Titre : Love’s bite.
Auteur : Blatula (participant 3)
Pour : Intelligence Service (participant 5)
Fandom : Left 4 Dead 2
Personnages : Nick/Ellis, Rochelle, Coach.
Rating : NC-17 (pour violence, mention de sang, blessures, cadavres, suicide, etc.)
Disclaimer : L’apocalypse zombie et les personnages coincés dedans appartiennent à Valve.
Prompt : Nick/Ellis, Coach, Rochelle - Ellis n'arrête pas de parler de Keith et Nick trouve ça agaçant. Coach et Rochelle pensent que Keith était le petit ami de Ellis avant l'apocalypse zombie, mais Nick ne l'imagine même pas parce qu'il est totalement hétérocentré. Mais un jour Ellis laisse glisser que Keith et lui étaient très intimes, et tout à coup Nick réalise qu'il est jaloux - et ce avant même d'être choqué que Ellis soit bi (ou gay, mais il me semble qu'il a des répliques dans le jeu qui laisse penser qu'il aime les femmes...)
Note : Comme c’est une apocalypse j’ai saupoudré un peu d’angst çà et là (vraiment un chouia), et j’ai essayé de rendre leurs petites aventures au moins un peu réalistes. J’ai décidé de ne pas prendre de campagne particulière. J’espère que ça te plaira !
« Tiens-toi tranquille Nick, ton bras ne va pas se recoudre tout seul !
-Ouais, ben si un certain abruti armé ne m’avait pas tiré dessus, j’aurais pas besoin d’être recousu.
-Ellis ne l’a pas fait exprès, pour la cinquième fois. Arrête de te plaindre. »
Nick émit un grognement pour ne pas avoir à répondre. Il savait très bien que ce n’était pas la faute d’Ellis. Un peu plus tôt dans la soirée, le petit groupe de survivants, qui avait jusqu’ici avancé tranquillement, s’était retrouvé pris au piège par une horde de zombies. Par chance, ils s’étaient trouvés près d’un abri, mais les quatre compagnons de fortune durent se défaire d’un hunter juste à quelques mètres de l’entrée. La créature s’était jetée sur Nick et Ellis avait tiré. Fin de l’histoire.
« Aie ! Bordel, Rochelle, fais un peu gaffe.
-Eh, je ne suis pas infirmière je te signale. Je te rappelle qu’avant toute cette merde, j’étais présentatrice et j’avais jamais touché une aiguille de ma vie. Alors tu vas devoir faire avec ou je te laisse te débrouiller seul.
-Ça va, ça va… »
Pour se distraire un peu de la douleur pendant que Rochelle continuait de recoudre consciencieusement les plaies causées par le coup de fusil (et qu’elle avait un peu contribué à agrandir en enlevant les éclats de métal), Nick détourna la tête pour tendre l’oreille vers le babillage incessant d’Ellis. Venant du fond de la cuisine ravagée de ce qui fut autrefois un petit restaurant, le jeune homme était en « grande conversation » avec un Coach qui ne l’écoutait visiblement que d’une oreille.
Lorsque Nick avait rejoint le petit groupe plusieurs semaines plus tôt, il n’avait pas beaucoup cherché à les connaitre, pensant les quitter à la première occasion. Malheureusement, ils n’avaient jamais attrapé l’hélico d’évacuation, et l’ancien escroc n’avait pas eu d’autre choix que de rester avec eux pour assurer sa survie. Nick détestait cette situation : le concept de confiance mutuelle n’avait jamais fait partie de sa vie d’avant…
« Allez, c’est la dernière coupure. Après je te bande tout ça et ton bras sera comme neuf !
-La bonne blague… »
Nick tenta d’ignorer la brûlure infligée par l’antiseptique que Rochelle était en train d’appliquer. Il reporta à nouveau son attention vers Ellis, faute d’avoir autre chose à faire. Coach avait fini par s’endormir, ou en tout cas somnolait, sur un tas de coussins crasseux et tachés de sang. Mais le jeune homme ne semblait pas l’avoir remarqué, embarqué qu’il était dans son histoire.
« …Et puis Keith a démarré la bagnole pour essayer de semer les flics. Il a toujours adoré les courses poursuites dans les films, alors c’est ce qu’il a fait ! Mais en fait il a seulement roulé sur quoi, cent mètres avant de caler. Plus d’essence ! Alors après les flics l’ont fait sortir et ils l’ont écrasé contre le pare-brise pour lui passer les menottes, tu vois. Et il était toujours complètement à poil, et mort de rire en plus ! Et ensuite… »
Nick fronça les sourcils. Depuis le début, Ellis semblait n’avoir qu’un seul ami, Keith, et ne pouvait s’empêcher de constamment parler de lui. Leurs aventures étaient souvent rocambolesques et parfois complètement farfelues, même aux yeux de Nick qui estimait avoir pas mal roulé sa bosse.
