Dans les parcs du Sishuan, et autour des maisons de thé... la Chine du quotidien

Nov 12, 2017 20:46







Famille en barque, parc du Peuple



De retour depuis un mois, j’ai commencé une déferlante de photos de Chine sur Instagram.

Ne sachant comment aborder le récit de ce voyage, je vous propose aujourd’hui un article sur deux traits emblématiques de la culture Sishuanaise : les parcs et le thé.

Pourquoi Sishuanaise et non chinoise ? Tout simplement car nous sommes très peu sortis de cette Province, si ce n’est pour tenter une incursion dans le Shaanxi. Je ne pourrais donc pas faire de généralité sur l’ensemble de ce pays, que dis-je, de ce continent ! Il est tellement grand que ce serait comme faire des généralités sur les Norvégiens en n’ayant visité que le Portugal…





Parc de la Culture 2

Quoi qu’il en soit, les Sishuanais et plus particulièrement les habitants de Chengdu, la capitale de la Province, sont réputés en Chine pour détenir un certain « Art de vivre » et à mon sens, cette forte culture des parcs et des maisons de thé en fait partie. Chengdu est une modeste bourgade de 9 millions d’habitants… (pour échelle, Paris représente 2.5 millions d’habitants. Il faut donc considérer que Chengdu concentrera bientôt le même nombre d’habitants qu’une région bien peuplée de France). Ce combat pour la place (oui, car il faut bien loger tout ce petit monde) n’a pas empêché la survivance (car ça bétonne sec dans tous les coins, à Chengdu ) de poches de respiration d’une taille assez considérable.





Parc du peuple: la flaque verte entre les buildings

Ce qui est réellement marquant, ce n’est pas tant la taille, ou l’entretien, ou la modélisation du parc, c’est vraiment l’usage qui en est fait. Si en France, les parcs publics accueillent quelques représentants du 3ème âge, des promeneurs de chiens mal réveillés à la recherche d’un crottoir pour fauve familiarisé, et des mères de famille à la recherche d’un exutoire pour leur marmaille déchaînée, l’usage chinois est bien différent, et fait des parcs un véritable lieu de vie, pour tous les âges et pour tous les profils.





Partie d'échecs chinois

Il y a bien sûr « les Vieux », pour qui le regroupement au Parc est une véritable institution. Pas de connotation négative, d’autant que comme la plupart des Occidentaux, je suis bien en mal de donner un âge à une personne d’origine asiatique, mais comprendre par-là les personnes qui ne travaillent plus, qui blanchissent et parfois qui utilisent une canne pour se déplacer. Pour toutes ces personnes, de multiples activités offrent un large choix d’activité et d’investissement, et tout commence à la maison de thé du Parc.





Entrée d'une maison de thé

Ce qui est marquant, dès les premiers jours, c’est que ces personnes qui chez nous s’interrogent constamment sur leur utilité sociale, pour qui le positionnement social semble vraiment complexe et qui subissent une véritable crise d’identité au moment de la retraite (j’en veux pour exemple mon propre père), ne vivent pas du tout cette relégation (ou auto-relégation) en Chine. Nous avons vu des personnes retraitées hyper-actives, et des personnes vraiment âgées heureuses.





Parc de la Culture





Le petit couple trop mignon

Le groupe social est bien sûr très différent de chez nous, et je ne sais pas dans quelle mesure la Révolution Culturelle n’est pas à l’origine de cette forte cohésion du groupe, mais les Anciens ont une vie sociale assez intense. On croise beaucoup de grandes tablées de Vieux qui se marrent et qui parlent très fort, dans les parcs, et c’est assez rigolo ! Ce sont également les rois du majong, ce jeu d’argent que l’on pourrait assez facilement rapprocher du Poker, tant il y a quand même une part de chance dans le tirage des pièces du départ (mais aussi une dimension de stratégie, de calcul et de rapidité). Les parties d’échecs chinois (autre jeu, bien distinct du majog, et avec des règles de déplacement de pièces différents des échecs occidentaux) ne se jouent pas uniquement entre deux personnes mais devant un groupe qui commente la partie, discutent les stratégies des joueurs et conseillent des tactiques aux deux camps, des affrontements clairement animés où chacun y va de son commentaire !





