Fandom : Criminal Minds
Personnages/Pairing : Hotch/Reid, kinda
Rating : PG - 13
Titre : Late night visit
Disclaimer : A Jeff Davis
Note : Ecrit pour le Noël de
calliopel. Ici, en version française (oui parce qu'il y a une version anglaise)
A l’instant où Reid trouva la lettre, il sentit le monde s’écrouler autour de lui. Non, ça ne pouvait pas être vrai… Gideon ne pouvait pas avoir disparu comme ça. Il ne pouvait pas juste partir sans un mot pour le reste de l’équipe, pour lui…
Le jeune homme était abattu, il se sentait trahi par celui qui avait été son mentor. Gideon avait toujours été - et agi - comme un père pour lui, c’était impossible qu’il s’envole tout d’un coup. De plus, il aimait son travail. Un travail qui était l’essence même de sa vie, qui le consumait bien plus que n’importe qui d’autre.
L’esprit de Spencer prit une allure de néant, le temps s’arrêta autour de lui. Des bribes de souvenirs commencèrent alors à l’assaillir : sa première mission avec son mentor, ses conseils, la première fois qu’il l’avait battu aux échecs, la première fois où Gideon lui avait dit qu’il était fier de lui…
Reid aurait volontiers pleuré pourtant les larmes ne voulaient pas descendre le long de ses joues, comme si sa tristesse devait rester silencieuse, invisible. Il passa un moment là, totalement muet et immobile, comme vide. Les derniers mots de Gideon résonnaient dans sa tête. Chaque phrase, chaque point, chaque mot… même le contact du papier restait collé à ses doigts. Comme s’il était hanté.
Le fantôme de son instructeur serait derrière lui chaque pas qu’il ferait. Le plus jeune membre de l’équipe pouvait déjà entendre sa voix calme commenter ses actions. Ce devait être un horrible cauchemar. Ça ne pouvait pas être vrai ; Reid refusait catégoriquement de le croire. Dans la lumière tamisée de la cabane, il resta là, assis à la table sur laquelle la plaque et l’arme étaient posées. Il les regarda et comprit qu’il n’y aurait pas de retour en arrière, que la décision de Gideon ne pouvait et ne serait pas changée.
Encore abasourdi et perdu, Reid quitta la cabane et retourna à sa voiture. Il conduisit à une allure régulière tandis que le visage de celui qui avait été son coéquipier s’installait devant ses yeux, lui montrant toutes les expressions que le jeune homme avait connues. Ce sourire rassurant et compréhensif, ces yeux froids mais emplis d’espoir… Il allait finir par perdre la tête.
Les yeux rivés sur la route, le jeune docteur conduisait, presque automatiquement, comme si son cerveau s’était arrêté de fonctionner pour le protéger de ses propres souvenirs. Il avalait les kilomètres, plongeant encore plus loin dans les ténèbres de son esprit. Reid ne savait même pas où il allait et son esprit était dans le même état. Il était physiquement comme mentalement en pleine plongée vers l’inconnu, vers les recoins sombres du monde et de lui-même.
Piégé par le maelström de ses sentiments, il était incapable de savoir s’il devait être en colère, triste ou compréhensif. La déception s’invita alors dans sa tête. Peut-être en avait-il trop attendu de son professeur, qu’il pensait capable de tout surmonter. Qui avait tout surmonté.
Gideon avait après tout réussi à se remettre d’un traumatisme sévère cause par son échec avec Franck et était retourné au travail pour regarder encore plus loin dans les abysses. Gideon avait vécu l’enfer. Il avait survécu à cet enfer et c’était très certainement pour cela qu’il arrivait à voir des choses que Hotch ne percevait pas.
Reid n’était pas du genre à refuser la réalité mais c’était trop. Il secoua la tête dans une tentative de se convaincre que tout ça n’était qu’une chimère, le fruit de son imagination. Ce n’était après tout pas la première fois qu’il avait ce genre de cauchemar. Alors pourquoi celui-ci semblait-il si réel, si présent ? C’était comme s’il était enfermé dans son esprit, son propre prisonnier, piégé dans une cellule virtuelle dont il ne trouvait pas la sortie.
Un certain temps passa avant que Reid ne reprenne conscience. Quand ce fut le cas, sa voiture était arrêtée et garée en face d’une maison. Incapable de reconnaître l’endroit, il sortit du véhicule et regarda plus attentivement la façade. C’était apparemment une maison aisée, bien tenue et plutôt récente. Ses yeux voyagèrent du toit jusqu’aux fenêtres, puis jusqu’à la porte et aux environs. Il remarqua une voiture qui lui sembla familière.