« Jamais il la ferme, le môme ? demanda-t-il à Rochelle, qui terminait d’agrafer les bandages ensemble.
-Tu sais bien que non. Voilà, j’ai terminé. »
La jeune femme se leva et alla ranger le kit de soins dans son sac à dos avant de se poser près de Coach sur le tas de coussins. La nuit était déjà bien avancée au dehors.
« Ellis, est ce que tu pourrais la mettre en veilleuse s’il te plait, ça serait sympa, marmonna Coach en baillant.
-Oh, ouais. Ok. Pas de problème. »
Le silence retomba sur l’abri. Au dehors, quelques zombies trainaient lentement leurs carcasses en grognant. Pendant que Nick examinait son bras endoloris, Ellis attrapa la veste de costume autrefois blanche et la lui tendit, un peu hésitant :
« Ecoute, Nick… Je suis désolé de t’avoir tiré dessus. »
L’ancien escroc lui jeta un regard en coin, peu pressé de répondre. Il récupéra quand même sa veste et entreprit de l’enfiler. Ellis s’assis à côté de lui sans rien dire, sur l’escabeau miteux que Rochelle venait de quitter.
« Raaaaaaah putain de bras à la con. Et putain de veste à la con.
-Je croyais que tu l’aimais cette veste… osa timidement Ellis.
-Ouais… mais c’est plus qu’une loque maintenant, grommela Nick. »
Heureux que Nick lui prête attention, Ellis continua :
« Bah, elle est juste un peu poussiéreuse.
-Et maintenant elle est aussi déchirée et pleine de sang. Tu sais combien je l’ai payé ce costume ? Une petite fortune ! Quand je pense que je l’ai trainée partout avant cette apocalypse de mes deux, elle était toujours putain d’impeccable. »
Du coin de l‘œil, Nick vit le jeune homme se ratatiner un peu sur son pauvre escabeau. Ellis était visiblement très gêné et l’escroc en tira une certaine satisfaction. Fier de son commentaire, il laissa passer quelques longues secondes de silence, avant de finalement avoir pitié du gamin. Après tout, il lui avait quand même sauvé la vie.
« Allez Ellis, c’est pas ta faute, t’en fais pas… dit-il avec un faible sourire. Les excuses et les remerciements n’étaient pas vraiment son fort.
-Alors tu m’en veux pas trop ?
-… non, gamin, je t’en veux pas. Juste, essaie de mieux viser la prochaine fois.
-Eh, tu pourrais me donner quelques conseils tu sais ? »
Nick fit mine de réfléchir quelques secondes. Ellis n’était pas un mauvais bougre, et au fond, Nick devait bien s’avouer qu’il l’aimait bien. Mais il se rendait aussi compte que plus ça allait, plus il se retrouvait à copiner avec les membres de leur petite bande. Et ça, ça lui plaisait moyennement.
« Non parce que c’est vrai, tu mets toujours dans le mille ! Tu sais, mon pote Keith aussi tirait comme un pro, c’est lui qui m’a appris d’ailleurs. Avec les révolvers de son paternel. Il avait même un fusil sniper planqué dans son garage ! On allait souvent à la chasse ensemble. Ah, une fois, il est carrément allé piquer des cibles dans un stand de tir…
-Oui, bon, ça va… pourquoi pas, finit-il par répondre.
-Cool ! Sans rancune alors ?
-Sans rancune, Ellis. »
Satisfait, le jeune homme se leva de son escabeau et abattit une grande tape amicale sur l’épaule au bras blessé de Nick, qui aspira de l’air bruyamment en grimaçant sous l’effet de la douleur.
« Oups, désolé…
-Allez, va dormir, soupira Nick. »
Il regarda Ellis obéir en silence et se dit que lui aussi, il avait bien mérité un peu de sommeil.
*******
Nick se réveilla en sursaut, alerté par des coups de feu.
« Ah, tu l’as eu !
-Par-là, un deuxième. »
L’ancien escroc grogna, une habitude qui commençait sérieusement à s’installer. Son bras blessé lui faisait un mal de chien. Comme les coups de feu continuaient, il leva sa tête du sac à dos qui lui avait servi d’appui tête pendant la nuit pour voir ce qu’il se passait à l’entrée de l’abri.
Il ne fut qu’à moitié étonné lorsqu’il aperçut Ellis en train d’encourager Coach, tous deux armés et tirant sur des zombies à travers les barreaux de la porte.
