[Fic] Quelque chose de grandiose, Rogue One, team [d'Aonach Dubh, pour Lady Tuxedo Mask]

Sep 01, 2017 19:37

Titre : Quelque chose de grandiose (partie 2)
Auteur : Aonach Dubh (Participant 14)
Pour : Lady Tuxedo Mask (Participant 25)
Fandom : Rogue One
Persos/Couple : Jyn/Cassian, Baze/Chirrut, Bodhi, K2
Rating : G
Disclaimer : Rogue One appartient à ses créateurs.
Prompt : Jyn/Cassian et Chirrut/Baze, AU Everyone Lives/Nobody Dies. Ils ont survécu à Scarif, mais de justesse et non sans d’irréversibles blessures (perte de membres, brûlures, problème de mémoire…). Rogue One est donc obligé de passer plusieurs semaines cloué dans les lits de l’infirmerie de la Résistance pendant que les autres s’affairent. Des liens très forts se sont crées et continuent à se développer alors qu’ils en apprennent plus sur la vie des uns et des autres pour faire passer le temps. Comment vivent-ils le fait d’être sur la touche ? Comment chacun se remet de cette expérience ? Que fait-on de sa vie alors que l’on avait pas prévu de survivre ?
Facultatif : Si la fic couvre les événements des films Star Wars avec la rencontre avec Leia, Luke et Han.
Notes : J'ai centré le texte surtout sur les débuts de l'hospitalisation de Rogue One pour permettre le parallèle avec Un nouvel espoir. J'espère que ceci te plaira !
Note de la modératrice : Posté en deux parties. Lien vers la partie 1



La nouvelle les laisse anéantis. Ils ne réalisent même pas le départ de Mon Mothma. Combien de milliards de personnes sur Alderande ? Combien de familles anéanties ? Jyn se roule en boule dans son lit sans se soucier de son épaule démise ou de son pied bandé. Elle aurait voulu être morte. Comment pouvait-elle être en vie alors que l'arme de son père a tué des millions d'enfants ? Elle voudrait que l'infirmerie disparaisse avec son bruit et sa lumière insupportables. On la laisse à sa douleur, heureusement. Elle n'est pas prête à supporter la colère ou la compassion des rebelles.
Cassian est resté figé depuis l'annonce de Mon Mothma. Il ne sort de sa torpeur que pour expliquer la situation de Baze et Chirrut quand ils se réveillent après leur opération. Baze doit presque crier pour répéter les mots de Cassian afin que Chirrut les entende. Chaque son lui semble parvenir de très loin mais il ne se plaint pas. Chaque mot de Cassian et Baze fait tressaillir Jyn qui se recroqueville sous sa couverture. Après ça, ils restent tous silencieux à l'exception de Chirrut qui répète en boucles « Je ne fait qu'un avec la Force, la Force ne fait qu'une avec moi » d'une voix brisée. Il aurait préféré ne rien savoir, ne rien entendre.
-Est-ce cela que tu as ressenti ?, murmure-t-il à Baze assit à ses côtés. Le jour où tu as perdu la foi ?
Baze ne sait quoi répondre. Il ne s'attendait pas à ce que voir son compagnon passe par les mêmes tourments intérieurs qu'il a vêtu soit si douloureux. Il ne peut que lui offrir le réconfort de sa main sur son bras. Chirrut le laisse faire un moment puis le repousse doucement.
-Il y en a d'autres qui ont aussi besoin de réconfort mon ami. Ne les abandonne pas.
Cassian et Jyn ont les yeux grands ouverts sur un monde terrifiant. Baze a déjà vécu ça. Il se penche sur la forme recroquevillée de Jyn.
-Nous ne pouvons pas les sauver petite sœur, mais nous pouvons les venger.
Jyn s'accroche désespérément à son bras et à sa tunique et éclate en sanglots silencieux. Baze la laisse faire, mal à l'aise. Il essaie de se rappeler les mots de réconfort qu'il offrait aux novices au temple, mais c'était il y a trop longtemps et il est un homme trop différent.
-Ma mère avait la foi, se souvient Jyn après avoir épuisé ses larmes. Je ne me souviens pas de grand chose à son propos. J'étais encore petite quand l'homme en blanc l'a tué. Elle croyait en la Force et m'a offert son cristal juste avant sa mort. C'est tout ce qui me reste d'elle.Elle disait toujours d'avoir confiance en la Force. J'aimerais y croire.
-Moi aussi petite sœur. Moi aussi.
-Comment as-tu perdu la foi ?
-Le jour où Chirrut a perdu la vue. Si la Force existait, elle n'aurait pas permis que l'Empire détruise son temple et que le meilleur de notre ordre subisse ce que l'Empire lui a fait.
Il refuse d'en dire plus et Jyn se contente de hocher la tête.
-Tu étais le meilleur de l'ordre, le contredit doucement Chirrut.
Il n'insiste pas et Baze lui en est reconnaissant. Sentant Jyn plus calme, il saisit ses doigts et les détache de sa tunique. Il jette un coup d’œil furtif à Cassian. L'homme tremble et est baigné de sueur froide mais ne prendrait sans doute pas bien un geste de la part de Baze. Il s'approche plutôt d'un infirmier et exige le rapprochement des lits de Cassian et Jyn. L'homme lève les yeux au ciel devant ce nouveau changement qu'on leur demande et s'exécute. S'il murmure que Rogue One est l'équipe la plus co-dépendante qu'il ait jamais vu, c'est trop bas pour être entendu. Les deux lits sont collés l'un à l'autre comme ceux de Baze et Chirrut le sont désormais. Les deux jeunes gens se serrent désespérément pour se réconforter. Satisfait, Baze retourne à sa place près de Chirrut.
