Titre : I'm a changeling, see me change (partie 4)
Auteur : Nzinga du Matomba (participant 11)
Pour : Crows in the Wind (Participant 22)
Fandom : Labyrinth
Persos/Couple : Sarah/Jareth
Rating : R
Disclaimer : Le labyrinthe ne m'appartient pas
Prompt : Jareth, Sarah, Toby, les habitants du monde des gobelins, Jareth/Sarah. Ce couple appelle l’angst ! Comment aurait été les choses si Sarah avait été une jeune adulte, moins impressionnable ? Ou alors une fois où Sarah et Jareth se revoient, des années plus tard après le film. Qu’est devenu Toby ? Dans quel état Sarah retrouve Jareth ?
Notes : Merci pour ce prompt ! J'espère que la réponse te plaira, j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire.
Chapitre 4
Visiblement, elle avait eu raison de s'inquiéter. Durant les trois heures qui suivirent, Sarah découvrit toute seule trois illusions et tomba accidentellement dans deux autres. Jareth ne la suivit que la moitié du temps. Seule, Sarah dut réaliser que même dans une illusion, les griffes, dents et serres laissaient de cruelles marques qui subsistaient même après son évasion. Même quand, par hasard ou intention, le roi des Gobelins la suivait, il ne lui proposait ni aide, ni conseil.
-Tu as besoin d'apprendre à te défendre seule Sarah, déclara-t-il quand elle lui en fit le reproche. Tu aurais tord de te reposer entièrement sur moi.
-Vous aviez promis de m'aider, cracha Sarah. Pour ce que j'en vois, pour l'instant je me débrouillerais tout aussi bien sans vous puisque vous ne faites rien.
Il sourit d'une manière indéchiffrable avant de se rembrunir et de regarder l'horizon avec lassitude. Cette vision coupa étrangement le souffle à Sarah et la força à prendre le temps de réfléchir. Aussitôt, elle eut envie de se donner des claques. Lors de sa visite du labyrinthe, elle était tellement fixée sur la libération de Toby qu'elle n'avait pas vu que Hoggle souffrait en silence à cause du chantage de Jareth. Depuis quelques heures, ce dernier adoptait le même comportement. Il se fermait et son silence cachait quelque chose que ne voyait pas Sarah par ignorance des règles de ce monde.
Sa ferme décision de mépriser Jareth jouait également dans le manque de clairvoyance de Sarah. Depuis leurs retrouvailles, elle avait écouté ses conseils mais ignoré tout le reste. Il lui avait dit et redit que Toby et elle n'étaient qu'un moyen de l'atteindre lui. Sarah ne s'était jamais demandée sérieusement s'il était en danger en mettant les pieds en ces lieux. Selon ses dires, Toby avait été enlevé pour qu'elle vienne à sa suite et reste prisonnière, prouvant la supériorité de ceux de la lande. Ceux-ci n'avaient pas compté sur le fait qu'il décide de venir s'occuper du problème, avec ou sans elle. Au minimum, ce devait être un risque politique. Pour ce qu'en savait Sarah, cela pouvait même dégénérer en guerre ouverte entre les deux royaumes. Le risque devait être énorme si cet arrogant phénomène préférait se présenter en guide d'une simple humaine plutôt qu'en roi tout puissant.
Sarah avait le sentiment de toucher le cœur du problème. Depuis le temps qu'ils étaient là, il devait avoir formulé un plan pour vaincre ses adversaires. Mais lié par les règles du Sous Monde, il devait être incapable de pouvoir le mettre en œuvre. S'il était le guide de Sarah, elle était son outil. Elle pouvait agir là où lui devait se contenter d'observer. Ils s'utilisaient l'un l'autre pour réussir. Elle voulait Toby, lui voulait rappeler publiquement sa puissance sans mettre en danger son royaume.
Cela lui convenait parfaitement.
Cela voulait également dire que Sarah devait compter principalement sur son ingéniosité pour trouver un moyen d'affronter ceux de la lande. La première chose à faire, c'était d'en apprendre plus sur ces mystérieux personnages. Jareth ne pouvait rien lui dire, du moins, directement. Il lui avait peut être déjà donné quelques indices, mais il était clairement d'une humeur si massacrante qu'il ne voudrait rien lui dire pour le moment. Il y avait cependant un détail qu'avait remarqué Sarah. Jareth était incapable de résister à une occasion de lui montrer à quel point il en savait plus qu'elle. Il appréciait aussi quand elle se montrait futée. S'il refusait de lui parler, elle pouvait l'amadouer pour le rendre d'humeur plus bavarde. Sarah se sentait tout à fait capable de l’entraîner par des sentiers détournés à parler des forces et faiblesses de ses adversaires.Son ego, après tout, était sa faiblesse.
-Il y a une chose que je ne comprend pas, remarqua-t-elle en prenant bien garde à ce que son ton reste neutre et ne trahisse rien de son intense curiosité. Vous avez dit que les noms avaient du pouvoir ici, qu'ils asservissaient celui qui les prononce. Dans ce cas, pourquoi cherchez vous à savoir celui de ceux de la lande ?
-Ils le gardent secret. Ne réfléchis-tu donc pas ?
