouffées ; que Vous-Savez-qui avait rallié des créatures terribles à sa cause, mais le Ministère niait en bloc.
Et Zacharias eût souhaité ne jamais porter crédit à ces affirmations.
Mais ce jour-là, devant les corps déchiquetés- un carnage, œuvre de loups-garous, ses derniers doutes s’envolèrent.
Il trouva la force de prendre des clichés. Osant à peine respirer, comme si cette odeur indéfinissable et âcre, stagnante comme un marais putride, était porteuse de mort.
Une rage froide guidait ses gestes. Il prenait cliché sur cliché, se forçant à regarder, protégé seulement par le verre de l’objectif.
Il faut que l’on sache…
Il captura également les Médicomages inutiles, qui voilaient pudiquement la face des morts- il n’y avait aucun blessé.
Les Aurors, alertés trop tard, arrivaient sur les lieux. D’instinct, et parce qu’il n’y tenait plus, Zacharias rangea son appareil dans sa besace et recula vivement sur le côté. Une sorte de fossé sombre, à l’écart de la scène, l’accueillit.
Il baissa la tête, puis sa respiration se fit saccadée.
Splash !
Son bras droit était recouvert d’une substance gélatineuse et verdâtre, et avait-on abattu un putois à proximité ?
Et ce truc, c’était toxique ? son bras allait-il lui brûler férocement, jusqu’à désintégration lente et totale ?
Heureusement sa besace (et son appareil) étaient intacts.
Quelque chose-ou quelqu’un- remua à proximité. Zacharias se raidit. De sa main valide, il sortit sa baguette, prêt à défendre chèrement sa vie.
Ou, transcrit d’une manière moins élégante mais plus fidèle à Zacharias, à infliger autant de dommages que possible à son assaillant, et au diable le fair play !
« Excusez-moi ! » fit une petite voix timide.
Zachrias s’arrêta net dans son élan belliqueux.
Un grand garçon dégingandé, à la démarche maladroite et précautionneuse, s’avança alors. Il portait un brassard de brancardier à la manche, son visage un brin rondouillard avait quelque chose de ridiculement enfantin et innocent. Il ouvrait de grands yeux noirs effarés- Zacharias ne pouvait guère l’en blâmer, pas plus que sa pâleur, car pour être honnête lui-même devait arborer de jolies couleurs verdâtres. (et non, il ne parlait pas de cet immonde liquide poisseux qui enveloppait son bras).
« Qu’est-ce que c’est que ça ! » semi- hurla Zacharias- il était sur les nerfs.
« Rien du tout ! ce n’est pas dangereux ! » s’empressa de le rassurer le garçon.
(Par Merlin, il lui rappelait quelqu’un de Poudlard…Cette maladresse…)
« C’est de l’Empestine ! un Recurvite et tout s’en ira ! ».
De l’Empestine ? De vagues souvenirs de Botanique lui revinrent en mémoire…et son regard se posa sur le drôle de cactus que le garçon tenait contre lui.
Lien de cause à effet ; ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Zacharias poussa un grognement menaçant, et d’instinct, le garçon serra le cactus contre lui, ses doigts enserrant protectivement la maudite plante.
Splash !
« Oh ! je suis désolé, vraiment ! c’est son mécanisme de défense ! attendez, j’ai ma baguette, elle doit être dans cette poche…ou celle-ci ! ».
Zacharias ne dit rien pour la simple raison qu’il suintait l’Empestine, que celle-ci dégoulinait le long de ses joues comme les larmes qui refusaient de couler et qui alourdissaient son cœur. De plus, sa bouche en était pleine. Il y a des moments où les moins inclinés au défaitisme se résignent.
Ce fut avec une apathie souveraine qu’il laissa son interlocuteur enlever l’Empestine à l’aide d’un mouchoir à carreaux brodé- il avait oublié sa baguette à Ste Mangouste, expliqua-t-il à Zacharias, alors qu’il venait de s’engager comme brancardier et que le message d’alerte leur était parvenu.