Le silence s'installe à nouveau, douloureux, lorsque les portes de l'infirmerie s'ouvrent brutalement. Deux hommes, une femme et un wookie entrent, suivis d'une bande de médecins.
-Finissons-en au plus vite, déclare la jeune femme d'une voix décidée. J'ai autre chose à faire que de subir des examens médicaux.
-Princesse Leia, après ce que vous avez subi...
-J'ai survécu jusqu'ici. Je ne me laisserais pas enfermer ici alors qu'on décode les plans.
A ces mots de la princesse, les quatre membres de Rogue One se redressent. Leurs regards se fixent sur la princesse, avide. Seul Chirrut regarde ailleurs, captivé par un de ses compagnons. La princesse finit par remarquer ces regards et disperse avec agacement les médecins qui l'entourent. Lorsqu'elle voit Jyn, ses yeux s'écarquillent et elle s'approche à grands pas.
-Vous êtes Jyn Erso ? La fille de Galen Erso ?
Jyn répond par l’affirmative de la tête avant de la baisser, honteuse. La femme qui se tient devant elle a tout perdu à cause de sa famille. Jyn cherche ses mots mais est prise par surprise quand Leia s'empare de sa main et la presse.
-Merci. Ces chiens de Vador et Tarkin m'ont peut être empêché de ramener les plans de l'Etoile de la Mort assez tôt pour empêcher qu'elle ne soit utilisée une troisième fois mais c'est grâce à vous qu'Alderande sera vengée.
-C'est ce que mon père aurait voulu, tente d’expliquer Jyn, la gorge serrée, avant d'être coupée par l'émotion.
La princesse lui serre la main une dernière fois et se laisse entraîner par les médecins dans une autre pièce. Elle semble soudain minuscule et fragile.
Un infirmier se dévoue pour expliquer à Rogue One comment les plans sont arrivés et à la base. La joie et l'horreur se disputent la première place dans leurs cœurs lorsqu'ils comprennent que l’Étoile de la Mort arrive et qu'une course contre la montre s'est engagée. L'Alliance a perdu trop de forces dans la bataille de Scarif. Il est impossible d'évacuer, tout ce jouera ici. L'infirmier finit tout juste son explication quand la princesse et son escorte ressortent. Ils portent quelques pansements de bacta mais semblent pour le reste en parfaite santé. Les yeux de la princesse sont rougis mais tout le monde fait semblant de l'ignorer.
-Pouvons-nous aider votre altesse ?, demande Cassian.
-Remettez-vous d'abord. On m'a raconté l'exploit que vous avez accompli. Si nous trouvons la faille à temps, vous aurez contribué à sauver des milliers de planètes. Vous en avez assez fait.
La louange les gène plus qu'autre chose. S'il y a une chose sur laquelle ils sont tous d'accord, c'est qu'ils ont fait ce qui devait être fait. Ils remercient maladroitement la princesse et la regardent partir avec ses compagnons.
L'équipe médicale se disperse, les docteurs criant des ordres. Il va y avoir une bataille aérienne, il faut libérer de la place pour les inévitables blessés. Les cinq membres de Rogue One sont désormais encombrants et sont déplacés dans une réserve transformée en chambre pour l'occasion. La pièce est petite, mal éclairée et encombrée mais c'est la première fois qu'ils ont un peu d'intimité depuis leur arrivée et ils ne se plaignent pas, au contraire. Une fois laissés seuls, Jyn soupire en regardant la porte avec envie.
-Si seulement on pouvait en faire partie...
-Je suis d'accord, soupire Cassian. Mais pour l'heure ils ont besoin d'analystes et de pilotes, pas de ce que nous sommes. Nous aurons notre chance plus tard, s'ils l'abattent.
-Je ne pensais même pas avoir droit à une nouvelle chance, confesse Jyn. Mais l'avoir obtenu et ne pouvoir rien faire est insoutenable.
-Pareil. Je pensais payer de ma vie pour ce que j'ai fait, pas me retrouver sur un lit d’hôpital incapable d'agir.
-Que faisons-nous maintenant ? S'ils détruisent l’Étoile de la Mort ?
Personne ne réponds. Tous réfléchissent à cet avenir qu'ils n'ont jamais envisagé. Secrètement, ils veulent tous la même chose, mais aucun d'entre eux n'ose le dire le premier, de peur que les autres pensent différemment. Jyn se lance la première. Après tout elle n'a plus rien à perdre, mais tout à gagner.
-Je ne peux... Je ne veux pas redevenir ce que j'ai été. J'ai fini de me cacher de la réalité. Je veux participer, d'une manière ou d'une autre.
-Moi aussi, approuve Chirrut, je crois que je vais rester. Il y a des gens... intéressants ici.
Son sourire est radieux et son excitation palpable. Il n'en faut pas plus pour que Baze le soupçonne de quelque chose.
-Je reste aussi, déclare-t-il en jetant à son compagnon des coups d’œil inquisiteurs. L'Empire doit payer et je suis prêt à aider pour ça.
Cassian n'aurait pas dû être si soulagé en apprenant qu'ils restaient, mais il n'était.
-Il faut voir ce qu'en disent Bodhi et R2. Personnellement, l'idée de continuer à faire partie de Rogue One me plaît. Malgré les circonstance... on peut faire une bonne équipe.
Ils ont tous conscience des obstacles qu'ils rencontreront pour obtenir satisfaction. Il n'est pas dit qu'ils se remettrons suffisamment de leurs blessures. On peut leur refuser la pose d'une prothèse pour leurs membres perdus. L'Alliance peut ne pas avoir les ressources pour le leur offrir. Il peut ne pas y avoir de vaisseau à leur donner. Elle peut juger chaque membre ou la totalité du groupe trop instable pour leur confier des responsabilités. Ils peuvent tout simplement mourir dans quelques heures, pulvérisés par l’Étoile de la Mort.