-Cela je l'ai bien compris. Cependant... vos sujets connaissent votre nom n'est-ce pas ? J'ai entendu Hoggle le prononcer. Ne pourrait-on pas simplement faire parler un de leurs lutins ?
L'idée rendit à Jareth son sourire habituel, à la grande satisfaction de Sarah.
-Nous avons intérêt à ce que nos sujets et nos victimes prononcent nos noms, pour les mettre sous notre joug. Si tu avais répété mon nom après avoir entendu Hoggle le prononcer, tes chances de victoire auraient été encore plus faibles.
-Vous avez dit que prononcer mon nom...
Sans prévenir, Jareth la pris dans ses bras et plongea son visage dans ses cheveux, coupant à nouveau le souffle à Sarah. Son odeur, la chaleur de son corps, tout cela la submergeait et la rendait incapable de lutter. Heureusement, il la lâcha rapidement et presque brutalement car Sarah n'aurait pas pu s'extraire de son étreinte. Son cœur battait la chamade. Les mains de Jareth, toujours posées sur ses épaules, tremblaient.
-Je te l'ai dit, j'ai depuis longtemps accepté ma défaite. Je n'ai pas de pouvoir sur toi Sarah car je te vois et je te veux comme mon égale. Et si tu acceptait de prononcer mon nom comme je prononce le tien...
Il s'interrompit et passa une de ses mains sur son front. Ses yeux étaient presque hagards. Quand ils se posaient sur elle, il la regardait comme on contemple ou une vision dans un rêve ou une statue sur son piédestal. Sarah ne parvenait pas à comprendre qu'on puisse la regarder ainsi.
-Je serais vôtre, réussit-elle à finir pour lui, la gorge sèche.
Il cligna des yeux comme s'il sortait d'un rêve et émit un rire douloureux.
-Ne t'inquiète pas Sarah, je sais que tu es trop fière pour ramper à mes pieds comme je le fais aux tiens. Pour en revenir aux noms, si ceux de mon rang les cachent et s'arrangent avec des sortilèges pour que leurs gens ne puissent les prononcer en présence d'ennemis c'est que nous ne sommes pas comme ces êtres inférieurs. S'ils prononçaient le tien, ils t'asserviraient, à moins que tu ne reste persuadée d'être notre égale et que nul ici n'a de pouvoir sur toi.
-J'ai été capturée un moment. Ils m'ont demandé mon nom et je leur ai donné mais ils ne l'ont pas prononcé.
-Alors c'est qu'ils s'inquiètent de ta puissance. Un bon point en ta faveur. Par ailleurs, si je connaissais le vrai nom de ceux de la lande, je pourrais tenter de les asservir. Si le mien était prononcé sur ces terres... Je te laisse deviner ce qu'ils pourraient me faire.
Sarah se retourna pour qu'il ne la voit pas blêmir. Lorsque Jareth avait disparu, la toute première fois, après sa sortie du marécage, elle était à peut près sûre de l'avoir appelé par son nom. Jamais auparavant elle ne l'avait fait, même en se promettant à lui. La plupart du temps, elle ne savait pas si elle le méprisait, le haïssait ou autre chose encore, mais elle espérait maintenant que personne ne l'avait entendu l'appeler.
Elle ouvrit la bouche avec l'intention de le lui dire, de s'excuser et de plaider l'ignorance. Elle n'en fit rien. Ses regrets étaient réels, tout comme son inquiétude, mais Sarah avait encore besoin du roi des Gobelins et de ses connaissances. Il n'était pas question de se l'aliéner maintenant ou de causer son repli. Consciente de ne pouvoir ouvrir la bouche sans se trahir, elle repris sa marche. La conversation était loin d'avoir pris le tour qu'elle avait souhaité ou espéré.
Perdue dans sa songerie, elle mit une minute à réaliser qu'elle n'entendait pas derrière elle le bruit caractéristique des bottes de Jareth et elle se retourna pour l'apostropher. Accroupi, il avait posé une main sur le sol et, la tête inclinée, écoutait attentivement. Curieuse et inquiète, Sarah le rejoignit et l'imita. Elle n'entendit rien.
-J'aurais juré entendre une illusion se déplacer au loin. Ce pourrait être l'endroit où ils détiennent ton frère qu'ils déplacent car ils trouvent que tu avances trop vite.
-Alors dépêchons nous, décida Sarah en bondissant sur ses pieds. L'heure tourne.
Il hocha la tête et se redressa aussi, plus laborieusement que s'y attendait Sarah. Le roi des Gobelins était plus pâle d'heure en heure et favorisait sa jambe gauche chaque fois qu'ils s'arrêtaient. Elle allait lui en faire la remarque et lui demander d'où venait le son qu'il pensait avoir entendu, tout en cherchant des yeux à l'horizon. Elle avait déjà trouvé une illusion en remarquant un glissement étrange de lumière sur un élément de la lande. Elle pouvait donc en trouver une autre.
