[Fic] De tes lèvres en sang..., Dracula, Lucy/Mina [d'Echolalie, pour Taliesin le barde]

Jul 25, 2023 14:37

Titre : De tes lèvres en sang à mon cœur en lambeaux
Auteur : Écholalie (Participant.e 13)
Pour : Taliesin le barde (Participant.e 11)
Fandom : Dracula
Persos/Couple : Lucy/Mina
Rating : R
Disclaimer : Dracula de Bram Stocker appartient au domaine public
Prompt : Étant donné que tu aimes l’horreur érotique, j’aimerais bien une fic AU (ou même pas si tu veux) où une Lucy transformée essaie de séduire Mina pour la faire devenir vampire à son tour.
Notes : Ce prompt ne m’était pas destiné, mais j’ai immédiatement flashé dessus. Un peu d’indulgence, ceci forme mes premiers pas dans le domaine de l’érotisme. J’ai fait le choix de garder une fin très ouverte, j’espère qu’elle te conviendra !


Mina referma son journal et se frotta les tempes pour dissiper un peu de la tension qu’elle sentait s’y accumuler. La journée avait été longue, indubitablement. Arrivée la veille à Londres avec son époux, elle avait le matin même eu la curiosité d’ouvrir un journal mondain pour occuper son ennui en attendant l’heure de partir pour la cérémonie à laquelle ils allaient avoir le triste honneur d’assister. Un entrefilet dans le journal en question avait appris à Mina en un seul instant la mort et les funérailles de Mrs et Miss Westenra. Mina se considérait comme une femme forte et pas comme une de ces ingénues fragiles qu’on voyait dans les romans, mais à l’annonce de cette nouvelle, elle avait véritablement manqué défaillir. Jonathan, ce cher Jonathan, l’avait trouvée assise en larmes au milieu des journaux et avait du la soutenir jusqu’à la chaise la plus proche. Craindre des semaines durant pour la vie de Jonathan, le rejoindre à Budapest pour le découvrir dans un si triste état et ne rentrer en Angleterre que pour découvrir le décès de Lucy avant de l’avoir revue avait été une terrible épreuve. Sans Jonathan pour la réconforter par sa tendresse, Mina aurait été incapable de dire comment elle aurait bien pu la supporter.
Par chance dans ce malheur, ils étaient déjà à Londres pour assister à l’enterrement de Mr. Hawkins, qui leur avait légué tout ce qu’il possédait. S’ils avaient été chez eux, à Exeter, Mina aurait été plus réticente à faire le déplacement à Londres dans le seul but de se rendre sur la tombe de Lucy, surtout quand la santé de Jonathan était encore si fragile, sur le plan de son équilibre mental du moins, car physiquement il avait enfin récupéré du voyage qui avait failli lui être fatal. Jonathan lui même avait insisté pour qu’ils fassent suivre l’enterrement du vieil ami par la visite de la jeune défunte, proclamant que cette distraction, même funeste, ne pouvait que l’arracher aux noires pensées qui tournaient dans sa tête depuis son retour. Et effectivement, Mina avait bien eu besoin de son bras au moment de se recueillir devant le caveau fermé qui était à présent la dernière demeure de Lucy.
Au retour à l’hôtel, ils avaient découvert un télégramme qui les attendait. Avant leur départ pour Londres, Mina avait tenu à envoyer une lettre au Arthur de Lucy pour lui signifier l’étendue de sa compassion à son égard, en indiquant le nom de l’hôtel où ils comptaient descendre. Le télégramme, écrit par un certain Van Helsing, les invitait à visiter lord Goldaming au plus vite, non pas chez lui mais à une adresse à Carfax, ou de lui indiquer par télégramme à quelle heure les Harker pouvaient le recevoir en leur hôtel, lui et ses partenaires dans une certaine affaire.
Jonathan et Mina avaient longuement hésité en lisant le message où il semblait que le sujet de la rencontre devait porter sur les circonstances de la mort de Lucy. Le ton de ce Van Helsing avait quelque chose d’urgent et d’inquiétant qui les poussait à répondre au plus vite, malgré l’heure tardive. En même temps, Mina ne sentait pas capable de rencontrer ce soir le fiancé de Lucy ou cet étranger inconnu sans fondre en larmes face au souvenir de Lucy la dernière fois qu’elle l’avait vue, si joyeuse, si gaie, impatiente de convoler et de commencer la même vie de femme qui était promise à Mina maintenant qu’elles avaient acquis la certitude que Jonathan était bien vivant.
