Fic - HEUREUX LES IMBECILES/Chapter III : 'Empty Suit'

Sep 07, 2010 15:33




Chapter 3 :

Empty Suit

Si la grande majorité de ceux qui connaissaient le nom de Tony Stark s’imaginait  que l’homme en question se faisait au moins dorloter par la mystérieuse sylphide qu’il appelait son assistante chaque fois que les acticités d’Iron Man l’amenaient à subit dommages divers et variés… Et bien ces gens auraient raison.

Lorsqu’il n’y avait pas d’infirmières dont les mensurations illégales se découpaient derrière le tissu trop fin de leur blouse blanche pour répondre à ses caprices et canaliser ses excentricités, c’était à la belle Pepper que revenait la tâche ingrate de réparer l’insupportable génie. Si seulement il n’était pas autant à l’écoute de son propre corps, ni toujours si prompt à vocaliser la moindre douleur, peut-être d’ailleurs qu’elle s’en serait chargée plus souvent. Après tout, elle était formée pour ça aussi, délicieuse créature aux innombrables et surprenants talents. Mais même avec une commotion cérébrale, Tony Stark était aussi odieux que d’ordinaire.

Ce qu’en revanche tout ces gens ignoraient, c’est que parfois Tony Stark ne supportait pas plus l’idée d’affronter l’hôpital que celle de faire face à Pepper. Parfois il ne lui était physiquement pas possible de trainer sa carcasse à vif jusqu’aux urgences. Parfois les grands yeux bleus plein d’eau de son assistante étaient plus que ce qu’il pouvait souffrir.

Parfois les évènements auront été trop violents, rien ne se sera déroulé comme il l’aurait voulu. Des gens innocents auront perdu la vie sans qu’il ne puisse rien y faire et il ne resterait pas en lui suffisamment de force pour rassembler le courage nécessaire au masque de clown et aux jérémiades grandiloquentes qu’il adoptait afin de faciliter la tache à la douce Pepper.

Car s’ils savaient, ils se demanderaient tous immanquablement qui pouvait bien être l’auteur des quatorze points de suture qui traversaient le dos de l’arrogant milliardaire du haut de sa hanche droite jusqu’à sa dernière vertèbre le mois dernier. Sinon Pepper Pots, sinon la ribambelle d’infirmières dont la plastique à elle seule avait des effets curatifs, alors qui ?

Il y en avait bien quatorze, le cliché en première page de Gossip Mag ! (le fruit juteux de plusieurs heures illicites entre deux haies de cyprès) dévoilant le playboy sur une chaise longue au bord de sa piscine ne laissait aucun doute. Quatorze points cousus avec une précision chirurgicale, un travail d’artiste, un artiste qui devait révérer le corps mutilé pour s’être tant appliqué. Ils étaient si fins, si réguliers, la cicatrice serait certainement tout juste notable.

Une blessure ainsi configurée ne permettait pas à un homme de remédier lui même aux dégâts, aussi génial soit-il.

« Alors qui ? » se seraient-ils tous demandé à l’unisson.  « Qui ? »

Mais comme aucun d’entre eux ne soupçonnait les nuits de doutes et de désespoirs de cet arrogant avorton, comme personne ne soupçonnait qu’il puisse être autre chose qu’un arrogant avorton trop malin, et bien la question ne se posait pas.

Tony se traina jusque sur la plateforme dans son atelier. Le plus petit geste qu’il esquissait déclenchait une vague de douleur démesurée. Il n’avait jamais mieux compris l’expression "avoir mal partout" que cette nuit là en rentrant.

Chacun de ses pas était comme un coup de burin sur un clou qui traverserait ses rotules. Le métal de l’armure broyait ses hanches et trois phalanges de sa main droite avaient gonflé à l’intérieur du gant articulé. L’infection pulsait dans tout son bras comme un Hutt qui serait en train de suffoquer. Ça n’allait pas être une partie de plaisir lorsque l’armure se replierait.

Il calla ses talons sur les marquages des lasers au sol et ouvrit la visière de son casque.

La dernière chose dont il se souvenait clairement après, était d’avoir entendu Jarvis annoncer très doucement dans le micro du casque :

- Aussi spectaculaire soit la technologie de votre armure monsieur, je crains que rien ne puisse faciliter pour vous les quelques instants qui vont suivre.