Derrière elle, Jareth poussa un cri d'avertissement. Sarah se retourna, aux aguets, mais repéra trop tard le miroitement dans l'air, juste au-dessus de sa tête. Elle eut le réflexe de se baisser, mais trop tard. La patte griffue qui surgit de l'illusion où elle s'était cachée l'aurait décapitée, sans l'intervention de Jareth. Il sauta et son élan lui permis de la faire basculer. Sarah roula au sol, éclaboussée de sang. Paniquée, elle plaqua sa main gauche sur son épaule pour empêcher le sang de couler. Elle avait besoin de soins et de bandages. Elle n'avait pas pensé à en prendre, le labyrinthe n'avait pas été comme ça.
Réalisant qu'elle allait mourir si elle ne se reprenait pas, Sarah se força à se redresser et écarquilla les yeux. La chose qui l'avait attaqué était bien plus terrifiante que tout ce que Sarah avait pu croiser jusque là, immense, trapue, couverte de griffes, de crocs et de cornes. Il leva à nouveau sa patte et attaque à la vitesse de l'éclair. Sarah trébucha en voulant l'éviter. Elle était bien consciente qu'elle ne pouvait pas affronter cette chose.
Jareth se plaça sur le chemin du monstre, sa canne levée soudain changée en épée. L'acier trancha sans effort la chair et la bête hurla sa douleur tandis que Jareth riait à gorge déployée. Roulant sur le sol pour passer sous la queue de la bête, il repassa à l'attaque, profitant de la surprise de la créature pour s'attaquer à son tendon gauche. Il le rata de peu et la bête, avertie, répliqua vicieusement d'un violent coup de queue qui étourdit Jareth. Le roi des Gobelins tomba au sol sur le dos. Secouant la tête, il tenta de se relever mais sa jambe gauche céda sous son poids et il retomba au sol. La créature en profita pour écraser de sa lourde patte la main de Jareth. Sarah faillit vomir en entendant distinctement des os se briser. Celui-ci ne hurla pas mais blêmit et lâcha son épée.
Une dizaine de lutins efflanqués en profitèrent pour sauter à leur tour hors de l'illusion et frapper Jareth resté à terre. Il était loin d'être vaincu cependant. De son autre main, il saisit son épée à terre et en transperça trois lutins d'un unique geste vif. Les survivants s'éparpillèrent en poussant des cris d’orfraies avant de tourner leurs regards mauvais vers Sarah. Elle se figea, certaine de sa mort prochaine. Elle ne savait pas se battre, était trop terrorisée pour bouger ou essayer de leur arracher une arme.
-Ne vous avisez pas de la toucher, gronda Jareth, sans parvenir à se dégager malgré un effort désespéré au prix d'un nouveau craquement terrifiant.
Un des lutins grimpa sur le dos du monstre. C'était le même qu'ils avaient déjà croisé.
-Ou sinon quoi, rien de rien du tout ?
-Ne t'avise pas de me menacer avorton. J'ai fini de jouer.
-Tu as raison, fini de jouer. Tu nous as assez fait perdre de temps et tu n'as que trop triché et violé les règles. Puisque tu n'as pas compris le premier avertissement, mon maître te salue.
Le lutin frappa le dos du monstre d'un pied chaussé d'une pointe de métal. Répondant à l'ordre implicite, le monstre leva une nouvelle fois sa queue et planta le gigantesque dard qui en formait la pointe dans l'épaule de Jareth. Cette fois, le roi des Gobelins hurla et lâcha à nouveau son épée. Les lutins éclatèrent de rire tandis que le monstre tournait son dard dans la plaie avec délectation.
-Arrêtez !, hurla Sarah.
Les lutins et le monstre tournèrent leur attention vers elle et lui montrèrent leurs crocs. Sarah refusa de se laisser intimider. Elle était incapable de se battre, mais c'était avec ses mots qu'elle avait vaincu Jareth. Elle devait juste accaparer leur attention pour donner à Jareth le temps de se reprendre.
-Est-ce ainsi que vous traitez les souverains étrangers ?
Un concert de rire lui répondit. Même le monstre émit un son guttural qui montrait son amusement.
-Souverain, celui-là ne l'est plus guère, commenta le chef des lutins. Tout le monde sait que le contrôle de son royaume lui échappe depuis des années.
-Quoi ?
-Il ne t'as pas dit ? Oh c'est trop drôle, ce roi de pacotille a tenté de te fait croire qu'il est puissant ? Il n'est plus rien, tout le monde le sait. Il est la risée de tous les royaumes, une proie tout juste bonne à abattre. La seule question, c'est de savoir qui aura la joie de l'achever et qui se partagera ses oripeaux.
Du haut de son perchoir, le lutin cracha au visage de Jareth, toujours à terre. Ses camarades l'imitèrent tout en poussant des cris d'animaux, sans se soucier de ses menaces inarticulées et de ses regards incendiaires.
-Il n'est plus rien, poursuivit le lutin. Seule, tu n'as aucune chance. Tu n'es arrivée si loin que parce que cet animal s'est laissé asservir par tes sourires n'est-ce pas ? Risible, l'un des plus terribles de nos souverains, réduit à l'état de chien de manchon. Dommage pour lui. Les règles lui interdisaient de t'aider, il n'a qu'à s'en plaindre à lui-même. S'il avait moins bavé à tes pieds, il s'en serait peut être sortit vivant avec les miettes de sa dignité.