Zacharias, armé des confidences intempestives de l’inconnu et de sa logique, en déduisit le récit suivant :il avait aidé à transporter plusieurs corps, avant que des brancardiers plus expérimentés, pris de pitié, lui aient conseillé d’arrêter pour aujourd’hui, qu’il en avait fait assez pour sa première mission.
Il ne se l’était pas fait dire deux fois après qu’on lui ait assuré qu’il avait bien « tenu », que sa part de la mission avait été remplie. Et il avait trouvé ce fossé, dans lequel il était resté un laps de temps indéfini, serrant contre lui son Mimbulus Mimbletonia (comment on pouvait avoir le réflexe d’embarquer cette plante et oublier sa baguette, cela dépassait complètement Zacharias), son porte-bonheur. Il l’avait serré fort contre lui, les yeux perdus dans le vide, ses doigts se crispant davantage à chaque flash lui rappelant la hideur des corps torturés.
Il avait oublié le système défensif dont était pourvu son Mimbulus, et à une pression un peu très forte, Zacharias en avait fait les frais « mais je vous assure que je ne vous avais pas vu ! »
Zacharias méditait sur le comportement à adopter lorsqu’un Auror au front soucieux apparut devant eux. Il parut rassuré à la vue du brassard de Neville, mais suspicieux envers Zacharias.
« Veuillez décliner vos noms et fonctions.
- Zacharias Smith, reporter pour le Daily Prophet. Hé ! » protesta-t-il devant la façon cavalière dont l’Auror s’était emparé de sa besace.
Il ne cessa de pousser les hauts cris alors que la pellicule était retirée. Il invoqua la liberté de la presse, le droit de savoir de l’opinion publique, annonça qu’il se plaindrait auprès de son journal. Rien n’y fit.
Son compagnon et lui se firent raccompagnés manu militari à Sainte Mangouste. L’Auror les quitta sur ces mots :
« Et souvenez-vous de ceci : cette attaque était horrible, et je conçois qu’elle ait pu frapper vos jeunes imaginations. Mais il ne s’agissait que de Mangemorts. C’est ce que votre journal vous répondra également, Monsieur Smith. Où sont vos preuves du contraire ? Cessez de vouloir terroriser la population avec vos contes de grand-mère. »
Zacharias, fulminant de rage, sentit néanmoins un doute quant à l’attitude du Daily Prophet. Qu’allait-on lui répondre ?
C’est alors que la voix de son compagnon s’éleva, sombre et résolue :
« Je ne t’avais pas reconnu avant que tu lui dises ton nom. Mais tu as raison. »
Il tourna vers lui des yeux brillants de colère :
« Ils mentent depuis trop longtemps. Ce qu’on a vu là-bas… » Il déglutit péniblement. « Il faut qu’on sache. »
Zacharias ne put qu’acquiescer. Envolée, l’absurde rancœur due à l’Empestine. Ce n’était pas tous les jours qu’on était d’accord avec lui.
« Je sais. Mais j’ai peur qu’on ne m’écoute pas. Ou qu’on ne veuille pas m’écouter. » avoua-t-il d’une voix rauque.
Leurs regards se croisèrent : celui de Zacharias perdu et troublé face à l’ampleur de la tâche qu’il s’était fixée, celui de l’inconnu métamorphosé, plus craintif mais furieux et déterminé.
« Moi, je veux t’écouter. Ma grand-mère, « ajouta-t-il avec un pauvre sourire, « le voudra aussi. Et je sais que nous ne sommes pas les seuls. »
Zacharias se sentit étrangement rasséréné à ces mots.
« Je vais de ce pas au Daily Prophet. Mais je redoute qu’ils n’acceptent pas ma version des faits. Si tel est le cas, je… je ne sais pas ce que je ferais. Je ne peux pas me taire ! pas après…ça.