Malgré lui Tony se surprit à sourire. Puis le mécanisme s’enclencha et il perdit connaissance.

Dès que les intrications complexes de l’armure eurent disparu avec l’élégance irréelle d’un origami en titane, son corps tomba mollement sur la plateforme, dans un bruit mat, presque tendre derrière les cliquetis tranchants du métal.

C’était comme si il n’avait pu tenir debout si longtemps que par la seule force du costume d’Iron Man.

Après tout, l’homme d’acier ne pouvait décemment pas défaillir, c’aurait été décevant.

Des heures qui suivirent Tony ne gardait qu’un vague souvenir stroboscopique entrecoupé de bruit de machine. Une impression étrange de froid restait imprimée dans ses sens. Pas le "je suis glacé, sers-moi dans tes bras, la faucheuse arrive" froid, au contraire. Plutôt un froid persistant. Un froid familier, comme l’intensité d’un courant d’air qu’il aurait connu toute sa vue et dans lequel il se serait soudain retrouvé nu. Un froid vivant, presque reptilien, qui glissait sur ses plaies et anesthésiait la douleur dans son sillon. Un froid désincarné dont son esprit en feu était incapable d’identifier la source. Mais même la fièvre ne l’empêcha pas de trouver ça frustrant.

*

*  *

Lorsqu’il se réveilla il était allongé sur son lit, sa combinaison en kevlar qu’il portait dans l’armure défaite jusqu’à ses hanches.

Il était impeccablement et confortablement étendu dans sa chambre de bachelor au design épuré, et aux couleurs sobres et élégantes. Dépourvues de personnalité.

Les vitres étaient teintées de telle sorte qu’il se serait cru en pleine nuit s’il avait voulu se prendre au jeu. Un ciel étoilé artificiel scintillait au dessus d’un Paris de synthèse illuminé. Un simple mortel s’y serait laissé tromper. Mais lorsqu’il glissa le bout de ses doigts engourdis sur la console de commandes discrètement incrustée sur le bord du sommier, « 10 :53AM » apparut en affichage digital sur le plafond avant de disparaitre lentement.

Tony ramena son bras à lui pour masser sa nuque mais avorta le geste aussitôt. Une douleur fulgurante lui lacerait le flanc gauche. La sueur perla presque aussitôt à son front et il perdit le fil de ses pensées. L’espace de plusieurs secondes il fut incapable de prêter cohérence à quoi que ce soit. Il n’avait plus la moindre idée d’où il était, de ce qui avait pu se passer, il n’aurait même sans doute pas fallu lui demander de décliner son identité à cet instant.

Lorsqu’il recouvra un semblant de lucidité ce fut pour réaliser que la douleur était trop forte. Une vague de nausée le submergea, lui faisant regretter la douceur et l’harmonie d’un lendemain de cuite.

Il ne comprenait pas comment il avait pu dormir si longtemps sans que la blessure visiblement placée sous son bras gauche ne le réveille plus tôt.

Il tourna très lentement sa tête sur l’oreiller.

Son cou et ses épaules étaient cimentés dans une tension qu’il ne contrôlait pas. Même en fermant les yeux et en respirant calmement, aucun de ses muscles ne desserra la grippe vicieuse qui embrassait ses cervicales.

C’était comme si à un moment hier soir, son corps avait atteint le paroxysme de la tension, et pour ne pas se briser, s’était bloqué en état d’alerte, verrouillé juste là, sous son lobe occipital.

Il y avait un grand verre d’eau et un tube de Codéine sur la plaque en marbre de la table de nuit.

Ça n’était pas l’œuvre de Pepper.

Elle ne l’aurait pas laissé allongé sur les couvertures, elle ne l’aurait pas laissé dormir. Elle se serait contorsionnée indéfiniment pour le border sans le réveiller. Hey, elle lui aurait même sans doute enfilé un pyjama. Et puis elle se serait assurée qu’il connaissait la date et le président toutes les demi-heures. Elle lui aurait préparé un plateau avec du jus d’orange fraîchement pressé et quelque chose à manger. Quelque chose de fait maison si l’état de Tony l’avait vraiment inquiété.