En espérant avoir bien compris l’urgence de la missive, ils avaient convenu que Jonathan se rendrait sur le champ à Carfax et que selon le cas, il rejoindrait Mina à une heure très tardive ou dormirait sur place. Quand à Mina elle-même, elle était certaine qu’une bonne nuit de sommeil lui donnerait la force dont elle avait besoin pour supporter cette rencontre et la difficile discussion qui l’accompagnerait. Jonathan l’avait prendre seule son dîner dans la salle à manger de l’hôtel. Avant de partir, il avait déposé un baiser sur ses lèvres et encouragée à s’occuper avec l’écriture de son journal. Suite aux évènements de la journée, elle avait craint de n’avoir ni l’envie ni l’énergie de s’y atteler, mais après le dîner elle s’était découvert grâce à ce baiser assez d’énergie pour retranscrire les évènements de la journée sans rien omettre.

Au moment où elle referma son journal, Mina constata que la nuit avait fini de tomber. Septembre était arrivé, mais les nuits étaient encore fort agréables et sa chambre d’hôtel étouffante. Pour conjurer la migraine qu’elle sentait poindre, Mina se déplaça à la fenêtre pour l’ouvrir et humer avec délice un peu d’air frais - ou du moins aussi frais que Londres pouvait l’offrir - avant de s’installer au bureau pour enlever les épingles qui maintenaient sa coiffure en place.
Dans l’espoir que Jonathan revienne plus tôt que prévu, Mina prit son temps à se préparer pour la nuit, mais quand ses vêtements furent repliés sur une chaise et sa chemise de nuit enfilée, elle restait encore sans nouvelles. Déçue malgré elle, et curieuse de connaître le sujet de la discussion voulue par Van Helsing, Mina se glissa entre les draps et à sa grande surprise, s’endormit presque aussitôt.

Au milieu de la nuit, elle se retourna pour découvrir la place à côté d’elle toujours vide et froide. Il lui fallut un instant pour se souvenir de la raison de ce manque qu’elle ressentait au plus profond d’elle même et sentit un pincement au cœur. C’était la première nuit qu’elle passait éloignée de Jonathan depuis leur mariage, mais il y avait dans l’ombre un homme qui se coucherait seul car sa fiancée avait rejoint trop tôt la tombe. Elle se retourna et tâcha de se rendormir.
Plonger dans le sommeil une première fois avait été chose facile, car les évènements de la journée l’avaient épuisée, mais à présent, son esprit refusait de ralentir. Sur ses paupières closes, elle revoyait sans cesse le doux sourire de Lucy. Malgré elle, le doute s’installait. Le journal n’avait pas énoncé les causes de la mort de Lucy, ni dans quel ordre elle et sa mère s’étaient suivies dans la tombe. Si le départ de Mina pour aller aider Jonathan à se rétablir avait précipité les évènements, si Lucy s’était égarée et tuée dans une crise de somnambulisme, si le cœur de sa mère n’avait pas supporté le choc, alors Mina doutait de jamais s'en remettre. C’était cette peur qui avait empêché Mina de suivre Jonathan ce soir. Elle ne s’était pas sentie capable d’affronter cette possibilité autrement qu’à la lueur du jour.
Ses yeux se rouvrirent malgré elle et là, à la lueur de la lune qui brillait haut dans le ciel, elle crut voir Lucy accoudée à la fenêtre. Mina sut qu’elle rêvait car Lucy portait une de ses robes de bal, qu’elle était appuyée à une fenêtre au troisième étage d’un hôtel londonien et qu’elle était morte. Pour peu, Mina aurait pu croire à une crise de somnambulisme si ce n’était qu’elle était bien dans son lit et que ses membres semblaient infiniment lourds tout d’un coup, et que Lucy elle même disait ne jamais se souvenir de ce qui se passait pendant ses crises.
-Je rêve, murmura Mina sans savoir pourquoi.
Réaliser qu’on rêvait n’avait jamais réveillé personne, à sa connaissance. À la fenêtre, Lucy rit doucement. Elle était aussi belle que de son vivant, aussi belle que dans le monde éveillé, si belle que Mina avait envie de pleurer.
-Peut être est-ce un rêve. Puis-je entrer ?
-Que fait-tu là ?
