La suite de la kermesse, et un gros morceau !
On s'approche de la fin du chapitre...
« On fait quoi maintenant ? »
« D’après le programme, sur la petite scène il y aura le groupe de Rosier et Wilkes à 14h00. Puis une représentation du Petit Théâtre de Guinoleus à 15h30. Ça par contre je ne sais pas ce que c’est. »
« Moi si », pensa Severus en se souvenant des marionnettes qu’il avait vues Gwénolé Kouign-Aman fabriquer dans son bureau.
« Sur la grande scène il y a les membres du club de théâtre qui jouent Macbeth de Shakespeare. »
« Pas très intéressant tout ça… », murmura Severus, résolu à aller se perdre dans les stands.
Cela tombait bien, il repéra Bellatrix devant le stand du Renard de Poudlard. Elle s’était très maquillée ce jour-là, ce qui surprit Severus, et elle portait une ancienne robe couleur taupe avec des canons de dentelles et une jupe à panier. Tss… Sans doute des appâts pour séduire Lucius, et tel qu’il le connaissait, il allait sûrement mordre à l’hameçon, même si toute cette toilette la vieillissait d’une bonne dizaine d’années.
Mais il lui fallait mettre sa rancœur de côté pour quelques instants au moins.
Il se dirigea vers elle et l’interpella.
« Bellatrix… Tu n’aurais pas vu Lucius ? »
La jeune fille se tourna vers lui, le considérant de son visage poudré où ressortaient ses grands yeux noirs et froids, presque italiens.
« Je ne suis pas Bellatrix. »
« Mais… »
« Je suis sa mère. »
Cela devait être l’antique instinct de son âme reptilienne… Tout son corps lui disait de s’éloigner de cette femme dangereuse, comme la souris sait qu’il lui faut s’éloigner du chat.
« Je ne l’ai pas vue », poursuivit-elle. « Sais-tu où elle est ? »
« Non. »
« J’ai cru voir Lucius Malefoy du côté du club d’arithmancie… As-tu vu son père, ou Orion Black ? »
Mais elle n’eut pas de réponse à sa question, Severus avait disparu.
Il trouva effectivement Lucius au stand d’arithmancie, en train d’attendre qu’on lui termine son horoscope numérologique de l’année. Mais à voir le visage contrit de l’apprenti numérologue, les prévisions n’étaient guère brillantes.
« J’ai vu la mère de Bellatrix », lui murmura Severus.
« Merveilleux… C’est une vraie harpie celle-là… Heureusement que mon père n’a pas pu venir, je n’ai vraiment aucune envie de le voir. »
« Tu as prévu quoi après ? »
« J’irais bien jeter un œil au concert, histoire de rire un peu. Tu viens avec moi ? Avery doit venir aussi. Il paraît qu’ils on trouvé un batteur. »
« ça commence bientôt, dans dix minutes. »
« Oh, laissez tomber pour l’arithmancie. De toute façon le destin c’est le destin. »
Ce que le club de théâtre n’avait pas prévu, c’était que lorsqu’on réunissait les familles un jour de fête, les tragédies se produisaient surtout en dehors de la scène.
La chanson « Death of a muggle » du groupe d’Evan Rosier provoqua un tollé et l’on vit le père de Wilkes bondir sur scène pour asséner une calotte retentissante à son fils, tandis que sa nouvelle femme, habillée en moldue, se cachait le visage dans les mains. Le père d’Evan aussi était présent, et il le tira jusqu’au bureau du directeur pour qu’il fasse ses excuses.
L’incident échauffa les esprits des membres de l’APADI et du journal de l’école, et particulièrement de Sirius, déprimé par la vision de ses parents accompagnant Regulus qui mangeait une barbapapa, et de Remus assis tout seul dans un coin de la grande salle, à faire semblant de lire des dépliants.
« Quelle bande de crétins », murmura Lucius. « Ils cherchent vraiment les ennuis. »
Les instruments furent rangés en catastrophe, et on installa à la place le petit théâtre de marionnettes, qui attira sur les bancs un public nettement plus jeune.
« Lucius, je n’ai pas tellement envie de regarder le spectacle de marionnettes… »
« Je ne te force pas à rester toujours avec moi », répondit sèchement Lucius.
Severus se tourna vers Avery, qui haussa les épaules comme s’il ne comprenait pas.
Il y avait beaucoup d’enfants dans l’assistance, premières années, parents, et frères et sœurs. Severus crut reconnaître Regulus Black, le frère de Sirius. Quant à John, Jack et Jim, ils s’étaient installés au premier rang.
« C’est amusant », fit remarquer Lucius. « Ces trois gamins devant, ils te ressemblent un peu. »
« C’est vrai qu’ils ont un peu le même look que Sna… Severus », confirma Avery.