« Putain, nan mais je vous jure, de bon matin… quelle heure il est d’abord ? »
Aucun des deux hommes ne sembla entendre la question de Nick. Ce fut Rochelle qui lui répondit :
« Il est six heures et demie, d’après l’horloge qui est là. »
Elle désigna du doigt une horloge crasseuse accrochée au-dessus de l’évier de l’ancienne cuisine.
« Mais il pourrait aussi bien être sept heures. Elle n’a pas l’air de très bien fonctionner. »
Nick se leva tant bien que mal et alla la rejoindre, s’installant sur son tabouret de la veille.
« Comment va ton bras ?
-Un mal de chien. Pareil qu’hier. Mais merci de demander.
-Y a pas de quoi. Toujours en rogne contre Ellis ?
- J’étais pas vraiment en rogne contre Ellis. Qu’est-ce qu’on peut avaler dans ce trou ?
-Du pain sec et du saucisson. Il faudrait qu’on arrive à se ravitailler bientôt. On a presque plus d’eau non plus.
-Et le robinet la, il coule pas ?
-Non.
-Super… »
Pendant que Nick mangeait sa part de ce qui constituerait son seul repas de la journée, Coach et Ellis continuaient de tirer sur les zombies qui avaient le malheur d’entrer dans leur champ de vision :
« Woh oh oh ! Et une bouillie de zombie, une! A mon tour. »
Coach passa son arme à Ellis qui mit en joue un autre zombie. Il lui tira dans la tête.
« Ah ! Encore un.
-Vous savez que plus vous faites du bruit, plus vous allez en attirer vers nous ? Leur fit remarquer Rochelle.
-Allez, ça va, Roch, s’il y avait une horde dans les parages, elle serait déjà là. Ça doit bien faire une heure qu’on tire.
-S’il te plait Ellis, ne m’appelle pas « Roch»…
-Mais Nick t’appelle bien comme ça lui !
-De toute façon, il y en avait déjà un bon nombre dehors, alors autant éclaircir les rangs le plus possible avant de partir, intervint Coach. Nick, tu te joins à nous ? »
Rochelle leva les yeux au ciel en soupirant, avant de retourner dans le fond de la cuisine pour faire l’inventaire de leurs ressources. Elle leur tourna le dos et ne prêta plus attention au reste du groupe.
Nick hésita. Il croisa le regard d’Ellis qui lui souriait, l’air joueur. Il finit par s’approcher des deux hommes et dégaina son Magnum. Il devait se faire une raison : il était coincé avec eux et créer des liens semblait inévitable…
« Alors, à combien vous en êtes ? »
******
« Bordel de merde, Roch ! »
Nick courut vers la jeune femme qui s’accrochait tant bien que mal, suspendue dans le vide.
« C’est bon, je suis là, attrape ma main ! » L’encouragea-t-il.
Son bras, blessé un mois plus tôt, le tiraillait encore, mais il serra les dents et souleva la jeune femme de toutes ses forces. Lorsqu’elle fut enfin remontée, il la laissa reprendre son souffle une minute.
« Merci Nick. J’ai bien cru que cette saloperie allait m’avoir.
-Pas de quoi. Allez, faut qu’on bouge, Coach et Ellis sont partis devant. »
Rochelle acquiesça et les deux survivants continuèrent leur chemin le plus rapidement possible, longeant la corniche sur laquelle ils étaient perchés au douzième étage d’un immeuble. Le jour précédent, ils avaient pu lancer un signal de détresse et un petit hélico était venu secourir le groupe de survivants. Pour la première fois depuis des semaines, ils avaient eu le sentiment d’être en sécurité, et l’espoir que leur course folle pour la survie soit enfin terminée… Jusqu’à ce que le pilote se transforme lui aussi en zombie.
Coach avait plus ou moins pu reprendre les commandes de l’hélico après qu’ils aient réussi à se débarrasser du pilote, et les avait fait atterrir assez lourdement sur le toit d’un immeuble, brisant les hélices et tordant la tôle. Par chance, le petit groupe s’en était sorti indemne, mais le vacarme avait attiré la horde de morts vivants qui infestait l’immeuble. Ils avaient juste eu le temps de se servir dans les stocks de l’hélico : packs de soin, nourriture lyophilisée, gourdes, sacs, armes… avant de fuir à nouveau.
Nick et Rochelle rattrapèrent enfin Coach et Ellis à l’angle de la corniche. Le jeune mécanicien était occupé à démolir la fenêtre d’un appartement, apparemment vide de zombie, afin qu’ils puissent tous revenir dans l’immeuble.