-Je parlerais à l'état-major, déclare Cassian malgré tout. Il y aura peut-être des concession à faire. Draven ne voudra pas me lâcher si facilement. Je suis un de ses meilleurs éléments et il y a deux voire trois opérations en cours qui pourraient être compromises si mon visage devenait public.
-Fais ce que tu dois, réponds Jyn. Je me suis maintenu le plus à l'écart possible de la rébellion et de l'empire mais j'ai quand même des contacts que je peux offrir à l'Alliance. Des contrebandiers, des officiers impériaux peu scrupuleux... J'ai même mes entrées auprès d'un moff sous une de mes identités.
-J'ai des contacts dans la pègre, ajoute Baze. Certains sont prêts à vendre leurs connaissances sur l'empire et ses opérations secrètes contre un bon prix.
-Même Bodhi doit avoir des connaissances à faire peser sur la balance, ajoute Jyn avant de froncer les sourcils. Je sais que nous avons assez d'informations à mettre sur la table pour négocier, mais j'ai peur pou r son état mental.
Tous se tournent vers Bodhi, l’excitation du moment oubliée. Il est toujours inanimé mais il a reprit des couleurs.
-Tu sais ce qu'il a subi. Cela te perturbe.
L'affirmation de Chirrut donne la nausée à Jyn. Elle hésite puis commence à raconter.
-J'ai grandi auprès de Saw. C'était un homme dur qui a fait de moi une femme dure. Il pensait qu'on ne peut battre l'Empire qu'en lui rendant sa violence au centuple. J'ai longtemps été d'accord avec lui. Aujourd'hui, je ne sais plus. Comment aurait-il voulu répondre à l’Étoile de la Mort ? Toujours est-il qu'au fil des années il s'est allié à toute sorte d'individus peu recommandables. Le Bor Gullet en était un. Je n'ai jamais trop su ce que c'était mais je l'ai vu faire une fois et j'ai vu ses victimes. Il viole leur esprit jusqu'à ce qu'il ait vu leur moindre souvenir et il ne laisse derrière lui que des esprits fragmentés. Sa disparition est la seule bonne chose à tirer de la perte de Jedha. Bodhi a eu de la chance d'en sortir avec une partie de son esprit encore intact.
-Nous avons rencontré Saw une fois. Il cherchait à engager des jedhans pour travailler avec ses partisans. Il voulait Baze et était prêt à prendre avec un moine infirme. C'était le genre d'homme à trouver une utilité dans tous ceux qu'il rencontrait. Un homme fort déplaisant.
-Oui. M'abandonner est le seul présent qu'il m'ait jamais fait. J'imagine qu'il m'aura fallu jusqu'à maintenant pour le réaliser. Mais j'étais enfant, j'avais vu ma mère mourir et mon père disparaître. Je voulais qu'il soit fier de moi et j'étais prête à devenir comme lui. Son abandon m'a presque détruite.
Sa gorge est toute sèche d'avoir ainsi parlé de son passé. Elle se sent mise à nue. Elle n'a jamais envisagé de partager tout ceci. Ses compagnons comprennent son émotion et détournent les yeux pour lui laisser le temps de se remettre. Chirrut se met à méditer en murmurant doucement. Baze se lève et quitte la pièce en boitillant, profitant de sa liberté de mouvement retrouvée. Cassian, touché par les aveux de Jyn prend la parole à son tour.
-Je n'ai jamais connu que la guerre. Mes premiers souvenirs sont ceux d'une manifestation contre la République. Je me souviens de mon père me portant sur les épaules et des tirs de représailles des soldats. J'avais six ans la première fois que je me suis servi d'une arme. Je ne connais rien d'autre que la guerre et la guérilla. La guerre et l'Empire ont fait de nous qui nous sommes que ce soit de notre plein gré ou à notre insu.
Quelques jours plus tôt, Jyn aurait pris ce discours pour une insulte ou une remontrance. Maintenant elle voit que c'est une confession ou un regret. Elle sourit doucement à Cassian. Leurs lits sont assez près pour qu'elle passe avec un minimum de difficultés et de douleur de l'un à l'autre. Elle se serre contre Cassian, prenant garde à ses blessures. Il écarte un bras pour l'aider à se pelotonner contre lui.
Ils ne savent pas vraiment ce qu'ils ressentent l'un pour l'autre. Ils savent juste qu'ils se sentent mieux ainsi. Quand au reste, d'un accord tacite ils sont près à attendre leur sortie de l'infirmerie pour en parler. Ils veulent avoir la temps. La pression de l’Étoile de la Mort au-dessus de leurs têtes ne leur fera pas commettre l'erreur d'aller trop vite. Se tenir, se sourire leur suffit pour l'heure. L'un contre l'autre, bercés par le mantra de Chirrut, ils s'endorment.
Le moine sourit en les sentant si calmes. Il n'a pas entendu la moitié de leur conversation. L'amélioration de son audition est encore trop insignifiante. Il se languit soudain de sa jeunesse insouciante. Voilà un mot dont ces jeunes gens ignorent la signification. Il se sent vieux tout à coup et pas seulement parce que ses os lui rappellent son âge. Non, c'est la perte de Jedha, de ses habitants, de ses traditions qui le fait se sentir si fatigué. Mais sa jeunesse, Jedha, les traits du visage de Baze, tout cela est le passé et il refuse de s'y attarder. Il préfère penser au futur radieux qu'il a sentit dans un jeune homme encore insouciant. Celui-là marchera en plein ciel et dans la Force. Chirrut a toujours gardé confiance en la Force mais jamais il ne s'en est senti plus proche qu'en présence de ce garçon. Il sent un nouvel espoir grandir pour toute la galaxie. Cette pensée l'apaise. Sans même s'en apercevoir, il s'endort à son tour.

