Je n'ai rien écrit de nouveau pour ce chapitre, mais là je relis le début et j'aime bien ce passage...
Ils rentraient en train jusqu'à Poudlard, car Malfoy n'avait pas voulu utiliser le tapis à nouveau. La lumière du soleil tomba sur le côté de sa tête alors qu'il regardait à la fenêtre, et le reflet qu'ils prirent, une luisance argenté mais non dure, un peu mate et brumeuse, lui rappela le moment où Narcissa leur avait fait ses adieux. Elle était venue jusqu'au quai de la gare, avec une sorte de robe victorienne qui lui montait jusqu'au cou. Ses cheveux étaient défaits et retombaient en de longues et épaisses ondulations sur les épaules gonflées de sa robe. Ses longs cils étaient courbés vers lui, tout comme le velouté de sa joue. Elle l'avait embrassé, et il avait respiré son parfum à la fois sucré et trop entêtant. « Merci pour tout, Severus. » Et elle l'avait ensuite repoussé en posant ses mains gantées sur ses épaules. Alors, Severus avait vu que Lucius, par dessus son menton qu'il avait encore plus levé que d'habitude, regardait sa montre de manière ostensible et agacée. Severus s'était rendu compte, en une révélation effrayée, que Lucius avait fini par avoir avec Narcissa ces regards épisodiquement irrités qu'il avait également avec lui. Et pourtant, tout en contemplant les beaux cheveux et les beaux vêtements de Narcissa qui lui disait au revoir, il se disait tristement qu'elle et Lucius se ressemblaient tant et qu'ils étaient faits l'un pour l'autre.
Lucius tourna de nouveau la tête, reprenant sa position de départ, et le scrutant cette fois, les yeux plissés. Un mouvement d'une rapidité inattendu : son regard lui perça le ventre. Car cette fois il ne l'évitait plus des yeux et n'avait plus l'air agacé : c'était un vrai contact. Et comme il s'était tenu, pendant une grande partie du voyage, avachi dans son siège, le bassin en avant, avec une sorte de nonchalance arrogante pleine de relents sexuels, Snape eut alors l'impression qu'il y avait en lui quelque chose de réellement diabolique. L'idée de Macnair qu'il fût un sournois empoisonneur pratiquant le vaudou sur d'innocentes victimes ne lui sembla plus si improbable. Il était bien ce « démon » dont Gwénolé avait parlé. Puis d'un coup, le visage de Lucius changea totalement d'expression, ses yeux se déplissèrent, et il eut le visage de quelqu'un qui vient de recevoir une blessure physique grave et qui éprouve une insupportable douleur.
« Lucius, tu vas bien ? », s'enquit Severus.
« Oui, ne t'inquiète pas », répondit-il, et il s'essuya le visage avec le mouchoir brodé qu'il avait sorti de sa veste.
Severus se retourna. Il y avait une fille brune juste derrière la porte du compartiment, avec un chignon et une natte qui pendait le long de son oreille. Elle était très pâle, de cette pâleur pleine de santé qui est celle de la jeunesse fatiguée, et se trouvait de profil, ce qui faisait ressortir sa pommette, avec une légère touche de rose qui courait jusqu'à sa tempe couverte par la tresse. Mais elle ne resta là, dans le couloir, que quelques secondes.
Lucius tenait toujours son mouchoir sur son visage. Il murmura : « Je... »
Severus tendit l'oreille.
« Je suis... »
Il baissa son mouchoir ; son visage et l'intérieur de ses yeux étaient rouges. Il pleurait.
« J'ai tellement mal, Severus. J'ai tellement mal que j'ai envie de mourir. »
La bouche du plus jeune, frappé de confusion, se crispa. Puis il se reprit et dit : « Tu la reverras bientôt. Juillet n'est pas si loin. »
Lucius eut l'air étonné de ces paroles, et cette surprise sembla stopper l'autre flux d'émotions qui s'était ranimé.
« Mais de quoi parles-tu ? »
De quoi parles-tu ?