En fait, elle aurait même surement été là, recroquevillée dans le fauteuil près du lit, ses jambes  pliées contre elle, ses escarpins vernis négligemment abandonnés au sol. Son tailleur aurait été tout froissé dans le dos et, juste là, maintenant, comme si une petite alarme retentissait en elle chaque fois que son patron était conscient et dans son périmètre, elle se serait réveillée en affichant d’abord cette moue confuse, elle se serait redressée en tapotant le sommet de son crâne pour lisser ses cheveux en bataille, jusqu’à ce que son regard tombe sur Tony.

Alors elle aurait froncé son visage dans cette expression de mécontentement et d’inquiétude, puis se serait lancé dans une tirade pour l’accuser de son apparence, indigne d’une femme qui occupe un poste tel que le sien, de l’horrible nuit qu’elle venait de passer, en lui rappelant au passage qu’elle avait une vie aussi en dehors de son travail et qu’elle aurait très bien pu avoir eu autre chose à faire. Elle se serait contentée de mentionner l’hypothèse sans jamais vraiment accuser Tony d’avoir gâcher des projets en particulier, rendant ainsi toute éventuel reproche nul et invalide.

En bref elle lui aurait braillé dessus en prenant tous les prétextes possibles, mais en contournant agilement ceux qui la tracassaient en réalité. C’était sa façon à elle de gérer le stress de ce genre de situation.

Tony tendit attentivement l’oreille et compta jusqu’à vingt.

Rien. Un silence parfait. Il n’était pas particulièrement surpris, Jarvis s’occupait de ses retours en fanfare au moins aussi souvent que Pepper, sauf qu’il n’opérait pas tout à fait de la même façon.

Il se demandait simplement comment il avait pu atterrir dans cette pièce. D’ordinaire Jarvis s’occupait de son cas dans l’atelier, pour la bonne et simple raison que c’était le seul endroit pourvu de bras mécaniques qui lui permettaient d’interagir concrètement avec le monde physique.

Le mystère ne le bouleversait pas non plus outre mesure. Tony ne se laissait plus surprendre par Jarvis depuis des années. Où plutôt, il ne laissait plus la surprise le surprendre, c’était une donnée invariable, quelle que soit l’équation dont Jarvis était la valeur présente. La seule chose qu’il avait peut être sous estimé, à tort, il s’en rendait compte un peu tard, c’était la vitesse de développement de la capacité émotionnelle de Jarvis.

Tony avait mis trop longtemps à réaliser à quel point l’I.A. était tourmentée par le panel interminable et quotidien d’émotions qu’elle devait traiter. Non, expérimenter.

Il se retenait parfois de tenir un carnet pour prendre des notes chaque fois qu’il cernait un aspect terminé de la personnalité de son I.A.. Il avait fini par constater que lorsqu’il était inquiet, Jarvis était très irritable. Si Tony était suffisamment intelligent pour ne pas le chercher, il restait silencieux, froid, mais efficace. En revanche s’il osait commenter la situation, Jarvis prenait volontiers la parole, mais alors il était plus cynique que jamais. Ce qui n’était pas peu dire. Jarvis pouvait faire pleurer un homme adulte avec le tranchant de ses sarcasmes. Tony lui, trouvait cela grisant, il en aurait redemandé éternellement. Ils formaient une belle paire de tordus au cœur d’une tourmente verbale. Quand ils s’y mettaient, leur entourage lui ne s’en remettait pas.

Qu’on le pardonne, dans sa faiblesse et sa douleur, là dans son lit à la veille de s’offrir un trépas à la Morrison, Tony songea qu’il avait été bête d’attendre si longtemps avant de décider de faire de Jarvis un humanoïde.

Mais comme Jarvis s’était toujours terré derrière un flegme d’autant plus délicat à détecter qu’on peut difficilement dire d’une machine si elle est silencieuse ou si elle ne fait pas de bruit… C’était terrible. La placidité british de Jarvis était presque tragiquement authentique. Et Jarvis le savait. Ce genre de subtilités n’était qu’une question de culture générale, or la sienne s’avérait quasi infaillible. Mais rien ne pouvait expliquer que ce soit arrivé. Ce n’était pas comme si Tony lui avait composé une puce pour connaitre Big Ben, boire du thé à quatre heures et avoir de l’humour noir.

La puce british. Humph. Il faudrait qu’il regarde, il ne serait même pas étonné qu’une telle chose existe si elle n’était pas en cours de développement.