« Ah, c’est vous ! dit Coach. J’ai failli vous tirer dessus. Ça va Rochelle ?
-Oui, oui. Ça va.
-C’est bon, on peut entrer ! » Lança Ellis.
Les survivants traversèrent le cadre de la fenêtre, évitant au possible de marcher sur les bouts de verre et de bois tombés au sol. Une fois tous dans le salon de l’appartement, ils laissèrent glisser leurs sacs sur le sol et prirent le temps de souffler.
« Est ce que tout le monde est entier ? lança Nick, se tournant en particulier vers Rochelle.
-A part des égratignures, ça va, répondit elle.
-Bon, alors est-ce que quelqu’un sait dans quelle ville on se trouve?
-Aucune idée. C’est important ?
-…non, c’était juste pour savoir.
-Eh, vous trouvez pas que ça pue ici ?
-Tu veux dire, plus que d’habitude ?
-Perso, je prendrais bien une douche si c’était possible. Avec du savon et tout ça.
-Moi aussi.
-Non mais vraiment, les gars, ça chlingue !
-Ellis, l’immeuble est visiblement infesté de zombies alors oui, c’est un peu normal que ça chlingue…
-Et moi je dis que ça sent bizarre, Nick.
-C’est toi qui sent bizarre, Crado.
-Bon, vous deux, arrêtez de vous chamailler. Allons voir ce qu’il y a dans cet appart. » Intervint Rochelle, et les trois hommes la suivirent en silence, armes à la main.
L’appartement en question était assez grand et toutes ses ouvertures avaient été minutieusement barricadées à l’aide de planches de bois et de métal. Il n’y avait plus d’électricité mais tout semblait en bon état, protégé des zombies à l’extérieur. Il possédait une grande cuisine, un salon décoré qui en faisait le double, une salle de bain et cinq chambres, dont une fermée à clé. Une forte odeur semblait en effet émaner de celle-ci :
« Je vous avais dit que ça sentait pas net ici.
-Vous croyez qu’on va trouver quoi derrière ?
-Je suis pas sure que ça soit une bonne idée d’enfoncer la porte, Nick…
-Rochelle, passe-moi ta lampe torche. »
La jeune femme tendit l’objet à Coach qui s’en servit pour regarder par le trou de la serrure.
« Alors ? Tu vois quelque chose ? » Demanda Ellis, impatient.
Coach se recula, un air sombre sur le visage.
« On devrait laisser cette porte fermée.
-Quoi ? Pourquoi ?
-… C’est une famille.
-Oh. »
Le silence retomba dans l’appartement, seulement entrecoupé par des bourdonnements d’insectes et des grognements lointains.
Nick ne dit rien, mais il donna une tape qu’il voulait réconfortante sur l’épaule de Coach. C’était triste à dire, mais ils s’étaient tous habitués à voir des cadavres, et la puanteur constante dégagée par les zombies ne les dérangeait plus vraiment. Mais parfois, ils tombaient sur des humains, intacts, qui s’étaient suicidés avant de mourir de faim, ou d’avoir eu la malchance de se voir dévorer. Coach ne le supportait pas.
Tandis que Rochelle, sans un mot, retournait avec lui dans la cuisine de l’appartement, Nick attrapa Ellis par les épaules :
« Viens, allons voir cette salle de bain de plus près.
-Bonne idée. »
Heureux de s’en éloigner, les deux hommes quittèrent le couloir des chambres pour se glisser dans la salle de bain moderne.
« Waouh. J’en avais jamais vu de si chic.
-Eh, y a de l’eau! »
Au même moment, Rochelle passa la tête par la porte ouverte et leur lança :
« Les gars, y a encore plein de bouffe dans la cuisine et les robinets fonctionnent !
-Ici aussi Roch. Et mate un peu ce stock de shampoings !
-Bon, ben j’y vais en premier, pas de négociation. » Dit Ellis qui commença à se déshabiller.
Rochelle leva les yeux au ciel, mais acquiesça en souriant et battit en retraite vers la cuisine.
« J’espère qu’il y a de l’eau chaude, continua Ellis.
-N’en demande pas trop quand même. »
Alors que le jeune homme se débarrassait de son caleçon, penché en avant, Nick se surpris à l’observer. Gêné, il reposa un peu trop rapidement les produits capillaires sur leur étagère. Les bouteilles oscillèrent une seconde et tombèrent bruyamment sur le sol carrelé de la pièce. Nick se figea, croisant le regard d’Ellis qui s’était retourné, maintenant complètement nu. Nick se racla la gorge :
« Désolé. Je… je vais te laisser prendre ta douche. Seul.
