[Fic] De simples gestes, Stand Still Stay Silent, Emil/Lalli [de Mousticat, pour Mary Idylle]

Jun 03, 2022 21:02

Titre : De simples gestes
Auteur : MoustiCat (Participant.e 22)
Pour : Mary Idylle (Participant.e 17)
Fandom : Stand Still Stay Silent
Persos/Couple : Emil/Lalli
Rating : G
Disclaimer : SSSS appartient à Minna Sundberg
Prompt : Malgré leur environnement parfois dangereux, 3 fois où Emil a un geste romantique pour Lalli, et une fois où c'est ce dernier qui en a un - que ce soit volontaire ou non.
- Thèmes : trouver de la douceur dans l'apocalypse, le bonheur dans les petites choses, tension romantique unresolved (mais potentiellement à la fin), Lalli potentiellement autistique
Notes : point de vue de Lalli. Je ne suis pas sûre pour le côté romantique, j’imagine que cela dépend de l’appréciation de chacun, mais j’espère que cela te conviendra quand même !


- P’tit déj’ au lit !
Lalli accueillit l’exclamation avec un froncement de sourcils et il se retint de se boucher les oreilles. Il venait à peine de se réveiller qu’Emil était soudain apparu près de lui, un bol à la main, en s’écriant joyeusement et en lui mettant le récipient sous le nez. Sa présence elle-même ne le gênait pas - et encore moins l’attention qu’il lui portait, qui lui arrachait une certaine satisfaction - mais le bruit, davantage.
Il n’avait pas compris grand-chose à ce qu’il venait de dire, hormis qu’il était question d’un lit. Or, ils n’avaient pas le loisir de profiter d’un tel luxe, pour l’heure ; seulement de couches à même le sol, sous une tente en toile tendue qu’ils se partageaient à cinq, entourée de peintures dessinées la veille par Reynir et supposées détourner la charge d’animaux de passage. Emil n’était pas assez idiot pour ne pas l’avoir remarqué, il s’en plaignait régulièrement, d’ailleurs ; d’où que Lalli connût le terme en suédois, à force de l’entendre de ce dernier...
Une simple œillade autour d’eux le conforta dans l’idée qu’ils étaient seuls, de même que les murmures audibles à travers les pans en plastique. Devant lui, l’air réjoui d’Emil se fanait, pour prendre une note plus crispée. Celui-ci toussota avant d’avancer encore le bol pour forcer Lalli à le prendre. Le finnois eut ainsi la surprise de le retrouver entre ses mains. Instinctivement, il les plaça en coupe pour profiter de sa chaleur et fixa son contenu sans un mot. Une cuillère en dépassait. Il aurait préféré un gâteau mais tant pis.
- Tu devrais manger.
Emil tiqua aussitôt à ces mots, comme s’il réalisait quelque chose, puis bredouilla des excuses dans sa langue avant de s’essayer au finnois :
- Toi pouvoir… manger ?
S’il pouvait manger ? Lalli haussa un sourcil, avant de supposer qu’il s’était très certainement trompé de terme. C’était assez frustrant de ne pas être en mesure d’échanger avec lui avec aisance, comme dans le dreamscape ; ils avaient bien appris quelques termes dans la langue de l’autre mais pas assez pour tenir une conversation. Aussi, il acquiesça vaguement avant de déplacer ses mains pour attraper ensuite la cuillère. En y réfléchissant, il était étrange qu’Emil et les autres fussent déjà tous levés ; certes, l’attaque de trolls de la veille avait beaucoup puisé dans ses ressources magiques, mais il n’aurait pas cru qu’il serait fatigué à ce point… Était-ce pour cela qu’Emil se montrait si attentionné, au point de rester à le regarder manger ? Il aimait cette pensée autant qu’il la craignait. Il espérait que ce n’était pas seulement dû à cela. Que c’était aussi pour lui, tout simplement.
Distrait, il ne vit pas la main d’Emil qui approchait, et sursauta à son contact sur sa joue. Il se figea alors que le doigt glissait et releva la tête, provoquant son recul. Le membre était en suspens dans les airs et son détenteur affichait un air un peu coupable, les joues roses. Sur le doigt incriminé reposait un peu de bouillie. Lalli n’eut pas besoin d’autre explication et se contenta de fixer Emil en clignant les yeux, incapable de déterminer comment il se devait de réagir. Le geste n’avait pas été désagréable, non… En fait, à présent qu’il y songeait, il le trouvait même plaisant.
- Dé-désolé, c’était juste… Oh, mince, non, pas en suédois… Tâche. Sur visage, acheva-t-il en pointant l’endroit près de la commissure de ses propres lèvres.
Lalli hocha distraitement la tête sans répondre. Alors qu’il hésitait à dire quelque chose, la voix de Sigrun perça depuis l’extérieur, appelant Emil. Ce dernier, trop heureux de l’excuse, bondit comme un ressort avant de quitter précipitamment la tente. Lalli se sentit mécontent. Il aurait préféré…
Mais qu’aurait-il préféré, au juste ?

