Je ressors un ancien texte que visiblement je n'avais pas posté ici. C'est maintenant chose faite.
Fandom : Original (Sortir du Coquillage)
Personnages/Pairing : Allan, mention de Scott
Rating : PG - 13
Titre : Une Allumette
Claimer : Ils sont et seront toujours à moi et c'est très bien comme ça.
Allan aurait mille et une choses à faire. Assis à son bureau, il jouait machinalement des doigts sur son stylo et étouffa un juron quand il s'aperçut que l'encre de la plume lui avait copieusement taché les mains. L'étudiant posa le coupable devant lui, se prit la tête entre les mains et soupira. Ça ne lui ressemblait pas. Il était à mille lieues de sa copie. Ou du moins, même s'il était physiquement présent et à sa table de travail, son esprit vagabondait, bâillait allègrement aux corneilles. Il s'était fait la malle en lui adressant un beau doigt d'honneur. Le garçon ne put s'empêcher de rire en imaginant une représentation physique de ses pensées lui faire ce geste avant de se sauver en courant à travers la campagne anglaise. Drôle d'idée.
Cependant ça ne faisait pas avancer sa dissertation de linguistique et l'heure tournait. La pendule et son tic-tac lui semblaient étrangement détestables, à résonner en rythme dans le silence de la pièce. Comme s'ils voulaient lui dire « Eh, oh, coucou, nous sommes le temps qui passe, n'oublie pas que tu ne peux pas nous rattraper ! ». Allan détestait avoir l'impression de perdre son temps. Et il savait pertinemment que se forcer à travailler malgré l'état dans lequel il se trouvait était une perte de temps. A quoi bon ? Autant être honnête : il n'avait pas la tête à ça. Autant être honnête jusqu'au bout : il n'avait à vrai dire pas la tête à quoi que ce soit.
Allan aurait mille et une choses à faire mais il n'y en avait qu'une seule qui accaparait son esprit et ça ne lui plaisait pas. Pas du tout, même. Le jeune Campbell était un de ces garçons peu dégourdis avec leurs émotions ; plus on touchait à la profondeur de son être et de ses ressentis, plus c'était le flou artistique et plus c'était dur à expliquer. Il bafouillait, gaffait, peinait à mettre des mots sur ce qu'il vivait. C'était d'ailleurs là ce que lui avaient reproché toutes les filles avec qui il avait pu avoir des relations. Toutes, sans exception. Il trouvait ça affligeant à pleurer. Mais à cause de ses antécédents, Allan avait fini par presque se distancier de ses sentiments, comme s'il en était devenu le simple spectateur et comme si ce qu'il vivait lui était extérieur. Depuis Linda, sa correspondante en terminale, il n'avait jamais eu le béguin ou autre sentiment approchant pour qui que ce soit.
Et pourtant. Pourtant il s'était produit quelque chose qui avait dépassé sa capacité d'extériorisation et le touchait beaucoup plus qu'il n'aurait bien voulu l'admettre. Il était tombé sur un connard de prof, et pour faire bien, il s'était envoyé en l'air avec. Comme ça, à l'improviste, sans chercher à comprendre ou savoir pourquoi. Le sexe avait été absolument grisant et était en quelque sorte devenu la base de leur relation. Allan se demandait alors comment qualifier ladite relation. Coup d'un soir ? Oui mais le principe du coup d'un soir étant justement de ne durer qu'un soir, ça ne s'appliquait vraisemblablement pas à eux. Et quel eux ? Au fond, ce n'était qu'une histoire de coucherie sans doute sans importance. Ça lui passerait bien.
Non. Le jeune homme savait que ce n'était qu'une mauvaise et vaine tentative d'auto-persuasion. Le simple fait qu'il émît la possibilité implicite qu'il pût en être autrement montrait bien qu'il nageait dans le doute. Car c'était le cas. A l'instant T de dix-huit heures vingt-sept, Allan Campbell était aussi paumé que le village où habitaient ses grands-parents. Il était paumé et pour cause : ce qui s'était passé avec Scott Trevelyan soulevait en lui beaucoup trop de questions pour que cela pût rester tolérable. Il était capable de faire abstraction de ses soucis et refuser d'y faire face tant que les proportions prises demeuraient raisonnables. Mais pour le cas présent, c'était trop de questions, trop d'émotions ; on touchait de trop près à son intime pour que cela pût passer sous silence.
Oh il avait pourtant fui la question un certain temps déjà et de toutes les manières possibles et imaginables : éviter Scott, se noyer dans le travail pour ne surtout pas y repenser, boire jusqu'à ne plus réussir à se souvenir de l'endroit où il habitait... en vain. Il avait tout de même conservé suffisamment d'amour propre pour ne pas s'abaisser à coucher avec le premier type venu pour oublier ce dérapage malencontreux mais l'étudiant en venait finalement à se demander si cette solution n'était pas meilleure que toutes les autres réunies. Après tout, il ne ressentait que du désir pour lui non ? Donc en soi rien qu'un autre homme ne pourrait satisfaire...
Il envisagea un instant de se gifler. Qu'est-ce qui lui prenait au juste ? Pourquoi ce type lui tournait autant dans la tête ? Qu'est-ce qu'il avait de plus que ces filles avec lesquelles il avait pourtant eu de belles relations, en y repensant ? Trop de questions, pas assez de réponses, et trop de temps à réfléchir pour au final n'arriver à rien. Allan tournait en rond dans son esprit. Il pouvait retourner le problème dans tous les sens, les fils de ses raisonnements ne se démêlaient pas. Et quelque chose lui disait que ça n'était pas près d'évoluer. Nouveau soupir. Dix-huit heures trente-quatre. Sept minutes envolées toujours pour rien.
Alors le garçon décida qu'il avait assez émis de réflexions stériles pour le moment et se leva. Atteignit en quelques pas le salon, et se posta devant les immenses baies vitrées pour regarder le couchant. Le ciel qui flambait comme une immense banane et se teintait de couleurs alcoolisées, saturées : un peu de rose fuchsia ici, du mauve lavande là, et une bonne touche d'orange punch autour du disque solaire. Un tableau qu'il aimait à regarder, avec la même fascination à chaque fois. C'était pour lui comme la flamme d'une allumette qui vacille, décline lentement puis s'éteint et la comparaison lui plaisait.
La pression retombait. La cacophonie de ses pensées toutes plus chaotiques les unes que les autres laissait enfin place à un vide apaisant. En fin de compte, se dit-il, il se montait la tête pour rien. Il n'avait pas de problèmes et ne faisait que s'en inventer - comme si la vie ne se suffisait pas à elle-même avec ses aléas, il fallait sans cesse rajouter un niveau de difficulté supplémentaire -, ce qui était profondément idiot. Il n'avait pas de problème et retourna à la contemplation de ses baies vitrées. Il n'avait pas de problème et pour l'heure, il n'avait qu'à fainéanter parce que demain, on craquerait une nouvelle allumette.
Fin