-Tu es venue me rendre visite, non ? En m’éveillant, j’ai senti ton parfum partout dans le cimetière et je l’ai suivi. Tu m’as tellement manqué !
-Toi aussi, tu me manques, murmura-t-elle, le cœur lourd. Tu vas me manquer pendant très longtemps.
Le beau visage de Lucy se voila un instant. Un nuage sur la lune créa une ombre sur son visage qui lui donnait un air froid et calculateur qui fit frisonner Mina. Comme si la visiteuse s’en rendait compte, le sourire revint sur son beau visage, plus doux que jamais.
-J’ai froid, Mina. Ne me laisseras-tu pas rentrer me réchauffer ?
Sa voix était si pitoyable, si chargée de chagrin, que Mina se leva aussitôt sur un coude pour lui tendre la main, avant que son instinct ne la pousse à hésiter. Ce n’était qu’un rêve, mais il lui semblait déceler une étrange faim dans les yeux de Lucy.
Celle-ci se mit à frisonner et à se frotter les bras de ses belles mains blanches.
-J’ai si froid depuis qu’ils m’ont mise en terre, murmura-t-elle. Si tu savais, Mina, combien la mort est froide et ennuyeuse, tu ne voudrais pas l’être, crois-moi ! Le caveau dans lequel ils m’ont mise est très beau, mais le seul air qui y parvient est glacé et ma mère est encore plus silencieuse dans la mort que de son vivant ! Ce sont les journées surtout qui sont longues. Je n’ai reçu qu’une visite depuis que j’ai déménagé, mais je dormais à l’heure où on est venu me visiter et les rustres n’ont même pas laissé une carte de visite !
La moue de Lucy était tellement typique de celle qu’elle adoptait de son vivant que Mina ne put s’empêcher de rire de l’absurdité de la situation. C’était un rêve particulièrement étrange. Elle espérait s’en souvenir au réveil.
-Ne te moque pas de moi, fit semblant de tempêter Lucy. Crois-tu que ce soit amusant ? Tu as toujours rêvé d’une vie tranquille, mais pas moi ! Il n’y a pas le moindre bal dans mon cimetière. Je m’ennuie, et ma meilleure amie me laisse à la fenêtre où un officier de police en patrouille pourrait bien regarder sous mes jupons ! Je ne veux pas paraître dans une revue mondaine comme la morte qui a scandalisé tout Londres ! Et si je glisse ?
Mina n’en pouvait plus de rire. Peut être que ce rêve était exactement ce dont elle avait besoin, d’imaginer une dernière fois la Lucy joyeuse qu’elle avait connu au lieu d’imaginer son tombeau de pierre par une minuscule fenêtre. Elle enfila rapidement sa robe de chambre et se leva pour tendre la main à Lucy.
-Merci, souffla celle-ci en se hissant à l’intérieur.
La vitesse et la facilité à laquelle elle y parvint convainquit définitivement Mina qu’elle était en train de rêver. C’est comme si Lucy était à un endroit à un instant et à l’autre le suivant.
-Tes mains sont froides, réalisa-t-elle.
-Est-ce surprenant, si je suis morte ? Mais ne parlons pas de choses si tristes ! Tu as épousé Jonathan ? Il faut à tout prix que tu me racontes !
Elle poussa Mina vers le lit, loin de la fenêtre et la fit s’asseoir avant de faire de même à ses côtés. Mina commença à décrire son mariage et le bonheur qu’elle éprouvait à être unie à Jonathan, l’amour et le respect qu’ils partageaient, et son inquiétude pour lui après l’étrange expérience qu’il avait vécu en Transylvanie et dont il était incapable de parler.
-Alors tu es heureuse de ta vie de femme mariée, soupira Lucy quand elle en eut terminé. Je suis si contente pour toi. Sait-tu qu’Arthur a déclaré lors de mon enterrement qu’il nous considérait comme unis par les lois sacrées du mariage ? Il m’a donné son sang le pauvre chéri, et gardé en vie un peu plus longtemps. Pour lui, cela a suffit à faire de moi son époux. Je dormais, mais je l’ai entendu quand même.
Mina cligna des yeux. La conversation était de plus en plus étrange.
-Je suis contente qu’il l’ait fait. Pauvre homme.