**

La pluie les avait pris au dépourvu, sans crier gare, à peine le jour levé, et le feuillage, peu dense, filtrait à peine l’averse qui s’abattait sur eux. Une perspective peu réjouissante qui motivait peu à extraire leur nez de la tente, cependant ils y étaient bien obligés. Perdre des heures voire une journée à cause du temps était exclus. Commencer la journée détrempés ne les enchanta guère ; aussi, les préparatifs du départ se faisaient dans un silence un peu morose.
Les deux parapluies récupérés quelques jours plus tôt avaient vite trouvé un détenteur, une fois les affaires empaquetées. Lalli grimaça à ce constat, mécontent. Lorsqu’il était parti en éclaireur, il ne pleuvait pas encore, et le ciel était dégagé. Alors qu’il s’attelait à sa tâche, les nuages, traîtres, avaient afflué promptement pour déverser aussitôt leur charge aqueuse au-dessus de leurs têtes. Il avait espéré revenir suffisamment tôt pour en attraper un ; manque de chance, Emil et Sigrun se les étaient déjà accaparés. Mikkel, comme à son habitude, s’en accommodait parfaitement, tandis que Reynir se tortillait près de Sigrun pour profiter du sien. Kitty, le poil ébouriffé et mouillé, avait grimpé sur l’épaule de la jeune femme dans ce même but.
Jaloux, il leur parla à peine, seulement pour signifier qu’il n’avait rien croisé pendant sa ronde et pour leur désigner le chemin le plus prometteur. La tête rentrée entre les épaules, il attendit en les fusillant du regard que le signal du départ fût donné. Sigrun ne tarda pas à s’en charger en claironnant joyeusement pour leur impulser un entrain qui leur manquait. Alors qu’il allait lui emboîter le pas, il fut surpris de ne plus sentir de gouttes tomber sur son crâne, seulement sur son épaule droite, tandis qu’une masse étrangère effleurait la gauche. Il tourna la tête en cette direction pour tomber sur l’immense sourire d’Emil. Ce dernier babilla quelque chose sans qu’il l’entendît, son attention focalisée sur son visage et sur son geste. Une vague de contentement l’assaillit. Pas seulement à cause du parapluie mais aussi, et surtout, d’Emil. Il aurait pu décider de le garder pour lui seul, comme lui-même l’avait fait quelques jours plus tôt - et cette pensée lui tira un léger pincement de culpabilité, juste pour Emil. Mais non, Emil avait choisi de le partager avec lui. Cet idiot était trop gentil, et Lalli en était heureux, même si ses traits conservaient une certaine neutralité. Cela n’aurait pas été la même chose si cela avait été quelqu’un d’autre. Cela n’aurait pas signifié la même chose.
Puis Emil se détourna de lui et ils avancèrent côte à côte, épaule contre épaule, en bout de procession. La position avait de bancale qu’il ne maîtrisait pas celle du parapluie, qui tanguait de temps à autre, allant parfois jusqu’à exposer le bas de sa nuque. Après quelques instants de ce manège, il leva instinctivement la main pour en saisir la poignée et rétablir l’équilibre en sa faveur. En la sentant, Emil la lâcha, surpris, et Lalli en profita pour s’en accaparer la maitrise, et ce fut au tour du suédois de déplorer le même désagrément. Aussi, il imita bientôt le geste de Lalli et, sans réfléchir, sa main se posa sur celle du mage. Il fut parcouru d’un frisson tandis que ce dernier se raidissait. La peau d’Emil était chaude sur la sienne, aux longs doigts fins et froids.
Lalli sentit son cœur vaciller. Il tourna la tête et nota le rose aux joues d’Emil, qui le scrutait avec intensité. Sa main se tortilla sur la sienne, comme pour témoigner de la gêne de son propriétaire, cependant il refusait de quitter sa position. Ce serait comme admettre une défaite… et pour quelle raison ? Ses doigts débordèrent un peu vers le haut pour corriger l’orientation de la tige, sans que Lalli l’en empêchât.
- Hem… Désolé…, s’excusa-t-il, d’abord en suédois, puis en finnois.
Dans les deux cas, Lalli le comprit. Pourquoi s’excusait-il ? Il n’en avait aucune idée et s’en fichait. Il n’aimait pas les contacts mais il décréta que celui-ci, il l’appréciait - constat valable uniquement avec Emil - suffisamment pour ne pas tenter de s’extraire de sa poigne. Le contrôle du parapluie en dépendait. Emil finit par se détendre.
La situation aurait pu virer en lutte mais il n’en fut rien, ou à peine ; ils ne se collèrent que davantage l’un contre l’autre pour profiter au mieux de la protection de l’objet. Sans avouer qu’au passage, ils profitaient aussi au mieux de la proximité de l’autre.

