Titre : Toutes ces fois où...
Auteur : Elément déclencheur (Participant.e 12)
Pour : Echolalie (Participant.e 13)
Fandom : Thomas Le Rimeur
Persos/Couple : Thomas(/La Reine, /Elsbeth)
Rating : T
Disclaimer : Thomas Le Rimeur est un roman de Elle Kushner
Prompt : Thomas au royaume des fées, toutes les fois où il a failli sombrer dans le désespoir en pensant qu'il ne rentrerait jamais chez lui
Notes : Je profite du court délai accordé par Nelja pour écrire sur ce petit prompt. J'ai toujours eu envie d'écrire sur ce fandom difficile, c'est ainsi chose faite. Bien sûr, ce prompt laisse beaucoup de place à l'introspection, et j'ai essayé dans la mesure du possible d'imiter (maladroitement évidemment) le style de Kushner, emprunt de poésie et de figures de style.
Les merveilles qui l’entouraient ne cessaient jamais de l’émerveiller et il allait sans cesse de surprise en surprise.
Pourtant, rien ne change au pays des fées, et certains instants restent teintés de mélancolie.
Les pires moments étaient ceux où il était seul. Vraiment seul. C’étaient dans ces moments-là qu’il souhaitait commettre des bêtises irréparables, où les sentiments les plus noirs naissaient dans le creux de son coeur.
Son âme en danger se rebellait contre la colère qui envahissait ses sangs, et la tristesse qui l’envahissait alors était d’une violence sans égale, détruisant tous les bons souvenirs pour ne laisser que la peur, le regret, les certitudes d’abandon et de mort prochaine.
Parfois il se disait même qu’il avait simplement perdu l’esprit, que rien de tout cela n’était réel, qu’il n’était aimé de personne et qu’il était en train de mourir en bavant de la mousse dans un fossé. Cette éternité de magie n’était que la dernière lueur psychédélique de son cerveau juste avant de le noyer dans les ténèbres du trépas.
Il en tremblait chaque fois d’angoisse.
Quand il parlait à la reine, il avait souvent l’impression qu’elle ne l’écoutait que d’une oreille, et ça l’agaçait. Il y avait de petites vengeances et de petites punitions, mais jamais rien de dramatique.
Il savait sans qu’elle ait besoin de le dire, qu’il y avait des limites à ce qu’elle accepterait de la part de son jouet. Il aimait jouer avec ses limites, mais lorsqu’il s’en approchait de trop près et qu’elle devenait froide et rigide comme les frimas de décembre, comme la neige qui durcie dans le poing quand on serre, alors il devine que sa nuit sera terrible, parce qu’il n’y aura nulle consolation.
Parler lui plaisait, et ne plus pouvoir le faire est une privation ascétique qui ne lui convient guère. Il était forcé de la respecter, mais ce n’était pas par choix, pas vraiment.
Quand il ne recevait pas l’écoute de la reine, il devait garder ses paroles pour lui, et elle s’entassait dans son esprit, dans son corps, comme des fruits et des viandes que l’on stocke dans l’attente d’un banquet qui ne vient pas. Les denrées commencent alors à se gâter, puis les mouches arrivent par dizaines, par centaines. L’odeur se fait pestilentielles, la moisissure prolifère.
C’est ce que faisaient ses paroles quand il ne pouvaient les prononcer. Elles restaient bloquées en lui et puisqu’il ne pouvait les vomir, elles pourrissaient et attiraient la vermine.
Il suppliait alors la reine de lui pardonner, jusqu’à pleurer certaines fois pour obtenir enfin le réconfort de ses bras doux.
La pensée de ce qu’il avait laissé derrière lui le hantait quand les crépitements merveilleux du monde des fées s’apaisaient pour laisser à son esprit assez de place pour réfléchir à autre chose qu’à ses vers.
Il pensait au temps qui passait là-bas et si on l’avait déjà oublié. Il pensait à la maladie et la mort qui sévissaient toujours là-bas - la famine, les guerres. Ici il en était protégé - bien qu’il y ait d’autres dangers.
Comment retrouverait-il son monde quand il repartirait ?
Et Elsbeth serait-elle toujours là ? Il s’évitait de s’attarder sur elle, mais inlassablement, elle revenait, et quand il ne pouvait se réfugier dans la chambre de la reine pour s’emplir d’elle, il pensait à Elsbeth et toutes les petites fêlures qu’il aimait chez elle, tout ce qui la rendait humaine et belle à ses yeux, belle et bonne d’une toute autre façon que tout ce qu’il goûtait, sentait et voyait dans le monde des fées.
Elle était belle et bonne dans le sens moral du terme. Elle apportait du baume à son cœur et s’en souciait, elle faisait de son mieux, elle essayait.
Ici personne n’essayait quoique ce soit. Le bon comme le mauvais n’avait droit à aucun jugement, tout n’était qu’esthétique et parure.
Alors il se mettait à douter de l’amour que la reine lui vouait, et courait se réfugier dans ses draps pour oublier tous ses tracas. Ça ne durait qu’un temps mais c’était mieux que rien.
Il ne pouvait pas oublier.
Les êtres de ce monde étaient dépourvus de bonté d’âme, puisqu’ils n’en avaient aucune - ce n’était pas leur faute, ils avaient été créé ainsi. Il pouvait y en avoir certains qui étaient sympathiques, mais jamais Thomas ne pouvaient leurs faire confiance.
Il y avait du mensonge et de la tromperie dans l’air qu’il respirait. Ce n’était pas malveillant, simplement cela les amusaient - et cela l’amusait aussi parfois, parce que l’âme humaine peut être charmante et cruelle. Être méchant envers autrui était parfois un soulagement, et faire souffrir, une délicatesse.
Il en était rarement la cible, parce que son statut de concubin - ou de jouet ? - auprès de la reine l’en protégeait, mais il avait assisté à des cruautés dont il s’était à la fois délecté et détesté pour avoir seulement pu regarder.
C’était des bleus à son âme, des hématomes qui prenaient du temps à guérir et la douleur s’avivait certaines nuits très noires, même au creux du sein de la reine, même après les plaisirs étourdissants de leurs chairs qui se mêlent et se perdent.
Alors elle lui caressait les cheveux comme on le ferait du pelage d’un petit animal fragile et il s’endormait en pensant à la souffrance et à celle qui l’attendait.
Sa tristesse était toujours passagère, et pourtant toujours présente. Elle vivait en lui comme un parasite, une branche de gui enroulée et suçant les forces d’un chêne massif en pleine santé. La plupart du temps il ne remarquait rien.
C’était faible de sa part d’oublier de ressentir. Il fallait la musique pour lui rappeler son rôle : il n’était comme aucune des créatures qui l’entouraient.
Il était très seul.
Sa force résidait dans la puissance de son âme, synonyme de la confiance que Dieu avait placé en lui. Cela ne l’empêchait pas de sombrer dans un désespoir si profond que ses doigts tremblaient sur la lyre.
Il lui fallait pourtant continuer à composer, comme l’arbre de pousser, sinon la tristesse, toujours avide, finirait par le consumer entièrement.