-Pauvre homme oui, singea Lucy avec une moquerie qui ne lui était pas familière. Bien sûr, il serait moins enthousiaste que trois autres hommes ont agi de même. Me voilà morte et polygame. L’aurais-tu fait, Mina ? Me donner ton sang ?
-Bien sûr.
-Quelle quantité ? Quelques gouttes ? Une once ? Tout le sang de ton corps ?
Mina frissonna. Les doigts froids de Lucy se portèrent à la veine de sa gorge pour sentir battre son corps. Sous sa robe de bal, sa gorge se gonfla voluptueusement.
-Tu as froid, constata Lucy. Je n’ai plus froid, moi.
-Tu disais…
-Croit-on ce qu’on raconte la moitié du temps ? Tu as froid, mais ta gorge est chaude. Si chaude, Mina. Laisse-moi te réchauffer.
Dans un bruissement de soie et de satin, Lucy se déplaça derrière elle pour l’enlacer. Mina déglutit. Le corps derrière elle était glacé. Elle aurait du sentir le souffle de Lucy sur sa gorge, vu leur proximité, mais il n’en était rien. Elle voulut repousser Lucy, mais celle-ci la serrait trop fort. Ce n’était plus un rêve. Ou bien c’était un cauchemar, ou bien Mina devait envisager la pire des situations, qu’elle ait affaire à la réalité. Dans ce cas celle-ci était bien pire que toutes les horreurs que Jonathan avait souffert de son côté.
-Te souviens-tu ?, murmura Lucy dans son cou. Nos nuits passées dans le même lit ?
Mina hocha la tête, le souffle coupé. La main droite de Lucy lâcha son bras pour remonter jusqu’à la naissance de son cou.
-Tu devais veiller sur moi. Ma compagne de chambre, acceptée par ma mère auprès de moi afin d’être certaine que je sois vierge et pure lors de ma nuit de noces. Mes crises de somnambulisme ont commencé juste après et elle était tellement soulagée d’avoir pris cette décision. Toi aussi, n’est-ce-pas, tu étais soulagée ?
-Oui.
-Parce que tu m’aimes.
Les ongles de Lucy se firent griffes. Mina gémit en sentant une goutte de sang perler. Derrière elle, elle sentit les narines de Lucy frémir et son corps se lover contre le sien.
-Je t’aime, promit-elle, sans savoir si elle énonçait une vérité toute simple, un secret enfoui ou si son instinct de survie seul parlait.
Les griffes se firent mains caressantes. La droite descendit vers sa gorge, la gauche monta vers son sein.
-Oui, ronronna Lucy. Tu m’aimes, ma tendre et douce Mina. T’es tu jamais demandé pourquoi ces crises ? Ce n’est pas que je dormais trop bien, non. C’est que je ne parvenais pas à m’endormir du tout. Comment l’aurais-je pu, quand je pouvais sentir ton souffle au moment où tu te laissais sombrer dans le sommeil ? Ton Jonathan t’a-t-il jamais dit à quel point tu es belle quand tu t’endors ? Je fermais les yeux et je te voyais encore, Mina, je voyais ta poitrine se soulever au rythme des vagues, s’élever vers la lune qui l’illuminait, ta poitrine blanche et ronde comme elle.
-Lucy…
-Tu m’affolais. Je restait des heures à te regarder, à approcher ma main de cette poitrine et de ces lèvres, à me demander ce qui se passerais si j’osais, si j’osais seulement…
-Lucy…
Mina ne savait trop quelle supplication elle essayait d’énoncer, mais les mots ne parvenaient à franchir ses lèvres. À travers le tissu de sa chemise de nuit, trop léger ou trop lourd, elle pouvait sentir des doigts glacés la frôler d’une façon qu’elle avait cru jusqu’ici réservée à Jonathan, et elle restait là, le cœur et l’esprit affolés, incapable de rejeter ou de se précipiter vers la caresse.
-Si seulement tu avais ouvert les yeux à ce moment là, peut-tu me dire ce que tu aurais fait ?
-Non, Lucy.
Un ongle trancha d’un coup sec le haut de la robe de chambre et la bretelle de la chemise de nuit, dévoilant tout un pan de chair. Lucy y plongea ses lèvres, humant le parfum qui s’échappait encore de la peau de Mina. Cette fois, la jeune femme ne put retenir un gémissement, entre la plainte et la supplication. Elle sentit le rire de Lucy tout contre sa peau. Sa tête retomba en arrière, impuissante, arrêtée seulement par la chevelure blonde de Lucy qui semblait se transformer en filet destinée à l’emprisonner et l’entraîner au fond de quelque eau sombre dans laquelle Mina ne pouvait que se noyer.
