Titre : Au-delà du monde connu
Auteur : MoustiCat (Participant.e 22)
Pour : Lilange (Participant.e 4)
Fandom : Gradalis
Persos/Couple : Perceval, Dame Briane, Neste
Rating : G
Disclaimer : Gradalis appartient à Kochei
Prompt : Pré-canon, le regard que peut porter Perceval sur le monde extérieur, qu’il ne connaît qu’à travers ce qu’en racontent sa mère et les villageois.
Notes : Je ne sais pas si c’est ce que tu en attendais mais j’espère que ce texte te plaira !
- Mère ?
Assise dans un fauteuil près de la cheminée, Dame Briane ne réagit pas. Plongée dans sa lecture, elle ne semblait pas l’avoir entendu. Perceval crut un instant qu’elle ne répondrait pas, comme cela arrivait parfois. Cependant, sa mère finit par tourner lentement la tête vers lui. Le visage de l’enfant s’éclaira. Même si le regard qui se posait sur lui était plutôt austère, obtenir son attention était déjà une victoire en soi.
Puis le silence s’installa, inconfortable, tandis qu’elle se scrutait avec sévérité, de sorte qu’il perdît son air jovial pour en arborer un autre, plus contrit.
- Tu as encore été dans le bois.
C’était un constat, simple, qui ne souffrait d’aucune réplique. Intimidé, le garçon hocha la tête, penaud. L’état de ses vêtements et de sa peau l’empêchait de démentir.
- Qu’as-tu encore ramené, cette fois ?
Il avait l’impression de sentir le reproche dans sa voix et dans son attitude, aussi il n’osa rien dire, bien que la réponse fût ‘rien’. Il commença à se triturer les mains dans un geste compulsif. Il ne pensait pas avoir quelque chose à se reprocher mais craignait que sa mère fût mécontente malgré tout.
Elle dut parvenir à cette conclusion elle-même car elle n’insista pas.
- Eh bien, que veux-tu donc ?
Perceval hésita. Son attention se focalisa un instant sur la porte qui s’ouvrait et sur Neste qui pénétrait à l’intérieur de la pièce, les bras chargés. Puis elle revint à sa mère et il s’inquiéta qu’elle ne fût encore davantage fâchée, aussi il lâcha du bout des lèvres, pour justifier l’interruption :
- Qu’y a-t-il après la forêt ?
C’était LA grande question qui ne cessait d’attiser sa curiosité. Son monde se réduisait au domaine de sa mère et à ses gens, et au bout de forêt qu’il était en mesure de visiter. Qu’y avait-il donc au-delà ? Des villages comme le leur ? Des créatures qu’il n’avait jamais vues ?
Près d’eux, Neste se figea alors qu’elle venait de se délester de son fardeau. Les sourcils de Briane se froncèrent et, à cette réaction, l’enfant se ramassa un peu sur lui-même, tandis que son tic s’aggravait avec son stress croissant. Après quelques secondes, elle se détendit et se détourna de lui, nonchalante.
- Rien de plus qu’ici.
Il voulut insister mais une simple œillade de sa mère l’en dissuada. Il jeta un coup d’œil rempli d’espoir à Neste. Celle-ci lui adressa un sourire piteux en réponse. Comme sa mère avait repris sa lecture, il emboîta le pas de Neste sans un mot et, une fois hors de la pièce, il profita de la porte close pour questionner la jeune femme.
Celle-ci accueillit ses interrogations avec une moue gênée.
- Pourquoi y aurait-il autre chose ailleurs, jeune maître ?
Elle n’en révéla pas davantage. Perceval en conclut que ce n’était pas réellement une réponse mais se sentait incapable de la contredire. Après tout, peut-être était-ce vrai ? Peut-être n’y avait-il rien de plus ?
**
Perceval était rempli d’espoir. Dame Briane avait enfin accepté qu’il accompagnât Neste à la chasse ! Cela n’avait pas été une mince affaire, car elle répugnait au départ de son fils. Ce dernier ne comprenait pas où était le problème. Il était assez âgé. Quel danger courait-il ? Il s’était déjà rendu dans le bois à de nombreuses reprises, depuis qu’il était petit, seul, même si sa mère n’en avait jamais été particulièrement enchantée. Il n’avait jamais rien récolté de plus que quelques ecchymoses consécutives à quelques petites chutes, en trébuchant sur des racines, ainsi que des plaies sur les mains et les bras en les glissant n’importe où. Oh, peut-être une épaule déboîtée, une fois, en escaladant un arbre tel l’écureuil qu’il n’était pas. Quelques bleus et autres contusions, des vêtements sales… Il fallait avouer que, sans cela, il était aisé de s’ennuyer. Il avait rarement croisé un animal plus gros qu’un lapin. Rien de ce qu’il avait vu ou subi ne justifiait une telle réserve.
Certes, cette fois, il s’enfoncerait plus profondément que jamais - et c’était bien là tout l’intérêt d’aller à la chasse ! Aller plus loin, au-delà de ce qu’il connaissait, vers des horizons inexplorés. Il avait appris à lire mais les ouvrages à disposition n’avaient su étancher son désir de réponses. Sa mère en avait seulement souligné le danger, tout en restant plutôt sibylline dans ses propos. Perceval supposait qu’elle songeait aux créatures terribles qui hantaient certaines histoires, même s’il se demandait parfois lesquelles existaient réellement et lesquelles étaient inventées. Il n’avait pas eu l’occasion d’en croiser beaucoup, au sein du petit monde auquel il était assigné. Aussi, il peinait à prendre tout cela trop au sérieux, du moins cela ne suffisait pas à le dissuader.