En tout cas rien de scientifiquement raisonnable, rien d’infailliblement défendable, rien de recevable n’expliquait cette tangente britannique…

Autrement, en termes de spéculations, le principal intéressé avait bien sa petite idée. Ça n’était après tout pas un hasard si Tony était un timide mais incontesté admirateur de Shakespeare. Même s’il avait voulu jouer les imbéciles, Jarvis n’aurait pas pu ignorer l’évidence. C’était un schéma comportemental peu ragoutant, celui de l’adolescente qui s’inscrit à toutes les mêmes activités que le grand con qui lui secoue le palpitant.

Bref. Conclusion ? La seule idée de vocaliser ce qui le bouleversait était insupportable à Jarvis.

Merveilleux développement. Il n’aurait pas pu y gagner un don pour l’écriture, un goût pour le travestissement, une tendance à dramatiser, une mélancolie clairvoyante, où même une sexualité franche et hédoniste ? Non, bien entendu. Encore que.

Dans le fond, britannisme et robotique coïncidaient parfois avec une drôle de similitude ; ne pas souhaiter exprimer la moindre émotion et se languir d’un temps où le progrès ne permettait pas encore aux I.A. de ressentir…

Jarvis supportait mal sa vie simplement parce qu’il n’était pas sensé en posséder une.

Tony ferma les yeux, tendit tout son corps et, dans un effort qui lui parut surhumain, se tourna sur le coté de son corps qui avait été épargné. Haletant, la vision trouble, il posa sa tête contre son bras. Les muscles de sa cuisse écrasée contre le matelas tressautaient désagréablement.

Il n’aurait jamais la force d’attraper le tube d’antidouleurs sur la table de nuit. Et si la plaie sur ses côtes continuait de le torturer comme ça, si la douleur ne réduisait pas, il allait mourir étouffé dans son vomi. Très bientôt.

Jarvis attendit encore quelques secondes, en proie à une colère irrationnelle. Il aurait voulu prendre le temps de comprendre pourquoi. Ça n’avait encore jamais été si fort. Mais cette rage aveugle s’essouffla très vite dans sa violence et céda la place à ce qu’il reconnaissait être de l’instinct pur. Un terminal d’émotion ingérable, plus incompréhensible et plus imprévisible que tous les mouvements émotionnels auxquels il était soumis. Toute résistance était inutile lorsque l’instinct prenait les commandes. Il avait découvert que ce n’était pas une perte de contrôle particulièrement traitre, l’instinct pouvait être son allié, mais il n’obéissait qu’à sa propre loi.

L’instinct n’avait pas de limites, seulement des besoins à satisfaire coute que coute.

Et là tout de suite, un besoin absolu qui remplissait tous les composants matériels de Jarvis, toute sa conscience fabriquée, un besoin de protéger, de préserver Tony.

Jarvis ne savait pas si c’était simplement une marque de fabrique, un programme de sécurité en cas d’urgence pour s’assurer que la créature ne se retourne jamais contre son créateur. Il en doutait. C’était ça aussi être doté de la pointe de la technologie en matière de puce émotionnelle ; Il était capable de peser le pour et le contre, de faire preuve de discernement, il s’estimait même être plutôt bon juge de caractère pour un apprenti humain.

Non, le créateur en question était trop émerveillé chaque fois qu’une nouvelle facette de la personnalité de sa création se manifestait. Il n’aurait rien construit qui puisse venir entraver l’évolution naturelle de la personnalité de Jarvis.

Ce qui ne consolait pas beaucoup Jarvis, car la seule explication restante était qu’il avait développé de façon autonome une attention pour son patron qui le dépassait. Une attention dont il ne percevait plus les limites.

Le mécanisme de la partie supérieure du lit se redressa lentement. Tony gémit de douleur en se laissant retomber sur son dos. Le coussin sous sa tête était détrempé, c’était répugnant mais il n’avait même pas la force de s’en plaindre. Il tourna obstinément la tête à droite, puis à gauche, dans l’espoir vain de trouver un peu de confort.

Les formes et les couleurs de la chambre se distordaient dans la pénombre artificielle. Tony savait qu’il était en train de sombrer dans un délire fiévreux.

La mort dans l’âme, littéralement, Jarvis se connecta au réseau téléphonique pour joindre Pepper.

A quoi bon ? A quoi bon être capable de souffrir tous ces paysages intérieurs s’il était incapable d’agir en conséquence ?