-Incroyable. Vous risquez votre vie pour des Humains et ils se contentent de dormir pendant que vous passez à deux doigts de la casse. Rappelez-moi de vous laisser mourir la prochaine fois.
La voix geignarde et métallique de K2-SO réveille les trois blessés. Ils se redressent pour observer Baze et un mécanicien déposer le droïde dépourvu de ses bras et jambes sur une étagère. Le mécanicien essaie de s'éclipser discrètement mais Baze le saisit fermement par l'épaule.
-L'équipe médicale qui nous as secouru as dis aux mécaniciens de la base d'aller chercher K2 dans leur navette. Ces imbéciles l'ont fait mais l'ont trouvé éteint. Ils ont estimé que la meilleure chose à faire était de le balancer directement dans un coin pour en récupérer les composants plus tard.
Le sang de Cassian se fige dans ses veines. Il se redresse totalement et crie, sans se soucier de la douleur dans sa poitrine.
-Quoi ?
-Que vouliez-vous qu'on fasse ?, se justifie le mécanicien. Regardez-le, c'est une épave. Ses banques de données ont été touchées, il ne peut plus bien fonctionner. On ne peut se permettre...
-Quoi ? De sauver le droïde responsable de la transmission des plans de l’Étoilé de la Mort à la princesse Organa ? Ou de sauver un membre éminent des services secrets de l'Alliance ? C'est certain, l'Alliance ne peut pas se le permettre.
L'ironie glaciale de Jyn terrifie l'homme qui balbutie des excuses au moment même où K2 s'exprime.
-Nous ne savions pas que...
-J'ai fais ça ?
Profitant du silence stupéfait, le technicien recommence à se justifier.
-Je vous ai dit qu'il y a avait du dégât dans ses données. Et ce n'est pas comme si on croulait sous les pièces de droïde impérial.
-Je peux le tuer Cassian ?
-Je suis à deux doigts de dire oui, grince ce dernier. Sortez avant que je ne change d'avis. Et priez pour ne pas vous retrouver sur la même planète que K2 le jour où il retrouvera des bras.
-Jyn m'a donné une arme, précise fièrement le droïde.
Le technicien ne se le fait pas dire deux fois. Dès que Baze l'a lâché, il se précipite hors de la chambre. Pour laisser à Cassian le temps de reprendre le contrôle de ses émotions, il reprends ses explications.
-Il fallait que je sortes. Avec l'alerte générale qui les occupe, les infirmiers n'ont pas réussi à m'en empêcher. J'en ai d'abord interrogé quelques uns. Je les crois quand ils disent qu'ils vous ont obéi et qu'ils sont allés demander partout où était K2. Les techniciens leur ont dit qu'ils n'en avaient aucune idée.
Cassian lâche une bordée de jurons dans trois langues différentes. La main de Jyn sur son bras le calme, même s'il lit dans ses yeux la même colère froide.
-K2 ? De quoi te souviens-tu ?
-Jyn m'a donné une arme, répond K2 en commençant par ce qui lui semble le plus important. On m'a tiré dessus.
-Où ? Sur quelle planète.
-Corellia.
Corellia, c'est une mission qui date de six mois. Le cœur de Cassian se serre mais il doit continuer.
-Comment est-tu sorti de la tour ?
-La tour ?
Ils se relayent tous pour lui raconter la mission. K2 se souvient de détails mais confond l'ordre des événements. A un moment de la conversation, il oublie ce qui s'est dit au début de celle-ci. Ce qu'il a retenu des faits est parfois étrange. Il se rappelle à la perfection les insultes échangées avec Jyn ou le taux de survie de Cassian à chaque moment clé de la mission. Par contre, il a oublié presque tout ce qui concerne sa propre participation.
-C'est injuste, finit-il par geindre. Pourquoi les droïdes sont toujours les plus blessés dans une mission ?
-Tu plaisantes j'espère ?, proteste Jyn. Au concours des gueules et des corps cassés on arrive tous grands garants.
-Nous te réparerons Kay, ajoute Cassian pour le calmer. Cela prendre du temps c'est sûr. Il va falloir te trouver un autre corps et transférer tes données en espérant ne pas toucher à ta personnalité lors du transfert. Ce sera compliqué étant donné que je n'ai qu'une vague idée de ce que j'ai fait au moment de la coder.
-Comment ça ?
-Son code de reprogrammation est absolument répugnant, explique K2.
-A ma décharge, j'avais perdu deux litres de sang, tu m'avais tiré dessus presque à bout portant, j'étais assommé par le cocktail de médicaments que je m'étais injecté pour supporter la douleur et il y avait deux tonnes de pierres qui risquaient de nous tomber dessus à tout instant. Je n'ai rien oublié ?
-Dark Vador allait débarquer d'un instant à l'autre pour t'interroger, tu devais quitter la planète avant qu'il n'arrive.
-Non, ça c'était la mission suivante.
-Une époque intéressante, s’amuse Chirrut.
-La compagnie était moins nombreuse et plus agréable, rétorque K2.
-Kay ! Ça suffit. Oui, il y a eu des moments particuliers. Mais j'imagine que chacun ici a vécu plus que sa part d'anicroches avec l'empire.
-Et bien, pouffe Chirrut, il y a eu cette fois...
-Non, proteste Baze. Pas celle-là. On n'en parle plus.
Chirrut lève les bras au ciel d'un air dramatique et ricane.
-Tant que je peux encore raconter l'histoire avec maître Jyn et le padawan Kenobi dans les grottes de cristaux de kyber, j’imagine que je peux faire une croix sur l'épique récit de Baze Malbus et du percepteur impérial dans les égouts de Jedha.
