La Basilique Saint-Marc :
Pour les non-croyants, sans doute « caverne d’Ali-Baba » absolument exubérante. Opulence de l’influence byzantine. C’est étrange : dans les églises de la tradition catholique, il y a aussi de l’opulence, du luxe, mais c’est un luxe trop lisse, froid, avec comme un risque d’insincérité. Ici, une opulence désordonnée et, du coup, plus chaleureuse. Le retable de la « Nouvelle Jérusalem », hérissé de pierres précieuses, évoque vraiment une « Nouvelle Jérusalem », la cité de Dieu, étincelante et vivante.
Le Palais des Doges :
Un contraste saisissant entre l’intérieur clair, homogène, harmonieux - un cube blanc ciselé d’ocre orangé sur fond d’un ciel gris-perle - et l’intérieur : un dédale sombre de pièces plus ou moins petites ou de salles plus ou moins mal éclairées, où la symbolique du Pouvoir et de la Ville-République écrase les personnes privées. Leur place leur est clairement allouée, d’ailleurs, puisqu’elles ont le choix entre les trois pièces plus que modestes réservées aux appartements privés du Doge et les geôles de la prison. Pour tout le reste, allégories des vertus du gouvernement et Saints en gloire, des bas-reliefs lourdauds (peut-être parce que mal éclairés ?) et des estrades en bois sombre.
Des peintures et des fresque splendides, bien sûr (Tintoret, Bellini etc), mais, à force de tournoyer dans les pièces, on commence à se sentir coupé de l’extérieur et on en vient à s’imaginer de façon très vive à la place du Doge, enfermé dans son palais et dans son corps devenu avant tout le dépositaire d’un symbole, d’une autorité aussi écrasante qu’abstraite.
Le Pont des soupirs n’était pas visible de l’extérieur pour cause de travaux de restauration… soupir de déception !!!
Jour pluvieux avec l’impression que la lagune déborde dans la ville, non seulement par les canaux, mais aussi par le ciel qui est presque de la même couleur que l’eau.
Sta Maria del Salute :
On a l’impression d’être à l’intérieur d’une perle, si les perles pouvaient être creuses : une grande sphère gris clair.
Promenade dans la ville :
Dans les endroits où il n’y a que de la pierre, les ruelles étroites sans verdure ni ouverture dans l’espace. On oublie qu’on est « à l’extérieur » et a l’impression d’errer à travers une grande demeure, dont le Maître imaginaire ressemble à la Bête du conte de Mme Leprince de Beaumont ou peut-être à un magicien très puissant et très sage mais très solitaire qui s’est retranché loin du monde sur la Lagune.
L’Accademia :
Des chefs-d’œuvre accrochés à la va-vite sur des murs décrépits et négligés.
Le repas chez Lévi du Véronèse - « Guerre et Paix » du sujet biblique, monumental et aussi foisonnant et diversifié que la vie elle-même.
Bellini et sa lumière magique éclairant les visages pleins et sereins des Madones sous leurs voiles d’azur.
Basilique de St-Jean et Paul (Giovanni e Paolo):
Dans la pénombre vespérale, puis dans la nuit, les tombeaux incrustés très haut dans les murs : pour éviter d’être endommagés par les inondations ou tout simplement parce qu’il n’y a pas de terre pour les ensevelir, seulement de la vase ?
L’église dans la nuit est un lieu vraiment mystique, où le suggéré l’emporte sur le visible. Au-dessus de l’autel, les sculptures baroques des anges et de la Vierge avec leurs ombres, découpées sur le mur dans leur dos.
Une ambiance qui constituerait une mise en scène idéale pour une rencontre secrète près de l’un des grands piliers : le bruissement d’un vêtement, un pas pressé mais retenu, une main qui serre un poignet.