-Je vais te dire ce que moi j’aurais fait. Je serais allée vers toi, incapable de résister plus longtemps à tes yeux et à tes lèvres. Mais tu ne te réveillais pas et je m’endormais à force de te contempler en te suppliant de te réveiller. Puis j’errais dans mon sommeil, te cherchant sans jamais te trouver, alors même que tu étais si près de moi.
Mina réussit à tourner un peu la tête pour voir plus de Lucy que son auréole de cheveux blonds et que ses longues mains fines qui frôlaient sans cesse ses lèvres, sa gorge, la naissance de son ventre et même ses cils. Elle reconnaissait son amie, sans la reconnaître. C’était elle, ces lèvres de velours plus rouges que la plus rouge des cerises, cette peau d’une pâleur de brume, ces yeux sombres et rouges comme un incendie, et ce n’était pas elle. Mina en aurait pleuré. Elle voulait lui hurler de ne jamais s’arrêter.
Un long gémissement continu s’échappait de sa gorge, presque un râle d’agonie. Mina avait l’impression d’être en feu sans savoir si elle devait déclarer coupable la froideur de la peau de Lucy, les mots insensés qui sortaient de ses lèvres écarlates ou le frôlement délicieux de ces doigts. Même dans l’intimité de leur chambre, Jonathan ne la touchait jamais ainsi. Il était calme et mesuré, sa passion tenue fermement en laisse par sa tendresse et sa considération. Jamais ses doigts n’avaient joué sur la peau de Mina comme si elle était un instrument à flatter dans l’espoir d’en tirer une musique extraordinaire.
La griffe qui avait tranché le haut de sa chemise s’aventura plus bas. Le tissu se déchira en un murmure, ou un grondement de tonnerre.
-Oui, il était bien gentil, le discours d’Arthur, poursuivit Lucy d’une voix calme, comme si elle ne réalisait pas ce que faisaient ses mains. Il a dit qu’une partie de lui-même resterait à jamais dans la tombe avec moi. Mais les hommes sont d’une inconstance… Le temps faisant son œuvre, il m’oubliera. Toi tu ne m’oublieras pas, n’est-ce-pas ? L’amour est fugace, l’amitié éternelle. Dis que tu ne m’oublieras pas.
La griffe fit son retour au coin des lèvres de Mina, jouant avec celle-ci.
-Je ne t’oublierais pas, jura celle-ci au prix d’un immense effort. Lucy…
Un baiser sur sa tempe, presque une morsure, la remercia. Mina faillit en pleurer de soulagement.
-Pendant qu’il parlait ainsi en mon honneur, poursuivit Lucy comme si elle ne l’avait pas entendu, je ne parvenais à penser qu’à une chose. Que j’aurais préféré que ce soit toi qui se tienne là. Lui ne m’avais connu que comme cette jeune beauté qu’il espérait avoir à ses côtés toute sa vie. Il connaissait certains de mes rêves, mais toi, Mina, tu les connais tous. Nous avons tout partagé, notre vie de tous les jours, nos secrets les plus intimes,… Ne nous manquait que l’intimité de la chair. Maintenant, est-ce que tu regrettes autant que moi d’avoir dormi pendant que je te dévorais des yeux ?
Les mains de Lucy s’éloignèrent totalement d’elle. Mina ne put cette fois retenir un sanglot. Elle brûlait si fort qu’elle avait besoin de la froideur de la peau de Lucy contre la sienne.
-Oui, pleura-t-elle. Oui. Lucy…
Un unique doigt glissa de sa gorge à sa jambe pour la féliciter de son honnêteté. Mina sentait son cœur battre à toute vitesse.
-Sens-tu comme ma peau se réchauffe au contact de la tienne ?
Mina secoua la tête pour acquiescer, tout en étant gelée par ce contact. Lucy la récompensa en posant son autre main sur son flanc.
-Tu me renverrais à ma froide tombe, Mina ? Tu pourrais prétendre à ton réveil que tout cela n’était qu’un rêve ?
-Non.
-Tu peux m’aider, tu sais ? Me donner un peu de cette chaleur qui vibre en toi mais qui a déserté ma chair. Me la donnerais-tu ?
-Oui.