Tous ouvrent la bouche pour réclamer des précisions pour le plus grand bonheur de Chirrut quand une alarme sonne au loin. Le son leur parvient étouffé, mais le message est clair. L’Étoile de la Mort arrive.
Ils ont perdu toute envie de plaisanter. Dix minutes passent avant que l'alarme n'arrête de sonner en continu. Les pilotes de la Rébellion doivent s'être envolés pour livrer bataille. Jyn est livide. Ce son trop fort, tout comme les voix sonores de ses camarades, vrillent sa tête et lui donnent une épouvantable migraine. Au prix d'un grand effort, elle parvient à l'ignorer. La terreur est de toute façon plus forte que sa douleur.
Ils sont pris au piège. Impossible de fuir, et ils ne l'auraient pas voulu. Ils ont fui deux fois l’Étoile de la Mort, laissant derrière eux mort et dévastation. Cette fois-ci, ils mourront avec les autres s'ils ne peuvent se battre. Il leur est dur pourtant de se tenir là, blessés et désarmés alors que d'autres se battent. C'est leur combat et ils sont impuissants.
A chaque seconde, ils se demandent pourquoi ils sont encore en vie. Ils attendent de sentir la terre trembler et se fragmenter. Bientôt, ils ne seront peut être que des débris dans l'espace. De la poussière d'étoile.
-Je suis contente qu'il dorme encore, murmure Jyn en regardant Bodhi. Je préférerai ne pas m'être réveillée.
-Non, je préfère cette façon de mourir, soupire Chirrut en serrant la main de Baze. Mieux vaut être entouré des siens et pouvoir leur parler que de partir seul entouré d'une odeur de cendre et de métal.
Baze jure. Sa main le démange d'envie de tenir une arme. Cassian revoit mentalement le mur de débris menacer de les engloutir et prie pour que la mort soit instantanée. Il ne veut pas voir l'agonie de ses camarades.
Comme pour accentuer à dessein leur angoisse, une voix se fait entendre partout dans la base à travers les hauts parleurs : « Cinq minutes avant que l’Étoile de la Mort soit à portée de tir. Que la Force soit avec nous et avec nos pilotes. »
Cinq minutes d'angoisse et d'appréhension. Chaque minute est interminable et trop courte en même temps. Ils les passent dans un silence tendu, le souffle court et la gorge sèche. Ils comptent chaque seconde et quand le temps est presque écoulé, la voix de Chirrut s'élève, sereine.
-Je fais corps avec la Force. La Force est avec moi.
Hésitante d'abord puis ferme, la voix de Jyn se joint à la sienne, puis c'est le tour de celle de Cassian, rauque mais douce. Enfin, Baze soupire et joint sa voix aux leurs en parfaite harmonie.
-Je fais corps avec la Force. La Force est avec moi.
Le délai est écoulé et le temps continue de défiler. Ils ne cèdent pas à l'espoir, ils continuent de prier. Peut-être ont-ils gagné. Peut-être l’Étoile de la Mort prend-elle son temps pour les torturer davantage avant de les tuer.
-Je fais corps avec la Force. La Force est avec moi.
Ce n'est que quand le haut parleur s'allume à nouveau et que Leia Organa hurle « Ils l'ont fait ! Luke Skywalker l'a détruite ! » et qu'une explosion de joie retentit dans toute l’infirmerie qu'ils se taisent. Ils sont d'abord hébétés, puis sereins. Ils ont vécu pour voir leur tâche accomplie.
Jyn relève la tête et éclate de rire. Ce son la surprend elle-même. Elle n'a pas ri sincèrement depuis son enfance. Cassian rit et pleure en même temps. Jyn se redresse et l'embrasse doucement.
-Tu es sûre ?
-Je suis heureuse d'être en vie. Je suis heureuse de l'être avec toi. Aujourd'hui, je ne veux pas me poser davantage de questions.
Il lui rend son baiser puis éclate de rire. K2, qui est resté jusqu'ici étrangement silencieux, choisit ce moment-là pour se rallumer.
-Si j'en crois les démonstrations excessives, j'imagine que nous avons tous survécu ?
-Tu n'avais pas réalisé ?
-J'ai préféré m'éteindre. Quitte à mourir, je préfère ne pas m'en rendre compte.
De son côté, Baze murmure un remerciement envers la Force. Chirrut hoquette de stupéfaction et l'embrasse à pleine bouche.
-J'ai toujours su que tu nous reviendrais.
Baze grommelle pour la forme. Il lui expliqueras plus tard que croire à nouveau ne change rien, qu'il aura toujours ses doutes et ses rancœurs envers la Force, qu'il ne redeviendras pas non plus le jeune moine de jadis. Chirrut le sait déjà d'ailleurs.
La porte s'ouvre à la volée. Leur infirmier zabrak entre, les joues vermeilles et un sourire éclatant affiché sur son visage.
-Tout le monde va bien ici ? Désolé de vous avoir un peu abandonné ces dernières heures. On va recevoir les pilotes survivants d'ici quelques minutes. On nous as signalé quelques grands blessés, on risque d'y passer la nuit puis on reviendra vers vous pour faire le point et vous replonger dans le bacta, s'il nous en reste. A moins qu'il y ait des problèmes à gérer dans l'immédiat ?
Tous l'assurent que leur état ne nécessitent pas d'attention urgente. Soulagé, le zabrak se précipite pour aider à recevoir les premiers blessés. Il laisse la porte ouverte et Rogue One contemple l'arrivée des pilotes, écorchés, brûlés, mais débordants d'enthousiasme. Ils semblent trouver plus important de décrire aux infirmiers leur expérience de la bataille que la gravité de leurs blessures. L'arrivée de Luke Skywalker, envoyé de force se faire examiner par la princesse Leia, est saluée par des applaudissements.