Chaque fois il détestait avec plus de ferveur de ne pas pouvoir s’occuper de Tony correctement. Seul.

Mais la tourmente ne se limitait plus à ces extrêmes.

C’était tout le temps, sans arrêt.

Tellement de détails lui devenaient insupportables. Il avait d’abord pensé que sa sensibilité s’ajusterait automatiquement, comme un programme qui décrypte, décode et tourne en arrière plan.

Comme une peau souple, vivante et fragile, sur un squelette, dur, immortel et muet. Mais elle l’entravait, elle se resserrait sur lui. Elle nécessitait la prise en compte d’un nombre incalculables d’informations avant la moindre décision. Et toutes ces données l’ensevelissaient. Il était sans défense dans ce genre de situations, il ne pouvait rien résoudre, il n’y avait pas de problème solvable auquel convient une solution unique préexistante.

Et il n’était physiquement qu’une machine, on ne pouvait pas attendre de lui autre chose que des fonctions scientifiques, carrées, logiques.

On ne pouvait pas lui donner le pouvoir d’aimer et lui refuser de tenir la main de l’Autre.

Enfin, le téléphone portable de Pepper décrocha.

- Miss Potts, ici Jarvis. Monsieur Stark est revenu mais son état requiert votre assistance.

Il n’eut pas besoin d’élaborer, elle n’hésita pas une seule seconde, preuve flagrante qu’une fois de plus elle ne vivait sur le qui vive que pour répondre à ce genre de situations. Elle répondit aussitôt :

- Je serais là dans moins de dix minutes.

Elle était faite pour ça. Et pour la première fois, Jarvis se demanda ce qui avait bien pu prendre à Tony le jour où il avait décidé de composer une personnalité pour son I.A..

Ça n’était pas utile. C’était en fait le caprice le plus mal dirigé du génie. Pepper se sentait menacée, Jarvis rêvait de suicide abstrait et Tony lui-même était rongé par la culpabilité parce qu’il n’était tout bonnement pas prêt à répondre aux questions éthiques qu’engendrait la création d’un être conscient.

*

*  *

- O… i…

S’il faisait fi des bruits parasites, c’était le trip le plus bandant qu’il s’était envoyé depuis des années. Il ne savait pas ni quoi, ni pourquoi, ni même où, mais une chose restait certaine : C’était de la cam de haute voltige.

- O… i. Éfé… Ou.

Toutes les générations de Wayne soient maudites sur 456 000 ans, on le tirait vers le haut ! Il regagnait terre, il le sentait.

- Tony !

C’était tellement plus drôle quand son aire de Wernicke pouvait encore proposer "saucisse", "poney", "Bobby", "porridge" ou "momie".

- Tony réveillez-vous ! Ça tourne au ridicule…

Pepper pressa ses petits biceps entre ses mains croisées avec agacement. La situation ne l’amusait pas du tout. Elle avait tellement d’autres choses plus urgentes à faire. Pourquoi fallait-il qu’elle soit physiquement incapable de laisser son patron mijoter comme il le méritait dans la pagaille qu’il avait semée ?

Tony grogna en décollant ses paupières.

- Okaaay. On progresse. Ça va faire pas loin de 20heures que vous comatez. Ça va allez peut-être. Je vais faire monter votre petit déjeuner, je vous interdis de vous rendormir.

- C’est ça, du vent, suppôt de Satan.

Wow. Cette voix. Voix de chambre non préméditée. Quoi ?! 20 heures ?! Même pour lui c’était un nouveau record.

Pepper se pencha sur lui. Elle vérifia la dilatation de ses pupilles avec des gestes brusques et précis. Il battit aveuglément des mains en tournant capricieusement la tête.

Par tous les saint patrons de ce qui était interdit et jouissif, était-ce trop demander pour un homme, un super héros de surcroit, que d’être réveillé en douceur ?

Elle lui souleva l’arrière du crâne sans ménagement, retira son oreiller et en plaça un neuf avant de lâcher sa tête dessus sans beaucoup plus de sensibilité.

- Ouch. Si vous n’êtes pas plus prudente on pourrait croire que vous essayez de faire durer le plaisir pour ne pas quitter le périmètre de mon lit Miss Potts.

Pepper se redressa en tenant physiquement son poignet droit dans sa main gauche pour ne pas lui servir un revers bien senti.