**

Lalli ne comprenait pas la raison pour laquelle Emil avait insisté pour qu’ils vinssent s’installer en cet endroit. Le bois se dressait derrière eux, de même que le campement. Eux-mêmes étaient assis à quelques centimètres à peine du bord du promontoire rocheux, qui finissait en une falaise abrupte. En contrebas, s’étirait sous leurs yeux un vaste paysage boisé auquel le crépuscule conférait des tons tantôt dorés, tantôt rougeoyants. Pressés l’un contre l’autre, épaule contre épaule, le moment était relaxant. Le point de vue était magnifique, c’était indéniable ; et le regard pétillant d’Emil démontrait que le jeune homme était sous le charme. Cependant, il était aussi terriblement exposé. Un rien suffirait pour qu’un troll les repérât. Quel intérêt de courir un tel risque ?
Mais pire encore, pourquoi l’avoir suivi sans protester, et ne pas lui avoir signifié la bêtise de son entreprise ? Pourquoi se satisfaisait-il seulement de cet instant, seuls tous les deux, éloignés du reste du groupe ? Il devinait que cela avait sans doute à voir avec la conclusion qui s’était imposée peu à peu à lui, à savoir qu’Emil était spécial pour lui. Que le terme d‘ami ne semblait pas suffire à qualifier son ressenti à son égard.
Ses pensées s’interrompirent lorsqu’une main se glissa contre la sienne. Il riva son regard vers elles, les fixa un moment avant de remonter vers le visage d’Emil. Les joues roses, presque timide, ce dernier prenait sur lui pour ne pas porter son attention ailleurs. Comme le finnois ne réagissait pas, curieux quant à son prochain geste, Emil s’engaillardit et glissa davantage sa main pour entrelacer ses doigts avec les siens, puis il détourna la tête, le teint écarlate. Stupéfait, Lalli resta immobile. La sensation était étrange mais pas désagréable. Aussi, il raffermit la prise à la surprise d’Emil, qui frissonna. Un large sourire, un peu bête d’après ses estimations, étira alors ses lèvres. Lui-même n’en montra rien, mais il se sentit heureux. De l’initiative, mais aussi de la pensée qu’il n’avait jamais vu Emil l’entreprendre avec un autre membre du groupe. Cela conférait à ce petit geste ridicule une forme d’unicité qui lui plaisait. Quelque chose qu’ils ne partageaient rien que tous les deux.
Soudain, l’herbe dans leur dos se froissa et une exclamation leur arracha un sursaut :
- Ah, vous voilà !
Puis Reynir se figea tandis qu’Emil, pris sur le fait, s’écarta vivement de Lalli pour ensuite se concentrer vers la direction opposée, terriblement gêné. Lalli, lui, se retourna brusquement vers l’irlandais pour le fusiller du regard. Il venait de tout gâcher, cet imbécile !
- C’est pour manger, le repas est prêt ! expliqua joyeusement le concerné, conscient qu’il venait d’interrompre quelque chose sans être en mesure de déterminer quoi.
Emil acquiesça et se leva sans un mot, tout en prenant soin d’éviter Lalli. Celui-ci se renfrogna, boudeur. Il n’avait rien compris mais quelle que fût son excuse, il la jugea non recevable.
Stupide Reynir !
**
Lalli ne comprenait même pas pourquoi il s’était encombré de cette chose. Il ne comprenait même pas pourquoi il désirait faire plaisir à Emil. Et pourtant, dès lors qu’il l’avait aperçue, il avait vérifié sa solidité et l’avait glissée dans sa poche, ni vu ni connu. Sa main plongea dans sa poche, où elle fut reçue par un alignement de piques relativement pointues. D’une simple caresse, il s’assura de l’intégrité de l’objet puis extirpa son bras, satisfait. C’était pourtant ridicule, le suédois en avait sans doute déjà un - lui-même n’y avait pas trop prêté attention mais étant donné son amour pour ses cheveux et le soin qu’il leur accordait, ce devait être le cas. A moins qu’à force de l’utiliser, il l’eût trop usé ou perdu ? Avec un peu de chance.
En fait si, il savait pourquoi, et il se sentait l’âme d’un idiot. Un idiot comme Emil.
- Hey ! Lalli !