Bodhi se réveille en entendant des cris de joie. Son dos lui fait mal et ses mains aussi. Il ne panique pas. La joie et le désordre environnant lui disent qu'il n'est pas entre les mains de l'Empire. Ses camarades sont là près de lui, lui souriant. Il ne savait pas qu'ils en étaient capable. Il ne sait pas s'il en est capable.
-Hé Bodhi, le salue Jyn allongée contre Cassian ce qui est inattendu. On a réussi.
Bodhi éclate en sanglots. Il a réussi. Est-ce que cela suffit à racheter ses actes ?
-On l'a fait, réussit-il à balbutier. Galen serait fier.
Bodhi s'aperçoit qu'il sourit aussi à travers ses larmes et lève les mains pour essuyer celles-ci. Sa main gauche est couverte de bandages. La droite a disparu.
Bodhi hurle.
Baze et Jyn se précipitent pour le tenir mais il se débat avec une force qu'ils ne lui connaissait pas.
-Ca va aller Bodhi, essaie de le rassurer Jyn en caressant son front. On va te créer une nouvelle main, je te le garantis.
Il ne l'entends même pas.
-Je ne peux pas être un pilote si je ne peux pas piloter, lui explique-t-il entre deux sanglots. Je suis le pilote. Je suis le pilote.
Les larmes aux yeux, Jyn le tient jusqu'à l'arrivée d'un infirmier armé d'une seringue de sédatif.

Le matin du sixième jour, Rogue One se réveille avec un dixième de l'enthousiasme ressentit la veille. Bodhi est plus calme, mais amorphe. Ses yeux vont sans cesse de ses camarades à sa main. Jyn a le visage d'une femme qui n'a pas dormi de la nuit, tout comme Baze. La première n'a pas pu fermer l’œil à cause du bruit omniprésent. Le second s'est battu toute la nuit contre sa crise de foi. Cassian ne vaut guère mieux. Le futur l'obsède trop pour qu'il se réjouisse. Il réalise qu'il n'a pas changé. Il reste trop obsédé par la victoire finale pour s'attarder sur celle d'hier. La seule différence est que la survie de Rogue One est désormais également au centre de ses pensées.
L'arrivée du docteur Nankusa et de trois infirmiers les détourne heureusement de leurs sombres pensées. Le docteur se concentre sur le cas de Bodhi, le rassurant progressivement par ses murmures. L'infirmier zabrak s'occupe de Jyn.
-Il faudra un court bain de bacta pour finir de réparer votre déchirure musculaire au pied, finit-il par dire. Heureusement vous n'avez pas trop empiré la situation en vous levant hier soir. Votre épaule démise se remet bien en place. Vos migraines m'inquiètent plus. D'autres problèmes liés à la tête.
Jyn hésite. Elle n'est pas habituée à partager ses problèmes. Dans le milieu où elle a vécu il ne faut surtout pas donner l'impression d'être faible. Il lui faudra du temps avant d'être véritablement à l'aise pour se confier à des amis ou un médecin.
-J'ai l'impression qu'il y a toujours trop de bruit et de lumière. Des fois j'ai l'impression que même le mouvement de mes cheveux fait trop de bruit. J'ai parfois la nausée si je bouge trop brusquement.
-Ca doit être les suites de votre traumatisme crânien. Je ne vais pas vous mentir, on ne peut rien faire contre ça, juste espérer que ça passe. Cela peut durer trois mois, un an... ou bien s'arrêter demain. J'imagine qu'on peut rajouter ça à la longue liste des problèmes que vous avez accumulé lors de votre petite virée sur Scarif. Elle commence à se faire longue. Quand je vous vois vous et l'autre groupe de héros de la base, la différence est impressionnante.
-Que voulez-vous dire ?, demande Cassian.
-La princesse Organa, Skywalker, Solo et le wookie ? A eux quatre, si on oublie les marques de torture de la princesse, ils totalisent six bosses, deux légères brûlures liées à des tirs de blaster perdus et trois jambes écorchées.
Six grognements incrédules lui répondirent.
-La force était avec eux, remarque Chirrut avec juste un peu d'agacement dans la voix.
-Et leurs droïdes ?, demande K2.
-Le protocolaire va bien. L'astromécano devra subir des réparations mais on lui pronostique un rétablissement complet.
-C'est injuste. Ils devraient au moins avoir perdu quelques bras et jambes eux aussi.
-K2 !
-Quoi ce n'est pas ce que vous pensez ?
Personne n'ose lui répondre. Oui, ils notent tous qu'il y a une certaine forme d'injustice. La Force doit avoir ses favoris, mais ce n'est pas une chose à dire tout haut de peur d'avoir l'air idiot ou jaloux.
Finalement, les médecins se retirent, laissant l'équipe se reposer à nouveau. Ils auront bien droit à un dernier bain de bacta dans l'après-midi, mais ils devront ensuite finir de guérir rapidement. Les réserves médicales de Yavin IV s'épuisent, et c'est largement leur faute. Il va même être temps de commencer à parler greffes et prothèses. Avant de partir, le docteur Nankusa se penche vers Cassian pour une dernière recommandation.
-Votre ami pilote guérira physiquement, mais c'est son mental qui m'inquiète. Il a l'air de se remettre de sa torture et Jyn Erso m'a expliqué brièvement les faits. Il serait bon quand même de le faire parler de ses blessures, de la façon dont il les as subi. Cela lui ferait du bien et l'aiderait à accepter ce qui lui arrive.
Cassian opine et la laisse partir. Il hésite sur la méthode à employer mais il préfère être direct. Bodhi a subit suffisamment de choses ces derniers temps pour qu'il lui laisse le choix de dire non, au moins pour commencer.