- Tente le Chicaneur. »
Il dut voir l’expression de Zacharias, car il se hâta d’ajouter :
« Je sais que c’est un journal…original, mais eux t’écouteront. Ils se moquent du Ministère et de la censure. Demande à parler à Luna Lovegood, c’est une amie et je sais qu’elle t’écoutera, même si elle ne t’aimait pas beaucoup à Poudlard.
- Le Chicaneur ?
- Dis que tu viens de ma part sinon.
- Tu es ?
- Tu ne m’as pas reconnu ? C’est vrai que je n’attire pas l’attention. Neville Londubat. »
On aurait pu renverser Zacharias avec une plume de cygne. Neville Londubat, ce révolté qui l’incitait à rien moins que défier le Ministère, conseils à l’appui ?
Il surmonta vaillamment le choc et tendit la main à. Neville qui, après un moment d’hésitation, comme s’il ne comprenait pas que ce geste lui était adressé, la serra.
« Merci, Neville Londubat.
- Bonne chance, Zacharias Smith.
- Peut-être nous reverrons-nous bientôt, si tu n’es pas dégoûté du métier de brancardier et si je trouve quelqu’un pour publier mes clichés. Je prends note de ton conseil.»
Le visage de Neville s’éclaira d’un sourire, et Zacharias partit affronter la direction du Daily Prophet.
Après une entrevue houleuse, Zacharias démissionna. Et suivit le conseil de Neville.
Il avait appris à ruser pour éviter de se faire confisquer ses clichés. Il prenait des risques, arrivant parmi les premiers sur les lieux de l’attaque. Il avait appris à se faire ombre et à se méfier de celles qui le suivaient depuis qu’un Mangemort- qui n’avait pas encore transplané une fois son forfait accompli- l’avait raté d’un millimètre.
Zacharias avait alors béni ses parents d’être aussi grands et minces et surtout, de lui avoir transmis ces gènes. Deux tours de ceinture de plus, et il aurait rejoint ses illustres ancêtres.
Il avait publié des photos qui avaient fait grand bruit : celles des victimes d’une attaque de loups-garous. Aucun survivant. Et il avait raillé les comptes officiels du Ministère, qui pour ne pas affoler la population, avaient créé une nouvelle liste : celle des « disparus » lorsqu’aucun doute n’était permis.
Il avait donc créé sa propre liste, identifiant les corps que le Ministère avait jugé non identifiables à l’aide d’indices sanglants et du courrier qu’il recevait, qui dont le père ou la tante avait été porté disparu, et qui joignait une photo, une description des habits qu’il/elle portait le jour de l’attaque…
Il avait reçu des lettres d’insulte, des menaces. On l’avait traité de menteur, de provocateur, de traître à sa communauté dans des temps difficiles. Ces lettres étaient nombreuses, et malgré le soutien du Chicaneur (étrangement, les aphorismes de Luna Lovegood prenaient un sens réconfortant « le roseau ploie lorsque le saule cogneur se brise »- Zacharias espérait être le roseau), il ne savait pas s’il aurait pu tenir.
Mais il y avait d’autres lettres. Celle d’une femme qui le remerciait d’avoir formellement identifier son fils alors qu’on lui avait assuré qu’il n’était que « disparu » : « vos mots m’ont fait mal, mais à présent je peux faire mon deuil. Vous n’avez pas été cruel, vous avez dit vrai ; il est plus cruel de faire miroiter l’espoir pendant des années alors que l’espoir n’a pas de raison d’être. Désormais je sais, et je vous remercie de m’avoir répondu franchement. Ma vie ne sera plus suspendue à ce seul fil- continuez votre travail, Monsieur Smith. J’ai pu vous détester une fraction de seconde, mais j’avais besoin d’une réponse, et vous me l’avez apportée. D’autres veulent des réponses et vous font confiance ; vos photographies, vos articles sont durs, mais nous en avons besoin. »
Et Zacharias se sentait rassuré. Il avait une mission à remplir.
