Fandom : Loveless
Personnages/Pairing : Ritsu/Soubi
Rating : R
Titre : Piètre consolation
Disclaimer : A Kouga Yun. Gloire à elle.
En quittant la pièce, Ritsu eut un peu mal au cœur. Peut-être. Il se sentait presque coupable d’abandonner son élève ainsi, surtout après ce qui s’était passé peu de temps avant. Pourtant le professeur savait qu’il avait pris la bonne décision ; il était incapable de dire s’il aurait pu s’empêcher de dire à Soubi qu’il tenait à lui. Parce que c’était le cas. Il avait fini par s’attacher à son élève et plusieurs fois déjà l’envie de faire de lui son combattant lui avait traversé l’esprit. Il s’était posé une multitude de questions. Soubi en serait-il heureux ? Ne lui reprocherait-il pas par la suite de l’avoir emprisonné ? Etait-ce la bonne chose à faire ? Leur relation serait-elle durable ? Car oui, Ritsu savait. Il savait très bien ce que son élève ressentait pour lui - c’était plutôt voyant, pour ne pas dire évident - et c’était bien ce qui lui posait le plus gros problème.
Les sentiments de l’adolescent n’étaient-ils pas qu’un feu de paille qui se consumerait avec le temps ? Soubi était à ses yeux encore bien trop jeune pour savoir s’il l’aimait réellement. C’était pour cette raison que Ritsu n’arrivait pas à se résoudre à le garder près de lui. Si par la suite les choses changeaient et que sa pupille lui gardait rancune de son choix, il savait qu’il n’aurait pas la force de le retenir. Il s’en voudrait, entre autres. Il avait aussi peur de faire du mal à son élève ; il était d’une nature exigeante qui ne laissait que peu de place à l’erreur ou au regret et si Soubi semblait avoir été parfaitement en accord avec ses méthodes d’enseignement, rien n’était moins certain que son engouement pour la façon dont Ritsu voyait sa relation avec un combattant.
Il était bien plus dur avec ce qui lui était proche et en devenant la moitié de sa paire, le combattant blanc changeait de statut. Il passait à quelque chose de presque fusionnel et Ritsu ne supportait pas les écarts de conduite dans ce genre de relation. D’une part c’était dangereux, de l’autre c’était gênant. Si l’un commettait une erreur, dans la grande majorité des cas, l’autre en pâtissait aussi. Alors il n’aurait su dire si c’était de ses potentielles erreurs ou de celles de Soubi qu’il avait peur mais quoi qu’il en fût, il ne pouvait pas prendre un tel risque. Le garçon avait bien grandi, il avait pris du plomb dans la tête et il estimait qu’il était mûr en tant que combattant - c’était d’ailleurs pour cette raison qu’il avait accepté de lui faire franchir une dernière et ultime étape. Il considérait de ce fait trop dangereuse l’éventualité de faire de lui son propre combattant.
Il s’était retiré depuis longtemps alors que Soubi commençait tout juste… Il fallait savoir laisser la place aux jeunes, comme le disait le dicton. Cela lui rappela une conversation qu’il avait eue avec le sujet de ses réflexions, juste après la nuit qu’ils avaient passée ensemble. Sur l’oreiller, alors qu’il lui caressait distraitement les cheveux, il avait entendu Soubi lui proposer :
« Et si je devenais votre combattant, sensei ? »
Sa main s’était arrêtée net. Il avait alors regardé le garçon à présent dépossédé de ses affreuses oreilles droit dans les yeux et avait répondu un simple « Non » dont il n’avait pas pris mesure des conséquences. Il avait instinctivement formulé cette réponse parce que c’était ce que l’école lui dictait mais l’être humain qu’il demeurait en dépit de son manque parfois cruel de sentiments s’était éveillé et avait considéré la proposition avec curiosité. Ce n’est pas une si mauvaise idée, s’était-il dit, il est doué et comprend parfaitement ce que je lui demande, il serait mon combattant idéal. C’était vrai qu’aucun autre des élèves qu’il avait pu instruire jusqu’à Soubi n’arrivait à la cheville de ce dernier. C’était aussi vrai qu’il s’était pris d’une certaine affection pour lui et qu’il y avait quelque chose de particulier entre eux.
Mais il ne devait pas laisser cette attirance encore ténue prendre des proportions désagréables et prendre le dessus sur son sens commun. Soubi était trop jeune, ou il était trop vieux pour lui. Peu importait le point de vue duquel on se plaçait, ce n’était définitivement pas faisable. Avait-il espéré réussir à croire. Renoncer à cette possibilité que lui avait offerte le jeune homme avec tant de sincérité lui était cependant plus douloureux qu’il ne le pensait. Parti comme il était, l’instructeur se demandait s’il n’allait pas regretter son refus jusqu’à la fin de sa vie. Il secoua la tête. C’était disproportionné et sa réaction était on ne peut plus malvenue.
S’il avait le malheur de montrer qu’il n’était pas sûr de sa décision, Soubi lui en voudrait encore plus. Le garçon ne comprendrait jamais pourquoi il lui avait dit non à contrecœur. Alors c’était d’autant plus dur mais il fallait impérativement qu’il lui fasse croire qu’il n’avait aucun regret. Que c’était prévu, et qu’il ne pouvait de toute façon pas en être autrement. Quitte à ce que son élève le déteste, autant que ce soit pleinement justifié. Ritsu passerait pour un enfoiré sans cœur mais peu lui importait. Il était certain que ce n’était pas auprès de lui que Soubi trouverait le bonheur et l’épanouissement, alors autant ne pas prendre le risque de laisser un gamin aussi talentueux passer à côté de sa vie. Il était aussi là pour ça, bien que dans le cas présent il eût très envie d’occulter cette partie de son rôle. A défaut de pouvoir inscrire son nom sur ce corps qu’il avait sculpté au fil des entraînements, le professeur espérait au moins confier la suite des évènements à une personne capable de comprendre Soubi et, même si le terme lui paraissait pour la première fois injuste et détestable, à une personne qui saurait l’utiliser au maximum de son potentiel.
C’était mieux ainsi. Et puis il savait quelque part que son nom était inscrit dans le cœur et l’esprit de l’adolescent. Cela lui suffisait, au final, puisqu’il savait que Soubi lui appartiendrait toujours. Quoi qu’il arrive, à travers le temps, il serait sien. Les souvenirs du garçon n’étaient pas périssables. Une maigre consolation comparée à la paire idéale que, il le pressentait, ils auraient formé s’il avait eu la lâcheté - et non pas le courage comme le lui avait reproché son élève - d’apposer son nom sur lui. Consolation pourtant bien suffisante avec laquelle il partait volontiers. Il avait obtenu une fidélité éternelle de l’adolescent, qui valait bien plus que n’importe quel lien, concret, consommé ou platonique. Il s’en satisfaisait.
Fin