Poème en prose

Dec 09, 2006 15:16


eUn poème en prose sans prétention que j'ai gribouillé jeudi, assise dans un coin de bus, avec une vitre à côté de moi... Et parce que le contenu évoque bien la communauté :p

Un reflet dans la vitre. J’écris à la fenêtre, j’écris une fenêtre. La main paraît petite qui tient la plume bâtisseuse de légendes. La pointe ne brille pas, noire d’encre. Les reflets se noient dans le blanc du papier, qui bientôt disparaît sous le coup des mots. La page, peu à peu, se remplit. La main s’agite sur la vitre, le profil de l’auteur est invisible, seule la quenouille qu’il tient se montre, dévidant peu à peu le long fil d’encre qui tissera le poème.
Et bientôt, très bientôt, lorsque tout sera brodé, on oubliera la quenouille, on oubliera la trame, on félicitera la main selon qu’elle aura su ne pas s’oublier elle-même dans sa propre tapisserie.
Blanc d’encre qui prend vie.
Page qui se remplit.
Reflet qui ne se contemple pas, plus, plus besoin.
Plume à la main, beauté du geste, les auteurs ont du panache, les pointes voltigent. Ils ouvrent leurs lignes au monde. La ligne fait des petits. Dans la vitre, le tiers qui se penche pour observer le reflet du travail invisible voit comme une épée, qui frappe de taille et d’estoc le long du quadrillage du papier. Le poète pourfend la chair du silence pour mettre au jour la magnificence de l’inutile.
A côté du sculpteur de langue, une autre ombre se reflète à son insu. Un artiste, qui cherche la route du ciel avec son crayon. Le bois taille un pont, le pinceau résonne de concert avec la plume.
Les deux mains se reflètent dans la vitre. Côte à côte, seules dans leur quête commune.
Ils s’admirent, ils vivent.
L’encre continue de couler.
S’arrêtera-t-elle un jour ?
Lorsque les mains cesseront de s’agiter, lorsque les plumes se tariront, le monde mourra de faim.
Il s’éteindra douloureusement, comme après avoir perdu son sang.
Si vous ouvrez un livre, si vous riez devant un tableau, pensez aux mains, pensez au monde, pensez au sang porteur de vie.
Dans la vitre, le reflet est toujours là. Personne ne le voit, mais quel sourire à ses lèvres !

Andromède
07/12/2006

g, réfléxion, poésie, Réflexions

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