Le cœur lui serra alors qu’il approchait des décombres de Charings Cross. En deux mois, il en avait vu, des horreurs. Mais il éprouvait toujours ce pincement au cœur, et il espérait qu’il ne finît jamais. Que jamais il ne devînt blasé devant ce spectacle, car ce serait comme si une part de lui- idéaliste, humaine tout simplement- mourrait avec ses scrupules.
« Attendez ! Morag, je vous en prie ! la zone n’est pas encore dégagée ! attendez-moi, vous en pouvez pas y aller seule ! ».
Cette voix…
Il se retourna. Oui, c’était bien Neville Londubat, essoufflé, les joues creuses, son brassard de brancardier enfilé de travers et sa besace perchée sur l’épaule, contenant, Zacharias en jurerait, son effroyable cactus.
Sauf que cette fois, il n’avait pas oublié sa baguette. Mais Zacharias sentit un soulagement irrépressible à la vue de Neville et de sa maladresse bien intentionnée. Certes, Londubat avait changé en deux mois, mais pas tant que ça.
Une jeune fille passa en un coup de vent devant lui. Cheveux noir en bataille, yeux bleu sombre lançant des éclairs. L’air de n’avoir qu’un objectif en tête, même si pour cela il lui fallait bousculer Zacharias au passage- ce que Zacharias fut tenté de désapprouver vigoureusement, mais le respect de la prudence la plus élémentaire en zone non dégagée…
Minute. Pourquoi Londubat et l’inconnue se dirigeaient-ils droit sur les lieux à n’approcher qu’avec la prudence, etc, etc.
Il agrippa Neville au passage.
« Laissez-moi ! » se débattit Neville. Puis, reconnaissant Zacharias : « Zacharias ? lâche-moi ! je dois la rattraper !
- C’est dangereux là-bas ! la zone n’est pas dégagée ! tu es brancardier, tu devrais le savoir !
- Je le sais bien ! mais elle refuse de m’écouter ! ».
Neville se débattit de plus belle.
« Je dois la rattraper ! ».
Zacharias soupira. Neville était solide, le martelait de coups, et il allait lâcher sous peu. Mais il ne pouvait pas décemment les laisser partir dans une zone si périlleuse, lui et sa maladresse.
Ah, oui, et rajoutez le fardeau qu’il s’était mis en tête de secourir.
Et puis, il n’allait pas laisser un Gryffondor seul effectuer sa mission de secours ? Les Poufsouffle aussi peuvent commettre de actions stupides. Comme agir en Saint-Bernard, par loyauté.
« Je viens avec toi ! »
Il coururent à la poursuite de…
« Morag MacDougal. Elle recherche son petit frère qui avait rendez-vous à Charings Cross avec des copains. Les rumeurs de l’attaque lui sont parvenues, elle s’est précipitée à Sainte Mangouste alors que mon équipe se préparait à partit, mais…elle n’a pas voulu attendre. » raconta d’une traite Neville à un Zacharias atterré.
« Et tu l’as suivie ? c’est d’une inconscience !
- Je ne pouvais pas la laisser seule !
- Neville, que sais-tu de cette attaque ?
- Euh…
- On soupçonne des loups-garous. Ils attaquent en meute. Son petit frère n’a pas pu survivre. Tout ce qu’elle verra, c’est ce qu’il restera de lui, sans que les Médicomages aient pu améliorer son apparence...Enfin, tu sais comment ça fonctionne.
- Oh mon Dieu ! » souffla Neville, dont le visage avait considérablement pâli.
« Je sais, il faut la retrouver en vitesse et l’emmener hors d’ici. »
Un hurlement déchira l’air. suivi d’un « Crucio ! » prononcé par une voix féminine.
« Morag ! ».
Neville, négligeant toute prudence, s’élança en direction du cri. Zacharias, contre son gré, le suivit.
La scène le glaça. Morag lançait sortilèges sur sortilèges contre un loup-garou, d’une taille très élevée- à Zacharias il parut haut de six mètres, mais quatre étaient dus à la peur- mais les sorts rebondissaient sur lui.