Parc du peuple: barques colorées

Les dames sont quant à elles très attirées par les arts du chant et de la danse, mais les messieurs n’y sont pas complètement absents non plus. On croise donc de nombreux groupes de danse en ligne (comme à la salle de sport : les participants reproduisent individuellement la chorégraphie esquissée par l’organisateur). La cacophonie en résultant a donc exigé que les autorités placent des compteurs de décibels dans les principaux lieux d’installation, afin de permettre la coexistence de plusieurs groupes. Pour l’occidental moyen, cela peut quand même se rapprocher assez souvent de l’agression auditive : de manière générale, la perception du bruit et du volume sonore acceptable est manifestement un fossé civilisationnel entre Occidentaux et Sishuanais… Comme toute grande ville, des codes sociaux d’auto-discipline permettant le vivre ensemble dans la proximité et l’exiguïté tendent à s’installer, mais des traits caractéristiques demeurent parmi lesquels le crachat intempestif (très chinois) et l’interpellation, l’interjection à très haute intensité…





Parc du Peuple: avec le compteur de Décibel derrière (pas triste)

Il y a aussi ce moment gênant où tu traverses l’agence matrimoniale à ciel ouvert, où des petites annonces proposent des célibataires bon à marier, salaires, photo et mensurations à l’appui. Ce ne sont pas les intéressés eux-mêmes qui se proposent mais plutôt leur entourage, qui s’inquiète de la transmission de la descendance. C’est un peu le café du Commerce, car les ça donne lieu à du placement de produit argumenté le part des grands-parents dans les allées…





Bonzaï

Néanmoins, ça fait des parcs un lieu assez attachant. On trouve aussi pas mal de locations de pédalos, de barques et d’autres attractions comme des manèges pour enfants, ou des vendeurs de brochettes. Mais ce sont surtout les maisons de thé qui tiennent une place importante dans les parcs et qui fédèrent aussi toutes les personnes qui les traversent.

Le thé est clairement partout, et est définitivement la boisson nationale la plus répandue. Les Sishuanais se déplacent toujours munis d’une gourde et de petits sachets de thé en vrac, qui permettent d’infuser vraiment n’importe où, grâce à toutes les fontaines à eau bouillie qui sont accessibles dans l’ensemble des lieux publics (et complètement gratuites) : parcs, stations de métro, gares, trains, etc... Dans un pays où l’on ne peut pas boire telle quelle l’eau du robinet, la fontaine à eau bouillie fait office de ravitaillement en cas de soif. On vous sert du thé avant même votre commande au restaurant, ou en signe de bienvenue, dès que vous êtes accueillis chez un particulier. Chez les plus pauvres, ou dans les territoires de montagne, cela peut être aussi une sorte d’infusion de plantes locales, voir même une simple eau chaude. Mais la température est le gage du non-empoisonnement.





Maison de thé

Les maisons de thé, quant à elle, ne sont pas des lieux de prestiges, comme on l’imagine facilement en occident, très influencés par  les images diffusées ces dernières années autour de la cérémonie du thé japonaise et du marketing autour du thé Matcha. Les maisons de thé chinoises sont vraiment comme n’importe quel café, dans un pays où l’on ne cultive ni le cacao ni les fèves de café : quand tu veux boire un coup, tu vas à la maison de thé (en journée s’entend, le soir, il y a des bars pour picoler).





Cérémonie du thé

Il découle de cela que l’on peut très bien faire un séjour en Chine en ne buvant que des thés de piètre qualité, car comme c’est une consommation de masse, il y a des thés de toutes les gammes et de tous les goûts. Ce que l’on te sert à la maison de thé n’est ni plus ni moins le même thé que les Chinois achètent au super marché : un truc quelconque, avec parfois pas mal d’amertume. Un Lipton au café du coin quoi (bon, ok, c’est du thé vert en vrac, mais ce n’est pas toujours bien meilleur).

Néanmoins, il y a plein d’appellations de thé, et de variétés vraiment chouettes, mais c’est plutôt des thés que les Chinois s’offrent en cadeau, et qui n’est pas destiné à une consommation quotidienne, mais plutôt aux « grandes occasions », du style quand tu as un invité de marque chez toi. La rareté fait souvent le prestige, ainsi que le caractère rétréci de la production (un versant, considéré comme mieux exposé de la montagne Emei se distinguera du reste de l’appellation, et se vendra plus cher, par exemple).