-Alors Bodhi, que c'est-il passé après notre départ ? Je suis impressionné que tu ai réussi à faire voler le vaisseau avec ces blessures.
Bodhi baisse les yeux, honteux. Il se souvient. Quelqu'un a tiré une grenade dans le vaisseau. Il a sauté dessus et l'a renvoyé puis s'est jeté à terre, le dos tourné à la grenade et les mains sur la nuque pour éviter de subir trop de dégâts liés au shrapnel. Il a senti son dos criblé d'impacts et sa main brûler sous le souffle de l'explosion. Il a pensé que c'était trop près, qu'il y aurait des dégâts dans le moteur. Il ne s'en est pas occupé, trop soucieux de trouver ses partenaires et de les sauver. Il a failli tous les tuer.
-J'ai fais ce que j'ai pu, finit-il par dire en fixant le sol.
Il lui faudra deux mois pour réussir à raconter cette histoire. Ce n'est qu'en voyant Jyn rire dans son verre en murmurant son nom d'un air désespéré qu'il comprendra qu'il est un héros. Pour l'instant, ses compagnons n'insistent pas. Bodhi voit bien qu'ils le traitent comme quelque chose de fragile. C'est vrai, il sent que son esprit peut rompre à tout moment, mais cela lui fait du mal de se voir traiter ainsi. Il voudrait être fort comme eux qui ignorent si facilement la douleur, qui acceptent ce qu'ils ont perdu. C'est presque un soulagement pour Bodhi d'être conduit dans la cuve de bacta.
Ils y restent tous un long moment, soulagés de voir s'envoler leur souffrance après le manque de soin de la veille. Leurs blessures les ont lancé toute la nuit. Ils somnolent pendant toute la durée du traitement. Les rares fois où ils ouvrent les yeux, ils peuvent observer l'équipe médicale affairée à empaqueter le matériel.
L'Alliance rebelle ne pouvait se permettre de perdre les vaisseaux qui lui restaient après Scarif dans une seconde bataille spatiale, même pour évacuer une partie du personnel de la base. Maintenant, il est urgent de l'évacuer au cas où Tarkin ait transmis sa position au reste des troupes impériales. C'est peu probable, décrète Cassian. Tarkin était du genre à garder pour lui tous les détails d'une opération jusqu'à la fin afin d'être sûr d'en récolter tous les lauriers. Cependant, aucune précaution n'est superflue avec l'Empire.
Avant le départ se tient tout de même une cérémonie de remerciement pour les héros qui ont permis la destruction de l’Étoile de la Mort. Baze et Jyn sont les seuls en état d'y aller mais refusent.
-Même si mon père a aidé à détruire cette horreur, il serrait de mauvais goût que la fille d'un de ses concepteurs se tienne à côté de la dernière des Organa.
Cassian n'est pas d'accord avec elle, mais respecte sa décision. Quand à Baze, il refuse catégoriquement d'aller à la cérémonie et refuse de s'expliquer. Les autres comprennent bien que la raison a à voir avec sa crise de foi et l'état de santé de Chirrut. Les dirigeants de l'Alliance n'insistent pas. Ils ont quatre héros à exhiber, rayonnants de jeunesse et de bonne santé.
Dès la fin de la cérémonie, c'est la débandade. Des dizaines de vaisseaux de toute taille décollent. Rogue One est plus jeté que conduit dans un vaisseau médical et conduits dans la nouvelle base de l'Alliance. En deux heures, il ne reste plus aucune trace de la rébellion sur Yavin IV, mis à part le manque de poussière à l'intérieur des vieux bâtiments et quelques clairières récemment déboisées pour servir de pistes d’atterrissage.

Les cinq premiers jours après Scarif semblent avoir duré une éternité pour Rogue One. La douleur et l'angoisse concernant les plans sont fautives. Les semaines suivantes, le temps semble s'accélérer autour d'eux. A l'infirmerie, rien ne se passe. Ils attendent de guérir avec une impatience de moins en moins contenue. Dehors au contraire, chaque rebelle semble réquisitionné pour une mission urgente et dangereuse. Chaque personne qui atterrit à l'infirmerie a une histoire à raconter sur une course poursuite avec Dark Vador, l'interception d'un convoi de prisonnier ou le sauvetage d'un camarade en détresse. On traite Rogue One en héros, mais pas avec cette camaraderie déférente que les gens adoptent envers Skywalker. Non, on regarde leurs blessures et on les traite en invalides qui ne pourront plus jamais servir la rébellion. Chirrut est le seul à s'en amuser. Il ne voit pas de différence avec la façon dont on le traite habituellement.
Jyn en particulier le prend très mal. D'eux tous, elle est la première à être physiquement sur pied et prête à l'action. Malheureusement, dès qu'elle commence à s’entraîner pour récupérer son endurance perdue, elle est assaillie de maux de tête et de nausées. Son hyperacousie la force à se réfugier dans l'infirmerie où elle s'occupe en aidant Cassian et K2 à analyser la programmation de ce dernier pour le jour où ils lui trouveront un corps de rechange.
Au bout de trois semaines d'immobilisation complète, Cassian se voit enfin poser une prothèse au genou. Il lui faut subir deux semaines de rééducation laborieuse pour enfin recevoir l'autorisation de se lever. C'est tout juste s'il ne sort pas au pas de course de l'infirmerie en s'appuyant sur des béquilles pour aller supplier Mon Mothma et Leia Organa de lui trouver quelque chose à faire, même de l'archivage de données. Il ignorait que l'inaction le rendait si nerveux. S'il ne s'occupe pas la tête le jour, son esprit revient en boucle sur les pires actes qu'il a commis au service de l'Alliance et il se retrouve à vomir dans les toilettes les plus proches, soutenu par Jyn qui accumule les insomnies. Heureusement, Mothma et Organa se montrent compréhensives. La seconde l'intègre dans son équipe d'analystes ce qui permet à Cassian d'éviter d'aller voir le général Draven pour demander son congé. Deux jours plus tard, Jyn s'installe à côté de lui pour l'aider, sans demander la permission à qui que ce soit. Personne ne songe à protester.