Et à ses pattes, inconscient, le visage griffé, le cou portant la marque de morsures fraîches, un petit garçon aux cheveux noirs maculés de sang.
Neville s’attaqua à son tour au loup-garou, enchaînant les sorts avec une habileté que Zacharias ne lui aurait pas prêtée.
Morag s’acharnait elle aussi, mais son attention était distraite par le petit garçon auquel elel jetait des coups d’œil paniqués.
Son frère, réalisa Zacharias, nauséeux.
Le loup-garou était parvenu à la même conclusion, puisque insolemment, il se pencha sur l’enfant, tous crocs dehors.
« Non ! » hurla Morag. « Avada kedavra ! ».
Le loup-garou esquiva le rayon vert avec agilité.
Détourner son attention de l’enfant…
Zacharias sortit sa baguette.
« Impedimenta ! » lança Neville.
Un souffle effleurant le torse du loup-garou, le forçant à stopper un instant, puis il reprit sa course vers l’enfant.
« Incendio !» croassa Zacharias.
La bête se tordit de douleur, la fourrure prise par les flammes. Neville renchérit :
« Incendio ! ».
Poussant un dernier mugissement furieux, le loup-garou fit un bond de plusieurs mètres en arrière, et disparut au loin.
Morag se précipita aux côtés de l’enfant, Neville sur les talons.
« Jeremy… Oh, Jemmy, que t’a-t-il fait ? »
Doucement, Neville examinait les blessures, sortant de sa besace un kit de premier secours.
Zacharias renifla de dépit. Un kit de premier secours ne pourrait rien faire pour cet enfant, vu l’état des blessures. Neville en sortit des bandes.
« Il me faudrait de l’eau ou des glaçons pour les humidifier.
- Aquamenti ! » murmura Morag. Elle prit la main de son petit frère, l’embrassa avec ferveur, puis, les yeux brillants de larmes, se tourna vers Neville :
« Que dois-je faire ? ».
Zacharias recula, puis machinalement, prit son appareil et prit des photos des victimes. Jeremy MacDougal était le seul survivant.
Pourquoi se sentait-il mal à l’aise face à l’enfant ? Il était habitué à parler pour les morts, pas pour les vivants. Il pouvait supporter la vue des pires blessures sur des cadavres, mais sur cet enfant agonisant- car Zacharias ne donnait pas cher de sa peau. Il ne voulait pas croiser son regard de souffrance- il se sentait le cœur plus lourd que d’habitude. Il y avait un moment où lui, qui n’était jamais à court de mots, trouvait les mots dérisoires.
Comment dire ? Comment exprimer le tumulte d’émotions qui l’agitait ?
Il revint vers Neville et Morag qui s’activaient auprès de l’enfant, saturé de bandages et le visage propre, malgré la trace des cicatrices encore visible.
« Comment va-t-il ?
- Il survivra. Ses fonctions vitales n’ont pas été touchées, et nous nous sommes attaqués aux cicatrices suffisamment tôt pour qu’elles disparaissent sous peu. »
Neville s’anima :
« Morag, il y a cette plante dont je vous ai parlé. Si vous en appliquez dès demain sur sa peau, ses cicatrices disparaîtront définitivement en deux mois. Il faut en appliquer régulièrement, mais il est facile de se procurer cet onguent. Son visage n‘a pas été touché.
- Merci », murmura Morag.
Zacharias s’éclaircit la gorge :
« Je vais en parler dans mon article. Le Ministère ne peut plus continuer à mentir aussi effrontément.
- Vous allez quoi ? » s’exclama Morag.
Elle se leva d’un bond :
« Vous n’avez pas intérêt à parler de Jemmy ! nul ne doit savoir qu’il était à Charings Cross aujourd’hui !
- Mais…
- Il n’a pas assez souffert comme ça ? Il n’est pas mort, mais il est condamné à se transformer à chaque pleine lune. Sa vie ne sera plus jamais celle qu’il a connue, et il n’a que neuf ans ! Et vous voulez le stigmatiser davantage ?