Le monstre leva enfin son pied de la main de Jareth sur un nouveau coup d'éperon du lutin. Le roi des Gobelins tâcha de se relever, tremblant. Il n'en eut pas le temps. En hurlant de rage, le monstre frappa du pied au sol, juste à côté de Jareth. Mais ce n'était pas lui qu'il visait. Le coup violent fit trembler la terre qui s'ouvrit et avala le roi des Gobelins.
Sans hésiter, Sarah courut, glissa sur le sol pour ramasser son épée et plongea à sa suite. La terre les ensevelit tous les deux.
Leur chute fut brève, mais brutale. Sarah eut l'impression qu'une demi tonne de terre s'abattait sur elle puis, tout s'arrêta. Sarah recracha la terre avalée pendant sa chute et rampa pour s'extraire de la masse de terre, priant pour ne pas déclencher une nouvelle avalanche. La faible lueur du jour qui parvenait par le trou causé par le monstre fournissait juste assez de lumière pour lui permettre de distinguer un passage, ou du moins un espace creusé dans lequel elle pouvait se tenir accroupie sans craindre que le plafond ne s'effondre. Une fois qu'elle se fut assuré de ne rien avoir de cassé ou de foulé, Sarah sortit de son refuge pour se mettre en quête de Jareth.
Celui-ci avait eu moins de chance dans sa chute. Sarah ne distinguait de lui qu'une main sanguinolente et tordue, qui dépassait de sous l'amas de terre qui l'avait englouti. Elle fut surprise du froid de cette main. Chaque fois que Jareth l'avait touché, il lui avait semblé brûlant. À son grand soulagement, le pouls battait quoiqu'à peine. Sarah n'osait tirer sur cette main pour le dégager, ne voulant provoquer un nouvel effondrement ou aggraver son état. Rien que de voir cette main, elle avait envie de vomir.
Précautionneusement, elle dégagea l'avant bras puis l'épaule de Jareth. Du haut du monticule, des mottes de terre meule commencèrent à rouler et à ensevelir à nouveau le roi des Gobelins, toujours inanimé. Consciente du danger imminent, Sarah saisit à deux mains son bras au niveau de l'épaule et tira de toutes ses forces pour l’entraîner dans son refuge. Il était temps. La terre finit de s'écrouler, bloquant tout espoir de retraite. Sarah s'efforça de positiver. Désormais, il n'y avait plus à craindre d'être suivi par des lutins ayant voulu s'assurer de leur mort. Par contre, il était tout à fait possible qu'ils soient coincés dans un recoin sans issue avec une mort rapide et atroce dans les ténèbres comme seule issue.
Sarah s'interdit de paniquer. Avec quatre heures restantes pour réussir, elle n'en avait tout simplement pas le temps. Elle posa deux doigts sur le coup de Jareth. Le pouls qu'elle sentit faiblement la rassura brièvement mais cette inconscience prolongée restait inquiétante. Sous sa main, le front de Jareth était poisseux, de sang ou de sueur. Dans l'obscurité, impossible de le dire. Sarah défit le tissu de soie dont il avait enrobé sa blessure à la ête et, à tâton, elle pansa à son tour son épaule. Heureusement, le tissu était assez long pour faire le tour de son torse et elle pu le nouer et glisser précautionneusement à l'intérieur sa main blessée.
-C'est bien lui de me laisser faire tout le travail, soupira Sarah avant de repenser au fait qu'il n'était blessé que pour avoir voulu la protéger.
Et elle l'avait traité de lâche. Elle même n'avait eu que la bravoure de sauter à sa suite. Sur le moment, il ne lui était même pas venu à l'idée d'essayer de désarmer un des lutins et de l'aider. Se souvenant de l'épée qu'elle avait ramassé avant de sauter, Sarah tâtonna pour la ramasser et la passa à sa ceinture. Enfin prête, elle saisit Jareth sous les épaules et tira.
Leur progression fut malaisée. Jareth était moins lourd qu'elle ne l'aurait cru, mais tirer un homme inconscient tout en avançant, accroupi et à reculons, en tâchant de ne pas élargir ses plaies, était un sacré défi. Le tenir par les jambes aurait peut être été plus facile, mais le tunnel était trop étroit pour le retourner facilement. Au bout d'un moment, Sarah se mit à distinguer les contours du visage de Jareth. Quelque chose brillait faiblement derrière Sarah. Ragaillardie, elle empoigna plus fermement son compagnon et tira de plus belle.
Le paysage aboutissait dans une grotte dans laquelle on aurait pu faire tenir la chambre de Sarah. Les murs étaient tapissés de champignons qui diffusaient une douce lumière verte. Avec précaution, Sarah fit glisser le corps de Jareth sur la pente qui conduisait à la grotte. Elle dut le tenir par les pieds cette fois. Le ridicule de la situation l'aurait fait rire si les circonstances étaient moins dramatiques. Nul ne devait jamais savoir ce qui c'était passé. Si on apprenait qu'elle avait du retenir le roi des Gobelins par les pieds pour ne pas qu'il tombe comme un tas de chiffon au bas d'une pente, il ne lui pardonnerait jamais cette indignité.