Tandis qu’il attendait Neste, l’excitation ne cessait de le gagner. Jusqu’où iraient-ils ? Que verrait-il sur le chemin ? D’autres paysages que ceux qu’il connaissait ? Différents jusqu’à quel point ? D’autres villages comme le leur ? A moins qu’ils ne fussent trop loin ? Le monde extérieur était un véritable mystère. Il avait si hâte ! Le sentiment redoubla lorsqu’il vit la jeune femme réapparaître, un javelot à la main. Il en avait déjà vu, mais jamais manié par quelqu’un. Il avait bon espoir que Neste le lui apprît. Elle le lui avait promis, sitôt l’accord de sa mère arraché. Il trépignait d’avance.
Il n’oubliait pas que c’était grâce à elle qu’il avait le droit de la suivre et l’avait remerciée pour cela. Perceval n’avait aucune idée de la façon dont elle s’était prise pour convaincre sa mère ; cela tenait du miracle. Même si, et Briane avait bien insisté sur cette condition, il ne devait en aucun cas se séparer d’elle. Trop heureux de cette permission, il ne comptait pas désobéir. Il était novice, alors cette prudence était de circonstance.
Impatient, il attendit malgré tout qu’elle le rejoignît avant de la bombarder de questions.
- Alors, jusqu’où allons-nous ? Qu’est-ce que nous allons voir ? Des ours ? Des dragons ?
Rien de tel aperçu jusque-là, mais savait-on jamais. Neste rit.
- Prie pour que la réponse soit ‘aucun’ ! Pour les ours, cela reste possible, mais occasionnel, et je n’ai jamais vu de dragon. Encore heureux, ou je ne serais sans doute pas là pour te parler.
La remarque ne refroidit pas son enthousiasme. Il insista sur leur destination, leur itinéraire, ce qu’il devrait y avoir. Les traits de la chasseresse s’attendrirent face à un tel entrain.
- Tu verras, éluda-t-elle. Allons-y.
**
A dix-sept ans, Perceval ne savait que penser de sa vie. La forêt s’étirait devant ses yeux tandis qu’il attendait Neste. Celle-ci se tenait à quelques pas de lui, en train de soupeser un javelot fraîchement fabriqué devant le regard attentif de son concepteur. Le précédent avait été brisé lors de leur précédente chasse, aussi elle avait dû en commander un autre. Il se retint de soupirer. Il avait hâte de pénétrer au sein du bois. Il s’y sentait davantage à l’aise qu’entre les murs de pierre.
Même s’il avait été un peu déçu au début, ne voyant rien d’autre que de la forêt plus profonde, il avait découvert et vu beaucoup de choses, et il avait rapidement appris à aimer cette activité. Les sensations que cela procurait, la forêt pour seul décor… La nature le tranquillisait. S’en remettre à ses sens et à l’instinct l’aidait à balayer certaines pensées parasites. Il avait appris énormément en compagnie de Neste, et ces moments lui donnaient la sensation de faire quelque chose de son temps. Quelque chose d’utile, quand il rapportait du gibier au village. Quelque chose qui rompait l’ennui, tout en lui donnant l’impression que son existence n’était pas vaine, ou d’une vacuité innommable. Il y avait des choses qu’il ne comprenait pas, comme la raison pour laquelle des gens comme Neste travaillaient tandis que d’autres, comme sa mère et lui, se contentaient d’en profiter. Sa mère disait que c’était normal, et qu’il devrait seulement s’en montrer reconnaissant. Il l’était, d’une certaine façon… et en même temps, quelque chose dans cette situation le gênait. La chasse constituait en même temps un bon échappatoire pour ne pas réfléchir à tout cela.
Son regard s’attarda un instant sur l’horizon, au-delà des arbres. Cela faisait longtemps qu’il avait cessé de se tarauder l’esprit avec ce qu’il y avait au-delà des frontières connues. Il lui aurait fallu partir plusieurs jours pour le découvrir, sa mère le refuserait et il se sentait incapable de s’opposer à elle. Neste non plus. Sans doute y avait-il d’autres villages comme le leur, trop loin pour les atteindre dans leurs chasses régulières… Le monde se réduisait-il donc à cela, des terres arborées ponctuées çà et là d’amas d’habitations humaines et d’étendues d’eau de largeurs diverses ? Il lui arrivait parfois de continuer à spéculer dans son esprit mais, sans rien pour alimenter son imagination, son intérêt fluctuait et s’étiolait. Ou plutôt, il refusait de s’appesantir sur ces idées. Cela ne servirait à rien.
- Messire ?
Perceval s’extirpa de ses pensées pour s’apercevoir que Neste le fixait avec attention. D’une certaine façon, c’était agaçant. Sa mère ne lui faisait-elle donc pas confiance pour se débrouiller seul ? Il n’était plus un enfant ! Cependant, elle refusait de revenir sur sa décision et Perceval n’osait la confronter sur le sujet. C’était ainsi. Il espérait qu’il en fût autrement un jour. Un jour.
Il s’excusa de son étourderie mais Neste balaya ses propos dans un geste jovial, avant de l’observer avec inquiétude.
- Vous semblez distrait. Tout va bien ?
- Oui, bien sûr, assura-t-il. J’ai juste hâte d’y aller. Je me suis perdu dans mes pensées.
Neste acquiesça sans insister. Elle n’avait aucune raison de le faire. Elle avait conscience que, de toute façon, Perceval ne parlerait pas davantage. Il n’avait pas l’habitude de se confier.
Ils n’eurent pas besoin d’autres paroles - la force de l’habitude. Il attrapa son javelot et ils se dirigèrent vers la forêt, ensemble. Ainsi se résumait sa vie, et en aucun cas il ne songeait qu’elle pût être différente. Elle était ici, et nulle part ailleurs.
Le monde autour du sien demeurait un mystère, et il en serait sans doute ainsi pour toujours.