-Eh, tu peux rester, ça me dérange pas. C’est pas comme si on s’était jamais vus à poil de toute façon. Et tu sais, Keith et moi on prenait souvent des bains ensemble. C’était géant parce qu’il avait cette énorme baignoire à jacuzzi qu’il avait récupérée dans un hôtel abandonné….
-Je vais quand même aller voir comment va Coach, le coupa Nick. Essaye de pas vider tout le shampoing.
-Ouais, ouais. »
Lorsque Nick ferma la porte derrière lui, il entendit Ellis dire « c’est bien pour ça qu’il faut toujours passer le premier » et rejoignit ses autres compagnons dans la cuisine. Rochelle et Coach étaient occupés à sortir des dizaines de boites de conserves des placards pour les poser sur la table.
Les sourcils froncés, il s’assit sur une chaise et se prit la tête dans une main. Quelle mouche l’avait piqué ? Il s’était déjà retrouvé dans des situations bien plus embarrassantes que de surprendre un jeune homme les fesses nues, et l’intimité entre survivants était réduite au minimum lorsque vous fuyiez constamment une apocalypse zombies… Alors pourquoi Nick s’était-il senti comme une vierge effarouchée ?
« Eh oh, Rochelle à Nick ? Ici la Terre ?
-Hum ?
-Est-ce que tout va comme tu veux ?
-Oui, oui, ça va. Qu’est-ce que tu disais ?
-Je disais qu’on a posé des pièges sur la fenêtre avec Coach, au cas où. Et aussi, qu’est-ce que tu veux manger ce soir ? Pour une fois qu’il y a du choix…
-Moi j’ai pris les raviolis aux épinards, dit Coach, qui semblait s’être remis de leur funeste découverte. Et il y a du corned beef. »
Nick se leva et s’approcha de la table, jetant vaguement un œil aux étiquettes. Il choisit une conserve de cassoulet qui était assez grosse pour deux personnes.
« Voilà. Et toi Roch, qu’est-ce que tu prends ? »
La jeune femme lui sourit et tira vers elle une énorme conserve de tartiflette.
« Oh. Bon choix, je suppose.
-Ces gens avaient dû faire un sacré stock quand toute cette merde a commencé, dit Coach. Je vais voir ce que je peux trouver d’autre à côté. »
Sur ce, il quitta la cuisine pour le salon. Une fois seuls, Rochelle se mit en quête d’un ouvre-boite.
« Dis Nick, t’étais bien pensif tout à l’heure, à quoi tu pensais ?
-A rien en particulier, juste… Ellis peux pas s’empêcher de la ramener constamment avec son copain Keith par-ci, son pote Keith par-là… Ça m’agace ! »
Ce n’était pas totalement un mensonge, mais il n’allait tout de même pas lui raconter l’épisode de la salle de bain.
« Bah, il a peut être juste besoin de temps pour se faire à l’idée qu’il ne le reverra surement plus. Il a l’air de beaucoup l’aimer.
- Je t’en prie, Roch. On cavale depuis je ne sais combien de temps maintenant. Je comprends bien que c’était son meilleur ami et tout ça, mais quand même. Pourquoi tu me regardes comme ça ? »
La jeune femme s’était tournée vers lui, son ouvre boite à la main, et le regardait comme s’il venait de dire une grossièreté. Enfin, une plus grosse que d’habitude. Elle fronça les sourcils :
« Tu ne t’en es vraiment pas rendu compte ? »
Nick ouvrit la bouche pour demander quoi, mais Coach, qui était revenu du salon les bras chargés de lampes, bougies et packs de piles, prit la parole à sa place.
« On pense que c’était son petit ami. Avant l’apocalypse.
-Quoi ? Non, pas possible, il était à fond sur cette gamine qu’on a croisée la dernière fois, Zoé. » Dit l’ancien escroc, comme si c’était une évidence.
Rochelle et Coach échangèrent un regard, mais ne relevèrent pas.
« Quoi qu’il en soit, reprit la jeune femme, essaye d’être un peu compatissant avec lui. Même si je te l’accorde, parfois il peut être un peu chiant avec ses histoires.
-Je suis même pas sûr que la moitié soient vraies… ricana Nick.
-La moitié de quoi ne sont pas vraies ? »
Les trois compagnons se retournèrent vers Ellis qui venait de les rejoindre. Il avait une serviette de bain enroulée autour de la taille et les cheveux encore humides, dégoulinants sur ses épaules nues.
« Tes histoires abracadabrantes, lui dit Rochelle.