-Avec ça, nous sommes quittes, murmura-t-elle en l'installant aussi confortablement que possible contre une paroi.
Un rapide regard lui permis de constater que l'inconscience de Jareth n'était pas liée à une blessure à la tête. La sueur collée à son visage et son teint maladif lui donnaient une figure de mourrait. Il lui restait un peu d'eau. Elle s'en servit pour éponger son front et rafraîchir ses tempes. Le contact de cette eau fraîche suffit à lui faire reprendre conscience. Il ouvrit les yeux en gémissant et fixa des yeux Sarah avec confusion.
-Comment vous sentez-vous ?
-Affreusement mal, avoua-t-il en essayant vainement de redresser sa tête. Mieux à l'idée d'être soigné par de si charmantes mains.
Le compliment était plus un réflexe qu'autre chose. Il suivait chaque geste de Sarah avec des yeux fébriles et son souffle s'apparentait plus à un râle. Il ne commenta même pas lorsque Sarah ouvrit son pourpoint et sa chemise pour observer sa blessure à l'épaule. Elle était moins grave et moins profonde que ne l'aurait cru Sarah mais infectée et presque purulente.
-Empoisonnée ?, demanda Jareth avant de poursuivre, déjà certain de la réponse. Évidemment. Ils auront voulu m'affaiblir.
-Il me semblait que c'était moi qui était visée.
Jareth repoussa l'intervention d'un geste et se redressa avec plus de succès.
-Je ne doute pas que ta mort ne les aurait pas attristé mais non, c'est moi qu'ils visaient en me poussant à la faute. Je n'avais pas le droit de te défendre, juste de te guider. Ils m'avaient déjà avertis deux fois. J'ai choisi de ne pas en tenir compte.
-Deux fois ?, s'exclama Sarah. À moins que vous ne comptiez cette embuscade comme un avertissement...
Son regard se porta alors vers la jambe droite de Jareth, réalisant qu'une flaque de sang s'élargissait doucement en dessous.
-Tu me connais Sarah, sourit-il avec un mélange de fierté et d'une inattendue auto-dérision. Je suis très mauvais joueur.
-Depuis combien de temps être vous blessé ? Depuis l'illusion du lac ? Celle avec les arbres qui cherchaient à m'avaler ? Le château ?
Son regard le trahi.
-Vous êtes blessé depuis des heures et vous n'en avez rien dit, lui reprocha-t-elle, le cœur soudain lourd.
Cent fois il aurait pu lui dire, pour réclamer de l'aide ou lui rappeler à quel point sa dette envers lui augmentait. Cent fois il s'en était abstenu. Il haussa une épaule tout en tâtant sa plaie pour en constater la gravité.
-Je te l'ai déjà dit Sarah, je t'appartiens, constata-t-il d'un ton désabusé. Croyais tu que j'allais hésiter à risquer ma vie pour toi ?
Oui, elle l'avait cru. Elle l'avait traité de lâche, à de multiples reprises, alors même qu'il arborait la preuve du contraire. Ses grandes déclarations l'avaient laissé plus ou moins de glace : si une part d'elle même ne pouvait s'empêcher d'être touchée, l'autre y voyait surtout une froide machination. Elle ne lui avait fait confiance que pour servir ses propres intérêts. Elle finit par soupira et détourna les yeux de son visage fébrile et implorant.
-Pourquoi vous rendez vous aussi difficile à aimer qu'à haïr ? Vous dites vouloir que je vous aime mais la plupart du temps vous ne réussissez qu'à vous rendre détestable.
-Mais je ne fais que ça Sarah, essayer de me faire aimer de toi, et j'y suis parvenu puisque tu as juré de m'appartenir.
-Aimer et appartenir, ce n'est pas la même chose.
-Pour ta race, peut être. Pour moi et les miens, c'est la même chose. En matière d'amour, nous sommes incapable de comprendre ou d'accepter tout ce qui ne touche pas à l'absolu. Je suis déjà ton esclave, j'attends juste que tu sois la mienne en retour.
-Je ne suis pas sûre de pouvoir aimer de cette façon, reconnut Sarah en détournant les yeux. Ni de le vouloir.
Il saisit sa main avec fièvre et la porta à ses lèvres.
-Je n'exigerai rien de toi, je ne te veux pas, je ne te veux plus ainsi, mais enfin, il faudra bien que tu me donnes quelque chose en retour. Cela ne te suffit-il pas que je m'écrase, faut-il que je rampe à tes pieds ? Ah, Sarah, Sarah, pour quelqu'un qui n'est pas de ma race, tu fais preuve bien souvent de la même cruelle indifférence.
Sarah lui arracha sa main. Elle ne savait pas ce qui la blessait le plus, son désespoir ou cette terrible comparaison. Réalisant qu'elle ne pouvait de toute manière rien faire de plus pour ses blessures, elle se redressa pour examiner les parois de la grotte à la recherche d'une issue. Elle était déterminée à ignorer Jareth. Elle en était incapable.
