[Fic] Les pieds froids, Cercle des Poètes Disparus, Neil/Todd [de Chester, pour Cornelius]

Jun 29, 2010 19:24

Titre : Les pieds froids
Auteur : Chester (Participant 3)
Pour : Cornelius (Participant 28)
Fandom : Le cercle des poètes disparus
Persos/Couple : Neil/Todd
Rating : G
Disclaimer : Peter Weir pour la réalisation.
Prompt : Le cercle des poètes disparus - Neil/Todd - J'aimerais bien quelque chose de fluffy en mode "vie de tous les jours". Ca n'a même pas besoin d'être franchement du slash, juste de l'amitié choupie me suffirait, c'est comme tu le sens. D'ailleurs, si tu veux ajouter un côté un peu doux-amer à la fin au lieu de faire du fluff pur, ça me va aussi. Tout ce qui est références au théâtre, à la poésie ou à la littérature en général serait bien !


Clic. Une main un peu tremblante éteint la lumière. Vite, l’autre allume la lampe torche. Les draps du lit deviennent tente, grotte, refuge. Le garçon assis en tailleur sur le matelas respire plus lentement. L’odeur qui règne dans la chambre n’est pas celle qui règne dans une grotte cependant. Charlie hurlerait probablement que cela sent le fauve. Mais cela ne dérange pas Todd. Il s’agit de son odeur, après tout. La sienne et celle de Neil… Il s’agite sous les draps, mal à son aise. L’épais volume des œuvres de Shakespeare glisse entre ses mains moites. Brusquement, il a du mal à respirer. Il ferme les yeux un instant, feuillette le livre au hasard. Son doigt s’arrête sur une page, il rouvre les yeux. Analyse de texte. Puck est le pendant, dans la mythologie irlandaise médiévale, du dieu Pan… Pan, mythologie grecque, programme de première année. Dieu protecteur des bergers et des troupeaux. Il est généralement figuré avec des pieds de bouc et des cornes. Dieu également de la foule et de ses débordements, d’où l’origine du mot « panique ». Amant du berger Daphnis… Todd repousse le livre, enfouit le visage entre ses mains. Il fait de son mieux pourtant. Il veut vraiment être un bon élève, un bon fils. Ce n’est pas sa faute s’il éprouve ce genre de pulsions qu’il refoule de plus en plus mal.

Une main curieuse soulève le drap, laisse passer l’air frais qui caresse le visage en sueur de Todd.

- Neil ?

Un rire moqueur, un peu exalté, lui répond.

- Puck, voyons. Puck ! « Je suis ce joyeux esprit errant de là-haut ; je fais rire Oberon par mes tours, lorsque, en imitant les hennissements d'une jeune cavale, je trompe un cheval gras et nourri de fèves. Quelquefois je me tapis dans la tasse d'une commère, sous la forme d'une pomme cuite ; et lorsqu'elle vient à boire, je saute contre ses lèvres, et répand sa bière sur son sein flétri ; la plus vénérable tante, en contant la plus triste histoire, me prend quelquefois pour un tabouret à trois pieds : soudain, je me glisse sous elle ; elle tombe à terre, elle crie : tailleur, et la voilà prise d'une toux convulsive ; alors toute l'assemblée se tient les côtés, éclate de rire, redouble de joie, éternue et jure que jamais on n'a passé là d'heure plus joyeuse. » (1)

Neil saute, retombe assis en tailleur face à son camarade. Ses yeux brillent encore de l’exaltation qu’y allument toujours les répétitions de théâtre, mais son visage souriant se fait sérieux à la vue de l’expression de Todd.

- Encore à réviser ? Tu ferais mieux de te distraire un peu. Carpe Diem, mon ami.

Todd secoue la tête, souriant malgré lui. La joie qu’irradie Neil est contagieuse. Et il le trouve beau, oh ! Il enfonce ses ongles dans ses paumes, s’efforce de donner le change.

- Je lisais du théâtre.

Neil s’empare du volume resté ouvert.

- Songe d’une Nuit d’été. Excellent choix, j’approuve.

Puis, passant du coq à l’âne :

- C’était beau, ce que tu as dit cet après-midi.

