Ira sans doute dans le livre II ou III, mais peut être lu comme une scène indépendante.
« Je suis en train de lire le dernier livre de Finrod », dit Iswen en présentant un rouleau de parchemin. « Il s'y attache à réfuter votre dernier essai de métaphysique point par point. Pourquoi autant d'acharnement ? »
« Je l'ignore », déclara Penlodh.
Mais il avait tout de même une petite idée sur la question...
Quelques décennies plus tôt, à Tol-Sirion.
Un elfe blond vêtu d'une large robe orange et verte attendait Turgon et Penlodh devant sa tour. Il était couvert de bijoux, mais ceux-ci étaient moins lumineux que ses yeux gris, flamboyants d'intelligence. Ses cheveux d'or, mi-longs, étaient coupés en frange au-dessus de ce regard singulier, et surmontés d'une couronne.
« Aya ! » dit-il.
« Aya ! » s'exclama Turgon en retour, en l'entourant de ses bras.
« Comment vas-tu ? »
« Ça va, la famille, ça va... Et toi ? »
« Ça va, ça va... »
Ils entrèrent dans la forteresse, puis gagnèrent les appartements de Finrod ; ce dernier leur fit servir une infusion à la menthe, comme les Noldor en consommaient souvent à Valinor.
« Penlodh est le spécialiste des infusions », dit alors Turgon. « Il m'en fait préparer tous les jours. »
« Ma mère était herboriste », précisa le ministre.
« Intéressant », dit le fils de Finarfin.
« C'est mon meilleur conseiller. Et nous discutons souvent de philosophie, d'art, d'architecture tous les deux. »
« Ah? », dit Finrod.
Personne ne le vit, mais sa main s'était crispée sur son verre.
« Mais c'était plus pratique quand il habitait au palais », ajouta Turgon, « juste à côté de mes appartements. Nous pouvions discuter plus souvent. Maintenant il vit avec sa sœur, dans une lointaine villa... »
« Je l'imagine », dit Finrod. « Mais aujourd'hui nous avons du temps devant nous, sans contrainte ! Nous pouvons même discuter jusqu'au point du jour, comme nous le faisions à Valinor, où lors de nos voyages tous les deux. Te souviens-tu de cette fois où nous nous étions endormis au bord du Sirion ? »
« Oui. C'est cette nuit-là qu'Ulmo m'est apparu, pour m'inspirer l'idée de Gondolin. Sans cela je n'aurais jamais rencontré Penlodh. »
Finrod reposa son verre sur la table basse, en un petit coup sec.
« Bon », dit-il. « Commençons la discussion. Et si nous parlions de la Cause et la Conséquence ? »
« Excellente idée », dit Penlodh.
Finrod était extrêmement intelligent, et maniait les concepts avec une agilité déconcertante. Il semblait cependant parfois peiner à comprendre certaines réactions émotionnelles et manquer de tact. Au bout de quelques heures, Turgon se retira momentanément pour se rafraîchir. Alors, le sage fils de Finarfin se tourna vers Penlodh, et le montra du doigt.
« Je sais ce que tu essaies de faire », dit-il.
« Que... Comment ? »
Penlodh fronça les sourcils, ne comprenant pas où le roi de Tol-Sirion et Nargothrond voulait en venir.
« Tu essaies de me voler mon meilleur ami. »
Le ministre de Gondolin en écarquilla les yeux.
« Quoi ?! »
« C'est le mien ! Tu n'as qu'à t'en trouver un ! »
« Mais je vous assure que... »
Des larmes perlèrent aux yeux de l'aîné de la maison Finarfin.
« Les voleurs d'amis ne sont pas dignes de confiance ! » s'exclama-t-il, avant de conclure, en une dernière salve : « Je te déteste !! »