-Même votre attirance envers moi est incompréhensible. Vous avez des siècles, des millénaires peut être d'expérience de plus que moi. Je ne comprend tout simplement pas ce que vous avez peu trouver à une fille de quinze ans et ce que vous trouvez dans une de vingt deux. Je vous ai battu, et je comprends que vous n'aimez pas vous avouer vaincu et que vous vouliez votre revanche, mais c'est tout ce que j'ai de remarquable.
-Le crois-tu vraiment ? Il est vrai que le seul prisme que tu as pour te découvrir, c'est le regard de ceux de ta race et vous êtes notoirement aveugles. Tu brilles Sarah, de potentiel, d’énergie, de vivacité, comme peu de personnes dans tous les mondes. Qu'ils te sous estiment tous, fées, lutins, gobelins, humains... Moi je vois la reine en toi. Je serais un fou de ne pas vouloir te posséder, que tu m’aies vaincu ou non. La vérité est là Sarah, et en voici une autre : tu me désires autant que je te veux. Pourquoi te refuser alors ?
Avant de lui répondre, Sarah prit le temps de le regarder vraiment, pour la première fois. Sa beauté sautait aux yeux, avec toute son étrangeté irréelle, captivante et terrifiante à la fois. Sarah l'avait remarqué dès la première fois, inconsciemment, et il avait fais l'objet de ses premiers émois d'adolescente. Il était tour à tour cruel, indifférent, passionné. S'il était humain, son caractère aurait fait fuir Sarah à toutes jambes, mais il ne l'était pas, humain. Quand elle le voyait, même ainsi effondré sur le sol et luttant contre le poison et la perte de sang, Sarah ne pouvait nier son désir de cet absolu sans compromissions ni concessions qu'il lui promettait.
Seulement...
Elle soupira et se retourna.
-Le temps presse et je doute qu'on nous laisse tranquille bien longtemps. Êtes-vous en état de repartir ?
-Implacable, commenta-t-il tout en se redressant.
Il était livide, sanguinolent et tremblait, mais il tenait debout. Plus que jamais, il avait l'air d'un roi. Sarah vint se placer à ses côtés pour le laisser s'appuyer sur son épaule et ils se mirent en marche. Jareth récupéra son épée et la changea d'un geste en un bâton d'où provenait une faible lumière qui leur permis d'avancer. Le passage que Sarah avait trouvé était à taille humaine. S'il ne l'avait pas été, Jareth n'aurait jamais eu la force de s'y traîner. Sarah y avançait sans mal et lui était si courbé à la douleur qu'il ne risquait pas non plus de se cogner au plafond pourtant plutôt bas. Leur progression était lente. Plus ils avançaient, plus Sarah sentait Jareth s’affaisser à ses côtés et lutter contre l'inconscience. Elle devait le garder éveiller.
-Bien sûr que je vous désire, avoua-t-elle et elle sentit toute son attention se focaliser sur elle. Mais cela ne veut pas dire que je me donnerais à vous ou que j'accepterais de vous prendre à mes côtés.
-N'as tu donc aucun respect pour moi, à défaut d'affection ?, demanda-t-il d'une voix faible.
-Pas après ce que vous avez fait à Toby.
-Je ne lui ai rien fait que tu ne voulais que je lui fasse.
-J'ai déjà entendu ce discours, rétorqua Sarah qui sentait bouillir la colère qui grondait en elle depuis deux jours, mais vous mentez. Vous avez promis de me le rendre intact mais il ne l'est pas. Son esprit ne l'est pas.
Elle avait presque murmuré ces derniers mots mais Jareth l'entendit clairement. Elle le sentit ricaner et se redresser à ses côtés.
-Bien sûr qu'il ne l'est pas. Que croyais-tu ?
Sarah le repoussa avec horreur et Jareth du s'appuyer sur la paroi. Sans cela, il serait tombé.
-Que lui avez vous fait ?
-Moi ? Rien, s'amusa Jareth avant que son rire ne se transforme en gémissement de douleur. Il allait devenir un gobelin, pourquoi lui aurais-je fait quoi que ce soit ?
-J'ai vu Toby avant qu'il ne disparaisse. Il est différent. Changé.
Le regard que Jareth lui adressa trahissait son courroux, malgré la fièvre qui le submergeait.
-Je t'aurais cru plus futée que toutes ces paysannes et écervelées à qui j'ai généralement affaire. Qui sont les enfants que j'enlève à ton avis ?
-De malheureux enfants que vous arrachez à leur famille pour un instant d'étourderie et à qui vous n'offrez pas une once d'amour.
-Je n'ai jamais régné par l'amour, mais par la peur. C'est la seul façon de faire que conçoit ma race. Il n'y a que toi pour aimer un Hoggle. Quand aux raisons, tu confonds ton cas avec la généralité. Certes, il m'arrive de prendre des enfants braillards que leurs sœurs ou leurs mères vouent aux gémonies pour quelques secondes de silence. La plupart de mes gobelins ne sont pas dans ce cas. Ce sont les bouches en trop, les filles abandonnées parce que le père voulait un garçon, les enfants déjà condamnés par la guerre ou la maladie. Et puis il y a ceux comme ton frère, ces enfants qui regardent dans le vide, qui ne savent pas rire ou pleurer. Les rejetés, les anormaux, les simples d'esprits, ceux qui n'ont d'autre tort que d'être nés différents. Le plus drôle dans l'histoire ? Ceux-là en général, on ne me les donnes pas, on me supplie de les reprendre en m'accusant d'avoir volé le véritable bébé.