Bodhi est le second à bénéficier de la greffe d'une prothèse et contemple avec soulagement sa nouvelle main des heures durant. Il se lève tous les jours lentement pour éviter les vertiges qui le saisissent parfois, marche et s'étire plusieurs fois par jour. S'il essaie d'en faire trop, le menacent les docteurs, il risque de se déchirer un muscle ou de rouvrir les blessures de son dos en lui rappelant qu'il a failli ne plus jamais pouvoir marcher sans assistance. Ils sont surpris de le voir si attentif à suivre leurs ordres. Bodhi veut revoler un jour. Il ne risquera pas de briser son rêve parce qu'il a été trop pressé. Chirrut dit à qui veut l'entendre qu'il a la patience d'un jedi. Baze rétorque qu'ils n'ont pas du croiser les même jedi. Finalement, il obtient l'autorisation de s'aventurer du côté du hangar où les pilotes de la résistance se réunissent. Il est accueilli à bras ouvert, à sa grande surprise. On se dispute presque pour lui proposer d'aider à réparer tel ou tel vaisseau pour entraîner sa nouvelle main à des tâches difficiles.
Les deux anciens moines sont loin de faire preuve de la même patience que Bodhi et font le désespoir de l'équipe médicale. Ils ont décidé d'être le plus tôt possible sur pied et ignorent tous les conseils de patience. Les infirmiers se démènent pour cacher tout ce qui peut servir de canne à Chirrut avant sa greffe, mais celui-ci trouve toujours quelque chose pour faire l'affaire. Dès qu'il a enfin reçu sa jambe, les choses empirent. Il quitte à tout bout de champ l'infirmerie à l’affût d'endroits particuliers pour méditer ou pour aller discuter des heures durant avec Luke Skywalker. Dès lors, impossible d'empêcher Baze de lui courir après, même s'il boite encore légèrement et que les docteurs aimeraient les voir éviter de tirer sur leurs innombrables cicatrices.
Semaines après semaines, leur état s'améliore, à l'exception de celui de K2. L'état de sa mémoire se dégrade de plus en plus, au point qu'il finit par choisir de s'éteindre jusqu'à ce que ses compagnons lui trouvent un corps où le transférer.
Les cinq humains s'échappent de l'infirmerie à chaque occasion possible, avec ou sans accord mais y reviennent tous les soirs. Ils tiennent à obtenir un bon bulletin de santé le plus vite possible et doivent prouver aux docteurs excédés que leur état de santé ne se dégrade pas. Ils les laissent refaire les bandages, vérifier la cicatrisation de leurs blessures et la consolidation de leurs os. Ils parlent aussi entre eux, difficilement d'abord, puis avec aisance. Jyn leur décrit la mort de sa mère avant d'aboutir, tremblante, entre les bras de Cassian. Bodhi parle de son enfance tranquille sur Jedha, de son engagement, de ses désillusions face à l'Empire et son désir de le fuir, toujours plus fort. Cassian avoue qu'il n'avait pas dix neuf ans la première et seule fois où il a envisagé d'en finir avant de renoncer et de reposer son blaster sur ses genoux. Pas parce qu'il avait peur, mais parce qu'il pensait que c'était égoïste de se tuer pour oublier ses souffrances et sa honte alors qu'il restait tant à faire pour rétablir la liberté dans la galaxie. Baze parle de l’angoisse qui l'a saisit quand il est rentré d'un pèlerinage à l'autre bout de la planète pour découvrir que le temple était détruit et que Chirrut avait été emmené par l'Empire pour refus d'obtempérer. Il parle de l'horreur qui l'a étreint lorsqu'il s'est introduit dans une prison pour découvrir l'homme qu'il aimait désespéramment marqué de dizaines de coups de bottes, à moitié nu et à moitié mort, le regarder avec des yeux désormais aveugles. Chirrut, lui ne parle du passé que s'il peut évoquer les moments joyeux, leur premier baiser sous la pluie, la beauté des cristaux de kyber. D'autres fois, il leur parle du futur, de la Force et de Skywalker.
Ils finissent par véritablement se connaître. Ils savent ce qui les rend gai, ce qui les rend tristes. Ils savent quels sujets peuvent être abordés et quand. Ils apprennent à faire avec l'humour de Chirrut, les ronflements et les grognements de Baze, les rires nerveux de Bodhi, les colère de Jyn et les silences de Cassian. Ils apprennent à ne plus s'en faire les uns autour des autres et à former une famille.
Bien sûr, ils continuent à souffrir de ce qu'ils ont vécu, se réveillent parfois en sueur en entendant des explosions ou des tirs de blaster qui n'existent que dans leur tête. Il leur suffit de fermer les yeux et ils sentent le sable de Scarif sous leurs pieds et le goût du sang dans leurs bouches. Ils savent qu'ils ne s'en remettront jamais, qu'ils se sentiront toujours en sursis car ils auraient dû mourir sur les plages de Scarif.
Et enfin vient le soir où Mon Mothma s'invite dans leur chambre à l'infirmerie pour leur annoncer en souriant que l'Alliance rebelle a une mission pour Rogue One. Ils sont prêt à transformer leur survie inespérée en quelque chose de grandiose.

star wars rogue one, fic, auteur:aonach dubh, pour:lady tuxedo mask

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