Maudits Silmarils, livre II : chapitre 1, partie 1 (béta, PG)

Aug 02, 2015 18:47

Les premières lignes du livre II... Toute remarque (utile ou non) est la bienvenue.

Sinon pour rendre certaines choses plus compréhensibles, voici un lien au sujet du siège d'Angband, et aussi une carte. (j'espère que je ne me suis pas viandée)



Chapitre 1 : La jalousie

"Vous ne trouvez pas que l'ambiance est différente ?", demanda soudain Turgon, qui présidait une réunion de la table ronde. "Elle est plus calme, plus détendue..."

Penlodh haussa les sourcils et leva le menton.

"Ce n'est pas faux", concéda Galdor.

"Je me demande à quoi c'est dû..."

Les yeux de Turgon ponctuèrent sa remarque d'un rapide coup d'oeil jeté à la place du seigneur de la Fontaine, qui était déserte.

"Ah oui, Ecthelion est parti en stage à Barad Eithel depuis un mois. Quelles vacances cela nous fait, vous ne trouvez pas ? Plus de jérémiades, de scandales, de catastrophes, de scalps... Plus de table qui bouge parce qu'il arrête pas de bouger sa jambe. Ah oui et on n'est plus obligés de lui parler de son écuyer pour qu'il nous réponde."

"Moi je l'aimais bien", dit Salgant.

"Oui mais vous vous aimez tout le monde. Rien qu'à l'idée que c'est maintenant mon père qui va devoir le supporter.... C'est tellement bon."

Penlodh s'éclaircit la voix et manipula sa pile de papiers.

"Dans ce cas, vous serez peut-être satisfait d'apprendre que ce n'est plus le cas", déclara-t-il.

"Quoi ? Ne me dites pas qu'il revient ici ?"

"Non. Mais d'après un courrier que j'ai reçu ce matin-même, il a demandé à son altesse Fingolfin de rejoindre le camp militaire de Fingon situé sur Ard-Galen."

"Vous voulez dire que c'est mon frère qui va devoir le supporter ?"

Turgon semblait aux anges.

"Je devrais peut-être faire comme Ecthelion, tiens", murmura Aredhel, mais personne ne l'entendit.

"Au fait, il est parti avec son écuyer, du coup ?", demanda Rog. "Comment il s'appelle déjà... Blondin ?"

"Bien sûr qu'il est parti avec son écuyer. Vous ne pouvez plus les séparer, ces deux-là. Ils sont inséparables jusqu'à la mort. Je cite Ecthelion."

* * *

Belin, qui avait maintenant dix-neuf ans, était assis dans l'herbe jaune, sur l'une des rares aspérités que comportait la vaste plaine. De sa position, il pouvait observer le camp, en contrebas. Plus loin au sud, les pentes du Dorthonion. A l'Est, les landes désolées de la Lothlann. Les montagnes Bleues n'étaient qu'une ligne à peine perceptible. A l'Ouest, la vallée du Sirion et les Montagnes Grises, qu'ils avaient quittés, lui et son maître, il y a une semaine. Et enfin, au Nord, l'ensemble des montagnes de Morgoth, dont le volcan du Thangorodrim, étrangement silencieux et derrière lui, des monts enneigés, calmes et beaux. Mais la triple montagne noire qui en affleurait était hideuse, comme contre-nature, et Belin l'avait tout de suite détestée.

Il frissonna. Outre les militaires, il y avait quelques elfes qui vivaient ici et cultivaient la terre, mais comment pouvaient-ils supporter cela ? Avoir la forteresse du Diable en permanence dans leur champ de vision... Lui n'aurait pas pu.

Si l'herbe verte avait fini par recouvrir la terre de la région, cette dernière demeurait brûlée à certains endroits, comme malade à tout jamais. L'herbe y poussait jaune, et la végétation s'y flétrissait vite. Devant le camp, il y avait une grande bande de cette terre-là, sur laquelle était assis Belin en ce moment. On disait que c'était les endroits qu'avait dévastés Glaurung, quand il s'était élancé hors des cachots de Morgoth en tête d 'une légion d'orcs, tuant les parents d'Ecthelion. Il avait fallu toute l'habileté stratégique du prince Fingon pour parvenir à le défaire.

Belin se remit debout, épousseta la belle livrée que le Grand Roy Fingolfin lui avait donnée (pas directement, mais par l'intermédiaire de Messire). Il marcha un peu pour se dégourdir les jambes, et s'aperçut bientôt qu'il n'était pas venu pour rien. Sur l'herbe jaune, de la terre asséchée par le dragon, une plante différente avait réussi à pousser, un ensemble de fleurs roses délicates. L'humain se pencha pour en couper une, sans arracher de tige.

Puis il entendit quelque chose, et se redressant, il vit qu'un convoi militaire revenait du Nord. Ils étaient maintenant assez près pour qu'il puisse les voir, et voir la couleur de leurs bannières.

Elles étaient bleu ciel, comme les bannières du prince Fingon, qui était parti visiter les bastions de garde de la Grande Porte, avant leur arrivée.