-Les changelins, murmura Sarah à qui cette idée était venue.
-Je ne t'ai pas privé du frère que tu aurais voulu Sarah. Le destin s'en est chargé bien avant que j'intervienne. Et un jour ou l'autre, toi ou tes parents, vous m'auriez appelé pour vous en débarrasser et n'auriez pas cherché à le récupérer. Les familles de ces enfants finissent toujours par le faire.
N'y tenant plus, Sarah éclata en sanglots. Elle ne savait pas sur quoi elle pleurait, sur elle même, sur Toby, sur ce qu'elle ne pouvait pas changer ou sur ce qu'elle ne voulait pas voir changer. Quand elle n'eut plus de larmes, elle se retourna vers Jareth.
-Vous vous trompez. Je serais quand même venue chercher Toby. Je l'ai donné parce que je lui en voulait de me prendre l'affection de mon père et de me priver de mes moments de liberté mais je suis venue et je serais venue dans n'importe quelles circonstances parce qu'il n'a pas à payer le prix de mon égoïsme, de ma peur ou de mon indifférence.
-Peu importe. Au final, mieux aurait voulu que tu ne sauves pas ton frère. Tu l'as condamné à subir les regards de pitié et de mépris de tes congénères alors qu'il aurait été plus heureux comme un de mes gobelins. Je m'occupe d'eux moi, alors que tous les abandonnent.
Outrée, Sarah ne parvint même pas à répliquer. Elle saisit le bras de Jareth pour le placer sur son épaule et le forcer à nouveau à avancer. Sa marche était trop rapide pour qu'il puisse l'accompagner sans trébucher et souffrir mais elle n'y accorda aucune importante. Il avait tort. Elle savait qu'il avait tort. Le choix qu'elle avait fait, elle le referait encore et encore. C'était indécent que de le voir oser se présenter comme le sauveur de ces enfants.
D'accord, pour certains d'entre eux, c'était peut être la meilleure alternative. Si elle mourrait de faim ou si elle était battue par ces parents, Sarah aurait peut être préféré devenir une gobeline. Par contre, Toby n'avait pas eu le choix. Aucun de ces enfants ne l'avaient eu. Ce n'étaient pas des enfants perdus mais des enfants arrachés à des familles qui auraient peut être fini par les aimer ou dont la situation aurait fini par s'améliorer. Même si les parents de ces enfants étaient des monstres, ils avaient peut être des sœurs, des frères, des tantes qui pouvaient s'occuper d'eux.
-Combien d'enfants vous donne-t-on par an ?
-Entre cent et deux cents.
-Combien sont aussitôt réclamés, assez tôt pour que la personne puisse affronter le labyrinthe ?
-Une trentaine sont réclamés, dont une dizaine à temps.
Voilà. Ceux qui n'étaient pas réclamés étaient peut être mieux lotis ainsi. Les autres auraient du être immédiatement rendus à leur famille. Regretter était un acte suffisant, songea Sarah avant d'interrompre sa pensée en se rappelant l'adolescente qu'elle avait été. Lors de son entrée dans le labyrinthe, elle ne méritait certainement pas de sauver Toby, pas plus que durant la plupart de son périple. Elle était une jeune fille geignarde, imbue d'elle-même et égoïste. À certains égards, elle n'avait pas changé mais elle en avait conscience et luttait tous les jours pour être meilleure. Elle était rentrée dans le labyrinthe parce qu'elle avait honte et peur des conséquences. Elle en était sortie soulagée, pas parce qu'elle s'était rachetée, mais parce que Toby allait bien. Le labyrinthe était devenu un moyen d'affronter ses défauts et de les vaincre. C'était pour cette raison qu'elle avait mérité de retrouver son frère, mais ce n'était pas la raison pour laquelle elle avait gagné.
Elle n'avait remporté la victoire que par hasard et parce qu'elle s'était fait d'involontaires amis en chemin. Elle avait réalisé, ou décidé, qu'elle n'obéirait pas aux lois et aux règles édictées par Jareth. Si elle était la seule à avoir gagné face au roi des Gobelins parce qu'elle était la seule à avoir compris, parmi des centaines de désespérés, que quand le jeu était truqué, il fallait simplement refuser de jouer ou devenir un joueur.
Le labyrinthe avait un but qu'elle comprenait mais ce n'était pas ainsi que devraient fonctionner les choses. Le labyrinthe devrait être le lieu où les participants s'affrontaient eux même et pas Jareth. Pour gagner, le but ne devrait pas être d'atteindre le centre, mais de se vaincre soi-même pour être capable d'aimer l'enfant enlevé et d'en accepter la responsabilité. Dans cette optique là, le jeu n'avait pas besoin d'être juste. Il ne devait pas l'être, pour que la victoire soit méritée.
