Titre : Sur un ponton silencieux
Auteur : Mary Idylle (Participant.e 17)
Pour : Thunderstorm (Participant.e 10)
Fandom : Stand Still Stay Silent
Persos/Couple : Emil x Lalli
Rating : T
Disclaimer : Stand Still Stay Silent est une bd de Minna Sundberg et elle en est l'unique propriétaire, ainsi que de ses personnages.
Prompt : Emil x Lalli, « et si l’inconscient de Lalli influençait son dreamworld ? »
- Le dreamworld de Lalli est une partie de lui, mais est-ce que ses idées, ses impressions, ses souvenirs et ses expériences le modèlent au fur et à mesure ? Et dans ce cas, ses sentiments pour Emil pourraient-ils l’influencer, et comment ? Qu’en penserait Emil, si celui-ci continuait de visiter les rêves de Lalli ? J’aime bien ce qui est plutôt léger, mais cela peut être un prélude à davantage d’introspection, et peut-être même une manière de réaliser leurs sentiments respectifs !
Notes : inspiré par ce fanart (
https://wilwywaylan.tumblr.com/post/684070887205552128/is-this-the-real-life-is-this-just-fantasy-to) - j'ai l'autorisation de l'artiste.
Je pense avoir trouvé un bon équilibre dans la caractérisation des personnages de sorte que la réalisation envers les sentiments soit progressive et subtile. Il n'est pas dit explicitement quel genre de sentiments, mais c'est libre à l'interprétation de chacun, en fonction de l'atmosphère.
C'est une petite fic légère, comme demandé, sans gros drama.
J'espère que cela te plaira.
Le soleil scintillait dans l'eau, éparpillant des éclats verts et bleus çà et là, comme des fenêtres vers d'autres mondes, des ouvertures invitant au rêve pour peu qu'on les observe un peu trop longtemps.
Les planches servant à Lalli pour se déplacer étaient toujours là, mais elles avaient l'air plus solides sous son pas léger, elles ne branlaient quasiment pas lorsqu'il se déplaçait dessus, rapide et frêle comme une brise.
L'atmosphère demeurait paisible et Lalli avait beau y être habitué, quelque chose avait changé, quelque chose de trop subtil pour qu'il l'identifie, mais suffisamment prégnant pour qu'il en ait la certitude absolue. C'était dans l'atmosphère, dans l'air qu'il respirait...
L'air sentait bon, et il ferma les yeux pour renifler et se concentrer sur l'odeur, pour évaluer la différence, la distinction.
C'était sucré.
Une odeur de gâteau.
Il n'y avait jamais rien de nouveau dans le paysage mental de Lalli, rien de très visible. Déjà parce qu'il ne faisait pas souvent de nouvelles expériences, mais aussi parce que son entraînement l'avait formé à garder un esprit stable. C'était plus sûr de cette manière, c'était plus simple aussi, car finalement, Lalli partageait avec Onni l'absence de goût pour les surprises.
En tant que mage, il préférait avoir le contrôle sur son espace psychique. C'était ce sur quoi reposait sa force et la valeur qu'il se donnait.
Et pourtant, ce parfum délicat était bel et bien là, causant un trouble sans précédent dans cet endroit qui était censé être son refuge. Ainsi, il était de son devoir d'en trouver l'origine.
Il suivit le chemin de planches vers ce qui lui semblait être la source de cette anomalie.
Un ponton.
Il y avait un ponton, les planches s'arrêtant au-dessus d'une sorte de grand lac entouré d'arbres. C'était la première fois que Lalli voyait cet endroit.
« Oh, tu es là ! », dit Emil en se tournant vers lui.
Lalli croisa les bras d'un air sévère face à cette apparition qui, bien qu'inattendue, ne le surprenait guère.
Emil était assis au bord du ponton, les pieds trempant dans l'eau du lac, et une assiette avec un gâteau, qu'il avait commencé à entamer, était posée à côté de lui.
- Je ne m'étais pas rendu compte que je m'étais endormi, déclara Emil. Tu en veux ?
Il tendit l'assiette vers Lalli et ce dernier se laissa appâter par le brillant chatoyant du glaçage blanc chantilly.
Il vint s'asseoir en tailleur près d'Emil.
- C'est la première fois que je viens dans ton endroit, non ?
- Hmm hm, marmonna Lalli en croquant dans une part qu'il venait d'arracher au gâteau avec ses doigts.
- C'est joli...
- C'est juste de l'eau, fit remarquer Lalli en essuyant le sucre qui parsemait son menton.
Emil lui sourit.
- Ça te ressemble bien en tout cas.
Lalli détourna les yeux. Il n'était pas sûr de ce qu'il devait comprendre : Emil venait de dire que c'était joli, puis que ça lui ressemblait. Cela voulait-il dire qu'il trouvait Lalli joli ?
- C'est juste de l'eau !, répéta-t-il un peu plus fort, gêné.
Emil agita les orteils, ce qui créa un remous à la surface du lac.
- En tout cas, c'est agréable. C'est paisible. On dirait que rien ne peut nous arriver.