Une voiture noire qui appartenait au chef d’équipe du BSC, Aaron Hotchner. Reid se demanda l’espace d’un instant pourquoi il avait fait tout ce chemin, puis finit par se dire qu’il pouvait saisir cette opportunité pour avoir une conversation en privé avec son patron. Après tout, Hotch connaissait plutôt bien Gideon, peut-être comprendrait-il quelque chose qui lui avait échappé…
Il frappa timidement à la porte. Spencer était toujours mal à l’aise quand il faisait ce genre de choses - et à la vérité, il le faisait rarement -, se considérant presque comme un intrus qui franchissait les barrières entre le travail et la vie privée. Il prit soudainement conscience de l’air froid et frissonna. Ses muscles se raidirent. Un moment passa et il commença à se demander s’il n’était pas trop tard pour discuter avec Hotch. Il était sur le point de partir quand la porte s’ouvrit. Reid s’attendait à rencontrer le visage endormi d’Aaron mais, loin de là, il vit un homme tourmenté dévisageant la gêne qu’il représentait.
« Oh, Reid. Qu’est-ce qui t’amène ?
- Euh… désolé, Hotch. Si je dérange, je m’en vais.
- Ce n’est pas une réponse. Quelque chose ne va pas ?
- Eh bien… »
Il savait presque trop bien ce qui n’allait pas chez son collègue. Cela faisait deux semaines qu’ils n’avaient pas eu de nouvelles de Gideon et Reid était le membre de l’équipe dont il était le plus proche. Aucune surprise. Après avoir envisagé toutes les possibilités, Hotch parvint à une simple conclusion : il devait le faire entrer.
« Tu veux entrer ?
- Oh… non, j’étais juste…
- Juste en promenade dans le coin ?
- C’est à peu près ça, oui.
- A quatre heures du matin ? »
Il était donc si tard ? Néanmoins le jeune homme ne pouvait pas montrer qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il faisait dans les environs à une heure pareille.
« Si on veut. Je… je pense qu’en fait j’ai besoin de parler avec vous.
- Si c’est ça, tu vas devoir entrer. »
Reid pesa lui aussi le pour et le contre avant d’abdiquer :
« D’accord… »
Hotch s’écarta de l’entrée pour laisser passer son équipier. Il referma ensuite la porte et retourna vers le canapé où il s’était visiblement allongé. Reid était toujours debout, ses yeux se promenant au hasard dans la pièce, notant inconsciemment chaque détail, même le plus infime, qui pourrait le renseigner sur le chef de l’équipe.
« Tu devrais t’asseoir. » dit Hotch en pointant le fauteuil face à la porte d’entrée
Spencer obéit en diligent. Il n’aimait pas quand son supérieur utilisait cette voix sombre mais lente. Pour lui, cela s’interprétait comme « je n’ai pas l’éternité devant moi alors dépêche-toi qu’on en finisse ». Ce n’était pourtant pas ce qui était signifié et Aaron comprit immédiatement qu’il devrait engager la conversation s’il voulait que son coéquipier se détende :
« C’est à propos de Gideon ? »
Pas de réponse mais l’attention de Reid revint vers le visage de son supérieur. C’était suffisant.
« Il est arrivé quelque chose ? » poursuivit-il calmement
« Pas exactement. Je suis allé à sa cabane et j’ai juste trouvé une lettre.
- Une lettre ?
- A mon attention. Elle était sur la table, à côté de son arme et de sa plaque. »
C’était clairement ce qui troublait Reid. En regardant plus attentivement, l’agent vit sur le visage du plus jeune toute l’incompréhension, le chagrin et… était-ce de la culpabilité ? qui le ravageaient sans bruit.
« Et que disait la lettre ?
- C’est là que ça devient bizarre, il… donnait une sorte d’explication.
- Une explication à son départ ?
- Il disait qu’il avait besoin de retrouver un sentiment particulier. »
Spencer était perdu. Il n’y avait pas d’autre mot pour le décrire. Il était perdu comme un enfant abandonné par ses parents et effrayé, submergé par la peur.
« Reid. »
Le jeune homme leva les yeux en entendant le timbre de la voix. Ce n’était pas souvent qu’il - et d’ailleurs tout le monde au BSC - avait l’occasion d’entendre Hotch parler ainsi.