La maison de thé: thermos de flotte

Dans le cas des maisons de thé classiques, on paye plutôt la location du fauteuil et de la tasse. On vous donne une tasse avec un sachet de thé en vrac à jeter au fond de celle-ci. La tasse se compose souvent d’une soucoupe qui se transforme en couvercle par lequel on filtre le liquide chaud, pour ne pas qu’il refroidisse, mais aussi pour éviter le débit des grosses feuilles (pour le reste, on est sensé filtrer avec les dents). On infuse son thé jusqu’à une dizaine de fois en Chine : du coup, soit un bonhomme passe toutes les 5 minutes avec un énorme récipient d’eau bouillie pour resservir les clients, soit on vous donne un thermos de 2L d’eau bouillie, pour la table, mais vous ne payez pas une seule tasse, mais autant d’infusions que vous le souhaitez. Ce qui fait que pour 2€, on peut passer son aprem à la maison de thé, calé dans un fauteuil en bambou, à regarder le monde passer, jouer aux cartes, et picorer des graines (souvent graines de tournesol, maïs grillé, prunes séchées, graines de courges grillées, et cacahuètes fraîchement émondées).





Le nettoyeur d'oreilles

Un autre trait caractéristique des maisons de thé populaires sont les nombreux « artisans du corps » qui y déambulent ; il est fréquent qu’un masseur propose ses services pour défroisser des cervicales endolories, ou des trapèzes un peu tendus… en mode, massage chinois, donc avec attendrissement de bidoche à grand coup de tranchant de la main ! Les nettoyeurs d’oreille sont une autre curiosité : on les entend arriver de loin car pour appâter le chaland, ils se signalent en frappant leurs instruments de travail : des brosses et écouvillons pour conduits auditifs de différentes tailles. Cérémonie étrange que ce balai de professionnels du cérumen, avec leur petite musique de xylophène… et surtout assez impressionnant de les voir fourrer ces ustensiles dans le conduit de gens complètement détendus !





Le saltimbanque

Il y a aussi certaines maisons de thé plus prestigieuses, où l’on sert des thés d’appellation, mais elles sont extrêmement chères, et l’on y croise plutôt des groupes d’hommes en train de discuter des affaires importantes (comprendre avec de gros enjeux financiers), ou des familles qui ont un jour important à fêter. On propose dans ce cas des tables plus espacées, voire de petits salons privés.





Dégustation

Dans ce cas, au lieu de la traditionnelle tasse-soucoupe, on propose le service à thé chinois, avec son plateau à double fond, qui permet d’ébouillanter à l’eau chaude l’ensemble des ustensiles avant de commencer la dégustation (gage de propreté, certainement…). La première eau du thé est jetée (on rince le thé), et la théière minuscule permet justement de multiplier les infusions et de distinguer les différents stades : on dit d’un très bon thé qu’il a des particularités à chacune de ses eaux et que son goût évolue jusqu’à la septième infusion, il est donc important de l’apprécier à tous ces stades. Le filtrage est alors opéré par la théière ou par le versement dans un premier pot avant la tasse, si bien qu’il n’y a dans ce cas pas besoin de filtrer avec ses dents, ce qui est quand même beaucoup plus agréable.





Maison de thé du monastère Wenshu

Concernant les thés, je vous propose de vous référer à cet excellent article, écrit par un Occidental expatrié en Chine et qui résume bien les productions, et les appellations qu’il peut être intéressant de tester.

J’ai dégusté à Chengdu de très bons Puer’h, même si ce n’est pas du tout sa zone naturelle de production, puisque le Puer’h vient de la Province voisine du Yunnan (voisine mais aussi lointaine que la Pologne de Grenoble, si vous avez bien suivi). J’ai ramené du Zhuyeqing excellent, où je n’ai pas trouvé l’amertume tant redoutée, ainsi que du Ganzu, un thé vert plus ordinaire mais néanmoins assez léger, que j’aime beaucoup prendre au petit déjeuner, et qui a un aspect assez sympa de bouclettes. J’ai dégusté un excellent Puer’h aussi, affiné dans des coques de kumquat ou de mandarines… mais je n’en ai pas trouvé à ramener.





Degustation

Je vous laisse avec encore quelques dernières images des parcs de Chengdu. J’espère que cette première incursion en Chine vous a plu, et je reviens bientôt avec un autre article !





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Parc de la Culture 5





Parc de la Culture 4

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