Lalli se garda bien de le contredire en lui racontant ce qui pouvait se cacher sous l'étendue d'eau qu'il s'amusait à perturber.
Quel intérêt cela aurait-il eu de lui faire peur ? Il n'aimait pas cela.
- Ça ne ressemble pas à la maison où ton esprit habite, déclara soudain Lalli.
- C'est sûr, mais ce n'est pas mal non plus. En fait, ça reflète bien ta personnalité. C'est très...
Emil sembla chercher ses mots. Il pinça les lèvres avant de planter son regard dans celui du mage.
- Libre. C'est ça que je veux dire. Tu es libre.
- Personne ne l'est, soupira Lalli en soutenant son regard.
De son côté, Emil garda la silence.
Ils continuèrent de manger.
Pourtant Emil avait raison, d'une certaine façon, c'était tranquille. Depuis que Lalli avait découvert que la perturbation venait d'Emil, il était rassuré. Cela ne le dérangeait pas outre mesure qu'Emil s'infiltre dans ses rêves. Ils l'avaient déjà fait par le passé et...
Il devait bien admettre en lui-même que cela le faisait se sentir un peu moins seul. Alors qu'il aimait être seul.
Mais Tuuri était morte. Et c'était différent d'être seul à présent. C'était être seul-seul.
Bien sûr, il restait Onni. Toutefois, avec Onni, ce n'était pas pareil.
Et avec Emil, ça ne l'était pas non plus.
Emil disait un peu tout ce qui lui passait par la tête. Il prétendait qu'il y avait des oiseaux dans les arbres qui entouraient le lac et Lalli essayait de fixer les feuilles de loin pour voir s'il avait raison.
C'était agréable de parler. De se comprendre, sans barrière, sans obstacle. Même assis l'un à côté de l'autre, si près qu'ils pouvaient presque se toucher, c'était bien, parce que, Lalli s'en souvenait, ils n'étaient pas vraiment là. Ils n'étaient pas des corps.
C'étaient leurs esprits qui étaient connectés.
Les contacts physiques, s'il pouvait, il préférait les éviter. Avec Emil, c'était un tout petit peu plus facile parce que...
Lalli avait remarqué...
Qu'Emil faisait attention.
Au début, il lui tapait dans les épaules, il l'agrippait. Il ne faisait plus ça, il était plus délicat.
Ils n'en avaient pas parlé, seulement Lalli avait remarqué et il appréciait en silence la considération dont faisait preuve Emil. Ça le mettait à l'aise.
Sans pour autant qu'il en vienne à désirer les contacts. Cependant, il les tolérait plus aisément. Si c'était Emil.
- Un ami, murmura Lalli.
- Quoi ? Moi ?, s'éclaira Emil en tournant immédiatement la tête vers lui.
Ses cheveux blonds formaient un halo doré autour de son visage souriant. « Tête d'idiot », pensa tendrement Lalli, parce qu'au font il les trouvait quand même jolis, ses cheveux, et que personne ne lui souriait jamais comme ça. Il était content qu'Emil lui sourit, et c'était la raison pour laquelle il avait été si énervé de sa réaction si tiède après s'être réveillé après avoir utilisé son luonto. Ce n'était guère gratifiant, alors qu'il avait fait tant d'effort pour mettre tout le monde en sécurité.
Vexé à ce souvenir, il évita son regard en faisant la moue. Les mots lui avaient échappé malgré lui de toute façon.
- Toi aussi tu es mon ami. Mon meilleur ami, déclara vivement Emil.
Lentement, Lalli plaqua ses mains sur ses oreilles. L'eau du lac s'agita, comme si le vent en parcourait la surface, bien que l'air soit totalement figé.
Le silence qui suivit permit à Lalli de remettre de l'ordre dans ses pensées. Il n'était pas certains de ce qu'Emil entendait par « meilleur ami », ni s'il pouvait en répondre de même. Emil était son seul ami.
Ce qui lui fit immédiatement se demander si Emil en avait d'autres pour comparer.
Il laissa retomber ses mains pour contempler Emil avec intensité.
- Il y en a d'autres ?, interrogea-t-il calmement.
Les yeux écarquillés, Emil ouvrit la bouche, et des nuages semblèrent s'amonceler au-dessus d'eux. Pourtant, il n'y avait toujours pas de vent, ni même d'évaporation d'eau, pourtant le ciel s'était indéniablement assombri.
- Il y en a eu, commença maladroitement Emil avec un haussement d'épaule, ses doigts cherchant, grattant le bois avec le bout de ses ongles pour s'occuper. Certains sont morts, d'autres...
Il releva le nez, avec une expression à la fois douce et triste que Lalli ne comprenait pas très bien - après tout, quand on est triste, on est triste, c'est impossible d'être doux en même temps, quelle drôle de combinaison !
- Disons que tu es mon premier vrai ami et que c'est pour ça que je dis que tu es mon meilleur ami, Lalli. Je n'ai jamais connu quelqu'un comme toi. Quelqu'un...
Il contempla pensivement l'eau grise qui s'étendait devant eux. Lalli n'avait absolument aucune idée de ce qu'il pouvait penser, aussi posa-t-il sa main sur son épaule.