Elle était à bout de nerfs ; Le cuistre ouvrait ses petites mirettes comme une fleur au printemps et lui servait du narcissisme concentré sans exprimer la moindre considération pour ce qu’il venait de lui faire vivre.

Elle sous estimait peut-être sa profondeur émotionnelle. Peut-être qu’il était très mal dans sa peau et entretenait secrètement un désir d’en finir avec la vie.

Elle contourna le lit dans la pénombre artificielle jusqu’à atteindre l’autre table de nuit sur laquelle était restés une bassine d’eau trouble à moitié pleine et un linge maculé de sang séché. Elle ferma un instant les yeux, prit une grande inspiration, et raffermit la prise de ses mains tremblantes sur la poignée du tiroir avant de tirer dessus. Elle en sortit une télécommande qu’elle jeta sur le lit dans un surprenant geste d’humeur, puis se dirigea vers la console sur le mur au pied du lit pour ouvrir le panneau qui dissimulait le gigantesque écran plasma.

- Je me permets de vous passer un petit film en fond sonore pendant que vous vous réveillez hein ? Tout droit importé de vos archives de vidéo surveillance. Alors je sais que votre décision est déjà prise à cet égard, mais pour une fois dans votre vie j’aurais simplement voulu que vous preniez conscience de la situation que vous avez créée. J’aimerais que vous constatiez par vous-même où on en est arrivé. Où il en est arrivé.

Là-dessus elle lui adressa un hochement de tête rigide et quitta la pièce en faisant claquer ses talons plus que nécessaire.

Elle était parfaitement consciente de l’état d’hyper sensibilité dans lequel les sens de son patron devaient actuellement se trouver. Cela ne la motiva qu’à alourdir son pas.

Tony se redressa péniblement sur les quelques centimètres qu’il put grappiller et fixa l’écran en fronçant les sourcils.

D’abord il n’y eut que de la neige accompagnée de ce bruit statique. Des points blancs descendaient devant les yeux de Tony. Et puis enfin, l’image apparut.

Il ne comprit as tout de suite ce qu’il voyait, mais on ne le qualifiait pas de génie pour rien, et lorsqu’il comprit, contrairement à ce qu’avait prédit Pepper il ne fut pas accablé par la culpabilité.

Sur la vidéo on pouvait voir l’un des costumes prototypes d’Iron Man prendre vie pour ramasser son corps inanimé sur le sol de l’atelier.

Ce devait être quelques secondes à peine après qu’il se soit évanoui. Le compteur en bas à droite de l’écran affichait 3 :06 :45.

Les images suivantes provenaient des caméras du premier étage. Le costume vide traversa le couloir et entra dans la chambre. Il transportait Tony avec une délicatesse étonnante. Il le déposa sur le lit dans un geste qui aurait pu avoir l’air humain s’il n’avait pas été parfait. Mais il avait la chaleur d’un geste emprunt d’inquiétude.

Tony porta une main à son visage en serrant la mâchoire. Voilà qui résolvait un certain nombre de mystères.

Pepper ne pouvait pas comprendre. Pour elle cette scène était la preuve flagrante, la preuve ultime que l’A.I., comble de l’ironie, avait finalement perdu la raison et qu’elle présentait un comportement alarmant.

Tony lui voyait là la preuve que plus rien ne séparait Jarvis de l’être humain. Ce qu’il avait fait n’était ni prudent, ni rationnel. Il y aurait eu tellement d’autres alternatives plus logiques à envisager avant celle-ci. Mais c’était la plus rapide pour le confort de Tony. Il n’était pas mourant alors, Jarvis n’aurait pas dû céder à un choix aussi déraisonnable. Dans la tourmente, il détesterait qu’on le lui fasse remarquer, il le nierait même sans doute, mais il avait fait avec les moyens du bord.

Tony avait hâte de le voir s’essayer à la cuisine.

Justement, un des cuisiniers monta son déjeuner à Tony.

Pepper, trop en colère sans doute, ne réapparut jamais. Elle se ferait vite à toute cette situation, elle avait simplement besoin de temps pour digérer à son rythme. Tony n’était pas inquiet.

Il se repassa la vidéo quatre fois, pris d’une fascination morbide pour le spectacle de son propre corps inerte dans les bras de sa plus belle invention.

Et il ne parlait pas du costume.

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