-Oh, mais si, je t’assure ! Au fait, j’ai trouvé un poêle à essence dans un coin avec plein de bidons. On peut laver nos fringues et les faire sécher au-dessus.
-Génial, on va même pouvoir manger chaud du coup. » Se réjouit Coach.
Alors que les trois survivants s’affairaient dans la cuisine, Nick décida qu’il était temps pour lui d’aller se laver à son tour. Avec un peu de chance, il réussirait à ravoir son costume…
Ce soir-là, ils mangèrent tous à leur faim, propres et au chaud, et dormirent dans le confort et la sécurité relative du salon.
******
Nick et Ellis contemplèrent avec horreur le pont s’écrouler devant eux, les séparant de Coach et Rochelle qui se trouvaient à l’autre extrémité.
« Non… Non, non, non ! »
De l’autre côté du pont, Rochelle semblait leur hurler quelque chose, mais les sons n’arrivaient pas jusqu’aux deux hommes, noyés par le bruit du fleuve entre eux… Et de la horde qui leur arrivait dessus.
« Nick, on est dans la merde…
-Sans blague, j’avais pas remarqué ! »
Nick tira un cocktail Molotov de sa ceinture et le jeta le plus loin possible. La bouteille alla s’écraser devant la horde, répandant son contenu sur toute la largeur de la route barricadée. Les premières dizaines de zombies qui passèrent entre les barrières bétonnées prirent feu instantanément. Mais les créatures ne mourraient pas sur l’instant et continuaient d’avancer sur quelques mètres, laissant la place de passer à la seconde vague qui les piétinaient sans vergogne. Et les hurlements, qui émanaient de la multitude de créatures tassées derrière les barricades, leur glaçaient le sang. Il devait y en avoir des centaines et Nick se doutait qu’ils n’allaient pas survivre à un tel assaut. Pas à deux, d’autant plus qu’ils n’allaient tous deux pas tarder à manquer de munitions. Le corps à corps, dans une telle situation, était juste du suicide. L’ancien escroc redoutait aussi de voir arriver un Tank, qui défoncerait les barricades sans effort et qui se chargerait de réduire les deux hommes en charpie avant même qu’ils aient compris ce qui leur arrivait.
Jurant, Nick dégaina son Magnum et tira le pied-de-biche coincé dans une lanière de son sac à dos. Du coin de l’œil, il vit Ellis faire de même avec son fusil à pompe, et les deux hommes firent feu sur la horde.
Mais ils furent très rapidement submergés par le nombre, et dans la cohue de corps putréfiés, entre les giclures de sang et d’organes, Nick perdit Ellis de vue. Paniqué, il essaya de repérer le jeune homme au bruit de ses coups de fusil. Il fallait qu’ils traversent le fleuve, c’était leur unique chance de survie.
« Ellis ! Ellis ! Hurla-t-il, espérant que le jeune homme entende sa voix au milieu du chaos.
-Ici ! » Entendit-il entre deux coups de feu.
Ellis était un peu plus loin derrière lui, et Nick couru, se frayant un chemin à coups de pied-de-biche. Il finit par le trouver, adossé à un rocher tout au bord du fleuve. Sa jambe droite saignait abondamment.
Le cœur battant la chamade, Nick attrapa le jeune homme par le bras et l’entraina vers le fleuve, essayant d’ignorer ses cris de douleur. Il décrocha à tâtons sa dernière bombe, l’activa et la jeta le plus loin possible derrière eux. Les sons émis par l’engin attirèrent des dizaines de zombies autour de lui avant d’exploser, donnant aux deux hommes quelques secondes d’avance. Ils entrèrent dans les eaux glacées et boueuses sans perdre de temps.
« Est-ce que tu peux nager ? Demanda Nick à Ellis qu’il soutenait par les épaules.
-Ouais, j’crois… Putain de merde, ça fait mal !
-Je sais, mais là il faut qu’on traverse ! On peut le faire ! Roch et Coach nous attendent de l’autre côté, alors t’as pas intérêt à me lâcher maintenant ou je te fais la peau, tu m’entends ?! »
Le visage crispé, Ellis ne répondit pas mais il lâcha l’épaule de Nick pour avancer plus librement. Par chance, le courant n’était pas trop fort, mais la température de l’eau risquait de leur être fatale s’ils ne se dépêchaient pas. Sur la rive derrière eux, les zombies s’agitaient, se cognaient les uns aux autres, et à part ceux qui y tombaient par accident, ils ne cherchèrent pas à traverser.