Emil lui adressa un petit sourire reconnaissant.
- Merc...
Et Lalli fit ce qu'il avait à faire : il le secoua comme un prunier.
- Heeeeeeeeyyyyy !!!, protesta Emil.
Alors Lalli le relâcha et souffla fort par le nez en faisant la moue. Son ami le fixa des yeux, l'air perplexe.
Ils avaient beau parler la même langue dans ce rêve, ils n'en restaient pas moins un mystère l'un pour l'autre.
- J'ai dit quelque chose qui fallait pas ?, demanda Emil en se recoiffant du bout des doigts.
Progressivement, le ciel regagna un bleu limpide et l'eau troublée du lac redevint un miroir lisse aux reflets colorés et purs.
De petites fleurs flottaient à sa surface, le genre qu'Emil aimait bien - ou du moins, c'était ce que Lalli en avait déduit puisqu'une fois, Emil lui en avait montré tandis qu'ils étaient à la recherche de matériel pour leur campement. Lalli s'en souvenait bien car c'était peu avant la contamination de Tuuri...
Il soupira lourdement et se leva, les épaules basses.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- J'aimerais me reposer, déclara Lalli.
- Oh....
Lalli tourna les talons. Il entendit Emil retirer ses pieds de l'eau dans un clapotis et remettre ses bottes.
- Attends-moi !
En réponse, Lalli se mit à courir. Les planches vibrèrent sous ses pas, faisant trembler l'eau opaque en-dessous.
Cet endroit était son refuge. Ce n'était pas si désagréable de passer du temps avec Emil tout en se comprenant, mais ce n'était pas ce qu'il était venu chercher. Cela le perturbait car cela signifiait qu'il n'était plus tout à fait le même qu'auparavant, et qu'était-il censé faire de cette information désormais ?
Il n'avait eu besoin de personne, seulement des derniers membres de sa famille. Comment ce type osait-il... ?
Il s'engouffra dans une grotte, Emil sur ses talons, et comme il ne regardait pas devant lui, il heurta de plein fouet une porte en bois, ce qui l'envoya valdinguer en arrière violemment. Il heurta les planches et roula dans l'eau tel un vulgaire sac de chiffons.
L'événement eu beau se dérouler à toute vitesse, le choc l'ayant à moitié étourdi, le plongeon, lui, se fit au ralenti.
La froideur de l'eau, sa profondeur, le happa lentement, comme les bras d'une mère, familier et rassurant. Sous l'eau, il n'y avait aucun bruit.
Il avait beau savoir que ça pouvait être dangereux, il n'en avait pas peur.
Soudain l'eau s'agita au-dessus de lui et Emil apparut, ses joues gonflées d'air et les yeux écarquillés.
Ses cheveux blonds flottaient comme des algues autour de son visage, à mesure qu'il s'approchait. Il enserra Lalli dans ses bras et se débattit pour le remonter en battant des jambes.
Lalli se laissa faire et ils percèrent ensemble la surface pour reprendre leur souffle.
- Ça va ??, s'exclama Emil en haletant. Tu m'as fait peur !!!
- Hm, fit Lalli en sortant rapidement de l'eau.
A genoux sur les planches, il se pencha vers Emil pour l'aider à se tirer hors de l'eau, puis il s'ébroua ce qui envoya de nombreuses goutelettes sur Emil qui se protégea en grognant.
- Toi aussi, déclara Lalli. Idiot.
Et avant d'avoir pu éclaircir ce qu'il voulait dire par là, il posa la main sur la poignée de la porte.
- Moi aussi ? Quoi ? M'ébrouer ? Je suis pas un chien !!
Lalli ne lui répondit pas - après tout, il préférait ne pas avoir à expliciter sa déclaration, trop sentimentale à son goût.
Il pressa la poignée et passa le seuil.
- On est de retour chez moi !, remarqua Emil en le suivant de près. C'est fou ça !
Lalli longea le couloir en essayant de faire tomber le moins de gouttes possibles. Il était un peu gêné d'être trempé et de mettre du désordre.
- Tu savais que nos...nos endroits étaient connectés ? Hey Lalli !
Lalli retira son manteau et le suspendit à un crochet au mur puis se glissa dans la cuisine où la gouvernante de Emil fabriquait un gâteau.
- Ah, vous êtes rentrés. Ça fait plaisir de te voir avec un ami...
Emil eut l'air gêné et passa devant elle sans lui adresser un mot.
- Comme je t'ai dis, je...je heu...j'ai jamais trop eu d'amis qui......restaient.
Lalli retira ses bottes et alla se rouler dans le canapé. Emil le suivit et lui proposa un plaid, que Lalli prit de bonne grâce pour s'enrouler dedans.
- T'es encore tout mouillé, j'aurais pu t'apporter une serviette tu sais ?, dit Emil en touchant une de ses mèches argentées.
Lalli haussa les épaules et posa la tête sur celle d'Emil.
- Je vais me reposer maintenant, dit-il en fermant les yeux.
Il tapota la main d'Emil gentiment et s'assoupit.