Cette conclusion en menait à une autre. Jareth était un monstre, mais un avec de bonnes intentions. Il voulait sauver ces enfants pour de bonnes raisons. C'était juste qu'il s'y prenait mal et en faisant plus de victimes que d'heureux parce qu'il ne comprenait pas la façon de penser et d'aimer des humains. Il ne récompensait pas ceux qui apprenaient de leurs erreurs, ne demandait pas leur avis aux enfants et se comportait en véritable salopard avec tous ses interlocuteurs, gobelins compris. Pas par méchanceté, parce que c'était sa nature. Parce qu'il ne connaissait pas d'autres façons d'être. Il n'y avait qu'à voir comment il se comportait avec Sarah elle-même. Quand elle n'était pas aveuglée par sa colère envers lui, elle devait reconnaître qu'il était presque touchant dans sa maladresse envers elle. Il sentait bien qu'il ne s'y prenait pas convenablement, qu'elle attendait autre chose d'un prétendant, mais son incompréhension le faisait échouer et il n'en devenait que plus cassant pour cacher sa frustration.
Sarah avait la sensation d'être frappée par trois ou quatre épiphanies en même temps. Ce n'était pas une sensation agréable.
La voix de Jareth finit par la tirer de ses pensées mettant immédiatement Sarah sur le qui-vive.
-Je crois qu'on va avoir de la compagnie.
Il n'avait pas lancé son avertissement une seconde trop tôt. Le sol tremblait autour d'eux, comme martelé par des dizaines de pieds. Jareth les fit se placer dos au mur pour couvrir leurs arrières et récupéra le bâton qui les éclairait. Il le changea en torche et le brandit comme une épée, visiblement prêt à brûler et défigurer tout adversaire s'approchant de trop près. Sarah ne pouvait rien faire d'autre que de le soutenir et protéger de son corps son côté droit. Elle y était prête.
Une marée de lutins et d'autres créatures fondit sur eux des deux côtés du tunnel, hurlant à la mort. Sarah ne connaissait rien à l'art du combat mais n'en avait pas besoin pour constater qu'ils étaient aussi désordonnés et patauds que les gobelins lorsqu'elle les avait affrontés avec ses amis. Le danger n'était pas dans leur habilité, mais dans leur nombre. Sarah savait néanmoins que la bataille était déjà perdue. Jareth ne tenait debout que grâce à un suprême effort de volonté. Quand leurs assaillants arrivèrent à portée, de grands moulinets de son arme improvisée les gardèrent à distance. Sarah s'en inquiéta. Ils attendaient quelque chose.
Soudain, les parois, le plafond, le sol, tout le passage se gondola comme au passage d'une vague monumentale qui fit tout trembler et déstabilisa tout ceux qui se tenaient à l'intérieur. La plupart des lutins tombèrent au sol. Sarah réussit à rester stable, mais Jareth la lâcha et tomba à genoux. C'était l'occasion qu'attendaient leurs adversaires. Le mur derrière Sarah s'incurva en arrière, comme prenant son élan, avant que des dizaines de mains de terre et de pierre n'en surgissent et s'emparent de Jareth. Le temps que Sarah ne réagisse et ne tente de l'attraper pour le retenir, il avait déjà été avalé par le mur. Les lutins crièrent leur joie, se tapant violemment sur l'épaule sans se préoccuper de Sarah. Ils l'ignoraient totalement et commençaient déjà à repartir, indiquant bien à quel point elle leur paraissait insignifiante. Sarah ne pouvait que leur donner raison. Les deux attaques montraient bien à quel point elle était impuissante.
Non. Elle se trompait.
Ils l'ignoraient trop délibérément, certains lui adressant de furtifs coups d’œil en repartant. Elle était idiote. Elle faisait les mêmes erreurs que dans le labyrinthe, faisait preuve de la même arrogance et d'une stupidité incroyable. Elle savait comment elle avait vaincu le labyrinthe et Jareth, en cessant de jouer le jeu. Alors pourquoi ici se conformerait-elle aux règles du Sous Monde ?
-Attendez !, cria-t-elle et les lutins se figèrent. J'ai assez patienté, conduisez-moi à vos chefs.
Ils se regardèrent et commencèrent à chuchoter entre eux. Leurs yeux exorbités, leurs queues et oreilles qui tournaient dans tous les sens trahissait leur malaise. Ils n'étaient pas habitués à entendre des ordres dans la bouche d'une humaine, pas des supplications. Sarah pris garde à garder le même air impérieux durant tous leurs palabres. Elle imita même avec application la mine impérieuse de Jareth avec succès. Un simple haussement de sourcil les fit trembler. L'un d'eux finit par s'approcher de Sarah avec circonspection.
-Et pourquoi ferions nous ça ?
-Parce que je vous dit de le faire, bien sûr.
-C'est contraire à toutes les règles !
La voix du lutin était désormais réduite à un couinement étranglé. Sarah avait presque pitié de lui.
-Les règles sont pour la piétaille. Tes maîtres m'ont invité en s'amusant à enlever mon frère. Je me suis bien amusée, mais maintenant ton devoir est de conduire leur invitée à tes maîtres.
Il s'inclina bassement, la sueur au front et retourna vers ses camarades.