Les deux hommes se servirent des débris du pont qui affleuraient comme d’ancrage contre le courant. Ils progressaient vite. Le froid qui leur anesthésiait le corps avait aussi fait diminuer la douleur dans la jambe d’Ellis. Mais à mi-parcours, la température commença à devenir un problème, car Nick sentait ses membres s’engourdir de plus en plus. Leurs doigts ne sentaient déjà plus rien et il était donc de plus en plus difficile de se déplacer contre le courant sans glisser. Et, bien vite, la fatigue les gagna aussi…
Nick commençait à désespérer.
« Je ne suis pas arrivé jusqu’ici pour claquer maintenant ! Pas comme ça ! Pas après toute cette merde !» Ne cessait-il de se répéter.
Ellis, non loin de lui, n’avait vraiment pas l’air bien. Son visage bleui par le froid reflétait son épuisement et il peinait à suivre le rythme de Nick, et celui-ci eut un pincement au cœur.
« Courage, gamin, on y est presque ! Encore un peu et on y est ! »
Enfin, après beaucoup d’efforts, ils atteignirent finalement la rive opposée et Coach et Rochelle se ruèrent vers eux pour les aider à sortir de l’eau. Claquant des dents et frigorifié, Nick se roula automatiquement en boule sur le sol tiède en comparaison. Il avait l’impression que son cerveau ne fonctionnait plus correctement et que ses bras allaient se détacher de son corps crispé.
«Oh mon dieu, Coach, il faut vite les réchauffer ! Ellis ? Ellis, réponds moi ! »
Nick se fit un effort qui lui parut surhumain pour se tourner vers le jeune homme inconscient, étalé à côté de lui dans à peu près la même position. Sa jambe s’était arrêtée de saigner et la griffure, maintenant visible car lavée par l’eau, ne semblait heureusement pas très profonde. Mais avait tout de même perdu un peu de sang, et dans leur état de malnutrition, ce n’était pas vraiment la meilleure des choses à faire.
Coach et Rochelle ne perdirent pas une minute et ensevelirent les deux hommes sous des plaids usés et des couvertures de survie, qu’ils avaient récupérés quelques jours plus tôt dans l’appartement dans lequel ils avaient passé une nuit après le crash de l’hélicoptère. Puis ils les trainèrent au sol jusqu’à un petit feu de camp non loin de là, protégé par un tas de rochers entassés les uns sur les autres. Nick se sentit tout de suite mieux, mais ils injectèrent tout de même une dose d’adrénaline à Ellis dans l’espoir que ça le réveillerait. Ce qui fut heureusement le cas.
Voir le jeune homme dans un tel état provoqua un pincement au cœur dans la poitrine de Nick. Ellis, qui était d’ordinaire plein d’entrain et d’optimisme (un peu trop même), était maintenant recroquevillé sous son plaid, pâle et tremblotant. Sa plaie à la jambe fut soignée et bandée, et les vêtements des deux hommes furent mis à sécher auprès du feu.
«Putain, c’est pas passé loin cette fois… »Dit Nick à Rochelle au bout d’un moment.
Elle s’occupait de ranger le kit de soin tandis que Coach faisait réchauffer le contenu de leurs dernières boites de conserves.
« Ca je te le fais pas dire.
-…Comment va Ellis ? »
Un grognement leur parvint de sous le plaid du jeune homme en guise de réponse :
« Merveilleusement bien… »
-Il est assez en forme pour faire du sarcasme donc je dirais que ça va, sourit Rochelle. Mais il ira encore mieux quand il aura mangé. »
Nick acquiesça, soulagé, et se retourna pour placer son dos face au feu. Lorsque les conserves furent bien chaudes, chacun mangea en silence, puis ils s’endormirent rapidement, serrés les uns contre les autres.
******
Le lendemain de l’épisode du pont, les quatre survivants empaquetèrent leurs affaires et filèrent dès que tout le monde fut prêt. Ils suivirent une route au bitume usé, jonchée de voitures abandonnées.
La nuit douce et calme avait suffi à Nick et Ellis pour reprendre des forces. Comme la jambe du jeune homme ne le faisait plus autant souffrir que la veille, ils avancèrent d’un bon pas et arrivèrent rapidement dans une petite ville dont le panneau indicatif avait disparu.
« Eh, je connais cet endroit ! Je suis déjà venu ici avec Keith.» Leur dit Ellis.
Il y avait heureusement peu de zombies, mais comme partout où ils allaient, les rues étaient jonchées de cadavres pourrissants. Après avoir fait rapidement le tour de la ville et récupéré tout ce qui pourrait leur être utiles, ils trouvèrent un abri sans difficulté et s’y barricadèrent.