Messire Ecthelion allait pouvoir rencontrer son héros ! Belin se mit à courir en direction du camp, sa fleur toujours dans la main.

Dans le camp, l'agitation régnait. L'humain s'adressa à un lieutenant noldo aux cheveux noirs comme de la réglisse, mais qui étaient rasés sur les côtés, et regroupés en d'étranges nattes toutes abîmées sur le sommet de sa tête. Il était très beau, mais son œil droit était toujours à moitié fermé, et l'intérieur en était blanc.

« Vous savez où est messire Ecthelion ? », lui demanda-t-il.

« La dernière fois que je l'ai vu », répondit cet elfe, « il était près du quartier général. »

« Merci. »

Belin courut pour rejoindre les grandes tentes du commandement. Il ne tarda pas à tomber sur Ecthelion, qui marchait vers l'entrée du camp.

« Messire, il y a son altesse Fingon qui arrive ! »

« Je sais », lui répondit Ecthelion. « J'y allais, justement. »

L'humain se souvint de sa fleur.

« Regardez ce que j'ai trouvé messire. Cette belle flor dans un des endroits maudits. »

« Mais qu'est-ce que vous allez faire dans les endroits maudits ? »

« Je ne sais point. »

L'écuyer baissa la tête.

« Vous venez avec moi ? », demanda Ecthelion.

« Oui messire. Mais prenez cette fleur. »

Le coeur gonflé d'amour, il l'accrocha à son armure.

« Elle est bien belle. »

« Si vous le dites... »

Mais Ecthelion la regardait à peine, tant il semblait tout entier tourné vers l'événement à venir, et la rencontre avec son héros de toujours.

La compagnie qui revenait du nord était composée d'une dizaine de cavaliers et d'une cinquantaine de fantassins. A leur tête trottait leur commandant, le fils de Fingolfin, qui était le seigneur de Dor-Lomin mais aussi et surtout le coordonnateur de cette partie du Siège. On ne voyait pas son visage, caché sous un heaume, seuls ses yeux d'un bleu d'azur et sa bouche, dont l'expression était sévère. Le suivaient plusieurs de ses barons, dont une femme aux longs cheveux gris. Belin vit qu'Ecthelion sembla se crisper à sa vue.

Arrivés à la hauteur de ce qui formait une grande place à l'intérieur du camp, les hauts seigneurs descendirent de cheval. Le prince Fingon ôta son heaume, délivrant une abondante masse de tresses brunes entremêlées d'or, qu'il secoua au soleil.

Ecthelion le regardait la bouche ouverte, l'air extatique et complètement pénétré, comme s'il avait devant lui, en chair et en os et en grandeur nature, la figurine de son enfance, venue à la vie par une sorte de miracle.

Fingon sembla l'apercevoir, fronça les sourcils et regarda ses armoiries. Le cœur d'Ecthelion s'arrêta quand il vit qu'il se dirigeait vers lui.

« Je ne vous ai jamais vu ici... Et ces armes... », commença le Prince.

Ecthelion s'agenouilla immédiatement.

« Je suis Ecthelion, seigneur de la Fontaine d'Argent, au service du roi Turgon votre frère. »

« Mon frère... Il est donc toujours en vie ? », plaisanta Fingon.

De nombreux rires accueillirent cette saillie.

« J'ai une lettre », balbutia Ecthelion. « Le roi votre père m'a autorisé à me mettre à votre service pour six mois. »

« Pas besoin de lettre, seigneur Ecthelion. J'ai bien connu vos parents. Et ne serait-ce que par loyauté envers eux, et reconnaissance pour leur courage, je ne pourrais qu'aquiescer à n'importe laquelle de vos requêtes. Mais par ailleurs, votre tante est ici, avec moi. D'après ce qu'elle m'a dit, vous ne vous êtes pas vus depuis très longtemps. »

La femme aux cheveux gris qui se trouvaient aux côtés de Fingon, et dont le blason représentait une fontaine dorée, s'approcha de lui, et ôta son casque.

Belin remarqua qu'elle avait une grande estafilade, assez récente, sur la joue gauche. Il vit aussi que le visage d'Ecthelion avait changé. Il s'était comme frippé. Belin ne lui avait presque jamais vue cette expression - sauf quand il tombait malade. On aurait dit qu'il avait peur.

« Mon neveu... », fit la femme. « Tu es un grand garçon maintenant. Et fort joli je dois dire. »

« Je ne suis pas joli... », protesta Ecthelion.

Fingon s'était déridé semble-t-il. Il arborait maintenant un franc sourire.

« Nous allons dîner de ce pas, seigneur de la Fontaine », déclara-t-il. « Joignez-vous à nous. Vous me ferez un immense plaisir. »

Ecthelion ne se fit pas prier, et le suivit vers les tentes du haut commandement, comme hypnotisé. Belin ne le revit pas de la soirée, mais quand il sortit prendre l'air, au crépuscule, il trouva sur le sol, non loin de la tente de Fingon, la fleur qu'il avait donnée à Ecthelion, et qui devait être tombée de son armure.

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