L’exclamation de Sigrun le tira de ses pensées, et il leva la tête. A quelques distances de là, les carcasses des trolls tués une demi-heure plus tôt refroidissaient et empuantissaient l’air. Un capharnaüm sans nom régnait dans la grande salle aux étalages couverts de poussières et de toiles d’araignée et autres insectes. Ses deux aînés le devançaient près de la porte d’entrée du magasin abandonné, leurs dos encombrés de deux énormes sacs, et lui faisaient signe. C’était l’heure de partir. Sans un mot, il les rejoignit et ils sortirent.
Ils évoluèrent avec prudence dans la ville fantôme, une succession de terrains en friche et de routes gondolées, Lalli vigilant à la moindre trace d’activité des trolls autour d’eux. Si la plupart avait l’amabilité de somnoler, certains les observaient, cependant nul ne bougea. Après une dizaine de minutes d’une marche relativement tranquille, ils dépassèrent la périphérie de la ville. Le pont, sous lequel passait une ancienne voie ferrée, se dressa devant eux. Les silhouettes d’Emil et de Reynir le précédaient de quelques pas, réduits à l’état de fourmis. Ils les rejoignirent et les retrouvèrent assis sur des caisses métalliques abandonnées sur le bas-côté. Il ne leur fallut pas longtemps pour constater que Reynir tentait, avec un échec assez saisissant, à entamer une discussion animée par lui seul, tandis qu’Emil regardait ailleurs avec ennui. Leur arrivée interrompit l’instant pitoyable et Reynir bondit de son siège, débordant de reconnaissance.
Tandis qu’il s’enthousiasmait des trouvailles de Mikkel et de Sigrun, qu’il pressait de partager, Lalli se planta devant Emil. Celui-ci le considéra avec curiosité pendant qu’il récupérait le peigne pour le lui tendre, silencieux. Les yeux d’Emil s’écarquillèrent.
- Un… Un peigne ? Tu as ramené un peigne ?
Lalli n’avait pas tout compris mais il hocha la tête. La teneur de ses propos était assez aisée à deviner, étant donné sa tête et son visage qui alternait entre lui et l’objet.
- Pour… Pour moi ?
Lalli acquiesça une fois de plus. La phrase était assez simple pour qu’il sût aisément la traduire, cette fois.
Emil fixa l’objet, abasourdi. Le peigne était relativement simple, de couleur sombre, mais bien conservé, sans fissure apparente ni dent manquante. Un sourire incrédule vint barrer son visage. Il le récupéra du bout des doigts, comme s’il peinait à réaliser que Lalli lui offrait un cadeau.
- Merci !
Lalli accepta le remerciement d’un hochement de tête, satisfait. Qu’il en eût encore un ou non, la question ne se posait plus. Après tout, il pouvait également en faire collection - même si lui n’en voyait pas l’intérêt.
Un silence incertain s’installa entre eux, tandis qu’Emil cherchait une poche assez grande pour abriter le présent de son ami. Lalli hésita à s’éloigner, mais les autres s’agitaient toujours au sujet du contenu des sacs, et le sujet l’indifférait. Ils ne tarderaient sans doute pas à partir, mais ce n’était pas pour tantôt. Aussi, son regard s’attarda sur les traits d’Emil et un sentiment étrange l’envahit peu à peu. C’était indéfinissable, comme le reste de ce qu’il ressentait pour lui, d’ailleurs. Seul Emil parvenait à provoquer de tels troubles chez lui.
Avant de se rendre compte de son geste, il leva la main et caressa brièvement la joue du suédois du bout des doigts, jusqu’à la commissure des lèvres. Le frisson d’Emil et son attention quasi instantanée l’amenèrent à reculer sa main. Il fixa celle-ci comme une entité étrangère, troublé. Apprécier le contact d’Emil était une chose… mais en initier un lui-même, et de cette sorte ? Et pour quelle raison ?
- Lalli…
Ses yeux croisèrent ceux d’Emil, interrogateurs et en même temps, brillants d’une lueur indéchiffrable. Il semblait le questionner sur le sens de son geste mais, même si Lalli l’avait pu, il n’aurait su y répondre. Le questionnerait-il la prochaine fois qu’ils se verraient dans le dreamscape ? Peut-être. Peut-être aurait-il alors une réponse à lui donner, ou peut-être pas.
- Eh, vous deux ! On y va !
Sigrun. Lalli n’eut pas besoin de se tourner vers les autres pour deviner qu’ils partaient enfin. Le sujet fut ainsi clos, pour le moment du moins. Et Lalli ne parvenait pas à déterminer ce qu’il ressentait à cet égard.

fic, stand still stay silent, pour:mary idylle, auteur:mousticat

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