L’abri avait été fait dans une ancienne petite supérette dont les étagères et les distributeurs étaient désormais vides. Des graffitis de survivants passés avant eux recouvraient les murs.
«Bon, comme c’est plutôt calme, je propose qu’on reste ici un jour ou deux, histoire de vraiment se reposer, proposa Rochelle une fois que chacun se fut débarrassé de son sac à dos.
-Proposition acceptée, répondit Nick sans hésiter. Parce qu’honnêtement notre petit plongeon d’hier, ça m’a littéralement presque tué. Sans parler du gamin ! D’ailleurs, il est passé où ?
-Coach ?
-Pas d’objection.
-Regardez ce que j’ai trouvé ! »
Ellis sortit d’une petite pièce sombre dans le fond de la supérette en brandissant fièrement un walkman et une boite de cassettes audio.
«Merde alors, ces trucs existent toujours ? Dit Coach en riant.
-Peut être qu’on peut le brancher sur le haut-parleur du magasin là.
-Ok, mais pas fort, hein ? Je tiens pas à voir rappliquer tous les morts vivants de la région !
-Relax, Rochelle. Promis je mets au minimum. »
Après quelques minutes de bidouillage, de la musique sortit enfin de l’unique enceinte perchée sur une étagère murale. Les survivants se mirent à l’aise. Pendant que Rochelle et Ellis, dont le moulin à parole qui lui faisait office de bouche s’était remis en marche, déballaient de quoi manger, Nick et Coach essayaient de remettre un vieux poêle en état de marche.
«…et c’est grâce à lui que j’ai appris à jouer de la guitare. Ce mec était vraiment un putain de génie. Parfois on allait au centre commercial et on se faisait passer pour des clodos, et on jouait. On avait pas vraiment besoin de fric mais c’était marrant. Une fois les flics sont venus pour nous éjecter alors on est allé se planquer dans un placard à balais. C’est vraiment super étroit un placard à balais, et on y est restés un moment !
-Et… il s’est passé quelque chose ? Demanda Rochelle.
- Les flics nous sont passés devant en croyant que c’était fermé et on s’en est sorti comme ça.
-Je veux dire, entre toi et Keith.
-Oh. Ouais… En quelque sorte.»
Rochelle lui sourit mais n’insista pas, et Ellis ne parla plus. De son côté, Nick, qui avait suivi toute la conversation, fut pris d’un sentiment étrange. Et d’une envie inhabituelle d’entendre la suite du récit du jeune homme.
« Et c’est tout ? Ne put-il s’empêcher de demander. Sérieux Ellis, tu nous fais de la diarrhée verbale dès que tu en as l’occasion, et maintenant tu nous laisse avec ça ? »
Tout le monde se tourna vers lui.
« Quoi ?
-Je croyais que les histoires d’Ellis t’agaçaient... » Commença Coach, qui échangea un regard entendu avec Rochelle.
Ces deux la savaient définitivement quelque chose que Nick avait raté.
« Elles vous agacent tous, et ne me dites pas que c’est pas vrai.
-Sympa, dit Ellis. Je vous signale que je suis toujours dans la pièce au cas où vous n’auriez pas remarqué. Et puis qu’est-ce que ça peut vous faire ce que j’ai fait avec Keith dans ce placard ? »
Tout le monde se tut, et Rochelle et Coach se tournèrent vers Nick, qui semblait soudainement très absorbé par ses chaussures. Il revoyait la discussion qu’il avait eue avec eux dans cet appartement, «on pense que c’était son petit ami. Avant l’apocalypse », et il eut soudainement l’impression que son estomac faisait des loopings entre ses côtes.
« Alors c’est vrai, c’était ton… petit ami ? Osa-t-il. Il devait savoir.
-Et alors ? » Fut la seule réponse d’Ellis.
L’ancien escroc n’en croyait pas ses oreilles. Comment ne l’avait-il pas remarqué avant ? Et il ne comprenait pas non plus d’où venait ce sentiment qui lui tordait les entrailles. Coach et Rochelle le regardaient l’air un peu inquiet.
« Nick, tu… est-ce que ça va ?
-Je vais chercher des cigarettes. » Répondit-il, comme si c’était la chose la plus normale à faire à un moment pareil.
Ses compagnons, étonnés, ne l’arrêtèrent pas lorsqu’il s’empara de son Magnum et de son pied-de-biche et franchit la porte blindée de l’abri. Il avait besoin de réfléchir seul.
Si ça allait ? Il n’en savait rien lui-même. Ce qu’il savait en revanche, c’est qu’il n’aimait pas Keith, ni l’idée qu’Ellis ait pu avoir des sentiments pour lui un jour… ou puisse toujours en avoir.