« Tu penses que c’est ta faute ? »
Il devait l’avouer. D’une certaine manière, il se sentait coupable. Le plus âgé le savait et plutôt qu’attendre une réponse, il continua :
« Si c’est le cas, arrête. On sait tous les deux que ce n’est pas ta faute.
- Mais Hotch, il -
- Assez, Reid. Il est parti de son propre chef, parfaitement conscient de la portée de ses actes et aucun d’entre nous n’aurait pu changer ça. Il a décidé tout seul.
- Je ne suis pas d’accord. J’aurais dû savoir. Je… J’aurais dû être capable de l’en empêcher bien avant !
- Comment ?
- Eh bien il avait été absent pendant deux semaines ! Chacun d’entre nous aurait dû être inquiet d’un tel comportement mais ce n’était pas le cas.
- Alors tu crois que parce que tu es plus intelligent que toute l’équipe réunie, tu dois porter ça tout seul ? Ne sois pas bête. »
Il voulut protester mais fut arrêté par un regard noir et une paume lui ordonnant de ne pas objecter.
« C’est vrai que tu étais proche de lui. Tu le connaissais bien, d’une façon différente de la nôtre. Mais ça ne veut pas dire que tu es plus responsable. Comme je te l’ai dit, c’était son choix. Personne ne l’a forcé.
- Mais supposez qu’on ait tenté de l’aider ! Serait-il vraiment parti comme ça ?
- Oui. »
Les deux hommes se regardèrent pendant un temps, Reid tentant de ravaler ses arguments, Hotch se contenant de le secouer verbalement. Le jeune docteur abandonna le premier et changea de sujet :
« Où sont votre femme et votre fils ?
- Ils sont partis. »
Spencer crut avoir mal entendu. Ses yeux vinrent prudemment se poser sur le visage d’Aaron et il comprit. Il comprit quelle était la cause de toute cette tristesse qu’il avait sentie ces derniers jours. Les semaines précédentes avaient été dures pour lui : sa suspension, le départ de Gideon, la tentative de Prentiss, ses problèmes avec la drogue - car Reid savait que c’était aussi un problème pour son patron… et ajoutés à cela, ses problèmes personnels, qui ne pouvaient en aucun cas le gêner dans son travail.
Cela le fit réaliser que le FBI oubliait parfois qu’ils étaient tous humains. Il sentit soudain une pointe d’admiration monter en lui alors qu’il regardait son aîné. Malgré tous les obstacles qu’il avait à franchir, Hotch restait fort, imperturbable. Il faisait toujours un travail remarquable au BSC, quels qu’étaient les problèmes qu’il rencontrait. Reid sentit alors qu’il devait déranger son chef avec ses histoires de regret, colère et incompréhension. Il se leva soudainement avec l’intention de partir mais une voix profonde dans son dos l’arrêta net :
« Qu’est-ce que tu fais ?
- Comment ça qu’est-ce que je fais ? Je m’en vais, bien sûr.
- Pourquoi ?
- Parce que je ne devrais pas être ici, par exemple !
- Qui a dit ça ? »
Il était calme. Il n’y avait pas la moindre note d’agacement ou de fatigue dans sa voix. Reid s’arrêta en face de la porte et se retourna lentement vers son collègue. Ce dernier s’était levé et l’observait. Il y avait quelque chose d’étrange, pensa le plus jeune.
« Je… je ne dérange pas ?
- Pourquoi tu dérangerais ? C’est moi qui t’ai dit d’entrer, non ?
- C’est vrai…
- Ca va te paraître étrange que je dise ça, mais… je crois que je n’ai pas envie d’être seul ce week-end. »
C’était effectivement curieux d’entendre Hotch dire quelque chose comme ça mais dans l’esprit de Reid, il était évident que son supérieur avait besoin de compagnie, de quelqu’un à qui il pourrait parler. Ou bien peut-être voulait-il simplement quelqu’un dans la même pièce que lui ; ainsi, il ne se sentirait pas seul et ne penserait pas constamment à Haley. Le jeune homme fit un pas en direction de son interlocuteur, encore indécis sur ce qu’il devait faire. Il se contenta de dire, avec un sourire réconfortant :
« Ce n’est pas étrange, je comprends. »
Oui, il comprenait parfaitement. Spencer eut un sourire maladroit pour son interlocuteur et reprit sa place dans le fauteuil. Les deux hommes s’installèrent dans un silence confortable que la présence de l’autre suffisait à combler. Les mots viendraient plus tard, s’ils avaient besoin de venir.
Fin