- Il n’a jamais été question d’en faire un bouc-émissaire ! il ne suscitera que compassion pour l’épreuve qu’il a subie. » protesta Zacharias.
Morag éclata d’un rire amer :
«Parmi vos vertueux lecteurs, combien ont approuvé les lois anti-hybrides ? Combien plaindront Jeremy tout haut et ordonneront à leurs enfants de ne pas s’approcher de lui tout bas ?
- Vous voulez en faire un secret, alors que votre frère n’a rien à se reprocher ! il n’a pas à avoir honte de ce qui est arrivé !
- Non, en effet », admit Morag, caressant doucement le front de Jeremy. « Si le monde était parfait, si les mentalités étaient différentes, si nous n’étions pas tous bourrés de préjugés, il serait honteux d’en faire un secret. Mais vous ne pouvez pas changer le monde en un article un peu larmoyant. Vous ne les changerez pas d’un coup de baguette magique. »
Zacharias eut l’impression qu’un Hippogriffe lui avait donné un coup de sabot dans l’estomac. Il eut l’intuition d’un combat beaucoup plus long et dur que la guerre que tous menaient contre Voldemort et ses sbires. Un combat qui survivrait à cette guerre sans autant de combattants.
Une autre tâche, plus énorme encore, qu’il lui faudrait accomplir sans espoir de gagner en un seul coup de dés. Sans remporter de victoires complètes.
Il se sentit soudain très fatigué.
Morag poursuivait :
« J’ai une tante Guérisseuse. Elle s’occupera de lui et m’aidera à le cacher à nos parents.
- Pourquoi ? » ne put retenir Zacharias.
Morag baissa les yeux :
« Ils sont pro-Ombrage, anti-géants ou demi-géants, anti-loups-garou aussi… »
Zacharias se tut. Neville prit l’enfant dans ses bras, et tous se dirigèrent vers le point de transplanage- il fallait faire vite, avant que les Médicomages et autres Aurors n’arrivent et n’éventent le secret.
Le secret du seul survivant de l’attaque de Charings Cross.
« J’ai entendu parler d’une potion. La potion Tue-Loup, je crois. Permet de rester lucide
lors de la transformation- vous n’aurez pas à attacher votre frère à la pleine lune. »
Morag le regarda longuement.
« Je m’en souviendrais. Merci. »
Et elle transplana avec Neville.
Il remit son article au Chicaneur dans la soirée. Il avait réfléchi à sa responsabilité de journaliste, aux mots de Morag, au signe d’approbation de Neville prêt à garder le secret…et avait fini par prier que la potion Tue-Loup fonctionnât, et, le cas échéant, que « Jemmy » n’oubliât pas de la prendre à chaque transformation.
En se promenant dans Londres désert, il médita sur sa décision. Il avait rendu l’article.
Il s’était tu de son propre chef. Rétention d’informations délibérée.
Il espérait de tout son cœur qu’il n’aurait jamais à regretter sa décision. Il s’en moquait que Jeremy MacDougal devînt un héros, brillant guérisseur ou joueur de Quidditch.
Il voulait qu’il ne fît de mal à personne. Si en plus, il devenait quelqu’un de bien, Zacharias serait comblé- il ne sacrifiait pas son éthique pour n’importe qui, après tout !
Il croisa une silhouette familière, un peu voûtée, qui s’engouffra dans une maison indubitablement magique. Son ex-professeur, Rémus Lupin. Un peu partial envers les Gryffondors, totalement partial envers Harry Potter, et un brin énigmatique, mais quelqu’un que Zacharias estimait.
Alors qu’il poursuivait sa promenade, il se demanda un instant si cet Auror aux nombreux secrets avait, lui aussi, affronté des cas de conscience similaires ?
Il pensa au petit visage pâle de Jeremy MacDougal, et soudain la réponse n’eut plus d’importance.
Non, il ne regrettait rien.