« Je ne sais pas pourquoi ils veulent me ressembler. Il n’y a vraiment rien à vouloir copier. »
« Ne dis pas ça », se contenta de déclarer Lucius.
Alors Severus sentit son regard se poser sur lui et le parcourir, ce qui le mit légèrement mal à l’aise.
« Tu veux une pastille ? »
Le jeune homme sortit une boîte en métal d’une de ses poches, en tira une dragée bleue qu’il stationna devant la bouche de Severus.
« Avery ? »
« Non merci », répondit le garçon à lunettes, l’air gêné.
« Oyez ! Oyez ! »
Gwénolé était apparu sur scène, en jeans, tongs, et chemise à jabot.
« Voici un conte du Petit Théâtre de Guinoleus… Mais aujourd’hui nous ne commencerons pas par des histoires aussi connues que celles de Cendrillon… »
A ses mots, Severus eut l’impression que son regard s’arrêtait sur lui.
« …ou celle de cette pauvre Blanche-neige… »
Avery tapa sur l’épaule de Lucius. Près du stand de cuisine, Bellatrix et sa mère étaient en train de discuter vivement.
« Non, aujourd’hui je vais vous raconter une légende de mon pays d’origine. Une légende bretonne. Celle de la ville d’Ys. »
La lumière baissa, et Gwénolé disparut derrière son théâtre.
Au bout de quelques instants, les rideaux miniatures s’ouvrirent tout seuls.
« Cela me rappelle mon enfance », murmura Lucius d’un ton joueur à ses deux amis.
« Moi cela me rappelle surtout le Véritasérum », songea Severus en son for intérieur.
Une petite musique de harpe se fit d’abord entendre, puis les décors se hissèrent sur le bord de la fausse scène. A droite, un petit fort aux créneaux découpés ; derrière, un paysage de ciel et de mer.
La voix du Psychomage commença à raconter.
« Il était une fois, en Bretagne, une jeune fille blonde de votre âge, nommée Dahud. Elle était la princesse d’une ville fortifiée, un merveilleux château au bord de l’océan, Ys, gouverné par le vieux roi Gradlon son père. »
Une petite marionnette blonde apparut au sommet du fort. Ses cheveux étaient blonds et lisses, sa robe argentée et ses yeux bleus.
« Seule et désoeuvrée dans l’île de sa forteresse immense et vide, Dahud n’avait jamais aimé personne. Même ses jouets ne trouvaient grâce à ses yeux. Ils se ressemblaient tous, ils étaient sans visage, pour elle ils se dissolvaient dans la banalité de son quotidien et les limbes de sa solitude. Les uns après les autres, elle les avait brisés, et à présent… à présent elle s’ennuyait. »
Le vent se mit à souffler à l’intérieur du théâtre, les vagues de la mer apparurent en ombres chinoises, et l’on entendit le bruit des vagues.
« C’est bien fait quand même », opina Avery.
« Mais Dahud ne devait pas toujours rester seule. Un jour elle rencontra un étranger, vêtu de rouge. Il vint et marcha vers elle, sur la jetée. »
L’ombre de l’inconnu se projeta sur le chemin de garde, devant la poupée aux longs cheveux blonds. On ne voyait aucun détail à l’intérieur de sa silhouette, seulement de l’ombre, et les contours de sa cape et de ses bottes.
« Il était si séduisant… Et elle était si seule… »
Encore une fois, Severus sentit son ventre lui faire mal, se sentant étrangement visé. Il jeta un coup d’œil à Lucius. Ce jour-là, il était tout de pourpre vêtu…
« Et il lui parla, car il était un grand maître pour ce qui était du discours et des mots. Et il lui montra… un serpent. »
L’ombre d’un python apparut dans la main de l’Etranger, à la fois droit et ondoyant comme les serpents de la statue de l’ancienne déesse.
« Ce que je te propose, lui dit-il, c’est de connaître le fond des choses. Mais était-ce le serpent de la connaissance ou le serpent du mensonge ? Sa langue était bien celle d’un serpent. Il berça Dahud de ses propos mensongers, lui faisant miroiter des choses qui n’existaient pas, et l’innocente jeune fille lui donna les clefs de la ville, elle qui n’avait jamais aimé personne. »
La nuit tomba à l’intérieur du théâtre.
« Mais savez-vous qui était cet étranger ? », murmura Gwénolé, « Celui qui avait enchanté Dahud… Celui qui avait aussi enchanté les enfants de Hamelin… C’était le diable... Le diable, les enfants… ! Mais qui sait seulement à quoi l’on peut reconnaître les démons ? »