Lucy poussa un soupir ravi. Ses lèvres abandonnèrent la tempe de Mina pour descendre en déposant des dizaines de baisers le long de ses joues et de son cou. Mina sentit la la langue de Lucy goûter sa peau, puis quelque chose la piquer, profondément. Mina se cambra violemment. C’était comme si elle était parcourue par un courant électrique violent, ou une de ces immenses vagues qui venaient se fracasser contre la jetée à Whitby. L’espace d’un éclair, Mina revit deux minuscules trous au cou de Lucy, puis cessa totalement de penser, perdue dans la vague de sensations qui l’accablait. Trop vite, Lucy se retira. Mina protesta par un gémissement.
En un tournemain, Lucy la fit retomber sur le lit pour se positionner au-dessus d’elle, un genou entre ses jambes et une main sur sa poitrine. Il n’y avait plus que ses lèvres qui se teintaient de vermeil. La même couleur s’étalait sur son menton et glissait sur sa robe de soie. Fascinée, révulsée, Mina suivit une goutte de son propre sang tomber sur le sein de Lucy. Elle ne comprenait rien à ce qui se passait. Elle ne voulait pas prendre le temps de comprendre. Tout ce qu’elle voulait, c’était que Lucy la touche à nouveau, n’importe où. La tête lui tournait.
Lucy se pencha vers elle. À nouveau, ses cheveux blonds emprisonnèrent Mina dans une cage dorée dont elle aurait été incapable de s’échapper. La bouche de Lucy frôla la sienne. Aucun souffle ne s’en échappait, tandis qu’une goutte du sang de Mina tombait des lèvres de Lucy sur les siennes.
-Merci. J’ai moins froid, ce soir. Mais demain…
-Demain ?
-Demain je serais seule à nouveau, seule et froide, sans toi. Sauf…
-Sauf…
Lucy tourna abruptement la tête et sembla écouter quelque chose au loin. Mina, elle, n’entendait que le battement de son propre cœur.
-Ils arrivent. Le docteur et ton mari. Que savent-ils ?
Mina secoua la tête dans tous les sens pour indiquer qu’elle n’en savait rien. Le langage l’avait déserté. Sa tête était lourde.
-Ils vont nous séparer, menaça Lucy. Sauf…
Elle prit la main de Mina, tremblante, entre la sienne et la porta jusqu’au médaillon qui fermait le haut de sa robe. Elle força la main de Mina à se refermer sur lui et à l’arracher, ainsi qu’une partie de sa robe de soie, dévoilant la gorge au-dessous. Lorsqu’elle lâcha la main de Mina, celle-ci resta accrochée au tissu comme si elle avait peur de se noyer. Avec une lenteur langoureuse, Lucy posa deux griffes sur cette blanche poitrine et la transperça. Du sang perla, vermeil, le sang de Lucy, et peut être déjà un peu du sang de Mina.
La main de Lucy se plaça sous le coup de Mina et, d’un geste violent, l’amena au niveau de la blessure.
-Tu m’aimes ?
-Oui !
-Tu ne veux pas m’oublier ? Tu ne veux pas m’abandonner seule dans le froid de la tombe ?
-Non !
-Bois alors, et fuis avec moi. Goûte à mon sang comme j’ai goûté au tien et tu seras à moi comme je suis déjà à toi. Tu auras mes lèvres et mes doigts et toute mon attention pour toi seule. Toutes les nuits nous nous lèverons l’une vers l’autre, encore et encore, pour une éternité de caresses. Tu n’as qu’à boire.
À moitié évanouie de douleur et de manque de sang, transportée par une folie inconnue, hypnotisée par le désir dans les yeux de Lucy et auquel le sien répondait malgré elle, Mina tendit ses lèvres vers le flot vermillon. Elle entendait maintenant les bottes qui montaient l’escalier quatre à quatre, la voix de Jonathan qui l’appelait, emplie d’angoisse, Jonathan dont elle avait oublié jusqu’à l’existence en quelques caresses. Mina pouvait appeler à l’aide. Elle pouvait répondre à la tentation et goûter dans un même temps le sang et la chair qui emplissaient tout son champ de vision.
Mina inspira et ses lèvres s’entrouvrirent pour pousser le cri d’angoisse ou d’extase qui sommeillait tout au fond d’elle.

pour:taliesin le barde, auteur:écholalie, fic, dracula

Previous post Next post
Up