Todd rougit. Cet après-midi… Le souvenir s’en est gravé au fer rouge dans sa mémoire. Lui debout au tableau, Keating qui le pressait, les élèves qui riaient puis les paroles qui s’échappaient de sa bouche sans qu’il puisse les retenir, incontrôlées.

- Tu trouves ?

- Mais oui ! « La vérité, c'est comme une couverture qui vous laisse les pieds froids ». C’est beau, comme image.

- Je ne sais pas.

- Je te l’ai déjà dit : tu devrais avoir davantage confiance en toi.

- J’ai froid aux pieds.

Todd se mord les lèvres, tente de se convaincre qu’il n’a pas dit ça, là, tout de suite. En vain. Les yeux de Neil rient à la lumière de la lampe torche.

- Et qu’est-ce que la couverture de la vérité peine à recouvrir ?

Todd secoue la tête. Il ne peut pas lui dire. La vérité, c’est qu’ils sont amis. Le reste n’est que pure élucubration d’un esprit troublé. Malade, peut-être.

Devant son silence, Neil avance la main, caresse la cheville à sa portée, à côté de Shakespeare, descend jusqu’aux doigts de pied.

- C’est vrai qu’ils sont glacés.

Ses longs doigts chauds entourent les orteils, les massent doucement pour les réchauffer. Todd n’ose plus respirer. Il aimerait lui dire d’arrêter, tout de suite, tellement c’est insupportable à force d’être bon. Il aimerait lui crier de continuer. Il se mord la langue et il se tait. Un goût métallique envahit sa bouche. Il se demande si c’est ça le goût de l’amour, rouge et un peu âcre. Sans doute pas. Puisqu’il ne s’agit que d’un fantasme d’adolescent, son entourage l’a prévenu, dans les collèges de garçon il faut se méfier, éviter les jeux bizarres. Sauf que c’est lui qui se sent bizarre.

- Donne l’autre.

Neil n’a rien remarqué, Neil lui sourit. Il devrait peut-être lui dire de se méfier. Il devrait peut-être lui dire tout court. Un pressentiment serre soudain le cœur de Todd. Toutes les belles choses sont éphémères et les bons moments trop courts. Cet instant de tendresse lui apparaît à l’image de la lumière de la lampe torche, une petite flamme vacillante menacée par l’obscurité.

- Tu es sûr que ça va bien ?

Deux lèvres fraîches effleurent son front. Il n’a pas le temps de réagir, Neil esquisse déjà une moue.

- Pieds glacés, tête chaude, ce n’est pas une bonne combinaison. Toi, tu nous couves quelque chose.

- Mais…

- Crois-en un fils de médecin.

Todd se laisse allonger, border. Neil sort un moment, revient avec une tasse à la main. Du couloir des bruits de rire parviennent à Todd. Il se sent bien dans leur chambre, comme à l’abri d’un cocon. Il lui vient des envies de fermer la porte, de ne plus laisser Neil ressortir pour le protéger… Il ne sait pas de quoi exactement. Juste qu’il aimerait que ce moment dure toujours, tous les deux sur son lit, sa tête sur les genoux de son ami qui l’incite à boire la tisane au miel. La boisson est chaude et sucrée comme un baiser. Les doigts de Todd se lèvent, viennent s’enlacer à ceux de Neil. Ses paupières se ferment.

- Merci.

- De rien.

A-t-il rêvé ou y a-t-il eu une intonation un peu tremblée dans le ton de Neil, une imperceptible fêlure ? Ses paupières trop lourdes refusent de se relever. Il se blottit dans la chaleur rassurante de son camarade, les bras passés autour de sa taille. Il se sent bien, il n’a plus envie de bouger. Une caresse légère effleure sa nuque, il dort déjà. Il rêve. Il rêve les bras de Neil autour de lui, les mots tendres qu’il chuchote à son oreille, le chemin mouillée de ses lèvres dans son cou. Il voudrait ne jamais se réveiller.

(1) Tout ce passage est une citation du personnage de Puck dans la pièce de Shakespeare, le Songe d’une nuit d’été.

le cercle des poètes disparus, pour:cornelius, fic, auteur:chester

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